Tendances et événements au Proche-Orient

La position exprimée par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, au sujet de la conférence de paix d’Annapolis, convoquée par George Bush, et que la secrétaire d’État Condoleezza Rice a tenté de sauver lors de sa dernière tournée au Moyen-Orient, jette le doute sur la possibilité de sa tenue dans les circonstances actuelles.
Les doutes exprimés par Abbas montrent que l’intention des États-uniens n’est pas de conclure une paix entre Israéliens et Palestiniens mais d’imposer à ces derniers les conditions de l’État hébreu qui se résument à l’abandon du droit au retour et la relégation aux calendes grecques des questions de Jérusalem, des frontières et de l’eau. De même, Washington espère élargir à l’Arabie saoudite et d’autres pays arabes dits « modérés » le processus de normalisation avec Israël. En contrepartie, les Palestiniens n’obtiendraient que de vagues promesses sous forme d’une « déclaration conjointe ». Il ne sera évidemment pas question d’un quelconque calendrier pour régler les questions-clé en suspend.
Des sources palestiniennes bien informées assurent que Mahmoud Abbas ne sera pas en mesure de conserver la moindre crédibilité ou représentativité politique s’il se plie aux conditions israéliennes et accepte de descendre en deçà du plafond fixé par le leader historique des Palestiniens, Yasser Arafat, qui avait refusé des offres encore plus intéressantes que celles qui sont présentées aujourd’hui par Ehud Olmert.
Si Mahmoud Abbas campe sur ses positions et refuse de se rendre à Annapolis dans les circonstances actuelles, il est fort probable que l’Administration Bush se résignera à reporter la conférence. D’autant que l’Égypte a exprimé de fortes réserves et que la Syrie, qui n’a été invitée que verbalement, refuse de participer à toute conférence qui n’évoquerait pas la question du Golan occupé.
Dans ce contexte, la réconciliation entre le Hamas et le Fatah, à laquelle œuvre discrètement le président égyptien Hosni Moubarak, sera un besoin inévitable pour le peuple palestinien. De nouveaux rapports de force seront alors établis au niveau de la région.

Presse et agences internationales

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 William Arkin
Quelles sont les raisons qui ont poussé Israël à mener un raid en territoire syrien, le 6 septembre dernier ? Les informations contradictoires en provenance de Syrie et le silence sans précédent observé en Israël, à Washington et à Téhéran, rendent la réponse à cette question difficile. Trois scénarios sont envisageables pour expliquer ce qui s’est passé, il y a six semaines.
 1. Israël a découvert un programme nucléaire syrien secret et l’a étouffé dans l’œuf.
 2. L’État hébreu a ordonné ce raid en se basant sur des informations erronées.
 3. Ce raid était en fait un acte de diversion pour détourner l’attention d’un autre événement.
Le premier scénario serait appuyé par des photos prises par un espion israélien d’un site nucléaire présumé. Ces clichés auraient été confirmés par des images prises par un satellite US. Vendredi, le Washington Post précise que les autorités syriennes ont commencé à démonter ce qui reste du site visé par l’aviation israélienne qui comportait un petit réacteur nucléaire.
Mais Israël a peut-être lancé ce raid pour montrer sa capacité de dissuasion, après ses derniers revers au Liban l’été 2006. Il est difficile de croire que la Syrie, avec l’aide de la Corée du Nord, soit assez stupide pour croire qu’elle peut construire, impunément, un réacteur nucléaire. Il est donc plus logique de penser que c’est Israël qui a tort dans cette affaire, et qu’il a basé son raid sur de fausses informations. D’ailleurs, il est probable que l’État hébreu n’ait attaqué aucun site nucléaire, car de toute façon personne n’a montré les images de telles installations. L’attaque et le tapage médiatique qui l’a accompagné étaient peut-être destinés à couvrir autre chose. Et tant qu’Israël n’aura pas fourni les preuves de ce qu’il a détruit, il est légitime de s’imaginer que beaucoup de chose sont en train de se passer dans les coulisses.
 Dan Fromkin
Quatre jours après la déclaration de George Bush selon laquelle la meilleure façon d’éviter une Troisième Guerre mondiale est de démanteler le programme nucléaire iranien, le vice-président, Dick Cheney, a menacé l’Iran « de graves conséquences » s’il continue sur la même voie. Cheney a procédé à une forte escalade contre Téhéran dans un discours qu’il a prononcé dans un centre de recherches proche d’Israël. Il a pour la première fois, accusé ouvertement l’Iran, d’être impliqué dans les attaques menées contre les GI’s en Irak. Mais le vice-président n’a présenté aucune preuve étayant ses accusations. Selon le commentaire du correspondant de la ABC, le discours de Cheney ressemblait fortement à l’avertissement qu’il avait lancé le 31 janvier 2003 (c’est-à-dire deux mois avant l’invasion de l’Irak) devant des militants républicains, selon lequel les États-Unis ne permettraient pas à un dictateur (en allusion à Saddam Hussein, ndlr) qui a des liens connus avec le terrorisme, de contrôler le Moyen-Orient et de menacer les intérêts de l’Amérique.
Les spécialistes estiment que l’Administration Bush est en train de hausser le ton contre l’Iran. Le discours agressif de Cheney illustre peut-être l’intention de George Bush de mener une action, peut-être militaire, pour stopper le programme nucléaire iranien. Et cela, avant de quitter ses fonctions le 20 janvier 2009.

NEW YORK TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Les États-Unis sont responsables de la tension entre l’Irak et la Turquie parce qu’ils n’ont pas anticipé les problèmes qui peuvent surgir lorsqu’ils ont établi les maudits et mal préparés projets d’invasion de l’Irak. Le problème actuel a besoin d’être résolu en urgence, dans le cadre d’un plan de retrait immédiat et organisé. Les dirigeants civils turcs sont soumis à une très fortes pressions populaires pour se venger du PKK, et à celle de l’institution militaire qui veut réimposer son influence sur le Premier ministre Recep Tayyeb Erdogan en raison de ses origines islamistes.
Ankara doit savoir qu’une éventuelle invasion du Nord de l’Irak non seulement accentuerait le chaos et augmenterait la possibilité de voir le pays sombrer dans une guerre civile, mais porterait aussi atteinte à la place de la Turquie sur la scène internationale. De même qu’elle donnerait le coup de grâce à son éventuelle adhésion à l’Union européenne.

MAARIV (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
La Corée du Nord a-t-elle transféré à l’Iran des moyens lui permettant de fabriquer dans un proche avenir, peut-être dans les mois qui viennent, une bombe atomique ? Cette affaire a été évoquée récemment aux États-Unis dans le sillage des rapports et articles qui ont commenté le raid contre un réacteur nucléaire fourni à la Syrie par Pyongyang.
La communauté du renseignement en Occident procède ces dernières semaines à une réévaluation des capacités nucléaires de l’Iran pour voir si ce pays est en passe de maîtriser les moyens nécessaires à la fabrication d’un engin atomique, à la lumière des informations qui font état d’un possible transfert du savoir-faire nord-coréen. Le programme nucléaire en Corée était le plus avancé parmi les États que George Bush a placés dans l’Axe du Mal.

YEDIOT AHARONOT (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
 Youlil Marcos
Ce sont les menaces directes de détruire Israël qui sont derrière la mise en garde de George Bush que le meilleur moyen d’éviter une Troisième Guerre mondiale est d’empêcher l’Iran de fabriquer la bombe atomique. Tant que Bush sera président, il conservera la prérogative d’attaquer l’Iran et de détruire son infrastructure nucléaire. Mais il n’est pas clair si l’opinion publique états-unienne appuierait une telle option. La menace de Téhéran de tirer 11 000 missiles en une minute s’il est attaqué est un ballon d’essai, si c’est Israël qui est concerné. L’Iran ne possède pas un tel nombre de projectiles capables d’atteindre Israël. Mais il possède des missiles de courte portée, dont certains sont équipés d’ogives chimiques, capables de provoquer de grandes destructions en Arabie saoudite, au Qatar et au Koweit. L’Iran a aussi des plans d’attaques terroristes dévastatrices aux États-Unis même.
Il est dans l’intérêt d’Israël de coopérer avec le monde pour imposer des sanctions sévères contre l’Iran. Mais il n’est nullement dans son intérêt de prendre la tête de ceux qui prônent une attaque militaire.

Tendances et événements au Liban

Le paysage politique et médiatique libanais apporte, tous les jours, des preuves et des indices supplémentaires sur la volonté de l’opposition libanaise d’éviter la confrontation et d’encourager l’entente sur un candidat consensuel à la présidence. Les yeux sont rivés sur les démarches du président du Parlement Nabih Berri, dont l’initiative reste au centre de toute l’activité politique. En parallèle, il est clair que l’attitude positive des chefs de l’opposition chrétienne, Michel Aoun et Sleimane Frangié, a permis de relancer l’initiative du patriarcat maronite, après que l’ancien président Amine Gemayel se soit résolument rangé du côté de ceux qui recherchent le compromis. C’est ce qu’il a publiquement déclaré après sa visite chez Nabih Berri, mardi, en compagnie d’une autre personnalité du 14 mars, le député Ghassan Tuéni.
Face à ces indicateurs positifs, des signaux négatifs sont émis principalement par le chef des anciennes milices des Forces libanaises, Samir Geagea, et du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. Geagea a une nouvelle fois rejeté, mardi, l’idée d’une réunion entre les quatre principaux leaders maronites du pays : Michel Aoun, Sleimane Frangié, Amine Gemayel et lui-même. Dans le même temps, Joumblatt et certains députés du Courant du Futur de Saad Hariri, ont poursuivi leurs violentes attaques verbales contre le Hezbollah, bien que le parti de la Résistance ait clairement affiché son appui à toute démarche susceptible de mener à l’entente inter-libanaise.
Dans cette ambiance, il est clair que le 14-mars sera incapable de réunir une majorité simple les dix derniers jours du mandat d’Emile Lahoud pour élire unilatéralement un nouveau président. Le ministre Mohammad Safadi a clairement affirmé, mardi, qu’il ne participerait pas à une séance parlementaire qui ne serait pas présidée par Nabih Berri. Il a déclaré que toute séance convoquée et dirigée par le vice-président de la Chambre, Farid Makari, conduira à la disparition du Liban.
Pendant ce temps, Beyrouth attend jeudi la visite du ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul Gheith, dans une première tentative du Caire pour régler la crise libanaise. La position de l’Arabie saoudite reste, elle, aussi floue que celle des États-Unis, au sujet de la présidentielle libanaise..

Presse libanaise

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Il reste dix-huit jours pour le Liban afin de trouver un compromis. Sinon, le pays se dirige inéluctablement vers le danger et la division.
Le comité inter-maronite de Bkerké établit, samedi, la liste des candidats consensuels. Pendant ce temps, Nabih Berry et Saad Hariri poursuivent leur dialogue.
Sur un tout autre plan, le Liban est menacé de sombrer dans l’obscurité, car les crédits nécessaires à l’achat de fuel pour les centrales électriques n’ont pas été débloqués par le gouvernement.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Le comité de Bkerké se trouve devant une semaine décisive. Le grand défi auquel il se trouve confronté est d’établir une liste de candidats consensuels. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, presse les Libanais de s’entendre sur le respect de la date de l’élection présidentielle.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.