La politique agricole menée par la Confédération depuis quinze ans supprime successivement des mesures de protection importantes pour l’agriculture paysanne et encourage l’agriculture industrielle avec toutes les conséquences négatives pour l’homme, l’économie et la nature. Dans cette situation précaire, il est donc de mise de chercher une issue pour les agriculteurs, les PME, l’économie ainsi que pour chaque citoyen. Depuis plusieurs années déjà l’Association suisse Industrie et Agriculture SVIL s’occupe justement de ces questions et cherche la collaboration économique pour tous les citoyens. Il serait souhaitable que les garanties de souveraineté alimentaire et de sécurité alimentaire soient discutées à nouveau comme devoir général du citoyen, comme devoir de l’Etat de droit envers la communauté, d’avantage que comme un devoir incombant aux « consommateurs » et aux « producteurs ».

ar. Dans sa conférence d’introduction, Hans Bieri, secrétaire général du SVIL, a présenté le projet d’un « Pool » dont le but est de former une communauté des acteurs de l’économie. Le pool devrait, dans un premier temps, renforcer la position des agriculteurs sur le marché par rapport aux concentrations d’acheteurs, pour permettre aux premiers de déterminer, d’entente avec les citoyens, la qualité, la quantité et le prix. Dans ce contexte, les explications de Bieri par rapport à l’augmentation des prix des matières premières agricoles sur le marché mondial sont intéressantes. Si les aliments et le fourrage deviennent rares, le pouvoir d’achat élevé ne nous servira à rien, nous devrons au contraire revenir à une alimentation par notre propre production, et à la protection de l’agriculture indigène. A ce propos il a cité un article de la « Neue Zürcher Zeitung » (Globalisierung im Portemonnaie, 28 septembre, no 225, p. 17) David Bosshart, PDG de l’institut Gottlieb Duttweiler : « Comme solution, Bosshart propose en quelque sorte le contraire de la mondialisation, c’est-à-dire le retour à une production et une chaîne de livraison régionales. Un nouvel essor pour le protectionnisme ou même une nouvelle forme de ‹Plan de culture de sol› (le plan Wahlen), Bossart ne les considère pas du tout comme des scénarios aberrants. »
L’historien Peter Moser, directeur des archives agricoles à Zollikofen près de Berne a dit à propos des causes et des conditions préalables de la mondialisation qu’il ne s’agissait pas d’un état naturel, mais de la conséquence de comportements humains, par là même influençables. A l’heure actuelle, on est de nouveau à la recherche de nouvelles formes d’organisation autonome. Dans ce contexte il a décrit le développement des coopératives à la fin du XIXe siècle. Les coopératives seraient devenues en Europe de l’Ouest les organisations d’entraide les plus importantes dans le domaine de l’alimentation ; elles auraient été « presque toujours beaucoup plus que ‹seulement› des instruments individuels de recours aux propres moyens : elles ont permis aux femmes et aux hommes d’élaborer des solutions visant un usage durable, sensé, aussi pour la société. La formation a toujours été un composant intégral du mouvement coopératif. »

L’aspect économique a été examiné par le professeur Matthias Binswanger, de la Haute Ecole de Travail Social de la HES du Nord-Ouest de la Suisse à Olten (Fachhochschule Nordwestschweiz FHNW). D’une manière éloquente il a expliqué que le principe du libre-échange n’était pas applicable pour l’agriculture. Par la citation « Le libre-échange ne produit pas des paysans libres, mais il libère la Suisse des paysans », il a fait le point. Il a expliqué que le nombre des petites exploitations diminuait partout en Europe – à l’exception de l’Autriche. Les exploitations agricoles font partie des branches ayant le plus de contributions préalables qui comprennent tous les coûts qu’un agriculteur doit investir avant de pouvoir produire par exemple du lait (écurie, fourrage, machines, moyens pour la production du fourrage etc.). Avec son revenu net, l’agriculteur peut tout juste payer ces contributions préalables mais pas survivre lui-même. Pour assurer sa survie, il a besoin des paiements directs de l’Etat. Pendant la période de 1991 à 2005, les prix de leurs produits agricoles auraient diminué de 30%, tandis que les prix des contributions préalables et les déductions seraient restés à peu près au même niveau. Il en résulte clairement que le paysan en Suisse a un grand handicap au départ, avant même de pouvoir commencer la production. En plus, les paiements directs vont pour la plupart à des entreprises situées en aval ou en amont. En considérant tous ces faits, on arrive à la conclusion que le pool proposé serait une possibilité pour qu’une partie des plus-values soient versées à nouveau directement aux paysans. En conclusion, Binswanger a démontré par des chiffres impressionnants que, dans les pays qui subventionnent intensivement leur agriculture, donc la Suisse, la Corée, la Finlande et autres, les gens souffrent moins de surpoids, que l’agriculture biologique y serait le plus avancée et que la quantité d’azote épandu serait la plus faible.
Les propositions positives de la manifestation – formation d’organisations d’entraide, nouvelles formes de mesures de protection, souveraineté et sécurité de l’alimentation – vont très bien avec les requêtes du référendum contre la nouvelle loi sur l’agriculture qui avec 38 000 signatures a pu enregistrer un résultat honorable. Les initiants et tous les intéressés continueront à travailler pour ces requêtes. Certainement que les participants de ce congrès annuel du SVIL, bien informés comme ils le sont, y contribueront. •

Source
Horizons et débats (Suisse)