Tendances et événements au Proche-Orient

Le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique constitue pour l’Iran un certificat de bonne conduite et montre que Téhéran coopère avec l’AIEI autour de son programme nucléaire [Voir document joint en fin d’article]. Le rapport prouve que l’Iran n’a pas d’ambitions nucléaires militaires. Mais en dépit de cette impression positive relayée par les Iraniens et de nombreux spécialistes du dossier, les États-Unis continuent leur escalade verbale et leurs propos belliqueux. L’ambassadeur de Washington aux Nations unies, le néo-conservateur Zalmay Khalilzad, a menacé de nouvelles sanctions contre Téhéran et a laissé entendre que des pressions vont être exercées sur la Russie et la Chine dans ce sens. Selon des experts, le ton dur des États-Unis vise aussi à exercer des pressions anticipées avant la rencontre irano-européenne à la fin de ce mois. La question des nouvelles sanctions va sans doute faire l’objet d’un débat acharné au Conseil de sécurité
L’attitude de la Russie et de la Chine à l’égard des sanctions supplémentaires, voulues par Washington, constitue pour de nombreux observateurs un indice du sérieux de ces deux puissances à développer des partenariats solides entre Moscou et Pékin d’un côté, l’Asie de l’autre. Elle permettra aussi de voir à quel point les contradictions avec les États-Unis ont atteint un point de non-retour.
Dans son rapport, le directeur de l’AEIE a joué aux équilibristes pour éviter d’être limogé sous la pression des États-Unis et d’Israël. Mais en lisant entre les lignes du rapport on devine les vraies convictions de Mohammad el-Baradéi, qui estime que le programme nucléaire iranien ne constitue pas une violation des traités internationaux en vigueur, surtout depuis que la République islamique a décidé de coopérer pleinement avec l’Agence.
Dans ce contexte, le bruit de bottes états-unien a reculé. Mais les gesticulations israéliennes autour du programme iranien continuent. On évoque maintenant une éventuelle frappe israélienne contre des installations nucléaires iraniennes.

Presse et agences internationales

• L’Iran a pris des mesures importantes mais encore insuffisantes pour dissiper les doutes sur son programme nucléaire, selon un rapport publié jeudi par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) au sujet du degré de coopération de Téhéran avec ses services.
D’après le rapport, l’Iran a continué à enrichir de l’uranium bien que le Conseil de sécurité lui ait demandé de cesser, et a porté le nombre de ses centrifugeuses à 3000, dix fois plus qu’il y a un an, ce qui permettrait d’entamer une production industrielle de combustible nucléaire.
La coopération iranienne est « réactive plus que spontanée », note l’AIEA en soulignant qu’une « coopération active et une transparence complète sont indispensables pour une mise en œuvre rapide et intégrale du programme de travail ».
« C’est pourtant un grand pas en avant. Pendant deux ans rien n’a bougé et maintenant nous obtenons des réponses », a déclaré un responsable onusien. « Bien sûr, ce n’est pas suffisant, mais cela permet plus de confiance pour l’avenir », a dit un autre.
Mais la Maison-Blanche et l’ambassadeur des États-Unis à l’Onu, Zalmay Khalilzad, ont réaffirmé leur détermination à travailler à la mise en œuvre de nouvelles sanctions contre Téhéran.
Dans la capitale iranienne, Saïd Jalili, chef des négociateurs iraniens sur le nucléaire, a estimé que le rapport de l’AIEA « dit clairement que la plupart des ambiguïtés (du programme iranien) ont été levées ». L’adoption de nouvelles sanctions de l’Onu aurait un « impact » sur la coopération entre l’Iran et l’AIEA, a-t-il dit.
Un autre responsable du programme atomique de Téhéran a estimé que le rapport rendait injustifié tout nouveau débat sur le dossier iranien au Conseil de sécurité : « Il serait surprenant qu’on continue à discuter du cas de l’Iran au Conseil de sécurité parce que, sur la base de ce rapport, la discussion n’aurait plus de fondements juridiques ni internationaux ».
Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, s’est félicité d’un rapport qui montre, selon lui, « que la nation iranienne a eu raison et que la résistance de notre nation était fondée ».
Les États-Unis ont réagi au document de l’AIEA en estimant que l’Iran continuait de défier la communauté internationale en poursuivant l’enrichissement d’uranium et en fournissant des « réponses partielles » sur son programme. À Paris, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré que les autorités françaises allaient étudier attentivement le rapport de l’AIEA et attendaient celui de Javier Solana.
Les auteurs du rapport de l’AIEA notent qu’après avoir fait la sourde oreille durant des années, l’Iran a fourni une quantité importante de documents et autorisé des entretiens avec des responsables du secteur nucléaire sur la mise au point secrète de centrifugeuses dans les années 1980 et 1990. « L’agence a pu constater que les réponses fournies sur les programmes passés de centrifugeuses P-1 et P-2 correspondaient à ses observations. Nous chercherons toutefois encore à faire corroborer et à vérifier l’intégralité des déclarations de l’Iran », dit le rapport. Le document doit faire l’objet d’un débat du conseil des gouverneurs de l’AIEA la semaine prochaine.

• Le président vénézuélien Hugo Chavez a entamé vendredi une tournée à l’étranger qui le conduira d’abord à Riyad pour le sommet de l’Opep, puis à Téhéran dont il soutient les ambitions nucléaires et à Paris où il présentera l’état de sa médiation sur le dossier des otages des FARC en Colombie.
À quelques heures de son voyage le 17 novembre à Riyad, Hugo Chavez a souhaité que l’Opep aille « au-delà du domaine purement énergétique » et se dote de « visées politiques et géopolitiques ».
À la tête du sixième pays exportateur de brut au monde, et unique membre latino-américain du cartel pétrolier, M. Chavez a proposé une alliance en vue de consacrer « une partie des revenus pétroliers à des programmes renforcés d’alphabétisation, de santé, de logement, de lutte contre la misère ».
Le président vénézuélien a également précisé qu’il proposerait au sommet de l’Opep « une formule de protection pour les pays les plus pauvres du monde », afin qu’« un baril à 100 dollars ne se convertisse pas en bombe destructrice pour les économies du Tiers Monde ».
Il a en outre estimé que le prix du baril devait « se stabiliser » entre 80 et 100 dollars et assuré que la flambée des prix actuelle ne correspondait pas au souhait des pays producteurs, affirmant que « ce n’était pas la faute de l’Opep ».
Au sommet de Riyad, M. Chavez aura une première rencontre avec son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad, dont il est un des rares chefs d’État à soutenir ouvertement le programme nucléaire alors que Téhéran est accusé notamment par les États-Unis de développer l’arme atomique sous couvert d’un programme civil.
Après le sommet de l’Opep, Hugo Chavez rencontrera à nouveau M. Ahmadinejad à Téhéran cette fois où il est attendu le 19 novembre.
Dans un entretien à la chaîne d’information en continu France 24 diffusé jeudi, M. Chavez a déclaré « exiger le respect pour l’Iran ». « Nous sommes avec l’Iran et non, je ne crois pas que l’Iran fabrique la bombe atomique. L’Iran développe son énergie nucléaire à des fins pacifiques, j’en suis sûr », a-t-il dit.
Le président Chavez a poursuivi en soulignant que le Venezuela aussi allait « commencer à développer son énergie nucléaire à des fins pacifiques, comme le font le Brésil et l’Argentine ». M. Chavez avait déjà par le passé fait part des ambitions du Venezuela de se doter d’un programme d’énergie nucléaire civile.

NEW YORK TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Nicholas Kraleev
Les États-Unis ont repris leurs contacts avec la Confrérie des Frères musulmans en Égypte en dépit de l’engagement donné en 2005 par la secrétaire d’État Condoleezza Rice de rompre tout contact avec ce mouvement, interdit par les autorités égyptiennes. Cette affaire risque d’envenimer les relations entre Washington et Le Caire.
Les responsables états-uniens agissent conformément aux instructions de leur gouvernement qui les autorise à rencontrer les forces politiques représentées dans les Parlements de leurs pays respectifs. L’ambassadeur des États-Unis en Égypte, Francis Gay Ricardon, a indiqué que les contacts se sont limités aux députés indépendants des Frères musulmans et se sont déroulés en plein jour.

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Christine Douny
Lors d’une rencontre à Alexandrie, une banlieue de Washington, quelque 800 citoyensétats-uniens ont dénoncé la politique de leur pays à l’égard de l’Iran. Lors de cette réunion animée par le député démocrate James Moran, de vifs débats ont eu lieu et de nombreux participants se sont interrogés sur les graves répercussions d’une éventuelle attaque US contre l’Iran. L’élu démocrate, fortement opposé à la guerre d’Irak, a déclaré que l’administration actuelle utilise la même méthode qui a précédé l’invasion de l’Irak. Il a révélé que l’administration a demandé au Congrès 100 millions de dollars pour équiper les bombardiers B-2 de bombes capables de percer des souterrains épais de 60 pieds avant d’exploser. Selon lui, ce genre de munitions n’est utilisé que contre des pays disposant des moyens de dissimuler leurs installations dans des bunkers fortifiés.
Les participants ont souligné l’échec des politiques de l’Administration Bush au Moyen-Orient et ont dénoncé les violations des droits de l’homme en Iran.

• Certains journaux arabes et internationaux ont publié le nouveau rapport du International Crisis Group (ICG) affirmant que le soutien apporté par l’Administration Bush au Conseil supérieur islamique en Irak (présidé par la famille al-Hakim) pourrait provoquer de graves divisions entre les groupes chiites et, à terme, renforcer l’influence de l’Iran en Irak [Voir document joint en fin d’article]. Le Conseil supérieur, considéré comme la pierre angulaire de la coalition au pouvoir dirigée par Nouri al-Maliki, entretient des relations étroites avec Washington depuis l’invasion de 2003, contrairement au mouvement chiite rival dirigé par l’imam Moktada Sadr.
Les rivalités entre les différents groupes chiites auront sans doute des répercussions sur l’avenir de l’Irak encore plus importantes que le conflit entre sunnites et chiites. Et dans ce bras de fer, les États-Unis ont soutenu le Conseil supérieur islamique dès le départ, une manœuvre qui comporte de sérieux risques.

GOYA (QUOTIDIEN IRANIEN)
Les « options guerrières » liées aux sanctions internationales occupent une place de premier choix dans la presse iranienne, aux côtés des derniers développements régionaux qui pourraient avoir une influence positive ou négative sur la décision des États-Unis.
Les échanges d’accusations entre les conservateurs et les modérés en Iran ont atteint un tel point que l’ancien président Mohammad Khatami et d’autres anciens dirigeants ont été accusés d’être responsables avec anticipation d’une éventuelle attaque US contre la République islamique.
Les nombreux indices parvenus ces derniers temps aux dirigeants iraniens montrent que les États-Unis vont très prochainement mettre à exécution leurs menaces d’attaquer des installations stratégiques en Iran à l’aide de l’aviation et de missiles de croisière. Le but de Washington est de détruire 2500 cibles en l’espace de trois jours. Les États-uniens ont menacé de lancer des bombes atomiques contre une ou plusieurs villes iraniennes si Téhéran tirait des missiles de longue portée contre Israël.
Le journaliste Ahmad Zeid Abadi assure que George Bush est conscient des revers de son parti en matière de politique étrangère et que les républicains ont perdu beaucoup de leur popularité face aux démocrates. Aussi, Bush a-t-il un besoin urgent d’une victoire politique et militaire contre l’Iran pour renforcer les positions de son parti.

Tendances et événements au Liban

Il est pratiquement sûr que l’émissaire français Jean-Claude Cousseran a emporté dans ses bagages une liste de sept candidats à la présidence afin qu’elle soit examinée dans les capitales régionales et internationales concernées par le Liban. Pendant ce temps, le conseiller de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, poursuit ses contacts et ses navettes entre les différentes forces politiques libanaises pour tenter d’aplanir les obstacles. Mais jusqu’à présent, rien n’a filtré sur les noms des sept présidentiables et on ne sait toujours pas si le Patriarche maronite a remis au président de la Chambre, Nabih Berry, et au chef du 14-mars, Saad Hariri, une copie de la liste.
La visite à Beyrouth du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, et celles d’autres responsables occidentaux attendus dans les jours qui viennent, ont pour but de mettre une forte pression sur la classe politique libanaise, afin qu’elle s’entende sur un candidat consensuel. Les informations en provenance de Paris assurent que la liste remise par le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir n’est peut-être pas définitive. Mais des contacts en cours, on peut noter les observations suivantes :
 1. On évoque de plus en plus des formules de transition au cas ou l’élection d’un président échouait. La formation d’un gouvernement provisoire dirigé par le commandant en chef de l’Armée, le général Michel Sleimane, revient sur le tapis. On parle aussi de l’élection d’un président pour une période de deux ans qui serait chargé d’organiser les élections législatives du printemps 2009.
 2. Certains milieux politiques évoquent la nécessité d’élargir le deal entre le 14-mars et l’opposition pour englober le nom du prochain Premier ministre. Si le Courant du futur insiste pour placer un de ses hommes à la tête du prochain gouvernement, c’est Michel Aoun qui devrait être élu à la présidence. Car il n’est pas possible que la principale force sunnite ait le droit de choisir son candidat alors que le parti chrétien le plus représentatif soit tenu à l’écart de toutes les institutions.
 3. La France coordonne étroitement son action diplomatique au Liban avec les États-Unis. Washington pourrait dépêcher au Liban samedi le secrétaire d’État adjoint David Welch, connu pour ses positions extrémistes.
 4. Des sources de l’opposition font état d’une fébrile activité milicienne de la part des partis du 14-mars. L’argent coule à flot, les armes aussi, et des groupes de miliciens ont été acheminés de différentes régions libanaises vers Beyrouth. Ils ont été déployés autour des institutions officielles en prévision d’un clash avec l’opposition. On voit bien que les intentions ne sont pas aussi innocentes que les apparences et les discours le laissent croire.
 5. Le général Michel Aoun a pris une position claire et sans ambages contre la politique des États-Unis au Liban, appelant la classe politique à un soulèvement contre les agissements de Washington qui veut provoquer, selon lui, le chaos et la division au Liban au pays du cèdre.

Presse libanaise

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
La course bat son plein entre les indices montrant une volonté de saboter l’élection présidentielle, et ses graves répercussions, et le forcing destiné à mettre en place le mécanisme français visant à élire un candidat consensuel capable de sortir le pays de la crise. La venue de Ban Ki-Moon à Beyrouth illustre le degré d’inquiétude de la communauté internationale à l’égard des développements au Liban.

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Nabih Berri, l’éternel optimiste, se veut très prudent. Pour leur part, la majorité des dirigeants du 14-mars et de l’opposition affichent leur pessimisme et assurent que rien de nouveau n’est apparu ces dernières heures. L’impression qui se dégage est que quelque chose est en train de se tramer à l’extérieur du Liban, preuve en est le climat d’optimisme répandu à Paris, au Caire, à Téhéran et au Vatican.

titre documents joints


« Implementation of the NPT Safeguards
Agreement in the Islamic Republic of Iran » (IAEA)


(PDF - 75.7 kio)

« Shiite politics in Iraq : the role of the Supreme Council » (ICG)


(PDF - 694.3 kio)

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.