Tendances et événements au Proche-Orient

Les médias israéliens ont tiré les premières conclusions de la conférence d’Annapolis : le président Mahmoud Abbas va lancer une guerre totale contre les mouvements de résistance et va participer activement au blocus politique et économique contre la Bande de Gaza dont la population est soumise à des sanctions collectives inhumaines.
Les experts israéliens affirment que la tâche de Abbas ne se limite pas à Gaza mais doit également englober la Cisjordanie qui doit être « nettoyée » des cellules de résistants qui augmentent et se renforcent, notamment à Naplouse, Bethléem, Tulkarm et Jénine.
En dépit de la campagne médiatique énergique lancée pour écouler « le produit Annapolis », les analystes estiment que les résultats de la conférence ne seront pas dans l’intérêt de Mahmoud Abbas et de son équipe. Mais le président de l’Autorité palestinienne va jouer la carte du temps pour masquer son échec, en prétextant que le processus est long est va connaitre des hauts et des bas. Les rencontres vont s’étaler sur des mois, ce qui ne va pas empêcher les États-uniens et les Israéliens d’accentuer leurs pressions sur Abbas afin qu’il œuvre sérieusement au démantèlement des groupes de résistance et coopère pleinement avec les Israéliens dans la répression qui va commencer. Il est par ailleurs demandé à l’Autorité palestinienne de mettre ses forces à Gaza à la disposition des Israéliens, pour devenir une sorte de milice auxiliaire, à l’instar de l’Armée du Liban-Sud d’Antoine Lahad.
La question qui se pose est de savoir jusqu’à quand va durer l’effet relations publiques d’Annapolis. Mais même si l’image de la conférence a été bien édulcorée, l’échec sera retentissant lorsque les questions clé commenceront à être évoquées.

Tendances et événements au Liban

Les dernière 24 heures de la crise libanaise ont enregistré les développements suivants :
 1. Le chef chrétien de l’opposition, Michel Aoun, a apporté un soutien déterminant à la candidature du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane. Il a appelé le 14-mars et l’opposition à œuvrer ensemble pour éliminer les obstacles juridiques et constitutionnels empêchant son élection à la présidence. Les autres composantes de l’opposition (le Hezbollah et le Mouvement Amal chiites) ont réaffirmé qu’ils approuveraient toute décision prise par le général Aoun au sujet de l’échéance présidentielle.
 2. Des dissensions commencent à apparaitre dans les rangs du 14-mars au sujet de l’amendement de la Constitution et de la candidature du général Sleimane. Samir Jisr, député du bloc Hariri, a qualifié de « position personnelle » le soutien à la candidature de Sleimane exprimé par son collègue du bloc, le député Ammar Houry. Boutros Harb, un des candidats du 14-mars, le chef de l’ancienne milice des Forces libanaises Samir Geagea, le député Ghassan Tuéni, ainsi que d’autres personnalités chrétiennes du 14-mars, ont exprimé des réserves à l’égard de la candidature de Sleimane.
 3. En attendant un accord politique entre le 14-mars et l’opposition, le président de la Chambre, Nabih Berry, a formé une commission d’experts juridiques chargés de mettre au point le mécanisme de l’amendement constitutionnel.
 4. Des milieux diplomatiques français ont exprimé leur ras le bol des « caprices et de l’égoïsme » des personnalités du 14-mars. Citées par la presse, ces sources ont reproché à la coalition au pouvoir son manque d’initiative. Le revirement du 14-mars, qui avait catégoriquement rejeté il y a quelques semaines la candidature de Michel Sleimane, défendue par la France, a surpris les responsables du Quai d’Orsay. En France, on entend de plus en plus de voix qui font assumer au 14-mars la responsabilité de l’échec de l’initiative française.
 5. Les milieux journalistiques s’interrogent sur la nature des arrangements conclus entre Washington d’un côté, la Syrie et l’Iran de l’autre, et sur leurs éventuelles répercussions au Liban. Les États-uniens observent un black-out total sur cet aspect pour ne pas entamer le moral de leurs alliés libanais. Mais dans les coulisses, on affirme que les États-Unis pourraient élever au niveau d’ambassadeur leur représentation diplomatique à Damas. On révèle aussi que des réunions consacrées à la situation au Liban ont eu lieu entre Syriens et États-uniens en présence de médiateurs russes, turcs, espagnols et qataris. Des journalistes voient dans le changement de discours de Walid Joumblatt, qui appelle au calme et à l’entente après avoir prôné et milité pour le renversement du régime syrien, un signal clair du changement opéré dans la politique US.
Des analystes comparent la situation actuelle à celle qui a prévalu dans la deuxième moitié des années 80. Après la dure confrontation politique, diplomatique et militaire, couronnée par le débarquement des forces multinationales à Beyrouth au lendemain de l’invasion israélienne de 1982, puis leur défaite, Damas et Washington ont conclu une série d’arrangements et ont partiellement normalisé leurs relations. Sans pour autant que la Syrie ne renonce à ses droits légitimes et à ceux des Arabes.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
La position favorable de Michel Aoun à la candidature du général Michel Sleimane a provoqué un véritable choc au sein même de son bloc parlementaire, parmi ses partisans et ses alliés, et a embarrassé ses rivaux et ses adversaires. Cette position a suscité un vent d’optimisme chez les Libanais, Maintenant, le mécanisme juridique pour amender la Constitution, un processus difficile, doit faire l’objet d’une unanimité. Il faut d’abord régler le problème du gouvernement actuel, amputé de six ministres (chiites, ndlr). L’attitude de Michel Aoun a été qualifiée de « professionnelle » et a montré que le chef de l’opposition a fait primer les intérêts nationaux sur les considérations personnelles (Michel Aoun, chef chrétien le plus représentatif, est lui-même candidat, ndlr).

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Peut-on considérer le 7 décembre comme la date de la fin du vide à la tête de la République, qui dure depuis le 24 novembre. Ou bien les vétos, les conditions et les obstacles, vont-ils torpiller une nouvelle fois ce rendez-vous ? De nombreux indices plaident en faveur de l’élection d’un nouveau président la semaine prochaine. Mais des difficultés persistent et laissent craindre un nouveau report.

Audiovisuel libanais

LBC (TELEVISION PROCHE DU 14-MARS)
Émission : Les gens en parlent
 Ibrahim Al-Amine, Pdg du quotidien Al-Akhbar (opposition)
David Welch (le secrétaire d’État adjoint US) a dit au ministre Tarek Mitri, en marge de la Conférence d’Annapolis, « soutenez la candidature du général Michel Sleimane ». C’est cela qui explique le brusque revirement du 14-mars. Saad Hariri et Walid Joumblatt ont accepté le compromis sans prendre la peine de consulter leurs alliés chrétiens du 14-mars.
 Elias Abou Assi, responsable du Parti national libéral (14-mars)
Le PNL est opposé à l’amendement de la Constitution et à l’accession d’un militaire à la présidence de la République. Nous continuons à soutenir les candidatures de Nassib Lahoud et Boutros Harb.
 Hicham Melhem, correspondant d’Al-Nahar à Washington
A Annapolis, il n’y a pas eu de marché syro-US au détriment du Liban. Le président George Bush à ajouté à son discours à la dernière minute le paragraphe sur le Liban pou adresser un message au vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mokdad.
 Tom Case, porte-parole du département d’État
Les États-Unis restent engagés pour l’édification d’un Liban libre et démocratique. Washington a réagi d’une manière positive à la participation de la Syrie à Annapolis. Il y a des dossiers que Damas doit terminer s’il veut améliorer ses relations avec nous : le Hamas, le Jihad islamique et l’envoi de combattants en Irak.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.