Tendances et événements au Proche-Orient

L’Iran revient sous les projecteurs mais, cette fois, avec un background politique et médiatique à l’opposé de celui qui prévalait ces derniers mois. Deux événements importants se sont produits et risquent d’avoir une grande influence sur l’évolution de la situation au Moyen-Orient :
 1. La participation du président iranien au sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG), à Doha. Mahmoud Ahmadinejad a proposé aux États du Golfe l’établissement d’une coopération économique et sécuritaire. Les médias ont souligné l’accueil chaleureux réservé au chef de l’État iranien et l’intérêt accordé à son discours par les dirigeants du Golfe qui ont tenu plusieurs réunions avec lui en marge des travaux du sommet. Ce paysage apaisant contraste étonnement avec le climat de tension et de suspicion que les États-Unis ont tenté d’instaurer entre l’Iran et ses voisins ces deux dernières années.
 2. L’annonce officielle par les États-uniens que les enquêtes et les investigations menées par les agences du renseignement ont montré que l’Iran avait définitivement suspendu son programme nucléaire militaire depuis 2003 (voir document joint). Ces rapports confirment les déclarations de Téhéran sur le caractère pacifique et civil de son programme nucléaire, et démentent les accusations israélo-US visant à accroître la pression sur la République islamique dans le but de justifier les sanctions internationales et, éventuellement, des frappes militaires.
La question qui se pose maintenant est celle de savoir si les États du Golfe vont réagir positivement à la main tendue par l’Iran après que les arguments américains se soient avérés infondés ? Les Arabes vont-ils reconnaître que l’attitude de la Syrie, qui a maintenu son alliance avec Téhéran contre vents et marées, était la plus pertinente ?

Presse et agences internationales

AL-BAYAN (QUOTIDIEN QATARI)
• Pour de multiples raisons, le 28ème sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) est au centre de l’intérêt international. La plus importante de ces raisons est que ce sommet se tient quelques jours après la conférence d’Annapolis, qui a changé de nombreuses équations au Moyen-Orient. Elle a notamment replacé la cause palestinienne en tête des préoccupations internationales.
Concernant la crise iranienne, il ne fait pas de doute que la présence du président Mahmoud Ahmadinejad au sommet va permettre aux dirigeants des pays du Golfe d’exprimer directement leurs positions sur ce dossier devant une des parties concernées. De même qu’elle permettra à Ahmadinejad d’exposer les réelles intentions de son pays et ses réelles dispositions à accepter les solutions pacifiques proposées par l’AIEI ou des puissances régionales, notamment les États du Golfe.
• Une semaine à peine s’est écoulée depuis la fin de la conférence d’Annapolis que les promesses faites commencent à être déchirées. En Israël, le chef du gouvernement et des ministres se sont relayés pour vider la conférence de tout engagement, affirmant qu’aucune promesse susceptible de lier les mains de Tel-Aviv pendant les négociations n’a été faite. Lors de la réunion hebdomadaire du cabinet, le Premier ministre, Ehud Olmert, a démenti l’existence d’un quelconque calendrier. « Il n’y a eu aucun engagement sur un calendrier. Il y a seulement un espoir de terminer les négociations d’ici un an », a-t-il prétendu. Sur le fait de savoir si un accord pourra être conclu en 2008, il a dit : « Cela me semble impossible ». La ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a elle aussi démenti l’existence d’engagements de la part d’Israël. Même son de cloche du côté du ministre de la Défense, Ehud Barak, qui a affirmé qu’un accord était peu probable l’année prochaine.
De toute façon, Olmert est peu enthousiaste à l’idée de reprendre les négociations avec les Palestiniens autour des questions clé. Pendant ce temps, des informations sûres révèlent que le ministère de la Justice poursuit ses efforts en vue de construire de nouvelles colonies ou d’agrandir celles qui existent déjà en Cisjordanie.
Pour sa part, l’extrême droite n’a même pas reconnu les résultats de la conférence d’Annapolis.

AL KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Certains au sein de l’Autorité palestinienne continuent de faire preuve d’optimisme à l’égard de ce qui pourrait ressortir d’Annapolis. Mais non seulement cet optimisme ne repose sur rien de concret, mais il est en déphasage avec les indices et les signaux qui ont précédé et accompagné les travaux de la conférence. Les Palestiniens ne sont pas à la recherche de belles paroles ou de gestes symboliques. Ils veulent récupérer la terre qui leur a été spoliée et les droits qu’on leur a ravis. Ce qui dément l’optimisme de certains palestiniens est sans doute la décision de la cour suprême autorisant le gouvernement à poursuivre son embargo sur l’essence à destination de Gaza. C’est une mesure qui affame la population et qui est encore plus pernicieuse que l’embargo sur les produits alimentaires, déjà mis en œuvre. Car le monde n’a pas bougé un seul doigt après la décision de priver plus d’un million et demi de personnes d’essence.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Omar Jaftali
Israël et l’administration états-unienne sont sans aucun doute irrités des succès enregistrés par la diplomatie syrienne sur tous les plans dans le monde. Cet effort diplomatique a permis à la communauté internationale de mieux comprendre la réalité de ce qui se passe dans la région et la justesse des positions de la Syrie basées sur les résolutions de la légalité internationale. En œuvrant en vue de relancer le processus de paix, Damas a embarrassé ceux qui refusent la paix et a fait échec à leurs manœuvres médiatiques.
Depuis l’an 2000, l’administration Bush a laissé à Israël la liberté de choisir et de mettre en application les options qui l’arrangent. Elle a transformé en ligne rouge toute solution logique et objective du conflit. Sa littérature autour de la paix n’était que des leurres et n’a jamais reflété une réelle volonté de régler les crises du Moyen-Orient par des voies pacifiques. Les États-uniens ont toujours présenté Israël comme une victime que l’autre partie doit ménager. La Syrie, elle, a prouvé par les paroles et les actes qu’elle était vraiment favorable à la paix.

MAARIV (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
La conférence de Moscou qui doit être organisée le mois prochain fait office de cadeau à la Russie pour avoir réussi à convaincre la Syrie de participer à Annapolis. Il existe des divergences entre la Russie et Israël autour de la nature de cette conférence. Des concertations doivent bientôt commencer entre les États-uniens, les Russes et les Israéliens, pour se mettre d’accord sur de grandes lignes agréées de toutes les parties pour cette conférence. Les Russes veulent organiser une séance consacrée à la question syro-israélienne, alors qu’Israël souhaite que la séance soit intitulée « Pour une paix régionale au Moyen-Orient », à l’instar de l’appellation utilisée à Annapolis. Les Américains ne se sont pas engagés auprès des Russes à ce que la conférence de Moscou soit entièrement consacrée à la question syro-israélienne.
Ceci dit, des sources israéliennes hauts placées ont reconnu que Moscou avait déployé de sérieux efforts pour convaincre la Syrie d’envoyer un représentant à Annapolis. « Nous ne devons pas ignorer ce que la Russie a fait beaucoup pour garantir la venue d’un représentant syrien », a-t-on ajouté de même source.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, SOCIAL-DEMOCRATE)
• Nicolas Sarkozy a dit sa volonté d’en finir avec cette « mode exécrable de la repentance » qu’il assimile à « la détestation de la France et de son histoire ». Il est soutenu dans cette démarche par le Parti socialiste au nom duquel M. Moscovici a déclaré : « Sur ce sujet, nous devons avoir un discours de vérité -reconnaître que la guerre d’Algérie fut injuste, oppressive- sans pour autant verser dans l’auto-flagellation en s’attribuant tous les crimes ; il ne faut pas entrer dans la problématique que cherche à imposer le président algérien ».
• Les « Six » vont élaborer de nouvelles sanctions contre la Chine, cette fois avec l’approbation de la Chine. L’entretien entre MM. Solana et Jalili s’est très mal passé, le nouveau négociateur iranien indiquant que tout ce qui avait été conclu avec son prédécesseur, Ali Larijani, était lettre morte et qu’il fallait repartir à zéro.
• De retour d’Annapolis, M. Olmert considère qu’il n’y a pas d’engagement spécifique de calendrier. Il est intervenu pour faire retirer une proposition de résolution des Etats-Unis au Conseil de sécurité car il craignait qu’un texte de cette nature ne rende les choses contraignantes.
• Deux jours après la visite de John Negroponte au Kurdistan irakien et le report du référendum sur le statut de Kirkouk, une centaine de commandos turcs ont conduit une opération éclair contre le PKK en territoire irakien.

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, MAJORITE PRESIDENTIELLE)
• Le président Sarkozy a été reçu à l’aéroport d’Alger par son homologue Bouteflika en l’absence du ministre des Anciens combattants qui l’avait accusé d’être parvenu au pouvoir avec l’appui du lobby juif. M. Sarkozy était accompagné de 9 ministres et de 150 chefs d’entreprises. La population n’a manifesté aucun enthousiasme, contrastant avec l’accueil chaleureux dont avait bénéficié le président Chirac.
Revenant sur la querelle historique, M. Sarkozy a sobrement déclaré : « Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité. Mais il est aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont aimé l’Algérie, avant de devoir la quitter (…) Oui, des crimes terribles ont été commis des deux côtés... Notre histoire est faite d’ombre et de lumière, de sang et de passion. Le moment est venu de confier aux historiens algériens et français d’écrire ensemble cette page d’histoire tourmentée. »
• Les plus influents représentants des 2 millions de musulmans britanniques ont adopté un Code de bonne conduite pour les 1700 mosquées du royaume. Il préconise des procédures démocratiques, la transparence financière, l’ouverture aux femmes, la lutte contre les mariages forcés.

LIBERATION (QUOTIDIEN FRANÇAIS, LECTORAT DE GAUCHE)
• La visite de Nicolas Sarkozy à Alger est d’abord celle d’un VRP. Le groupe pétrolier Total doit annoncer un investissement de 1,5 milliard de dollars dans le secteur de la pétrochimie, en partenariat avec le groupe public algérien Sonatrach. Gaz de France doit investir un milliard de dollars dans un gisement gazier et reconduire jusqu’en 2019 ses contrats d’approvisionnement en gaz algérien. Un contrat sur le nucléaire civil doit également être signé. Il porterait essentiellement sur la formation et les échanges d’expériences, notamment dans la sécurité nucléaire.

LE PARISIEN-AUJOURD’HUI LA FRANCE (QUOTIDIEN FRANÇAIS)
• La condamnation par Nicolas Sarkozy du système colonial « va dans le bon sens, mais ce n’est pas assez quand nous plaçons ces paroles dans leur contexte », a déclaré mardi le ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni, dans la première réaction officielle algérienne au discours du président français.
• Le ministre israélien de la défense, Ehud Barak, a contredit le rapport des agences de renseignement US selon lequel l’Iran aurait abandonné son programme nucléaire militaire. Selon le ministre, l’Iran aurait peut être interrompu ce programme en 2003, mais l’aurait repris depuis.

L’HUMANITE (QUOTIDIEN COMMUNISTE FRANÇAIS)
• L’appel « France-Algérie : dépasser le contentieux historique », lancé vendredi 30 novembre par 160 personnalités algériennes et françaises, est déjà signé par un millier de personnes. Il invite, si l’on veut que soit tournée la page du passé colonial, à demander « aux plus hautes autorités de la République française » de reconnaître l’implication politique essentielle de la France dans la colonisation, ses drames et ses traumatismes.
•Le président Sarkozy arrive en Algérie comme un VRP pour mieux occulter les dossiers qui fâchent. Il est accompagné de 122 chefs d’entreprises parmi lesquelles GDF, Suez, Total, Alstom, EADS, Lafarge, Bouygues, la RATP, ou encore de nombreuses banques, Nicolas Sarkozy a également convié en Algérie une liste pléthorique d’invités. Pour le moins discrète pendant la crise de Villiers-le-Bel, Fadela Amara est du voyage, aux côtés de Rachida Dati, Christine Lagarde, Bernard Kouchner, ou encore Alain Marleix, secrétaire d’État aux Anciens combattants, qui a inauguré il y a quelques jours le très controversé « mur-musée » de Perpignan. Parmi les personnalités, on note la présence des réalisateurs Yamina Benguigui, Alexandre Arcady et Constantin Costa-Gavras, du sociologue Malek Chebel et de Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris.

LA CROIX (QUOTIDIEN FRANÇAIS CATHOLIQUE)
• Nicolas Sarkozy a renvoyé dos-à-dos antisémites, xénophobes et islamophobes pour clore la polémique suscitée par les déclarations du ministre algérien des Anciens combattants.

Tendances et événements au Liban

Maintenant que la candidature du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, fait l’objet d’un large consensus entre le 14-mars et l’opposition, le spectre de la confrontation violente qui a plané un moment sur le Liban est écarté. Mais la crise n’est pas réglée pour autant. Les discussions qui se déroulent dans les coulisses portent sur la période post-amendement constitutionnel. Les négociations attendues vont se passer entre le chef chrétien de l’opposition, le général Michel Aoun, et le chef du 14-mars, Saad Hariri, en vue de s’entendre sur l’identité du futur Premier ministre et la composition du gouvernement. Dans ce cadre, les observations suivantes peuvent être notées :
 1. Les loyalistes ont lancé une violente campagne placée sous le titre du rejet des arrangements préalables. Les critiques ont essentiellement visé le général Michel Aoun. Pendant ce temps, les relations entre les différentes composantes du 14-mars restent incertaines depuis que Saad Hariri et Walid Joumblatt ont choisi d’appuyer la candidature de Michel Sleimane sans consulter leurs alliés chrétiens de la coalition au pouvoir.
 2. L’opposition se place résolument derrière le général Aoun dans ses négociations avec le 14-mars. Elle a exprimé son attachement à la candidature du général Sleimane mais a affirmé que son élection doit être précédée d’un accord politique global. Dans ce contexte, le président du Parlement, Nabih Berry, également un des chefs de l’opposition, a conseillé à Saad Hariri de négocier avec le général Aoun.
 3. Le général Aoun a rendu publiques, lundi, les constantes nationales chrétiennes, fruit des consultations élargies qu’il a menées la semaine dernière. Ce document vise à rétablir un véritable partenariat politique dans lequel les chrétiens auraient un rôle semblable aux autres composantes communautaires du Liban. Son objectif est de mettre un terme à la marginalisation des chrétiens. Ce document propose une solution radicale à la crise politique qui secoue le pays depuis des années.
 4. La France est de nouveau entrée en lice pour tenter de dénouer la crise et surmonter les obstacles surgis ces derniers jours. Il faut noter à ce niveau l’appel téléphonique entre Nicolas Sarkozy et Bachar al-Assad. Dans certaines capitales européennes, on parle de plus en plus d’un accord syro-franco-américain qui expliquerait le revirement du 14-mars et son soutien à l’élection de Michel Sleimane à la présidence.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
On peut dire que jusqu’à présent le général Michel Sleimane est arrivé politiquement et populairement au Palais présidentiel de Baabda. Plus encore, on peut dire que le mécanisme constitutionnel est prêt pour consacrer le « général du consensus ». Mais il reste un obstacle politique qui empêche l’intronisation constitutionnel : un accord avec Michel Aoun sur son quota politique au sein du prochain gouvernement. Un tel arrangement constitue le passage obligé avant l’installation du général Sleimane à Baabda. Reçu hier à Rabié, le général Sleimane s’est entendu dire par Michel Aoun que l’accord politique global constitue une garantie de réussite pour son mandat. Un médiateur français va prochainement arriver à Beyrouth pour défricher le terrain. Pendant ce temps, le 14-mars a rejeté les conditions discrétionnaires de l’opposition.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Le flou et la confusion qui ont surgi ces dernières heures jettent un doute sur la possibilité d’amender rapidement l’article 49 de la Constitution. Cette confusion s’est amplifiée après la conférence de presse de Michel Aoun qui a réitéré son attachement à des arrangements politiques avant l’amendement constitutionnel. Des milieux parlementaires, loyalistes et opposants, ont indiqué dans la nuit que la position de Michel Aoun a été placée dans « la salle des soins intensifs ». Des contacts ont eu lieu loin des projecteurs notamment entre Ain-el Tiné (Résidence de Berry) et Rabié (Résidence de Aoun). Nabih Berry ayant clairement affirmé qu’il n’avaliserait l’amendement constitutionnel qu’après avoir obtenu l’accord politique de toutes les parties.

titre documents joints


« National Intelligence Estimate : Iran : Nuclear Intentions and Capabilities », 3 décembre 2007.


(PDF - 134.2 kio)

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.