Tendances et événements au Proche-Orient

Les contacts entrepris entre des pays membres du groupe de Charm el-Cheikh (Plus communément appelés les États arabes « modérés ») portent sur les possibilités de réagencement des dossiers sur la scène palestinienne après le recul des menaces de guerres et d’invasions israélo-US contre l’Iran et la Syrie, et l’échec retentissant de la conférence d’Annapolis, qui n’a pas réussi la moindre percée sur le volet palestinien.
Le groupe de Charm el-Cheikh s’est abstenu de toute initiative visant à réactiver l’accord inter-palestinien de la Mecque pendant ces six derniers mois, obéissant aux instructions des États-Unis. Washington souhaitait que les événements continuent sur leur lancée depuis le plan sécuritaire du général Keith Dayton, qui n’était en fait qu’un coup d’État déguisé contre le Hamas. Selon des informations sûres, le cri de détresse lancé par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, au lendemain de son retour d’Annapolis, contre la reprise de la colonisation israélienne, a incité certaines capitales à bouger. En effet, l’interprétation donnée par le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, au document lu par George Bush à Annapolis, ôtait à Abbas le peu de crédibilité qui lui restait auprès de l’opinion publique palestinienne et arabe, et le transformait en vulgaire policier au service d’Israël.
Des analystes estiment que le groupe de Charm el-Cheikh ne se résout pas à revenir à la formule de la solidarité arabe qui a dicté l’action diplomatique et politique des Arabes dans les années 1990 et qui leur a permis de sauvegarder les droits élémentaires de chaque pays aussi bien en période de guerre que de négociations avec Israël. Une action basée sur des arrangements avec la Syrie et la fin de l’hostilité à l’égard de l’Iran comme l’ont exigé les États-Unis.
La seule solution est de revenir aux accords inter-palestiniens de la Mecque et de s’entendre avec la Syrie, dont le rôle ne peut être ignoré dans la région, de l’aveu même de Washington. Pourquoi certains pays arabes veulent-ils être plus royalistes que le roi ?

Agences et presse internationales

Washington Post (Quotidien états-unien)
 Steven Bidel
L’engagement des États-Unis à obtenir la fin de la violence en Irak n’est pas garanti. Le cessez-le feu pourrait s’effondrer à tout moment, même si nous maintenons un important contingent dans ce pays. Toute force de maintien de la paix pourrait être considérée comme une force d’occupation étrangère et être rejetée en fin de compte. En dépit de cela, la stabilisation de l’Irak est aujourd’hui plus probable qu’elle ne l’était par le passé. Mais seulement si nous sommes disposés à faire davantage que le seul fait d’empêcher le retour du chaos. Un retrait rapide et total donnerait l’impression d’une défaite des États-Unis. La baisse de la violence cette année ouvre la perspective d’une transformation de la mission de l’armée américaine de force de combat à contingent de maintien de la paix.

Moscou Times (Quotidien russe)
Vladimir Poutine a prouvé qu’il était un homme fort en donnant au monde un signal qu’il était disposé à occuper le poste de Premier ministre dans son pays. S’il quitte ses fonctions de président en mai, comme cela est prévu, Poutine sera le seul président russe qui, depuis Staline, quitte son poste et voit sa popularité grandie. Il serait préférable pour l’intérêt du pays à long terme, que Poutine donne une leçon, comme quoi le président le plus populaire ne doit pas seulement se plier à la Constitution mais doit aussi se retirer après deux mandats successifs pour donner la chance à un nouveau président de diriger le pays. Vladimir Poutine fera bien s’il décide d’emboîter le pas à l’ancien président états-unien George Washington. Malgré sa grande popularité, Washington a compris qu’il est important que les chefs d’État ne restent pas en poste. Il a donc refusé un troisième mandat et abandonné véritablement le pouvoir. Si Poutine veut préserver l’intérêt du pays, il doit faire de même.

Techrine (Quotidien syrien)
 Omar Jaftali
L’attaque au couteau contre un citoyen arabe, révélée lundi par Al-Jazeera (chaîne qatari), n’était pas un simple incident isolé prouvant l’étendue du racisme dans la société israélienne. En qualifiant le coupable de « déséquilibré mental », Israël ne fait qu’adopter la version officielle classique, visant à cacher la haine de l’autre, concept de base de la mentalité sioniste. Ce qui se passe actuellement dépasse le marquage de l’Arabe pour faciliter son assassinat ou son arrestation. En parlant du caractère juif d’Israël, le gouvernement Olmert est passé à la deuxième phase du complot sioniste qui consiste à détruire toute présence arabe à l’intérieur de l’État, notamment à Jérusalem, où la judaïsation de la ville se poursuit d’arrache-pied. Le mur de séparation raciste fixe les frontières géographiques jugées acceptables en Cisjordanie par le gouvernement Olmert. C’est pour cela qu’aujourd’hui, ils évoquent la nécessité de se débarrasser du fardeau arabe à l’intérieur d’Israël.

Al Bayan (Quotidien qatari)
On savait depuis le début que l’élection présidentielle au Liban ne serait pas facile cette fois. Les complications, les ingérences, les conditions et les contre-conditions, sont autant de facteurs qui font que le choix d’un nouveau président est une difficile césarienne. Le vide à la tête de l’État n’était pas exclu. Mais le paysage politique a émis des indices laissant croire que les acteurs étaient fatigués, ou du moins que le jeu touchait à sa fin. Aussi, fallait-il se rendre au Parlement et élire un président consensuel qui ne fait l’objet d’aucune objection sur la scène politique. Le choc était, cette fois, plus dur que les fois précédentes. On pensait que l’élection était à portée de main, mais voilà qu’une main transforme l’espoir en illusion. Des revendications que l’on croyait dépassées et qui, de toute façon, ne sont que de pure forme, resurgissent, et se transforment en nœuds gordiens.

Al Kahleej (Quotidien émirati)
Lorsque le secrétaire états-unien à la Défense, Robert Gates, a affirmé au forum de la sécurité régionale, à Bahreïn, que l’arsenal nucléaire iranien ne constitue aucun danger pour les Arabes, certains présents n’ont pas pu retenir un rire. Non pas que les propos de Gates soient une nouvelle anecdote politique, mais parce qu’ils ont rappelé l’injustice US à l’égard des Arabes. Les déclarations du secrétaire à la Défense ne doivent tromper personne. L’Administration Bush, qui voit dans les criminels de guerre des hommes de paix, et dans les résistants qui défendent leurs patries et leur liberté des terroristes, n’a d’autre souci que de perpétuer les guerres dans la région arabe.

Le Monde (Quotidien français, social-démocrate)
 Éditorial de la rédaction
Au soir de son élection, M. Sarkozy avait annoncé que la France serait « aux côtés des opprimés » et qu’elle était « de retour » en Europe. Pourtant, il est le premier chef d’État en Occident à faire l’honneur à Mouammar Khadafi d’une réception depuis l’époque où le dirigeant libyen s’était mis au ban des nations par son soutien au terrorisme. M. Sarkozy ne tient pas parole.

Libération (Quotidien français, opposition)
La venue de Mouammar Khadafi à Paris a suscité une véritable cacophonie dans la majorité. La secrétaire d’État aux Droits de l’homme, Rama Yade, qui a violemment critiqué le tyran du désert, aurait été vertement tancée par Nicolas Sarkozy, mais à gauche beaucoup ont trouvé l’occasion trop belle et l’ont félicitée pour son courage. L’opinion publique admet difficilement la diplomatie du carnet de chèques conduite par le président de la République et de nombreux parlementaires boycotteront la réception du Guide à l’Assemblée nationale.

Le Figaro (Quotidien français, majorité présidentielle)
• Le premier entretien entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Khadafi a donné lieu à une dizaine de milliards d’euros de contrats : 4,5 milliards d’armements, dont 14 avions Rafale, 35 hélicoptères Tigre, Fenec et EC-135, de l’artillerie, 6 navires, des blindés, des radars de défense antiaérienne, plus la remise en état de Mirage F1 achetés par la Libye dans les années 1970. Dans le domaine de l’aéronautique civile, la Libye a signé pour 21 commandes fermes d’Airbus et pris une option pour 9 supplémentaires. Un « accord de coopération » pour le développement de l’énergie nucléaire civile prévoyant la fourniture à terme d’un ou plusieurs réacteurs nucléaires, destinés à la désalinisation de l’eau de mer, figure aussi au tableau. Dans le domaine du BTP, Vinci prendra part à la construction du nouvel aéroport de Tripoli, et à celle du réseau routier. La firme Veolia assainira l’eau de Tripoli et coopérera avec la Libye dans le gaz et l’électricité. Un accord de sécurité dans la lutte contre le terrorisme a également été signé, ainsi que divers autres : une coopération entre le Louvre et la direction archéologique libyenne, une autre entre l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et la radiotélévision libyenne sur les archives. Enfin le contentieux entre la Libye et l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris a été réglé.
• Coincé entre l’Égypte équipée par les USA et l’Algérie équipée par la Russie, l’armée libyenne doit être remise à niveau après les années d’embargo. C’est l’objet d’une compétition entre Français, Britanniques, Russes et Italiens. Les missions de cette armée rénovée seront la protection des frontières –très poreuses–, la lutte contre le terrorisme islamiste, contre l’immigration illégale, et la protection des ressources, énergétiques ou halieutiques. En outre, une Force spéciale, dirigée par Saadi, un des fils du Guide, protégera le régime. C’est elle qui devrait recevoir les nouveaux chasseurs et qui veut aussi se doter d’hélicoptères Tigre.
• La Libye espère devenir l’équivalent africain de Dubaï. S’appuyant sur l’augmentation des revenus du pétrole, le Guide a procédé en un an à des investissements massifs qui ont fait décoller l’économie du pays. Considérant que sa faible population n’en fait pas un marché, il se tourne vers les services et le tourisme. Simultanément, des efforts de grande envergure ont été lancés en faveur du logement individuel, et les titres de propriété des maisons, abrogés durant la période socialiste, sont en cours de rétablissement.
• L’élection présidentielle libanaise a été reportée pour la huitième fois, alors qu’un très large consensus a été trouvé en faveur de la candidature du général Sleimane, car les deux fractions ne parviennent pas à s’entendre sur le processus constitutionnel rendant cette élection possible. Ce débat juridique n’est rien d’autre qu’une montée des enchères poussée par la Syrie. Le leader chrétien d’opposition, Michel Aoun, est en pointe dans cette bataille. Il réclame des compensations en échange de ses « sacrifices », à savoir la garantie d’être considéré comme le représentant le plus légitime des chrétiens sur la base de ses scores électoraux.

Audiovisuel international

Al Jazeera (Chaîne qatari)
Le principal journal du soir
 Farouk Kaddoumi, chef du département politique à l’OLP
Nous œuvrons à la formation d’un comité national palestinien pour la compréhension et l’unité avec des personnalités indépendantes, et non pas seulement avec les organisations palestiniennes.
La tâche de ce comité sera de proposer un projet des solutions à la crise interne palestinienne et non pas d’appeler au dialogue, car il ne faut pas laisser la scène à la merci des deux grands mouvements (le Fatah et le Hamas, ndlr)

Tendances et événements au Liban

Des ténors de la coalition du 14-mars au pouvoir, avec à leur tête le député Saad Hariri, sont revenus à l’escalade verbale, qui coïncide avec le report au 17 décembre de la séance de l’élection présidentielle prévue ce mardi. Mais à la lumière des indices politiques actuels, il est peu probable qu’un nouveau président sera élu lundi prochain. Les développements qui se sont succédé ces dernières heures font ressortir les observations suivantes :
 1. Le 14-mars insiste pour que le projet d’amendement de la Constitution passe par le gouvernement de Fouad Siniora. L’opposition estime qu’il s’agit là d’un chantage politique visant à lui arracher une reconnaissance de la légitimité du cabinet et des décisions et décrets qu’il a adoptés depuis le 11 novembre 2006, date de la démission des ministres opposants. Chose que l’opposition ne peut en aucun cas accepter pour des considérations politiques et constitutionnelles.
 2. L’opposition estime que le 14-mars n’est pas sincère dans le soutien qu’il a apporté à la candidature consensuelle du général Michel Sleimane. Preuve en est son refus de poursuivre les négociations pour aboutir à un arrangement politique global qui précèderait l’amendement de la Constitution nécessaire à l’élection du Commandant en chef de l’Armée. La crise de confiance refait surface. Un dirigeant de l’opposition affirme que les amères expériences avec le 14-mars nécessitent un accord écrit couplé à un mécanisme d’application, car tous les compromis conclus avec cette coalition ces deux dernières années ont été dénoncés quelques jours après par ceux-là même qui les ont négociés.
 3. Selon des sources diplomatiques, des ingérences arabes se tiennent derrière le soudain raidissement du 14-mars. L’axe Le Caire-Riyad a introduit le dossier libanais dans l’équation régionale, notamment palestinienne. Après l’échec d’Annapolis, les Arabes « modérés » envisagent de relancer le dialogue inter-palestinien pour empêcher l’effondrement de l’Autorité palestinienne. Pour cela, ils souhaitent des concessions de la part du Hamas au bénéfice de Mahmoud Abbas. Ils utilisent donc le Liban comme carte de chantage.
 4. Le dernier communiqué de Saad Hariri est truffé de menaces à peine voilées. Il s’accompagne d’une activité diplomatique internationale illustrée par le projet français de communiqué de la présidence du Conseil de sécurité, appuyant le gouvernement de Fouad Siniora. Des voix se sont également élevées pour ressortir la carte de l’élection d’un président à la majorité simple.

Presse libanaise

An-Nahar (Quotidien proche du 14-mars)
Le retour de l’escalade verbale dans le débat politique n’est que le reflet du blocage des efforts pour mener à terme le processus d’amendement de la Constitution pour permettre l’élection du général Michel Sleimane à la présidence. Les divergences ne portent pas uniquement sur le mécanisme d’amendement de l’article 49 mais sont beaucoup plus profondes. De nombreuses voix évoquent la possibilité d’une prolongation du vide à la tête de l’État jusqu’à la seconde moitié de mars si l’élection du général Sleimane échoue dans les dix prochains jours.

As-Safir (Quotidien proche de l’opposition)
Le général Michel Sleimane va-t-il prendre une mesure qui constituera une surprise pour les milieux politiques locaux et les parrains étrangers qui ont appuyé sa candidature avant de la laisser en pâture aux tiraillements internes, tandis que les éléments du compromis régional et international n’étaient pas encore tous rassemblés ? Cette question se pose avec autant d’acuité que les Libanais ne vont vraisemblablement pas avoir un nouveau président avant les fêtes de fin d’année.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.