Tendances et événements au Liban

Dix jours de médiations avant l’escalade

Les développements se sont succédé à un rythme accéléré au Liban ces dernières 24 heures, laissant craindre une confrontation ouverte entre le 14-mars pro-US et l’opposition :
 1. Le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a donné un délai de dix jours aux négociations et aux efforts de bons offices, après quoi l’opposition va agir pour empêcher le gouvernement de Fouad Siniora de faire main basse sur les prérogatives de la présidence de la République et sauver le pays de l’hégémonie états-unienne. Il a mis en garde les pays arabes de s’ingérer dans la crise pour appuyer un des deux protagonistes et a rendu hommage à l’attitude de la Syrie qui s’est abstenue d’exercer des pressions sur l’opposition pour la pousser à abandonner ses revendications, en dépit de tous les acquis que les Européens lui ont fait miroiter (Invitation de Nicolas Sarkozy à Paris, ouverture économique, signature de l’accord d’association etc…).
 2. Sayyed Nasrallah a révélé l’existence d’un plan global de l’opposition prêt à être mis en œuvre automatiquement au cas où le 14-mars élirait un président à la majorité simple. Il a averti le gouvernement de Fouad Siniora de ne pas continuer à exercer les prérogatives de la présidence de la République.
 3. Le député Walid Joumblatt, un des ténors du 14-mars, a repris son discours d’escalade contre la Syrie, l’Iran et l’opposition libanaise, notamment contre le général Michel Aoun et le Hezbollah. Il a catégoriquement refusé d’accorder à l’opposition le tiers des portefeuilles, comme l’avait fait quelques heures plus tôt le député Saad Hariri, autre figure du 14-mars.
 4. La Syrie a annoncé la suspension de sa coopération avec la France sur le dossier libanais. Le ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, a dévoilé l’existence d’un document écrit proposé par la France pour régler la crise libanaise, qui a été rejeté par le 14-mars. Il a accusé Paris de vouloir faire assumer à la Syrie la responsabilité de l’échec des efforts visant à trouver un compromis entre le 14-mars et l’opposition au Liban.
À la lumière de tous ces développements, il semble que la crise libanaise se dirige vers l’escalade, surtout que des informations indiquent que lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères dimanche au Caire, l’Égypte et l’Arabie saoudite vont tenter d’imposer un communiqué demandant l’élection immédiate d’un président au Liban et appelant l’opposition à abandonner ses « conditions préalables ». Cela signifie que la Ligue arabe, qui aura choisi de soutenir une partie libanaise au détriment d’une autre, ne sera plus en mesure de jouer le rôle de médiateur dans la crise.

Presse libanaise

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Sayyed Hassan Nasrallah a fixé un délai de dix jours pour les médiations avant que l’opposition n’agisse pour faire face à la situation provoquée par l’intransigeance du pouvoir. Walid Joumblatt a réaffirmé son refus d’accorder le tiers des portefeuilles à l’opposition. La trêve des fêtes de fin d’année a très vite volé en éclat et 2008 semble ouverte sur toutes les options.
La Syrie, par la bouche de son ministre des Affaires étrangères, a suspendu toute coopération avec la France sur le dossier libanais, répondant à une position similaire annoncée par le président français Nicolas Sarkozy.
L’escalade entre le 14-mars et l’opposition précède la tournée régionale du président George Bush dimanche prochain, qui coïncide avec la réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire.

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Après la partialité dont a fait preuve la France dans sa médiation dans la crise libanaise, la Syrie a décidé de suspendre toute coopération avec Paris. Cette mesure est aussi une réaction à une position similaire annoncée par le président Nicolas Sarkozy au Caire. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem, a révélé avoir reçu une lettre française affirmant que la France n’était pas en mesure de faire accepter par le 14-mars l’accord conclu sous son égide. Cet accord consistait en l’élection d’un président consensuel, la formation d’un gouvernement d’union nationale, l’élaboration d’une nouvelle loi électorale et la neutralisation du rôle négatif joué par les États-Unis au Liban. Le compromis a échoué après que le 14-mars eut refusé que la participation de l’opposition au gouvernement soit proportionnelle à son poids au Parlement.

Audiovisuel libanais

NBN (CHAINE PROCHE DU PRESIDENT DU PARLEMENT, NABIH BERRY)
Émission : En résumé
 Hassan nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
Aucun président ne sera élu au Liban tant que l’opposition n’aura pas obtenu le tiers des portefeuilles au sein d’un gouvernement d’union nationale.
La solution à la crise réside dans un partenariat qui offrirait une garantie constitutionnelle à l’opposition de disposer d’un droit de regard pour les grandes décisions nationales. C’est le moins que l’ont puisse accepter sachant que l’opposition représente plus de la moitié de la population.
Tant que les États-Unis n’accepteront pas d’accorder le tiers des portefeuilles à l’opposition, il n’y aura pas d’élection présidentielle au Liban.
La majorité veut avoir une maîtrise totale du pouvoir et refuse de s’associer avec un autre parti. Dans le système libanais consensuel, cela signifie que des communautés entières sont mises à l’écart du pouvoir.
Tant que les médiations se poursuivent, nous ne nous dirigerons pas vers la confrontation. Les Français et les Syriens tentent de parvenir à un compromis. Mais si cette médiation échoue, il n’y en aura pas d’autres, et l’opposition lancera une mobilisation qui recourra à tous les moyens pacifiques possibles. Nous donnons un délai de dix jours aux efforts de bons offices.
L’opposition est hostile au projet US au Liban, qui consiste à mettre en place un pouvoir totalement inféodé à l’Administration Bush, dans lequel il n’y a aucune place pour toute force de résistance, qu’il s’agisse du Hezbollah ou d’une autre. Ce pouvoir est destiné à appliquer les décisions états-uniennes et à servir les intérêts de cette Administration, notamment la réalisation de l’implantation des Palestiniens au Liban pour liquider la cause palestinienne et le droit au retour, et l’utilisation du Liban contre la Syrie pour pousser celle-ci à conclure une paix avec Israël aux conditions de l’État hébreu.
Les négociations sur l’échange de deux soldats israéliens capturés pendant l’été 2006 se poursuivent toujours. Dans deux ou trois semaines, on saura si leur issue sera négative ou positive.
Le Hezbollah est victime d’une campagne systématique de dénigrement visant à le présenter comme un parti en proie à des luttes internes pour le pouvoir et tiraillé par des courants contradictoires syrien et iranien. Le Hezbollah est un phénomène rare dans le monde arabe car il est homogène
Le Hezbollah est un parti jouissant d’une autonomie totale par rapport à la Syrie et à l’Iran. Il influe plus qu’il n’est influencé.
Le problème n’est pas dans l’accord de Taëf. Je ne réclame donc pas sa révision. Mais j’appuis le général Aoun lorsqu’il demande une explication de certains textes qui font l’objet d’interprétations différentes entre la majorité et l’opposition. Le problème actuel n’est pas non plus dans les mécanismes d’application. Le problème réside dans le fait que la partie adverse refuse la participation de l’opposition au pouvoir. Elle veut concentrer tous les pouvoirs et n’accepte la présence de l’opposition que si celle-ci est minoritaire dans le vote.
Si l’opposition renonce au tiers de garantie, le gouvernement pourra légaliser l’implantation des Palestiniens. Ce gouvernement n’est pas soucieux de l’intérêt du pays et, pendant la guerre de juillet, il a même fait pire.
Le cabinet Siniora a adopté un style de gouvernement qui a exclu les ministres de l’opposition des décisions, même celles qui concernent leurs propres ministères. C’est pourquoi, aujourd’hui, elle réclame une garantie constitutionnelle à travers le tiers de garantie. Cette exigence n’est pas dirigée contre le général Michel Sleimane dont je salue les qualités nationales. Sans gouvernement d’union nationale, le président ne peut rien faire. Même le général Aoun ne peut rien faire sans un gouvernement d’union. Si l’opposition accepte aujourd’hui d’élire le général Sleimane à la tête de l’État sans obtenir le tiers de garantie au gouvernement, le nouveau président pourra difficilement s’opposer aux plans de la majorité et celle-ci recommencera à l’accuser de faire le jeu des Syriens. La campagne est déjà prête.
Concernant le tribunal spécial pour les assassins de Rafic Hariri, l’opposition, même avec le tiers de blocage, ne peut plus rien faire. Le dossier est maintenant entre les mains de l’Onu. De plus, le président Nabih Berry s’est engagé à ce que les ministres de l’opposition ne démissionnent pas pour ne pas faire sauter le gouvernement.
L’opposition est soucieuse de la paix civile et elle a fait de nombreuses concessions, mais en définitive, elle ne se laissera pas faire. Il ne faut pas non plus la pousser à bout car même le Hezbollah ne pourra pas contrôler totalement la base et il n’est pas le seul sur le terrain.
La Syrie n’a pas exercé de pressions sur l’opposition puisqu’il n’y a pas de contact entre elle et le général Michel Aoun. De grandes promesses ont été faites à la Syrie, mais celle-ci a préféré faire passer les intérêts de l’opposition avant les siens.
Nous envisageons d’intenter un procès contre ceux qui accusent le Hezbollah d’être derrière ou de faciliter les attentats. S’ils ont des preuves, il faut les présenter à la justice, sinon, le parti entamera des poursuites judiciaires.
Israël cherche par tous les moyens à entraîner le Hezbollah dans un affrontement interne, à séparer totalement le Liban de la Syrie et à montrer que le Liban est incapable d’assurer sa propre sécurité, pour pouvoir confier celle-ci aux services états-uniens, comme c’est le cas en Irak...

Tendances et événements au Proche-Orient

Pourquoi Washington refuse-t-il l’enquête internationale dans l’affaire Bhutto ?

Le refus des États-Unis d’une enquête internationale dans l’assassinat de l’ancienne Premier ministre pakistanaise, Benazir Bhutto, suscite de nombreuses interrogations dans la presse régionale et mondiale. Les analystes ont souligné les observations suivantes :
 1. De nombreux indices montrent l’existence de liens entre l’attentat contre Bhutto et ce que des spécialistes états-uniens et européens ont appelé un arrangement entre l’ancien Premier ministre et Washington. En facilitant son retour au Pakistan, les États-Unis voulaient limiter le rôle de Bhutto au renflouement du régime de Pervez Musharraf, pièce essentielle sur l’échiquier US en Asie. Mais réalisant l’ampleur de l’appui populaire dont elle jouissait, Benazir Bhutto a refusé de se confiner au rôle qui lui était dévolu, cherchant à nouer des liens avec Nawaz Charif, chef de la mouvance islamiste modérée. Les soupçons qui pèsent sur les États-Unis dans l’attentat s’expliquent par le fait que Washington a toujours éliminé ceux ou celles qui sortent des règles du jeu prédéfinies. De nombreux analystes font la comparaison entre l’attentat contre Bhutto et l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, après qu’il eut décidé, avec son bloc parlementaire, de voter en faveur de la prorogation du mandat d’Emile Lahoud, alors que les États-Unis voulaient utiliser cette affaire pour isoler et affaiblir la Syrie.
 2. Quoi qu’il en soit, les États-Unis assument une énorme responsabilité politique dans l’assassinat de Bhutto et dans la crise politique qui secoue le Pakistan, surtout qu’ils sont les protecteurs et les mentors du régime de Musharraf. Des informations de presse indiquent que des milieux des services de renseignements pakistanais auraient sensiblement réduit la protection accordée à Bhutto, ce qui a ouvert une immense brèche à travers laquelle les assassins se sont engouffrées pour commettre leur méfait.
 3. En refusant l’enquête internationale, Washington veut fermer toutes les fenêtres pour éviter l’affaiblissement du régime de Mushrarraf, surtout que la situation en Afghanistan se complique pour l’Otan.

Presse et agences internationales

MAARIV (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
 Amir Rabaport
• Trois semaines après le début de la Deuxième guerre du Liban, le 12 juillet 2006, l’armée israélienne a effectué une étude parmi les militaires qui a montré que la majorité des soldats se sont effondrés sous les exigences physiques des combats. 70 % des militaires ont indiqué qu’arriver à la destination fixée avec du matériel emporté sur le dos était une mission difficile ou extrêmement difficile. 52 % ont fait le même jugement pour les opérations de sauvetage des soldats blessés sur le champ de bataille. 44 % assurent avoir éprouvé de grandes difficultés à soulever les brancards ou ne sont pas parvenus à le faire. 39 % ont indiqué avoir rencontré des difficultés à lancer une attaque, alors que 52 % ont précisé qu’ils n’arrivaient pas à suivre ce qui se passait autour d’eux. « Parfois, transporter un blessé quelques centaines de mètres prenaient des heures », ont témoigné certains militaires.
• Dans les deux semaines, Israël devrait avoir terminé la réévaluation des critères de définition des détenus ayant les mains entachées de sang. Ensuite, il devrait remettre une liste de ces noms au Hamas pour un éventuel échange contre le soldat Gilad Shalit. Le directeur du Chabak, Yoval Diskin, avait réclamé un délai d’une semaine pour trier les détenus répondant aux nouveaux critères. Ces mesures interviennent après que le conseiller d’Ehud Olmert pour les affaires des détenus, Ofer Dikel, ait affirmé qu’il n’obtiendrait aucun résultat dans sa mission tant que les critères n’auraient pas été rendus plus flexibles. Il aurait déclaré à plusieurs reprises : « Mon problème n’est pas avec les Arabes mais avec les juifs ».

AL-WATAN (QUOTIDIEN SAOUDIEN)
Il est difficile de croire le Premier ministre israélien lorsqu’il dit qu’Israël n’aura plus le choix, un jour, que de partager Jérusalem avec les Palestiniens dans le cadre d’un accord de paix. C’est d’autant plus difficile à croire que Ehud Olmert vient de donner son accord pour la construction de 440 logements et d’un hôtel dans deux colonies de Jérusalem-est. Olmert se contredit lorsqu’il affirme que son pays compte maintenir sous son contrôle la colonie de Maali Adoumim, située en Cisjordanie. De quelle paix parle-t-il ?

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Les confrontations sanglantes entre le Fatah et le Hamas à Gaza semblent se diriger vers un point de non-retour. Elles vont devenir le seul langage entre les deux mouvements. Les signes de divisions se renforcent et évoluent rapidement, en parallèle avec les crispations politiques.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Ezzeddine Darwiche
Aucun indice ne montre que l’administration Bush, plus précisément l’administration des néo-conservateurs, va changer de politique lors de la dernière année du mandat, en dépit de la forte opposition interne et externe à laquelle elle fait face. Ce sentiment se manifeste le plus dans la région arabe, car c’est elle qui a le plus pâti de la politique US.

Audiovisuel international

CHAINE SATELLITAIRE SYRIENNE
Conférence de presse
 Walid Moallem, ministre syrien des Affaires étrangères
La Syrie a décidé de cesser sa coopération avec la France sur la crise libanaise
D’une part on demande à la Syrie de ne pas intervenir au Liban, et d’une autre, on lui demande d’utiliser son influence sur ses alliés Libanais.
Ils veulent que la Syrie fasse pression sur l’opposition. Or il y a d’autre parties qui bénéficient d’une influence au Liban, pourquoi n’en font-ils pas usage ? Que la Syrie fasse pression sur l’opposition afin que la majorité impose son hégémonie est une chose inacceptable.
Le 28 décembre, un accord est intervenu entre la Syrie et la France sur une solution globale au Liban qui prévoit l’élection d’un président de consensus, la formation d’un gouvernement d’union nationale représentant toutes parties libanaises, conformément à leur poids parlementaire respectif, ainsi que l’élaboration d’une loi électorale équitable. Ce projet a été soumis à la majorité qui l’a accepté. Nous avons été ensuite surpris par les propos de M. Sarkozy annonçant l’arrêt des contacts avec la Syrie.
Après la déclaration de M. Sarkozy, M. Guéant m’a appelé le 31 décembre au matin pour me dire que la France n’a pas pu vendre le projet convenu à Saad Hariri.
J’ai appelé M. Guéant l’après-midi qui m’a informé que Paris a décidé d’interrompre ses contacts avec la Syrie. Il m’a dit que la France a été mécontente que l’agence officielle Sana ait révélé le contenu des appels téléphoniques. Je lui ai répondu que la Syrie n’a rien à cacher et qu’elle n’a pas honte de ses prises de positions.
L’opposition libanaise demande que chaque partie ait une représentation qui corresponde à son poids réel.
J’appelle les Libanais à reprendre les négociations entre eux pour aboutir à une solution consensuelle.
C’est le général Aoun, et non pas la Syrie, qui est habilitée à parler au nom de l’opposition. Ceux qui veulent parler avec l’opposition doivent contacter le général Aoun.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.