Tendances et événements au Proche-Orient

Le peuple de Gaza brise le blocus

Face aux massacres perpétrés par les Israéliens et au blocus qui leur est imposé, les habitants de Gaza ont résolument choisi la voie de la résistance. Les événements se sont accélérés ces dernières 24 heures, permettant de noter les observations suivantes :
 1. Les Palestiniens ont décidé de briser eux-mêmes le blocus en détruisant le mur qui sépare Gaza de l’Égypte. Des dizaines de milliers de personnes ont traversé la frontière pour aller s’approvisionner dans les villes égyptiennes voisines de Rafah et Al-Ariche. De la sorte, les Palestiniens ont imposé une réalité nouvelle que Le Caire a été contraint d’accepter. Le président Hosni Moubarak n’avait d’autre choix que de laisser faire, en essayant de récupérer le mouvement. Cette situation a fortement embarrassé le régime auprès de son opinion publique et de l’institution militaire.
 2. La colère de la rue arabe s’amplifie et les mouvements de solidarité amorcés dans plusieurs pays risquent de faire tache d’huile.
 3. Le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Machaal, a lancé une initiative lors de la conférence palestinienne de Damas, qui pourrait servir de base pour la reprise du dialogue avec le Fatah. L’Autorité palestinienne se trouve très affaiblie par les derniers événements.
 4. Le gouvernement d’Ehud Olmert voit ses choix réduit au jeu classique de l’accordéon, alternant l’usage démesuré de la violence et les négociations.
 5. Le Conseil ministériel arabe convoqué pour débattre de la crise à Gaza va mettre dans l’embarrassas les Arabes dits « modérés ». La Syrie saisira cette occasion pour demander à tous les Arabes d’assumer leurs responsabilités et de traduire en actes politiques leurs condamnations verbales de la barbarie israélienne. L’Égypte et la Jordanie seront contraintes de prendre en considération la colère de leur opinion publique, très sensible à la question palestinienne. Une nouvelle carte des alliances pourraient ainsi voir le jour sur la scène arabe.

Presse et agences internationales

REUTERS (AGENCE DE PRESSE BRITANNIQUE)
 Adam Entous
Les islamistes du Hamas ont démontré l’incapacité d’Israël à mettre au pas la bande de Gaza en déverrouillant la frontière avec l’Égypte et en transformant le blocus israélien en désastre pour l’image de l’État juif.
L’objectif affiché d’Israël en resserrant la semaine dernière l’étau autour de Gaza était de faire cesser les tirs de roquettes des activistes palestiniens qui sèment la panique parmi la population juive vivant en lisière du fief du Hamas.
Mais devant le tollé international suscité par la crise humanitaire dans l’étroite bande côtière où s’entassent un million et demi de Palestiniens, Israël a dû faire machine arrière.
Dans le même temps, les activistes du Hamas ont fait sauter le mur métallique de six mètres de haut construit par Israël pour séparer Gaza de l’Égypte au niveau de Rafah, offrant aux Gazaouis une bouffée d’oxygène après plus de six mois de siège.
Aujourd’hui, l’électricité est revenue à Gaza, ses habitants vont et viennent par milliers à la frontière égyptienne et le chef du Hamas en exil jure que les tirs de roquettes se poursuivront.
L’État juif est tombé dans le piège du Hamas, estime Danny Ayalon, ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis. « C’est un échec retentissant et une catastrophe en termes d’image. De plus, nous avons perdu notre pouvoir de dissuasion pour la prochaine fois. »
Alors que l’Occident avait jusque-là fermé les yeux sur les mesures d’isolement prises par Israël depuis le coup de force du Hamas à Gaza, en juin, le spectacle de ce territoire surpeuplé plongé dans le noir a été la mesure de trop.
Selon Mouine Rabbani, de l’International Crisis Group, Israël a donné au Hamas « le prétexte qu’il cherchait » pour briser le siège.
La fermeture de la frontière était censée miner le soutien des Gazaouis au Hamas et préparer le terrain au rétablissement de l’autorité du président Abbas à Gaza, faisait valoir Israël aux responsables occidentaux. Le mouvement islamiste est maintenant en mesure d’utiliser la situation à la frontière pour contraindre l’Égypte à conclure avec lui un accord bilatéral sur le fonctionnement futur du point de passage de Rafah, sa seule issue de secours face au blocus israélien.
Le Hamas est probablement convaincu que, désormais, il va être « politiquement impossible pour l’Égypte de le refermer de force », estime Mouine Rabbani.

AL BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Une fois de plus, le Conseil de sécurité est empêché d’exercer un des aspects les plus importants de son rôle : le règlement d’une crise humanitaire. Les considérations politiques ont primé pour empêcher le Conseil de s’opposer, voire de condamner les punitions collectives. Uniquement parce que c’est à Israël qu’il doit demander des comptes. L’ambassadeur des États-Unis n’a vu dans la crise que les roquettes palestiniennes et a estimé que seule la partie palestinienne doit être tenue pour responsables. Il a même ignoré le fait que seule une infime minorité de Palestiniens tirent les roquettes alors que toute la population est soumise aux sanctions collectives. C’est une équation injuste.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Ezzeddine Darwiche
Lors des délibérations en Conseil de sécurité sur l’agression israélienne contre Gaza, les Etats-Unis ont fait des provocateurs vis-à-vis des Arabes et de la communauté internationale. Si la vérité n’était pas aussi éclatante, on aurait pu croire, un instant, que ce sont les Palestiniens de Gaza qui soumettent les Israéliens à un blocus, les privent des besoins les plus élémentaires de la vie et les tuent avec les bombes des avions et les obus des tanks.
Le problème ne vient pas des États-Unis mais des Arabes, car ils ont accepté leur état actuel de faiblesse et d’humiliation. Ils ont accepté d’être les gardiens et les exécutants de la volonté des États-Unis, alors qu’ils possèdent des moyens qui, s’ils sont utilisés à bon escient, peuvent faire trembler le monde. Certains pourraient discuter ce point en invoquant les rapports de forces internationaux. _ Mais la réponse est toute prête : jamais la force n’a constitué un prétexte suffisant pour justifier l’inaction et l’humiliation. La volonté et la détermination peuvent faire contrepoids à la force.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Comment est-il concevable d’ouvrir des canaux de négociations avec l’ennemi et de lui serrer la main alors que dans le même temps il est impossible aux frères de surmonter les problèmes, les intérêts personnels et la politique mortelle des axes ? Pourtant, tous savent que les infortunes qui frappent aujourd’hui tel pays arabe vont toucher, demain, tel autre pays.

AFP (AGENCE DE PRESSE FRANÇAISE)
Le président du conseil municipal de Jérusalem, Youri Lopolianski, a annoncé que les services de la municipalité avaient obtenu tous les permis nécessaires pour construire 7 300 nouveaux logements dans les colonies de Jérusalem-Est, à majorité arabe. Il a précisé que le Premier ministre, Ehud Olmert, n’avait pas été consulté et avait été mis devant le fait accompli.

AL-WATAN (QUOTIDIEN SAOUDIEN)
Les tentatives de provoquer des violences dans les rues de Beyrouth, ces derniers jours, illustrent non seulement la volonté des opposants de saboter et de terroriser le gouvernement actuel, mais d’allumer la guerre civile. Pourquoi ces gens-là veulent-ils provoquer une guerre civile ? Est-ce parce qu’ils possèdent des roquettes et des armes qu’ils prétendent utiliser contre l’ennemi israélien ? Est-ce parce qu’ils possèdent des milices armées que les autres parties n’ont pas à leur disposition ? Tentent-ils de modifier par la violence les rapports de forces basés sur des facteurs politiques ?

Audiovisuel international

CHAINE SATELLITAIRE SYRIENNE
• Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a déclaré que son pays poursuivrait ses efforts en vue d’obtenir ses droits nucléaires dans le cadre des lois internationales.
• La Syrie a demandé au Conseil de sécurité de prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à l’agression israélienne contre la Bande de Gaza.

AL-JAZEERA (CHAINE QATARI)
Émission : Sans frontières
 Moshen Bilal, ministre syrien de l’Information
La Syrie a condamné de vive voix dès le premier jour le blocus imposé aux 1,5 millions de Palestiniens de Gaza.
La conférence de Damas vise à inciter les Palestiniens à renforcer leur unité nationale et à préserver le droit au retour.

Tendances et événements au Liban

Grève syndicale, l’opposition parle aux Arabes, reprise des contacts entre Paris et Damas

Le paysage politique libanais présente ces dernières 24 heures les éléments suivants :
 1. Les syndicats des transports terrestres et des agriculteurs ont décrété une grève générale qui a été largement suivie dans certaines régions et plus partiellement dans d’autres. Le mouvement de protestation a été accompagné de sévères mesures de sécurité et d’une campagne médiatique orchestrée par le 14-mars pro-US, accusant l’opposition de se tenir derrière les syndicats. Pourtant, l’opposition a assuré par la bouche de ses principaux dirigeants, que lorsqu’elle décidera de descendre dans la rue, elle le fera sous un slogan politique et ne se cachera pas derrière des revendications d’ordre syndical.
 2. Le Conseil ministériel de la Ligue arabe de dimanche constitue une étape importante aux yeux des différents protagonistes libanais. L’opposition a préparé un mémorandum qu’une délégation parlementaire remettra aux ministres réunis au Caire.
 3. Des informations de presse font état de la reprise des contacts entre Paris et Damas après une médiation qatari. De nouvelles candidatures consensuelles à la présidence, autre que celle du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, sont envisagées.

Presse libanaise

L’ORIENT-LE JOUR (QUOTIDIEN FRANCOPHONE PROCHE DU 14-MARS)
Les avocats des quatre généraux emprisonnés dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, MM. Issam Karam et Akram Azoury, ont tenu hier une conférence de presse en présence de représentants de toutes les composantes de l’opposition. Me Azoury, qui a ouvert la conférence, a affirmé qu’elle se tient à l’occasion de la parution du rapport officiel de l’Onu sur les droits de l’homme, estimant que le gouvernement libanais est responsable de la privation arbitraire de liberté des quatre officiers. Me Azoury a rappelé la publication, par le quotidien français Le Monde, d’un portrait de l’ancien président de la commission d’enquête internationale, dans laquelle ce dernier avait qualifié le dossier de très maigre.
Les avocats Azoury et Karam ont ensuite expliqué le contenu du rapport de la Commission des droits de l’homme de l’Onu sur le sort des généraux Jamil Sayyed, Moustapha Hamdane, Ali Hajj et Raymond Azar. Ce rapport affirme que la justice libanaise est responsable du maintien en détention des officiers. Il ajoute que la poursuite de cette détention est une violation des articles 9 et 14 de la Charte des Nations unies sur les droits civils et politiques.
Le rapport relève aussi que les officiers sont maintenus à l’isolement, ce qui ne garantit nullement qu’ils soient bien traités. Il ajoute que le gouvernement libanais est entièrement responsable de cette détention arbitraire, qui, même si elle est autorisée par la loi, reste injuste. Le rapport affirme aussi que le droit international exige que le prévenu soit informé des charges qui pèsent contre lui dès son arrestation et ce droit précise que le prévenu doit être déféré devant le tribunal compétent dans les plus brefs délais, et il entend par plus brefs délais une durée limite de quelques jours.
Le rapport affirme encore que la détention sans charge ne peut se prolonger au-delà de deux ans, car cela érode le droit des accusés à se défendre.

Déclarations

 MICHEL SLEIMANE, COMMANDANT EN CHEF DE L’ARMEE
Le froid auquel on fait allusion entre moi et l’opposition ne vient pas de ma part et je ne le ressens pas. Mes relations sont bonnes avec tout le monde et je suis en contact avec tous.
Les critiques (qui lui sont adressées par certaines forces de l’opposition. ndlr) font partie d’une série de jurisprudences personnelles. Dans tous les cas, qui aime bien châtie bien.
La politique ne me concerne pas, ce qui compte, ce sont les bonnes performances de la troupe, et son attachement aux constantes et aux valeurs humaines.
Mon refus d’une élection à la moitié plus un des voix est définitif. J’ai d’ailleurs obtenu des garanties à ce sujet.
A la base, je ne me suis pas porté candidat, et je ne sais pas comment l’opposition et la majorité se sont mises d’accord sur mon nom en quelques heures. En cas d’accord sur un autre candidat, je serais prêt à lui faire allégeance. Mes priorités sont le pays et la République.
Disposer d’un bloc ministériel ne me concerne pas, idem pour un éventuel tiers de blocage. Ce que je souhaite, c’est l’entente et la réconciliation, ce serait d’ailleurs, si j’étais élu, ma première mission : réconcilier tout le monde d’une façon durable.
Mes relations avec la Syrie sont excellentes. Je suis en contact avec les autorités militaires syriennes chaque fois que cela l’impose.

 CHEIKH NAÏM KASSEM, NUMERO 2 DU HEZBOLLAH
Le 14-mars s’est dévoilé devant l’opinion publique, car il répète les propos israéliens, évoque les objectifs israéliens et se solidarise avec la vision israélienne
La Résistance ne dérange pas seulement les Israéliens, mais aussi le 14-mars car elle freine la tutelle états-unienne.
La moindre attaque israélienne déclenchera la riposte adéquate de la part de la Résistance. La défense de la patrie ne nécessite la permission de personne.

 HUSSEIN HAJJ HASSAN, DEPUTE DU HEZBOLLAH
Les responsables du 14-mars continuent à présenter leurs lettres de créance à leur maître états-unien, dans une campagne orchestrée contre le discours du secrétaire général du Hezbollah.
Ce qui est nouveau, c’est la concurrence qu’ils se font pour jouer le rôle que leur a imparti Israël contre sayyed Hassan Nasrallah.

 CHEIKH MOHAMMAD ALI JOUZOU, MUFTI SUNNITE DU MONT-LIBAN (14-MARS)
L’opposition a interprété l’initiative de la Ligue en persan car elle ne croit plus en la langue arabe.
Le Hezbollah a abandonné les Arabes et l’arabité, il fausse les vérités. Il est une partie intégrante du projet perse.
La Ligue arabe ne doit pas tenir son sommet à Damas qui n’est plus une ville arabe et qui complote contre nos causes pour servir les intérêts perses.

 BERNARD KOUCHNER, MINISTRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ETRANGERES
Nous avons très souvent parlé avec la Syrie, ça n’a pas arrangé les choses ; à chaque fois qu’on pensait trouver une solution, un autre obstacle surgissait
Il faut poursuivre la négociation, car un Liban stable est la condition pour la paix dans la région.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.