Tendances et événements au Proche-Orient

Bush fait modifier le rapport Winograd pour protéger Ehud Olmert

Le rapport de la commission d’enquête israélienne sur la guerre du Liban, présidée par le juge Eliahou Winograd, était au centre de l’actualité traitée par les médias arabes. Les principales chaines de télévision ont consacrée des heures pour commenter son contenu et les journaux en ont publié de larges extraits. Les spéculations vont bon train sur le contenu des parties secrètes qui n’ont pas été publiées pour des raisons relatives à la « sécurité de l’État » et qui concernent la préparation du conflit, le déroulement des combats, la nature des alliances mises sur pied par les États-Unis pour lancer la guerre, et l’implication de responsables libanais et arabes dans les différents épisodes.
Une première analyse que le président états-unien George Bush a exercé d’énormes pressions pour que la partie du rapport rendue publique protège le Premier ministre Ehud Olmert et freine les ambitions de ses adversaires politiques qui souhaitent utiliser les conclusions de l’enquête pour le pousser à la démission, notamment son ministre de la Défense, Ehud Barak. La presse israélienne a relevé souligné que le Likoud a lancé une virulente attaque contre Olmert l’appelant à la démission, alors que Barak et son entourage ont observé un silence étrange. Le rapport critique d’ailleurs la décision de Barak de se retirer du Liban-Sud, en 2000, lorsqu’il était Premier ministre, et utilise un langage plutôt clément à l’égard de la direction politique actuelle. Pourtant, la commission Winograd reconnait la défaite israélienne lors de la guerre de juillet-août 2006, soulignant qu’une organisation paramilitaire de quelques milliers de combattants a réussi à résister face à la plus puissante armée du Moyen-Orient.
Il est étrange que la commission ait fait preuve de compréhension à l’égard de nombreuses décisions prise par Ehud Olmert et son ministre de la Défense de l’époque, Amir Peretz, dans la gestion de la guerre et des négociations, alors que dans un rapport préliminaire, l’attitude de ces deux responsables avait fait l’objet de sévères critiques. En particulier pour ce qui concerne l’offensive terrestre décidée les dernières 48 heures de la guerre. Le rapport utilise des termes du style « la décision a été prise conformément aux données et aux informations disponibles ». Il ne tranche pas la question des responsabilités de la défaite, aussi bien aux niveaux politiques que militaires.

Presse et agences internationales

RESUME DU RAPPORT WINOGRAD
« La guerre du Liban a été un grand et grave ratage (...) Nous avons relevé des manquements graves au plus haut niveau de l’échelon politique et militaire. Le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense de l’époque ont agi guidés par une approche sincère des intérêts d’Israël. La commission ne fait pas assumer des responsabilités personnelles, mais cela ne signifie pas qu’il n’en existe pas. L’entrée en guerre sans une stratégie de sortie était une grave défaillance. La conduite de la guerre a été défaillante au niveau de l’échelon politique et au niveau opérationnel, et en particulier au sein des forces terrestres. L’opération terrestre lancée aux derniers jours du conflit n’a pas atteint ses objectifs. L’armée a échoué dans sa conduite de la guerre et n’a pas fourni à l’échelon politique un résultat susceptible d’être exploité au niveau politique ».

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Ezzeddine Darwiche
Il semble que l’administration Bush, qui a échoué sur tous les tableaux à l’intérieur et à l’extérieur des Etats-Unis, commence la dernière année de son mandant en jouant cartes sur table. Elle a abandonné le minimum de décence politique et diplomatique et semble vouloir régler ses comptes avant qu’elle ne s’en aille, sans regrets pour les Arabes et pour les États-uniens. L’administration a donc activé tous ses bras et ses outils de sabotage dans les territoires palestiniens occupés et au Liban, et menacent de les étendre à d’autres régions arabes. Elle frappe directement en Irak, par le biais d’Israël dans les territoires palestiniens et à travers la fibre sectaire au Liban. Pourra-t-elle réaliser en quelques mois seulement ce qu’elle n’a pas réussi à faire pendant sept ans ? Évidemment non ! Et sa déception sera encore plus grande cette fois-ci.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
On aurait espéré que les Nations unies et leur Conseil de sécurité agiraient autrement avec le désastre de Gaza provoqué par la guerre d’extermination, le blocus et le terrorisme israéliens. En dehors de la routine états-unienne. On aurait souhaité quelque chose de différent de ce qu’impose la Maison-Blanche pour protéger l’entité sioniste.

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Le point de passage de Rafah s’est transformé de lieu ayant brisé le blocus israélien en un nouveau problème qui s’ajoute aux contentieux inter-palestinien. Il est devenu l’objet d’une nouvelle guerre entre le Fatah et le Hamas, entre l’Autorité palestinienne et Gaza. De par sa frontière et en raison de l’afflux de dizaines de milliers de Gazaouites sur son territoire, l’Égypte se trouve entre deux feux. Cette affaire est appelée à se compliquer et le différend risque de se creuser davantage si une formule susceptible de désamorcer la discorde n’est pas trouvée.

AL-QABAS (QUOTIDIEN KOWEITIEN)
 David Brooks
Quelque chose de fondamental a changé dans le parti démocrate à cause des agissements du couple Clinton (Bill et Hillary) visant à ternir l’image et la réputation de leur adversaire Barak Obama. La question qui se pose actuellement est celle de savoir si le duo Clinton défend les intérêts du parti démocrate ou utilise le parti pour servir leurs desseins. Le clan Kennedy, notamment Caroline et son oncle, le sénateur Edward Kennedy, s’est manifesté à l’Université américaine de Washington pour exprimer son soutien à Obama. L’impact de ce soutien va apparaitre chez les travailleurs de la classe moyenne et les catholique ainsi que chez des millions d’autres États-uniens, qui ont suivi l’évolution de Caroline Kennedy et la déclaration de son oncle selon laquelle Obama est prêt depuis le premier jour à assumer les responsabilités de la présidence des États-Unis.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, GROUPE LAGARDERE)
Un kamikaze s’est fait exploser devant un commissariat de police de Thenia, à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Alger faisant quatre morts et 43 blessés. Un double attentat suicide avait déjà eu lieu à Alger le 11 décembre. Ces opérations portent la marque d’Al-Qaida au Maghreb (ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat, GSPC). Accablés par un sentiment d’impuissance, les Algériens se demandent s’ils ne vont pas basculer dans une nouvelle « décennie de sang », comparable aux années 1990. Dans ce contexte sécuritaire et politique, l’hypothèse d’un troisième mandat d’Abdelaziz Bouteflika en 2009 paraît quelque peu incongrue.

LES ECHOS (QUOTIDIEN ECONOMIQUE FRANÇAIS)
La vente de 24 avions de combat F-16 américains au Maroc semble compromise. En effet, suite à la crise des subprimes, Washington est dans l’incapacité de garantir cette transaction de 2,4 milliards de dollars auprès du constructeur Lockheed Martin. Du coup, le Français Dassault relance sa proposition concurrente de 18 Rafales pour une somme supérieure, mais garantie par la Coface.

EL MUNDO (QUOTIDIEN ESPAGNOL, OPPOSITION)
Le 29 janvier, l’ayatollah Mahmud Hachemi Shahrudi, chef du pouvoir judiciaire iranien, a interdit par décret les exécutions publiques et la diffusion d’images d’exécution. Cette décision vise à pacifier la société iranienne et, à terme, à faire baisser le nombre de condamnations à mort. Celles-ci peuvent être prononcées pour les crimes de meurtres, de trafic de drogues et de viol.

THE INDEPENDENT (QUOTIDIEN BRITANNIQUE)
Depuis que la presse locale l’a attaqué et présenté comme une marionnette des États-Unis, le président afghan Hamid Karzai se drape dans le drapeau national et fait du zèle. Il a refusé l’épandage pour détruire les champs de pavot ; il a expulsé des diplomates occidentaux ; au Forum de Davos, il a accusé les Britanniques d’avoir commis de graves erreurs à Helmand ; il s’est opposé à la nomination de Lord Ashdown comme envoyé spécial de l’Onu ; et maintenant, il laisse condamner à mort un jeune étudiant en journalisme Sayed Pervez Kambaksh pour avoir téléchargé sur le Web un rapport critiquant l’interprétation talibane du Coran.

THE WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
• Le nombre de suicide dans l’armée de terre US n’a jamais été aussi élevé depuis que des statistiques sont établies, c’est-à-dire depuis 1980. Il a augmenté de 20 % en un an. Le nombre de tentatives de suicide et d’automutilation a été multiplié par 6, selon un rapport confidentiel de l’Army Suicide Prevention Program.
• Un consensus entre officiers supérieurs semble se dessiner à propos du retrait des troupes d’Irak. Celui-ci se poursuivrait au rythme de 5 000 par mois jusqu’en juillet, date à laquelle le nombre d’hommes sur zone serait égal à celui précédant l’escalade (surge) voulue par le président Bush. Le retrait serait alors « interrompu » jusqu’à la décision du prochain président en janvier 2009.
• La Cour suprême d’Israël a rejeté la plainte d’organisations palestiniennes selon lesquelles l’interruption d’approvisionnement de Gaza et les coupures d’électricité sont contraires aux droits de l’homme. La Cour a considéré qu’il s’agissait d’une forme légale de « guerre économique » contre les « groupes terroristes » contrôlant la Bande de Gaza.

THE WASHINGTON TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN, GROUPE MOON)
Un rapport sur l’Afghanistan a été rendu public hier à Washington, à la veille d’auditions de la commission des Affaires étrangères du Sénat [Voir document ci-dessous]. Pour l’Atlantic Council of the United States, le général James Jones a mis en garde contre une défaite de l’Otan face à une offensive talibane le printemps prochain. Selon lui, l’Afghanistan est sur le point de ne plus être un État.

THE NEW YORK TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
L’ex-juge à la Cour suprême du Pakistan, Iftikhar Muhammad Chaudhry, est sorti de son silence. Il a adressé une lettre à plusieurs dirigeants occidentaux pour dénoncer l’arbitraire du président Musharraf. Il y souligne que la Cour n’a pas été en mesure de statuer sur la légalité de l’élection présidentielle.

LOS ANGELES TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a effectué une visite à la centrale nucléaire de Bushehr, dans le cadre de la campagne électorale législative. Dans son discours, il a une nouvelle fois souligné les avancées de son pays en matière nucléaire et exploité à fond la reculade occidentale. Cependant, certaines sources indiquent que les travaux sont freinés par les Russes qui tardent à livrer divers matériels et conservent ainsi un moyen de pression.

• Selon la société de sondages Opinion Research Business (ORB) qui a son siège à Londres, un cinquième des ménages irakiens ont perdu au moins un membre de leur famille entre mars 2003 et août 2007 dans des violences. La marge d’erreur pour cette étude est de 1,7%, ce qui donne une fourchette de décès entre 946000 et 1,12 million depuis l’invasion anglo-saxonne.

Audiovisuel international

CHAINE SATELLITAIRE SYRIENNE
 Moshen Bilal, ministre syrien de l’Information
« La Syrie est satisfaite du communiqué publié dimanche par les ministres arabes des Affaires étrangères, qui ont appelé les deux parties à élire le général Sleimane. Le général Sleimane a appelé récemment le président Assad. Il a appelé aussi le ministre de la Défense et le chef d’état-major. Nous accueillons avec satisfaction ces appels. Les relations avec le général Sleimane sont très anciennes et fraternelle. La Syrie veut que le Liban progresse vers une solution globale, à travers l’élection d’un président de consensus, la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’amendement de la loi électorale. Ce qui s’est passé à Beyrouth est douloureux et triste. L’enquête en cours au Liban pour identifier les assassins est réclamée par tous les Libanais. Les assassinats commis au Liban, ces opérations criminelles, visent à déstabiliser le pays et à y semer le chaos. »

Tendances et événements au Liban

Le complot de l’internationalisation de la présidentielle réapparait

Le paysage politique libanais est dominé par trois événements : la poursuite de l’enquête sur le massacre des manifestants dimanche dernier, les retombées du rapport de Winograd et le retour du complot de l’internationalisation de la crise de la présidentielle. Les données autour des ces trois thèmes se présentent comme suit :
 1. Le rapport Winograd risque de raviver les polémiques qui avaient secoué la scène libanaise entre ceux qui considèrent qu’Israël a été vaincu lors de la guerre de juillet-août 2006 et ceux qui estiment que c’est le Liban qui a perdu la guerre à cause des destructions qu’il a subies. Maintenant qu’Israël a officiellement reconnu son échec ainsi que sa responsabilité dans le déclanchement des hostilités, les défaitistes du 14-mars perdent leurs arguments. L’équation de l’alliance entre l’armée et la Résistance, qui a permis d’enregistrer cette victoire, a été soulignée par le commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane.
 2. L’enquête sur le massacre des manifestants proches de l’opposition, qui protestaient contre les coupures du courant électrique dimanche, se poursuit d’arrache-pied. Un grand nombre de militaires (officiers et soldats) ont été entendus. On parle de 33 arrestations parmi les civils, dont un certain nombre de militants des Forces libanaises de Samir Geagea. Des sources loyalistes ont indiqué que le Hezbollah et le Mouvement Amal sont désormais sûrs que les Forces libanaises ne sont pas impliquées dans la tuerie. Toutefois, Samir Geagea s’est rendu en urgence chez le Premier ministre Fouad Siniora pour lui demander d’intervenir afin que ses partisans arrêtés soient libérés ou couverts politiquement. Quoi qu’il en soit, l’opposition exige que l’enquête se termine dans les prochaines 48 heures et que les conclusions soient rendues publiques afin que tout le monde sache ce qui s’est réellement passé.
 3. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban. Abdel Aziz Khoja, ainsi que des personnalités du 14-mars pro-US, multiplient les déclarations appelant à l’élection du général Michel Sleimane abstraction faite de tout accord politique sur les autres questions en suspens, notamment la composition du prochain cabinet et la nouvelle loi électorale. Ces déclarations soulignent que l’attachement de l’opposition à un package deal place le Liban sur la bouche d’un volcan, comme l’a dit le président égyptien Hosni Moubarak à la veille du massacre de dimanche.
 4. Des informations en provenance de Paris dont état de deux schémas contradictoires : efforts sérieux pour l’internationalisation de la crise libanaise ou retour de la médiation française pour appuyer les démarches de la Ligue arabe.
 5. La visite de Walid Joumblatt à Moscou était axée sur deux points : accélérer la formation du tribunal international et sonder les dispositions de la Russie à appuyer le vote d’une résolution de l’ONU sous le chapitre VII nommant Michel Sleimane président de la République.

Déclarations

 AMR MOUSSA, SECRETAIRE GENERAL DE LA LIGUE ARABE
« Il est essentiel qu’un nouveau président soit élu le plus tôt possible. Retarder l’élection d’un président, c’est porter un coup à la stabilité du Liban. Le plan arabe a encore une bonne chance de réussir. Nous avons réalisé des progrès, mais la position arabe et régionale devrait nous aider à avancer davantage. Il importe de secourir le Liban pour qu’il ne se transforme pas en théâtre de conflits régionaux »

 TAREK MITRI, MINISTRE DE LA CULTURE (PROCHE DE FOUAD SINIORA)
« L’initiative de la Ligue arabe a perdu tout son élan et on est revenu au point zéro. Les manifestations de dimanche, à Chiyah, ont soulevé l’inquiétude des ministres et les ont poussés à insister davantage sur la nécessité de l’élection du général Michel Sleimane.
Toutefois, l’insistance de tous les pays arabes sur l’importance d’une élection sans délai n’a pas été partagée par le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem, qui campait sur la nécessité d’un règlement global toutes les fois que ses pairs arabes, notamment l’Arabie saoudite, soulignaient l’urgence d’un pourvoi à la fonction présidentielle ».

 ELIAS MURR, MINISTRE DE LA DEFENSE
« Les événements (de dimanche) constituent une action ciblée contre l’armée et les citoyens, et menacent la sécurité et la stabilité. Ils ne servent que les ennemis de la nation. Je considère les victimes comme des martyrs du Liban et de l’armée. Les responsables politiques ont agi en connaissance de cause, et pris conscience de la gravité de la situation en œuvrant à empêcher toute dégradation, mettant ainsi un terme à la discorde ».

 ZALMAY KHALIZAD, AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS A L’ONU
« L’assassinat (du capitaine Wissam Eid, ndlr) s’inscrit dans le cadre des attentats qui ont ciblé ceux qui œuvrent pour l’indépendance et la souveraineté du Liban, et constitue une nouvelle atteinte aux institutions légitimes libanaises. La Syrie, l’Iran et leurs alliés doivent mettre fin à leur ingérence et à leur obstruction du processus démocratique au Liban ».

 BLOC PARLEMENTAIRE DU HEZBOLLAH
« Rien ne permet de justifier les tirs de l’armée qui ont visé les manifestants à la tête et à la poitrine ». « La crise économique et sociale, les coupures arbitraires du courant et la carence et la corruption de l’Administration sont autant de motifs valables pour que les citoyens manifestent, en usant de leurs droits constitutionnels », ajoute un communiqué du bloc. « Les forces de l’ordre n’ont pas le droit de tuer les citoyens, et l’on ne peut plus tolérer les crimes qui sont systématiquement perpétrés contre la population ».

titre documents joints


Afghanistan Study Group Report


(PDF - 417.4 kio)

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.