Les gouvernements des Etats membres de la Ligue des Etats arabes,

PREAMBULE

Proclamant la foi de la nation arabe dans la dignité humaine, depuis que Dieu a privilégié cette nation en faisant du monde arabe le berceau des révélations divines et le lieu des civilisations qui ont insisté sur son droit à une vie digne en appliquant des principes de liberté, de justice et de paix ;

Concrétisant les principes éternels définis par le droit musulman et par les autres religions divines sur la fraternité et l’égalité entre les hommes ;

Se glorifiant de ce que la nation arabe a instauré, à travers sa longue histoire, des fondements et des principes humains qui ont joué un grand rôle dans la diffusion des sciences en Orient et en Occident, ce qui lui a permis d’attirer les chercheurs du savoir, de la culture et de la sagesse ;

Croyant à son unité du Golfe à l’Atlantique, le monde arabe restant attaché à ses convictions, luttant pour sa liberté, défendant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs richesses, affirmant la primauté du droit, considérant que le droit de la personne à la liberté, à la justice et à l’égalité des chances montre le degré de modernité de chaque société ;

Refusant le racisme et le sionisme qui sont deux formes d’atteinte aux droits de l’homme et qui menacent la paix mondiale ;

Confirmant le lien étroit entre les droits de l’homme et la paix mondiale ;

Réaffirmant leur attachement à la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et à la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam ;

Se référant à ce que précède, ces gouvernements sont d’accord sur ce qui suit :

PREMIERE PARTIE

Article 1
a) Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux - même et de disposer de leur richesse et de leurs ressources naturelles. En vertu de ce droit, ils déterminent leur régime politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
b) Le racisme, le sionisme, l’occupation et la domination étrangère sont des pratiques qui défient la dignité humaine et constituent un obstacle majeur à la jouissance des droits fondamentaux par les peuples ; il faut condamner ces pratiques et faire en sorte qu’elles soient supprimées est un devoir.

DEUXIEME PARTIE

Article 2
Chaque Etat parti à la présente Charte s’engage à respecter et à garantir à tous les individus se trouvent sur ses territoires et relevant de ses juridictions tous les droits et toutes les libertés proclamées dans ladite Charte, sans distinction aucune de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique, d’origine nationale ou sociale, de naissance ou toute autre situation ; et sans distinction aucune entre les hommes et les femmes.Up

Article 3
a) Il ne peut être admis aucune restriction ou dérogation aux droits fondamentaux de l’homme reconnus ou en vigueur dans tout Etat partie à la présente Charte en vertu de lois, de conventions ou de coutumes, sous prétexte que la présente Charte ne les reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre degré.
b) Il ne peut être admis, de la part des Etats partis à la présente Charte, aucune restriction ou dérogation aux droits fondamentaux reconnus par ladite Charte au motif que les citoyens d’un autre Etat bénéficient à un moindre degré.

Article 4
a) Il ne peut être admis aucune restriction aux droits et libertés reconnus par cette Charte sauf si une telle restriction est prescrite par la loi et est considérée comme nécessaire pour la protection de la sécurité et de l’économie nationale, de l’ordre public, de la santé publique, de la morale ou des droits et libertés d’autrui.
b) dans le cas d’une situation d’urgence menaçant la vie de la nation, tout Etat contractant peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Charte dans la stricte mesure où la situation l’exige.
c) ces mesures ne doivent porter aucune dérogation aux droits et garanties prévues contre la torture, les traitements inhumains, le droit d’entrer dans son propre pays, l’asile politique, le droit à un procès équitable, le droit de ne pas être jugé deux fois pour la même infraction, et au principe de la légalité des délits et des peines.

Article 5
Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sûreté de sa personne et la loi protège ces droits.

Article 6
Nulle infraction pénale ne peut être punie et nulle peine ne peut être appliquée qu’en vertu d’un texte légal. Les actes commis postérieurement à ces textes ne peuvent faire l’objet d’une condamnation. Tout condamné bénéficie d’une loi postérieure qui pourrait lui être plus favorable.

Article 7
Toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

Article 8
Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de ses personnes. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Tout individu arrêté ou détenu devrait être traduit dans le plus court délai devant les tribunaux.Up

Article 9
Tous sont égaux devant les tribunaux et le droit à un recours effectif est garantie à chaque personne qui réside dans un Etat membre.

Article 10
Une sentence de mort ne peut être prononcée que pour des infractions graves de droit commun. Tout condamné à mort a le droit de solliciter sa grâce ou la commutation de sa peine.

Article 11
Une sentence de mort ne peut être prononcée pour un crime politique.

Article 12
La peine de mort ne peut être appliquée contre des personnes âgées de moins de dix-huit ans, contre une femme enceinte jusqu’à son accouchement et contre une mère nourrice jusqu’à l’expiration de deux ans après la naissance de l’enfant.

Article 13
a) Les Etats parties protègent toutes personnes résidant sur leur territoire contre toute forme de torture mentale ou physique, contre tout traitement dégradant ou inhumain et ils prennent toutes les mesures effectives. Toute pratique de ce genre ou toute participation est considérée comme une infraction punissable.
b) Il est interdit de soumettre une personne à des expériences médicales ou scientifiques sans son consentement

Article 14
Nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure de payer une dette ou d’exécuter une obligation civile.

Article 15
Toute personne condamnée à une peine et privée de sa liberté doit être traitée avec humanité.

Article 16
Nul ne peut être jugé deux fois pour la même infraction pénale. Quiconque se trouve privé de sa liberté a le droit d’introduire un recours en vue de prouver l’illégalité de son arrestation ou de sa détention et de demander sa libération. Tout individu victime d’une arrestation ou d’une détention illégale a droit à réparation.

Article 17
La vie privée est sacrée et inviolable. Sont considérés comme différents aspects de la vie privée : la vie familiale, le respect du domicile et le secret de la correspondance.

Article 18
Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.

Article 19
Le peuple est le fondement de l’autorité et la capacité d’exercer des droits politiques est le droit de chaque citoyen majeur, qui l’exerce en vertu de la loi.

Article 20
Toute personne qui réside sur le territoire d’un Etat a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur de cet Etat dans le respect de la législation en vigueur.

Article 21
Aucun citoyen ne doit être empêché arbitrairement ou illégalement de quitter n’importe quel Etat arabe, y compris le sien. Il ne peut être interdit à aucun citoyen de résider dans son pays et aucun citoyen ne peut être obligé de résider dans un territoire déterminé.

Article 22
Aucun citoyen ne peut être expulsé de son pays d’origine ou être empêché d’y retourner.

Article 23
Devant la persécution, tout citoyen a le droit de demander l’asile politique dans un autre pays. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur une infraction de droit commun. Il est interdit d’extrader les réfugiés politiques.

Article 24
Aucun citoyen ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit d’avoir une autre nationalité sauf en vertu d’une loi.

Article 25
Le droit à la propriété privée est garanti à chaque citoyen. En toutes circonstances il est interdit de priver le citoyen de ses biens totalement ou partiellement, d’une façon arbitraire ou illégale.

Article 26
Toute personne a droit à la liberté de religion, de pensée et d’opinion.

Article 27
Les personnes de diverses confessions ont le droit de manifester leur religion ou leur conviction par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement, sans porter atteinte aux droits d’autrui. Les droits à la liberté de religion, de pensée et d’opinion ne peuvent faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi.

Article 28
Tous les citoyens ont le droit à la liberté de se réunir et de constituer une assemblée de façon pacifique ; l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sécurité publique, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui.

Article 29
L’Etat s’engage à assurer le droit de constituer des syndicats et celui de faire grève dans le respect de la législation en vigueur.

Article 30
L’Etat assure à chaque citoyen le droit à un travail lui assurant une existence conforme aux exigences nécessaires de la vie, et il s’engage à lui assurer une protection sociale complète.

Article 31
La liberté de choisir son travail est garanti. Le travail forcé est interdit. Le travail accompli en exécution d’une décision judiciaire ne peut être considéré comme un travail forcé.

Article 32
L’Etat garantit aux citoyens l’égalité des chances, un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune.

Article 33
Tout citoyen a le droit d’accéder aux fonctions publiques de son pays.

Article 34
L’alphabétisation est une obligation et un devoir. L’éducation est un droit pour chaque citoyen. L’enseignement primaire doit être obligatoire et gratuit pour tous. Les enseignements secondaires et supérieurs doivent être accessibles à tous.Up

Article 35
Les citoyens ont le droit de profiter d’un milieu intellectuel et culturel qui glorifie le nationalisme arabe et qui respect les droits de l’homme, condamne la discrimination raciale, religieuse et toute autre forme de discrimination et consolide la coopération et la paix mondiale.

Article 36
Toute personne a le droit de participer à la vie culturelle et d’accéder aux œuvres littéraires et artistiques. Elle a le droit de développer ses facultés artistiques, intellectuelles et créatrices.

Article 37
Les minorités ont le droit de bénéficier de leur culture et de manifester leur religion par le culte et l’accomplissement des rites.

Article 38
a) La famille est l’élément fondamental de la société et bénéficie de la protection de la société.
b) Une protection spéciale et une assistance particulière doivent être accordées par l’Etat à la famille, à la maternité, à l’enfance et à la vieillesse.

Article 39
La jeunesse a le droit de bénéficier de tout moyen qui lui permet de se développer physiquement et intellectuellement.

TROISIEME PARTIE

Article 40
a) Les Etats membres du Conseil de la Ligue, parties à la présente Charte, élisent un Comité d’experts des droits de l’homme, au scrutin secret.
b) Le Comité est composé de sept membres présentés par les Etats partis. La première élection aura lieu six mois après la date d’entrée en vigueur de la présente Charte. Le Comité ne peut comprendre plus d’un ressortissant d’un même Etat.
c) Le Secrétaire général demande aux Etats membres de présenter leurs candidats deux mois avant la date de l’élection.
d) Les candidats doivent posséder une expérience et une compétence notoire dans le domaine d’activité du Comité. Les membres du Comité siègent à titre individuel et œuvrent avec intégrité et impartialité.
e) Les membres du Comité sont élus pour une durée de trois ans. Trois membres sont rééligibles une seule fois et ils sont désignés par tirage au sort. Il est tenu compte, autant que possible, du principe de l’alternance.
f) Le Comité élit son Président et établit son règlement intérieur.
g) Les réunions du Comité ont lieu au siège de la Ligue sur convocation du Secrétaire général. Celui-ci peut autoriser le Comité à se réunir dans un autre pays arabe si les circonstances l’exigent.

Article 41
1. Les Etats parties présentent au Comité d’experts des droits de l’homme des rapports comme suit :
a) Un premier rapport dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la Charte ;
b) Des rapports périodiques tous les trois ans ;
c) Des rapports contenant les réponses des Etats à toute question du Comité.
2. Le Comité examine les rapports présentés par les Etats partis en vertu du paragraphe 1 de cet article.
3. Le Comité adresse à la Commission permanente des droits de l’homme de la Ligue arabe un rapport contenant ses observations et les avis des Etats.

QUATRIEME PARTIE

Article 42
1. Le Secrétaire général soumet cette Charte, après son acceptation par le Conseil de la Ligue, aux Etats membres pour signature, ratification ou adhésion.
2. Cette Charte entrera en vigueur deux mois après le dépôt, auprès du Secrétariat général de la Ligue des Etats arabes, du septième instrument de ratification ou d’adhésion.

Article 43
La présente Charte s’applique à l’égard de chaque Etat, après son entrée en vigueur, deux mois après la date de dépôt auprès du Secrétariat général de son instrument de ratification ou d’adhésion. Le Secrétaire général informera les Etats membres de ce dépôt.

Texte ouvert à ratification par la Ligue arabe, le 14 septembre 1994. Adopté en mai 2004.