Tendances et événements au Liban

Pourquoi toutes ces déclarations alarmistes arabes et internationales ?

Les suites des incidents sanglants du 27 janvier et les résultats de l’enquête préliminaires rythment la vie politique au Liban. Alors que les polémiques se poursuivent entre le 14-mars pro-US et l’opposition nationale autour des responsabilités de la répression de la manifestation pacifique, le pays attend avec intérêt l’interview que doivent donner ensemble, mercredi soir, les deux principaux chefs de l’opposition : le leader du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun, et le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. Un autre chef chrétien de l’opposition, l’ancien ministre Sleimane Frangié, a décri la situation actuelle en quelques mots : « Le Liban est une scène ouverte pour un complot international sournois ».
Le tableau politique se présente comme suit :
 1. Dans un entretien téléphonique avec le président de la Chambre, Nabih Berry, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a annoncé son retour à Beyrouth vendredi, pour poursuivre ses contacts entre les protagonistes dans le but de trouver un compromis permettant de sortir le Liban de sa crise. Cette annonce a été accompagnée d’une interview donnée par son adjoint Hicham Youssef, affirmant que le Liban est « au bord du gouffre ».
 2. Le correspondant du quotidien al-Akhbar (proche de l’opposition) à New York a évoqué, citant une source diplomatique, un plan d’intervention internationale au Liban. Selon cette source, le 14-mars va subir de fortes pressions afin de s’engager dans une confrontation avec l’opposition pour trouver un prétexte à une intervention internationale directe. L’étincelle sera provoquée par l’arrestation par des services de sécurité proches du 14-mars d’un grand nombre d’opposants sous prétexte qu’ils préparent un plan pour renverser le gouvernement.
 3. La polémique interne se poursuit autour des conclusions du rapport Winograd. Certains loyalistes continuent de nier la victoire de la Résistance, alors que d’autres se réjouissent que leurs noms ne figurent pas dans le rapport israélien comme étant impliqués dans la guerre aux côtés de l’ennemi. Ils font semblant d’oublier qu’une partie du document est restée secrète pour, justement, « protéger les relations extérieures d’Israël ».

Principaux développements et déclarations

 HUSSEIN HAJJ HASSAN, DEPUTE DU HEZBOLLAH
« Nous tenons à l’armée comme nous tenons à la Résistance ; le problème n’est pas entre l’armée et le Hezbollah (...) mais avec quelques officiers qui ne servent pas les intérêts de l’institution, mais d’autres intérêts. Ce qui s’est produit le 27 janvier est un grand crime indigne de l’armée et de son image. Je ne crois pas que demander des comptes à des officiers, sous-officiers ou simples soldats qui ont commis des erreurs et ont perpétré un crime de cette grandeur est quelque chose de honteux. N’oublions pas que ce qui s’est produit a provoqué la stupeur du commandant en chef de l’armée avant celle du peuple libanais ».

 L’ARMEE REPOND AUX CRITIQUES (COMMUNIQUE)
« Les informations erronées diffusées par certains organes de presse concernant l’armée se sont récemment multipliées. À cela sont venus s’ajouter les commentaires et conclusions inexactes faits par un certain nombre de responsables politiques, notamment sur le type de missions exécutées par les militaires, le sens de la discipline dont ils font preuve ou le fonctionnement hiérarchique au sein de l’institution. Autant de faits qui démontrent un manque de responsabilité nationale et de crédibilité professionnelle, et dont le but est ou le sensationnalisme bon marché, ou une exploitation politique étrangère à tout critère moral ou humain. Ces conduites ont pour but de porter atteinte à l’armée, de semer le doute sur l’allégeance des militaires qui en font partie à leur commandement unique. Si tel est le cas, si l’unité de l’institution, son degré d’alerte, son moral et sa promptitude à réagir sont menacés, qui donc ignore le tort qui serait ainsi fait à la patrie ? »

 MOHAMMAD HUSSEIN FADLALLAH, GRAND ULEMA CHIITE
« Les attaques (contre des positions de l’armée) ne visent pas seulement la troupe, mais, à travers la sécurité et la stabilité internes, la patrie. Elles cherchent à susciter la confusion sur le plan interne pour couper la route aux efforts d’entente et de détente internes. Nous tenons tous à l’armée et chacun doit agir pour la protéger de tout ce qui peut nuire à sa réputation ou l’ébranler ».

Tendances et événements au Proche-Orient

Le gouvernement Olmert refloué ; la Résistance palestinienne relève le défi

Le débat suscité par le rapport Winograd dans les médias et à la Knesset montre à quel point l’influence des États-Unis est grande sur l’échiquier politique israélien pour empêcher la chute du Premier ministre Ehud Olmert et de son gouvernement.
Parallèlement à ce débat, l’opération menée par des fedayins palestiniens dans la ville de Dimona reflète la détermination des résistants palestiniens à poursuivre la lutte et l’importance des capacités logistiques dont ils disposent. Cinq jours après la publication du rapport Winograd, la situation se présente comme suit :
 1. Un débat complexe a lieu en Israël sur la pertinence d’une intervention militaire d’envergure dans la Bande de Gaza. Des rapports israéliens affirment que la résistance palestinienne possèderaient des armes sophistiquées, y compris des missiles sol-air. Ces informations sont tellement prises au sérieux que le quotidien Maariv a révélé qu’une décision a été prise de suspendre les survols de la Bande de Gaza.
 2. Washington et Tel-Aviv ont accentué les pressions sur l’Égypte pour la dissuader de trouver une formule de contrôle de la frontière avec Gaza en coopération avec le Hamas. Dans ce cadre, une virulente campagne a commencé contre Le Caire.
 3. De fortes tensions sont apparues à l’intérieur des principaux partis politiques israéliens. Des cadres et des militants ont quitté Kadima et le parti travailliste pour protester contre l’attitude de la direction de ces deux formations à l’égard du rapport Winograd. Dans le même temps, le Likoud, donné pour vainqueur dans le cas d’élections anticipées, a haussé le ton, tandis que le gouvernement Olmert conserve une très faible majorité à la Knesset.

Presse et agences arabes et internationales

AL-HAYAT (QUOTIDIEN SAOUDIEN PIBLIE A BEYROUTH)
 Walid Choucair
Le rapport Winograd constitue un jalon important dans le cercle vicieux des défaites arabes infligées par Israël et du long conflit israélo-arabe. Il permettra aux générations futures de tirer les leçons de la guerre de juillet, dans la mesure où ‘une organisation semi-militaire de quelques milliers d’hommes a résisté, sur quelques semaines, à la plus puissante armée du Moyen-Orient qui jouit de sa supériorité aérienne et technologique’. La leçon est assez simple : s’il y a volonté politique et détermination, l’armée israélienne n’est pas imbattable. Mais l’autre leçon, la plus importante, peut-être, c’est qu’Israël prépare sa revanche, une autre guerre, encore plus dévastatrice. Dans ce contexte, une comparaison entre ce qui se passe en Israël et au Liban donne une triste impression. En Israël, le Premier ministre est protégé de la crise politique qui a résulté de l’échec de la guerre. Au Liban, le Premier ministre Fouad Siniora devient un objectif qui doit être abattu dans le but de provoquer et d’accélérer une crise politique pour des raisons ayant à voir avec son différend avec la Syrie.

LE MONDE DIPLOMATIQUE (MENSUEL FRANÇAIS)
 Alain Gresh
La guerre civile silencieuse au Liban se poursuit. Elle semble même prendre un cours plus dangereux avec l’échec des tentatives successives d’élire le général Michel Sleimane à la tête de l’État. Et cela malgré la nouvelle initiative de la Ligue arabe. Le problème réside dans le déroulement d’un tel plan, la majorité libanaise demandant l’élection d’un président avant la formation d’un gouvernement d’union nationale (dans lequel elle refuse, de plus, que l’opposition ait la minorité de blocage) ; l’opposition exigeant, au contraire, un accord simultané et voulant disposer d’une minorité de blocage. La formulation de la Ligue arabe est suffisamment floue pour ne pas débloquer la situation. Cette initiative arabe fait suite au désengagement de la France, annoncé quelques jours auparavant. La majorité parlementaire dirigée par Saad Hariri et Fouad Siniora ne représente pas la majorité de la population libanaise ; lors des élections parlementaires de 2005, les partis de l’actuelle majorité ont été alliés au Hezbollah (passé depuis dans l’opposition) contre le Courant patriotique libre du général Michel Aoun ; l’opposition représente l’immense majorité des chiites et, d’après tous les observateurs, une majorité des maronites avec Michel Aoun ; qualifier l’opposition de simple pion syrien est difficile quand on sait que Michel Aoun fut le principal opposant à la présence syrienne, à l’époque où Rafic Hariri, Samir Geagea et Amine Gemayel (mais aussi Nabih Berry et le Hezbollah) acceptaient cette présence syrienne ; présenter la majorité comme « démocratique » est un abus de langage. Ni dans leur histoire, ni dans leurs pratiques, les phalanges ou les Forces libanaises n’ont démontré le moindre attachement aux formes démocratiques. De ce point de vue, on peut douter qu’il existe un fossé entre majorité et opposition.

LE TEMPS (QUOTIDIEN SUISSE)
Après le double attentat suicide survenu à Dimona, le ministre de la Défense israélien a annoncé la construction d’une nouvelle « barrière de sécurité » d’ici 2010. Ce nouvel ouvrage fera 240 kilomètres de long et cette fois séparera Israël de l’Égypte, fermant la frontière par laquelle les kamikazes se sont introduits.

LA REPUBLICA (QUOTIDIEN ITALIEN, GROUPE DE BENEDETTI)
Une polémique se développe en Italie à propos du Salon du Livre de Turin (8 au 12 mai), dont l’invité d’honneur cette année ne sera pas l’Égypte, comme prévu initialement, mais Israël, à l’occasion du soixantenaire de l’État hébreu. Le Parti des communistes, relayé bientôt par des intellectuels comme Tariq Ramadan, voire le poète israélien Aaron Shabtaï, appellent au boycott.

ABC (QUOTIDIEN ESPAGNOL, MONARCHISTE)
 Entretien avec Hosni Moubarak, président égyptien
« Nous avons vu que les Palestiniens venaient acheter de la nourriture et d’autres choses et les avons acceptés dans l’urgence. Nous n’avons pas donné ordre de faire feu contre quiconque. C’est une faute d’assiéger les Palestiniens, mais nous n’accepterons pas pour autant de laisser la frontière ouverte indéfiniment. Ce qui s’est passé ne doit pas se reproduire. Il y a des règles d’immigration, et un accord [à propos de Rafah] signé en 2005 par l’Autorité nationale de la Palestine, l’Union Européenne et l’Égyte. Nous ne pouvons pas parler avec le Hamas. Nous négocions principalement avec l’Autorité la Palestine qui représente tous les Palestiniens. Cela ne veut pas dire que la paix puisse être obtenue sans le Hamas, mais que le Hamas fait partie de l’Autorité palestinienne. On ne pourra pas trouver la paix s’ils ne sont pas coordonnés entre eux. Au demeurant, l’autorité du Hamas est à Damas, pas dans la Bande de Gaza (…) Que [le Parlement européen] bloque ce qu’il veut. Cette affaire des droits de l’homme n’est qu’un moyen de créer des problèmes entre États. Intéressez-vous aux droits de l’homme dans le monde entier, à commencer par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Espagne, pourquoi uniquement en Égypte ? »

THE TIMES (QUOTIDIEN BRITANNIQUE, GROUPE MURDOCH)
Les représentants d’ExxonMobil, Chevron et ConocoPhillips ont rencontré des délégués du gouvernement irakien à Amman (Jordanie). Il a été convenu que les investissements de ces compagnies pour développer l’exploitation des hydrocarbures ne seraient pas rémunérées en cash, mais en pétrole brut.

THE GUARDIAN (QUOTIDIEN BRITANNIQUE, MAJORITE PARLEMENTAIRE)
Le ministre irakien du pétrole Hussain al-Shahristani et le ministre britannique de l’énergie Malcolm Wicks, participent aujourd’hui à une conférence au Royal Institute of International Affairs de Londres. L’événement est sponsorisé par BP et Shell qui entendent revenir en Irak.
Cette décision est vivement critiquée par des actionnaires de BP qui déplorent la « recarbonisation » de la compagnie alors qu’elle avait affiché l’ambition de se tourner vers l’après-pétrole. Surtout, le collectif d’associations « Hands Off Iraqi Oil » dénonce une exploitation qui se basera sur une loi inique, imposée aux Irakiens par l’occupant ; une loi qui enrichira les majors, mais privera les Irakiens des revenus de leur pétrole.

INTERNATIONAL HERALD TRIBUNE (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN PUBLIE EN EUROPE)
 Entretien avec le prince Andrew, duc d’York [4e dans l’ordre de succession au trône d’Angleterre, le prince est en principe soumis à une obligation de réserve]
« Qu’il s’agisse du colonialisme, des opérations à une échelle internationale, que vous cherchiez à comprendre la culture de chacun, à comprendre comment agir face à une insurrection militaire, nous sommes déjà passés par là (…) nous avons parfois gagné, parfois perdu. Le fait est que nous avons une expérience valable que [les États-uniens] devraient écouter. » L’échec en Irak a rempli le prince d’un « sain scepticisme ». Il se demande : « Pourquoi personne [aux Etats-Unis] n’a écouté ce que nous disions et les conseils que nous donnions ? »

THE WAAL SREET JOURNAL (QUOTIDIEN FINANCIER ÉTATS-UNIEN)
Le budget US de la Défense atteint un pic qu’il sera impossible au prochain président de dépasser. D’ores et déjà les choix budgétaires privilégient les besoins pour faire face aux insurrections en Afghanistan et en Irak au détriment du matériel nécessaire pour conduire une guerre classique contre une grande puissance. Lockeed Martin et Boeing vont devoir interrompre la chaîne de fabrication du F-22 Raptor alors que les F-15 en service sont obsolètes. De même avec l’interruption de fabrication du Boeing C-17 de transport. Et l’on ne sait plus que faire du projet coûteux de F-35 JSF. La Navy quant à elle ne remplacera cette année que 2 des 6 bâtiments qui devraient l’être.

NEW YORK TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 James Traub
Dans ses tentatives de médiation pour résoudre l’impasse politique libanaise, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, pensait qu’il pouvait y arriver. Il pense presque toujours que lui peut faire la différence. Lorsque Nicolas Sarkozy envoie en novembre le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, et le conseiller diplomatique de l’Élysée, Jean-David Levitte, en Syrie, demander à Bachar al-Assad d’user de son influence sur l’opposition pour résoudre la crise, Kouchner, qui considère les Syriens comme des tueurs impitoyables, était révolté et humilié. La tentative a tourné au fiasco et la France a rompu tout lien avec Damas en décembre. « Le problème consiste à ne pas jouer le jeu que les miens sont allés jouer à Damas, affirme Kouchner. Le problème a été l’Élysée, non Levitte, il était d’accord avec moi ». Nicolas Sarkozy avait autorisé le voyage en Syrie seulement après le feu vert de Saad Hariri. Claude Guéant et son staff sont à l’origine de l’échec. « C’est toujours pareil avec eux, c’est un problème d’expérience (…) Ceux qui sont au courant le savent », explique Kouchner.
• L’armée turque est entrée lundi en Irak, bombardant 70 objectifs au Kurdistan irakien. Cette opération militaire contre le PKK coïncide avec le refus des populations turkmènes de Kirkuk (qu’elles soient sunnites ou chiites) de laisser organiser un référendum sur le rattachement de la ville au Kurdistan irakien. Ce référendum, prévu par l’article 140 de la Constitution irakienne, aurait dû se tenir en 2007. Pour les Turkmènes, ce delai étant dépassé, il ne saurait être convoqué.

THE WASHINGTON TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN, GROUPE MOON)
Les récents déplacements au Caire d’officiels iraniens de haut rang (Ali Larijani chef du Conseil de sécurité nationale, Manouchehr Mottaki ministre des Affaires étrangères, Gholam-Ali Haddad-Adel, président du Parlement) ont fait craindre un rétablissement des relations diplomatiques entre les deux principaux États de la région. Il s’agit en réalité uniquement de contacts exploratoires et l’on est loin des relations diplomatiques.

Audiovisuel international

CHAINE SATELLITAIRE SYRIENNE
L’Iran a lancé une fusée lors de l’inauguration hier de son premier centre spatial destiné à envoyer prochainement dans l’espace un satellite iranien. « Nous devons avoir une présence active et efficace dans l’espace », a dit le président Mahmoud Ahmadinejad dans une allocution diffusée sur la télévision d’État. Le président Ahmadinejad a inauguré le premier centre spatial construit localement, comprenant le satellite de recherche Omid (Espoir), une station de contrôle souterraine et un pas de tir. Le site de lancement se trouve près de Semnan (Nord) où est situé le centre d’essai des missiles iraniens. Une fusée semblable sera utilisée pour le lancement du satellite.
Ce satellite, de fabrication iranienne, partira dans l’espace lors du mois (iranien) de Khordad, qui commence le 21 mai, a dit le ministre de la Défense Mostafa Mohammad Nadjar, cité par l’agence Fars. Selon lui, l’Iran envisage d’ici à 2015 de fabriquer deux satellites de télécommunication et recherche, une station de télémétrie ainsi qu’un satellite commun avec des pays islamiques.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.