Tendances et événements au Liban

Après l’échec de la médiation de Moussa, toutes les options sont ouvertes

Le climat d’optimisme suscité par la rencontre-marathon, vendredi, entre des représentants du 14-mars et de l’opposition, sous l’égide du secrétaire général de la Ligue arabe, n’aura duré que peu de temps. Il est très vite apparu que les quatre heures d’entretiens entre le chef chrétien de l’opposition, Michel Aoun, et les représentants du pouvoir, le député Saad Hariri et l’ancien président Amine Gemayel, n’auront abouti à aucun résultat. Les loyalistes ont refusé la dernière proposition faite par le président du Parlement Nabih Berry, qui avait demandé à Amr Moussa de prolonger son séjour au Liban. Devant l’échec de la dernière tentative, le secrétaire général de la Ligue a quitté Beyrouth samedi matin. Le chef du Législatif a donc reporté au 26 février la séance de l’élection présidentielle qui était prévue le lundi 11 février. Les développements des dernières 24 heures s’articulent autour des données suivantes :
 1. Les différends entre le 14-mars et l’opposition tournent toujours autour de la composition du gouvernement d’union nationale, de la répartition des portefeuilles en son sein, ainsi que sur l’identité du prochain Premier ministre. Les deux camps se rejettent la responsabilité de l’échec de la dernière mission de Moussa.
 2. Une très forte tension continue de régner dans le pays en raison des discours incendiaires des ténors du 14-mars, qui ont entamé une forte mobilisation en prévision du meeting qu’ils comptent organiser le 14 février à l’occasion du troisième anniversaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Des sources dirigeantes de l’opposition affirment que ce jour-là, le 14-mars va inciter ses partisans à prendre d’assaut le campement de l’opposition, située sur les places Riad-el-Solh et des martyrs, à proximité du lieu du meeting, ce qui constituerait l’étincelle de la guerre civile.
 3. L’Arabie saoudite poursuit son escalade contre la Syrie concernant le dossier libanais. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud al-Fayçal, a entamé une tournée européenne (France et Allemagne) pour monter ces pays contre Damas. Un communiqué commun publié après ses entretiens avec son homologue français exprime des « doutes » sur le rôle de la Syrie au Liban.
 4. Le Patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, a, pour la première fois, évoqué la possibilité de la nomination d’un président —qu’il a appelé gouverneur— de la part des Nations unies, ce qui constitue une couverture claire et franche à une tutelle internationale au Liban. Dans ce contexte, Paris et Washington auraient exprimé des réserves à la poursuite de la médiation arabe et souhaiteraient passer rapidement à la phase de l’internationalisation. Les dernières touches sont en train d’être mises à ce plan qui parait de plus en plausible.
 5. Le 14-mars refuse d’être accusé de provoquer une escalade dans le pays. Il estime que les développements actuels s’inscrivent simplement dans le cadre du processus de contrôle de l’État, y compris de l’armée, pour parachever la conquête du pouvoir qu’il a commencé en 2005.

Principales prises de positions

 MGR. NASRALLAH SFEIR, PATRIARCHE MARONITE (PROCHE DU 14-MARS)
« Ma démission est totalement hors de question. Certaines parties tentent de diviser le pays et ne veulent pas de la République. Certains instruments ouvrent la porte à la Syrie qui dispose de nombreux moyens de vengeance, et le retour de la Syrie au Liban est probable si certaines parties le lui facilitent. Il n’y a pas de solution en dehors de la solidarité des Libanais. Il faut trouver le moyen adéquat pour sauver le pays. Michel Aoun a changé et le Hezbollah représente un problème car l’État ne peut supporter l’existence de deux armées. Les fils de ce pays, ou du moins ceux qui servent d’instruments aux forces extérieures —ils sont connus— veulent diviser le pays. Il n’y a pas de président de la République, ni de Parlement, ni de gouvernement. Ils ne veulent ni commandement de l’armée, ni armée, ni Conseil constitutionnel. Si la situation reste en l’état, si le Liban reste sur cette pente, il serait du devoir des Nations unies d’imposer des garde-fous ; elles pourraient nommer un gouverneur en leur nom. Ils sont en train d’œuvrer afin de vider l’armée de son commandement, comme étape préalable à la division du pays. Le candidat consensuel Michel Sleimane risque d’être abandonné s’ils changent d’avis. Le problème ne se situe pas uniquement au niveau des chrétiens parce que certaines personnes œuvrent pour les intérêts de la Syrie et de l’Iran quand d’autres font des efforts dans l’intérêt de l’Occident, notamment la France et les États-Unis. Chaque partie s’ingère à sa façon dans la crise libanaise. Les Occidentaux respectent les formes alors que les autres versent de l’argent et des armes de manière directe. Ils disposent également de nombreux moyens qui leur permettent de se venger et si leur retour est facilité, ils n’hésiteront pas à revenir au Liban. »

 SLEIMANE FRANGIE, LEADER MARONITE DE L’OPPOSITION
« Depuis le massacre d’Ehden [en 1978, lorsque le père, la mère, la sœur de M. Frangié et 35 de ses partisans ont été massacrés par un commando conduite pas Samir Geagea, ndlr.], le patriarche Sfeir se tient aux côtés du meurtrier contre les victimes. Les chrétiens ne sont pas seulement les 500 partisans des Forces libanaises qui se sont rendus au patriarcat pour lui exprimer leur soutien. Ils affirment que Zghorta [le fief de Frangié, ndlr.] s’est rendu à Bkerké [le siège du patriarcat]. La délégation comptait à peine 20 personnes. Nous aurions souhaité que tous les maronites resserrent les rangs autour du patriarche. Mais le prélat a choisi un camp contre l’autre. Lorsqu’un père devient injuste et différencie entre ses enfants, il n’est pas étonnant que certains de ses fils le renient. Le patriarche s’est résolument rangé du côté de l’Occident, notamment des Français et des États-uniens. »

 WAËL BOU FAOUR, DEPUTE DU BLOC JOUMBLATT
« Amr Moussa et la feuille de route arabe font face à la même paralysie orchestrée par le régime syrien. Les obstacles qui se dressent face à l’initiative arabe restent importants et plus nombreux qu’auparavant. M. Moussa est revenu parce qu’il a obtenu un nouveau mandat de la Ligue, ce mandat est clair et précise que le but est de parvenir à l’élection de Michel Sleimane le 11 février. Moussa tente à chaque fois de se montrer plus novateur et plus créatif. Mais les choses sont claires, il y a une décision syrienne qui a pour but de laisser le Liban dans le vide institutionnel. C’est pour cela que l’initiative de la Ligue arabe va se poursuivre, parce qu’il y a une volonté arabe de ne pas abandonner le Liban. Toutefois, si l’équilibre des forces entre l’Iran et l’Arabie saoudite demeure le même, je pense que l’initiative se noiera dans un cercle vicieux. »

 SALIM AOUN, DEPUTE DU BLOC AOUN
« L’entente sur un package-deal signifie qu’un accord doit être atteint sur l’ensemble des clauses simultanément, mais que leur exécution devra se faire consécutivement. La réussite des initiatives en cours commence par la reconnaissance des droits. Si l’une des revendications faites par l’opposition est considérée comme injustifiée, il faudra en discuter. À ce moment-là, l’opposition sera disposée à renoncer à toute demande qui n’est pas de son droit. »

 WIAM WAHHAB, CHEF DU COURANT DE L’UNIFICATION (PARTI DRUZE DE L’OPPOSITION)
« L’élection du général Michel Sleimane devrait s’accompagner d’un accord sur le gouvernement, sur une nouvelle loi électorale et sur des élections anticipées.
Il faut protéger l’institution militaire et l’ensemble de ses officiers et unités car si l’armée est touchée, c’est le pays en entier qui le sera. »

 ALI MOUSTAPHA HUSSEIN (DEPUTE EX-14-MARS QUI A REJOINT LES RANGS DE L’OPPOSITION)
« La rencontre télévisée Nasrallah-Aoun a eu des répercussions positives sur la rue libanaise. Au moment où les deux leaders parlaient en toute transparence et bienveillance des réalisations engendrées par l’accord d’entente, des voix venimeuses se sont fait entendre pour mettre en doute les bénéfices de cette rencontre. ».

Audiovisuel libanais

AL MANAR (CHAINE DU HEZBOLLAH)
Émission : La discussion de l’heure
 NASSER KANDIL, ANCIEN DEPUTE DE BEYROUTH (OPPOSITION)
« Le climat ambiant montre que le pays se dirige vers la guerre et non pas vers les compromis. La mission actuelle de Amr Moussa est un calmant qui continuera à être administré par petites doses. Mais ce qui est préparé pour le Liban dans les coulisses est tout à fait différent des médiations du secrétaire général de la Ligue arabe. Il s’agit de sombres desseins (…) Le tribunal international chargé de juger les assassins de Rafic Hariri est politisé. Il est instrumentalisé par les États-Unis qui ont assassiné l’ancien Premier ministre avant de participer à ses obsèques. »

Tendances et événements au Proche-Orient

Gaza entre le marteau d’Israël et l’enclume de l’Égypte

Le changement de l’attitude égyptienne à l’égard de Gaza a dominé la scène palestinienne après l’intensification des attaques politiques du Caire contre le Hamas et le renforcement des mesures sur les points de passage.
Des sources palestiniennes indiquent que les mesures strictes adoptées par l’Égypte à sa frontière avec Gaza répondent aux exigences d’Israël et des États-Unis, qui souhaitent que la gestion des points de passage soient exclusivement du ressort de l’Autorité de Mahmoud Abbas. Soumis à de fortes pressions, exténués par le blocus et les frappes militaires quotidiennes, le Hamas et les autres mouvements de la résistance seraient alors contraints de reconnaitre l’autorité de Abbas de se replacer sous sa coupe. Mais c’est mal connaitre la détermination de la Résistance et ses capacités d’endurance, ainsi que la force de volonté de la population qui, malgré les conditions précaires dans lesquelles elle vit, n’a exprimé aucun signe de faiblesse. Et face à la pression multiforme, la Résistance a relevé le défi, poursuivant ses tirs de roquettes contre les colonies israéliennes.

Presse et agences arabes et internationales

• Le président Vladimir Poutine a averti que la Russie répondrait au « défi » de la « course aux armements » et, louant la « stabilité » retrouvée sous sa présidence, a appelé à s’attaquer à « l’inertie » de l’économie russe.
Prenant la parole dans le cadre solennel du Kremlin devant les plus hauts responsables politiques russes, des ministres aux gouverneurs, Vladimir Poutine a présenté la stratégie de la Russie à l’horizon 2020. « La Russie a et aura toujours une réponse aux nouveaux défis », a-t-il lancé dans un discours en forme de programme électoral pour son dauphin Dmitri Medvedev, qui a construit toute sa campagne sur l’héritage Poutine. « Une nouvelle spirale de la course aux armements est lancée dans le monde. La Russie doit développer de nouvelles armes dont les caractéristiques seront les mêmes ou plus sophistiquées que celles dont disposent plusieurs États », a-t-il dit. Artisan d’une politique étrangère russe musclée, un domaine dans lequel M. Medvedev reste pour l’heure très discret, M. Poutine a insisté sur « l’autorité internationale » retrouvée de Moscou après l’effondrement de l’URSS et la crise financière des années de son prédécesseur Boris Eltsine. Il s’en est pris aux États-Unis et à l’Otan qui étendent leur influence militaire aux portes de la Russie. « Nous avons liquidé nos bases à Cuba et au Vietnam. Qu’avons-nous eu en échange ? De nouvelles bases états-uniennes en Roumanie, en Bulgarie », a-t-il lancé.
Sur le front intérieur, M. Poutine s’est félicité d’avoir mis fin au « séparatisme », fait rentrer la Tchétchénie dans le giron de la Russie et mis fin à la toute-puissance des oligarques. « On a rétabli l’État de droit dans tout le pays », a-t-il insisté. « Nous avons débarrassé le pays de la pratique vicieuse qui consistait à prendre des décisions étatiques sous la pression de monopoles financiers, de magnats des médias, de cercles étrangers et de populistes effrénés », a-t-il lancé.
La Russie a retrouvé le chemin de la croissance —8% en 2007—, mis fin à l’évasion de capitaux et même dégagé dans ce domaine un flux positif net record de 82 milliards de dollars l’an dernier, a-t-il énuméré. Pour autant, l’équipe au pouvoir ne doit pas s’endormir sur ses lauriers, a-t-il averti. « On ne peut pas se contenter de ce qu’on a », a-t-il dit, en insistant sur la nécessité de poursuivre la « modernisation de l’économie ».
Il a déploré que la corruption continue de gangrener la société, même s’il l’a avant tout liée à la difficulté de créer de petites entreprises. « Des mois sont nécessaires pour lancer sa propre affaire. Il faut se rendre partout avec un pot-de-vin : chez les pompiers, les services sanitaires, les gynécologues. C’est l’horreur ! » s’est-il exclamé. Il a aussi déploré la faible productivité du travail et mis en garde contre une « inertie » qui laisserait le pays à la traîne de la concurrence mondiale et trop dépendant de ses hydrocarbures.
Fidèle à sa vision d’un système politique spécifiquement russe, loin de la démocratie à l’occidentale, il a prôné un « multipartisme » au service des citoyens, « sans démagogie » et surtout « sans ingérence étrangère ».

• Le secrétaire général de l’Otan Jaap de Hoop Scheffer a élevé hier la voix contre la gestion du gouvernement de Kaboul, lors d’une réunion à Vilnius consacrée aux difficultés auxquelles se heurte l’action internationale de reconstruction en Afghanistan. « Le mode de gouvernement doit visiblement s’améliorer si l’on veut que les Afghans aient confiance dans leurs dirigeants », a déclaré Jaap de Hoop Scheffer.
La réunion rassemblait les ministres de l’Otan et leurs collègues des autres pays de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) en Afghanistan, des délégués de l’Onu, de l’UE et de la Banque mondiale, mais aussi le ministre afghan de la Défense Abdul Rahim Wardak. Pour l’occasion, les ministres de l’Alliance ont mis entre parenthèses leurs difficiles débats internes sur la répartition de l’effort militaire dans la lutte contre les talibans.
« L’économie de la drogue doit être remplacée par une économie légale et durable », a-t-il ajouté. La production d’opium et d’héroïne bat d’année en année des records et complique la tâche de la communauté internationale en favorisant la corruption.
Un échec en Afghanistan constituerait « une menace directe pour la sécurité des Européens », a mis en garde par ailleurs le secrétaire américain à la Défense Robert Gates, qui tente de mobiliser ses alliés en Europe. M. Gates a annoncé qu’il s’adresserait « aux Européens, non aux gouvernements, pour essayer de leur expliquer que leur sécurité est liée au succès en Afghanistan », où l’Otan a déployé quelque 40 000 hommes.
« L’Afghanistan n’a pas seulement été la base des attaques contre les États-Unis en 2001, mais il est clair qu’el-Qaëda et d’autres dans la région ont joué un rôle dans les attentats en Europe. Cela représente donc une menace directe pour la sécurité de l’Europe », a expliqué le secrétaire à la Défense.

HAARETZ (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
La Syrie a développé avec succès un nouveau missile sol-sol capable d’atteindre avec précision des cibles stratégiques sur le territoire israélien, comme des aéroports, des ports et des usines. Damas a réussi à développer ce missile avec l’aide de l’Iran. Le missile, dont la portée est de 250 kilomètres, est susceptible d’emporter de grandes ogives. L’arsenal militaire syrien compterait par ailleurs un système de défense aérien sophistiqué, capable de lancer entre huit et douze missiles, ce qui constituerait une véritable menace pour l’armée de l’air israélienne. Damas s’est procuré des missiles antichars modernes pouvant neutraliser les chars ultrasophistiqués de l’armée israélienne, comme notamment la Merkava Mark IV. Le chef du Mossad, Meir Dagen, a toutefois informé la Knesset que les développements militaires syriens sont considérés comme « défensifs » et qu’il n’y a aucune indication que Damas cherche à déclencher une guerre avec l’État hébreu. Une autre source sécuritaire, citée par le même journal, indique cependant qu’Israël est inquiet du fait que les missiles syriens deviennent plus précis, alors qu’ils ont été pendant longtemps des missiles « aveugles ».

ISNA (AGENCE DE PRESSE IRANIENNE)
Hassan Khomeiny, le petit-fils du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, a critiqué les rejets des candidats, notamment réformateurs et modérés, pour les législatives du 14 mars. « Cette lame n’a pas seulement rasé votre tête, elle a rasé la tête de nombreux amis dans tous les groupes de la société et cela est regrettable », a déclaré Hassan Khomeiny en recevant les dirigeants du Front de la participation, un des principaux partis réformateurs, au mausolée de l’imam Khomeiny, dans le sud de Téhéran. Hassan Khomeiny est une personnalité du régime islamique même s’il n’a pas de fonction officielle. Il a la garde du grand mausolée de l’imam Khomeiny, où ont lieu les grandes cérémonies commémoratives de la révolution islamique.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.