Les effets secondaires nuisibles de la crise immobilière aux USA ont leurs répercussions dans le secteur alimentaire. Car après la crise immobilière l’argent des fonds de pensions par exemple est investi dans le secteur alimentaire. Les conséquences en sont que les céréales, avant d’arriver au moulin passent par plusieurs mains de spéculateurs.

En Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, à Haïti, au Mexique et à d’autres endroits des émeutes violentes causant de nombreux blessés et des morts ont éclaté à cause des fortes augmentations du prix du blé, du maïs et du riz. Dans divers pays asiatiques les tensions sociales augmentent. Les plus pauvres des pauvres se défendent contre l’augmentation des prix de leurs aliments de base qui ont explosé en l’espace de quelques mois et qui sont devenus inabordables pour leur alimention.

Maintenant, des transformations radi­cales sont exigées dans la production agraire. C’est la conclusion tirée aussi par le Conseil mondial de l’agriculture, soutenu aussi par la Suisse, dans un rapport qui a été soumis à l’Unesco. Ce rapport dit qu’avec la libéralisation du commerce dans le secteur alimentaire, les pays les plus pauvres sont les perdants. L’exploitation intensive des monocultures et des plantes génétiquement modifiées augmenterait bien la production, mais les bénéfices, ce sont des autres qui les encaissent, pas les agriculteurs. Des experts mettent en garde contre les dangers de la biotechnologie et la production de carburants « bio ». Avec des plantes génétiquement modifiées, les pratiques locales de la culture et les plantes locales seront évincées et les petits paysans passent à la trappe.

Face aux prix qui augmentent et à la pénurie des aliments sur le marché mondial, c’est une nécessité actuelle de revenir au ravitaillement régional par les petits paysans. Retournons donc au ravitaillement local et réjouissons-nous d’un projet réussi « Le ­magasin-garage » de la famille Schabrun à Rudolfstetten (Suisse).

Des légumes et des fruits frais

Acheter des produits agricoles directement chez le producteur, il n’y a pas plus frais et on sait ce qu’on a. Toujours plus de paysans vendent leurs produits directement à la clientèle intéressée. Ainsi font Monsieur et Madame Schabrun.
Dans notre village, derrière le cimetière, ils exploitent avec amour et joie bon an mal an un grand bout de terrain. Dans ce terrain poussent haricots, petits pois, choux-fleurs, choux-raves, salades et radis et autres légumes. En automne ils plantent poireaux, choux rampon et bien d’autres choses. Bien que le couple de paysans ait près de 70 ans, ils ne rechignent pas devant le travail souvent pénible. Depuis qu’ils n’ont plus de ferme, ils trouvent du plaisir dans le jardinage.

Pendant des décennies ils ont été fermiers à bail dans une ferme. Ils avaient des vaches et ils ont cultivé la terre. Quand quelqu’un venait à la ferme pour demander des ­pommes de terres ou du lait, ils leur donnaient ce qui leur restait. Au fil du temps les gens ont aussi demandé de la salade ou des cerises et des baies. Ainsi cela s’est redit qu’on pouvait acheter des produits frais chez les Schabrun.

Il y a dix ans, lorsque la nouvelle place publique a été inaugurée, nos paysans avaient pour la première fois un stand de légumes. Les gens ont apprécié de pouvoir faire leurs achats directement chez le paysan qu’ils connaissaient. Et depuis on trouve tous les vendredis des légumes frais de saison, directement de la ferme. Au fil des ans une fidèle clientèle s’est formée par le bouche-à-oreille et le choix s’est agrandi.

Il y a cinq ans, la famille Schabrun a quitté la ferme et habite maintenant une maison dans le quartier résidentiel. Mais ils ne voulaient pas abandonner leur « hobby ». Ils ont loué 15 ares de terre où ils continuent à cultiver beaucoup de variétés de légumes : Petits pois, pois mange-tout, haricots, brocolis, salades, radis, céleris, poireaux, fenouils et j’en passe.

Le magasin-garage

Le jeudi, les Schabrun sont au champ et récoltent les légumes pour le jour de vente, le vendredi. Ils vident le garage et préparent les pommes de terre, les oignons, la salade et les fruits dans des cageots. Le vendredi matin, à quatre heures, Monsieur Schabrun va au Fricktal chercher dans la ferme de sa fille du pain paysan fraîchement cuit et les fruits. Lorsqu’on arrive à 6 heures au magasin, le pain frais répand une bonne odeur. A côté du pain on trouve des cartons pour les œufs qu’on remplit soi-même. Bien sûr, sur les étagères on trouve aussi de la confiture, de l’eau-de-vie faite maison, du baume de soucis, des pâtes faites maison et bien d’autres choses. Une fois par mois il y a de la viande de veau et du poulet.

Le magasin est une coopérative. Les deux filles sont elles-mêmes des paysannes. L’une livre de la viande de veau bio frais, l’autre le pain paysan et les fruits. Du frère, au village voisin, viennent les œufs et les pommes de terre. Les paysans ne se plaignent pas de maux de dos. Le travail leur donne de la joie et cela se sent, chaque fois qu’on vient sur place. C’est connu dans le village entier que chez les Schabrun on peut acheter des choses fraîches et pas chères. Il y a aussi des jeunes femmes avec des enfants qui viennent. Une jeune mère demande pourquoi il n’y avait pas de brocoli. Madame Schabrun lui ex­plique que les brocolis ne sont pas de saison et qu’on en vendra le temps voulu. La jeune femme ne savait pas à tel ou tel moment quel légume peut être récolté.

Le vendredi soir, on range tout, les cageots sont empilés. Quand Monsieur et Madame Schabrun ferment la porte du garage, ils sont contents et pas fatigués du tout. Servir beaucoup de clients satisfaits dans leur petit magasin est pour eux aussi une satisfaction. Cette année ils ont un nouveau projet : ils ont encore loué un bout de terre et planté des framboisiers et des mûriers et de la rhubarbe. Ainsi on espère encore bien des jours ensoleillés pour que les baies puissent bien mûrir et que nous puissions faire nos courses, les vendredis matins d’été dans le magasin-garage.

Face aux prix qui augmentent et à la pénurie des aliments sur le marché mondial, c’est une nécessité actuelle de revenir au ravitaillement régional par les petits paysans.