La CIA est le meilleur endroit où travailler aux États-Unis. Aucune agence fédérale n’a plus de talents parmi ses employés. J’espérais y travailler toute ma vie mais, avec regret j’ai démissionné. C’est une décision que j’ai pris seul et sans subir de pression. Je ne suis pas un ancien employé de la CIA mécontent, je suis un américain mécontent qui considère qu’être un bon citoyen n’est plus compatible avec le fait d’être un bon agent de la CIA.
De 1996 à 1999, j’ai dirigé à Washington les opérations contre Al Qaïda et durant cette période les responsables politiques de la Maison-Blanche ont refusé d’agir sur la base des informations transmises pour éliminer Ben Laden. Le travail de douzaines d’agents a été gâché. C’est un fait prouvé par la Commission d’enquête sur le 11 septembre, comme par les excuses de Richard Clarke, même si je considère qu’il a raison de s’excuser pour son action, mais qu’il ne devrait pas affirmer que les services de renseignements ont commis des erreurs. Je n’ai jamais été en mesure de décider d’une action contre Ben Laden, cette décision revenait aux seuls responsables de la Maison-Blanche.
Aujourd’hui, simple citoyen, c’est mon droit de mettre en cause leur jugement. Les dirigeants affirment que les renseignements n’étaient pas « assez bons » pour frapper Ben Laden de façon certaine, mais nous leur avions dit que nous ne disposerions jamais de renseignements plus sûrs et que des milliers d’Américains pourraient mourir si nous ne l’arrêtions pas. À chaque fois, les dirigeants ont reculé de peur que des dommages collatéraux n’offusquent l’opinion musulmane.
Pourquoi n’a-t-on pas demandé aux responsables de l’ancienne administration pourquoi l’opinion mondiale leur importait plus que la sécurité des citoyens états-uniens. Il sera difficile d’estimer quelles sont les responsabilités de chacun. Je crains que, faute de réponse, la réforme du renseignement n’en reste à la lutte bureaucratique.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Why I Resigned From the CIA », par Michael Scheuer, Los Angeles Times, 5 décembre 2004.