J’ai demandé à Jacques Chirac d’aider le Pakistan dans ses négociations avec l’Union européenne. Nous bénéficions de taux douaniers très intéressants en échange de notre lutte contre le trafic de drogue, mais aujourd’hui il est question que Bruxelles revienne sur cet acquis. Les conséquences seraient catastrophiques car la lutte contre la pauvreté est aussi un moyen de lutter contre le terrorisme.
Je regrette beaucoup que votre pays, qui nous aidait à bâtir une marine moderne, ait été frappé si durement sur notre sol en 2002 quand 11 ingénieurs sont morts dans un attentat. Mais, croyez-moi, le Pakistan ne se laisse pas faire. Nous avons éliminé 90 % des structures clandestines d’Al Qaïda si bien que je peux affirmer que la plupart des villes pakistanaises ont été nettoyées. Dans les montagnes qui bordent l’Afghanistan, 20 000 de nos soldats sont engagés dans la lutte contre les terroristes. Nous en avons tué des centaines dont beaucoup étaient venus de l’étranger. J’affirme que nous leur avons cassé les reins. En Afghanistan, on assiste aux mêmes succès. Nous ne savons pas où Ben Laden se trouve, mais il n’est plus qu’un fuyard isolé incapable d’organiser des opérations.
En Irak, les Américains doivent aller jusqu’au bout de leur action. Ils ne peuvent pas abandonner avant d’avoir assuré la stabilité de l’Irak et son intégrité territoriale. Ils doivent donc organiser une armée irakienne et tenir leur promesse d’élection. Face aux attentats suicides, une réponse uniquement militaire serait illusoire. Il ne peut y avoir de règlement que politique. Au début, le déploiement de soldats musulmans aurait été sûrement plus acceptable pour les Irakiens. Mais aujourd’hui, c’est exclu. Des soldats musulmans sous le commandement d’une armée d’occupation se retrouveraient aussitôt dans une position intenable.
Pour lutter contre le terrorisme, il faut en finir avec tous les conflits qui nourrissent la frustration des masses musulmanes, à commencer par le conflit israélo-palestinien. Le président Chirac fait de son mieux pour relancer les négociations et je pense également que le président George W. Bush cherche sincèrement à trouver les voies d’un règlement. Voyez-vous, le terrorisme ressemble à un arbre. Arracher les feuilles ne sert à rien car elles repoussent. Couper les branches ne suffit pas non plus. Ce qu’il faut, c’est s’attaquer aux racines. Donc, comme je vous l’ai déjà dit, il faut trouver une solution à la querelle israélo-palestinienne et il faut guérir la misère des peuples. Les peuples ne sont pas séduits par les grandes visions de califats de Ben Laden.
Nous avons fait notre propre enquête sur Abdul Kader Khan et nous attendons des États-Unis, dont nous sommes les alliés dans la guerre au terrorisme, qu’ils nous fassent confiance. M. Khan connaît des secrets d’État et nous ne pouvons pas le livrer aux Américains, ils doivent accepter les résultats de notre enquête.
Le Pakistan travaille à un règlement du conflit au Cachemire et la fin de ce conflit bénéficiera au Pakistan et à toute la région puisque nous sommes un carrefour commercial.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Il faut s’attaquer aux racines du terrorisme », par Pervez Musharraf, Le Figaro, 10 décembre 2004. Ce texte est adapté d’une interview.