Dans la lettre qu’il a récemment adressée à Jacques Chirac, Mgr Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence des évêques de France, ne se prononce pas sur l’adhésion de la Turquie mais soulève une question qui lui paraît constituer un préalable à l’ouverture des négociations d’adhésion : le respect des droits fondamentaux, notamment la liberté religieuse des minorités, par l’État turc. La conférence des évêques français n’est pas la seule à se soucier de cette question, nous en parlons entre évêques européens et nous attirons l’attention des chefs d’État sur ce point. Dans son rapport du 6 octobre dernier, la Commission européenne consacre plusieurs pages aux manquements à la liberté religieuse en Turquie. Mais, ensuite, la recommandation du commissaire en charge de l’élargissement n’en parle pratiquement plus ! C’est à cause de ce silence que Mgr Ricard a écrit au président Chirac. Ce n’est pas une revendication « corporatiste », la liberté religieuse est l’affaire de tous.
Il faut rejeter les slogans qui affirment que si la Turquie voyait sa candidature repoussée, l’Union européenne passerait pour un « club chrétien ». L’Europe est chrétienne mais elle n’est pas confessionnelle, aucune des institutions européennes n’est confessionnelle. La question posée n’est donc pas de savoir si, dans leur majorité, les citoyens turcs sont musulmans. Elle est de voir comment l’État turc traite juridiquement les minorités. Si la Turquie refuse la liberté à ses minorités, c’est bien le signe qu’il faut s’interroger sur sa compréhension de la laïcité qui en Turquie n’est pas une séparation mais un contrôle de l’État sur la religion. En Europe au contraire, les droits des Églises sont respectés grâce à la Charte des droits fondamentaux qui est annexée au traité, et compte tenu de l’article 52 de cette Constitution.
Nous n’avons pas peur de la Turquie, nous demandons qu’elle respecte le droit. La Turquie est membre du Conseil de l’Europe depuis le début. Elle a donc signé la Convention européenne des droits de l’homme, mais depuis plus de 50 ans, elle n’honore pas ce qu’elle a signé. Qu’elle applique donc ce qu’elle s’est engagée à réaliser devant le Conseil de l’Europe, avant de demander à entrer dans l’Union. Sinon comment faire confiance ? Pourquoi la Turquie a-t-elle peur de la liberté religieuse telle qu’elle est établie en Europe ?

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Ce pays refuse la liberté religieuse aux minorités », par Hippolyte Simon, Le Figaro, 16 décembre 2004. Ce texte est adapté d’une interview.