Chers concitoyens de la Fédération de Russie,
Messieurs les Députés et membres du Conseil de la Fédération,

Tout d’abord je vais vous faire part de mon analyse des divers évènements de l’année qui s’achève.

En 2008, notre pays s’est attaqué à la réforme des principales institutions étatiques. Après les élections présidentielles, un nouveau gouvernement a été formé. A la Douma, les partis représentés ont travaillé à plein régime. La réalisation de nouveaux projets visant au développement économique et social à long terme a été mise en chantier. Des routes et des usines ont été construites. L’armée et la flotte ont été dotées d’un nouveau matériel. De nouvelles technologies ont été mises en œuvre. Des pôles scientifiques, médicaux et éducatifs ont été créés. Nos sportifs ont remporté des victoires exemplaires.

Mais durant cette année nous n’avons pas seulement assisté à la naissance de nouveaux espoirs et de nouvelles avancées. Il s’est passé des choses qui, j’en suis convaincu, sont très importantes pour chacun de nous dans ce pays. Et parallèlement elles ont constitué pour la Russie une sérieuse mise à l’épreuve. Je parle de l’agression barbare perpétrée contre l’Ossétie du Sud. Et bien sûr de la crise financière mondiale qui s’étend de plus en plus. Deux problèmes bien différents, mais qui présentent des similitudes et —on peut le dire— ont une origine commune.

Pour des milliers d’êtres humains, pour des peuples entiers, l’attaque des troupes russes de maintien de la paix par l’armée géorgienne a constitué une tragédie. Cette provocation a intensifié les tensions dans la région du Caucase.

Le conflit caucasien a servi de prétexte à l’arrivée de bâtiments de guerre de l’OTAN en mer Noire, visant à accélérer le stationnement de boucliers anti-missiles US en Europe. Cela implique naturellement des mesures en retour de la part de la Russie (j’en reparlerai aujourd’hui). L’aventure locale du gouvernement de Tbilissi a ainsi contribué à un accroissement des tensions bien loin de la région, aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Elle a fait douter de la capacité des institutions internationales à garantir la sécurité. De fait, les fondements de l’ordre mondial ont été ébranlés.

La crise financière mondiale, elle aussi, a commencé sous forme d’un « incident local » —j’entends, sur le marché intérieur des États-Unis—. Mais comme ceux-ci sont étroitement liés aux marchés de tous les pays développés, au premier chef les plus puissants d’entre eux, l’économie des États-Unis a entraîné dans sa chute les marchés financiers de toute la planète. Si bien que cette crise est devenue globale.

Quelques problèmes locaux sont susceptibles de se mondialiser, c’est une caractéristique de notre monde où tout est lié. Il y a longtemps que nous avons choisi une intégration en profondeur de l’économie mondiale. Et nous prenons nos responsabilités. Après une phase de croissance rapide de l’économie mondiale, dont la Russie a considérablement profité, elle est également prête à faire face, en commun avec les autres pays, aux difficultés qu’entraîne un ralentissement de la croissance. Mais il est nécessaire de créer les mécanismes à même de bloquer les décisions erronées, égoïstes et parfois même dangereuses de certains membres de la communauté mondiale. Car il faut le dire : la tragédie de Tshkinvali (entre autres) était la conséquence de la politique autocratique, rebelle à toute critique et guidée par des décisions unilatérales de l’administration états-unienne.

Je crois qu’après l’effondrement de l’Union soviétique les dirigeants états-uniens ont cru être les uniques et incontestables dépositaires de la vérité et que c’est ce qui les a conduits en définitive à des erreurs monumentales sur le plan économique.

En laissant gonfler indéfiniment la bulle financière qui stimulait leur propre croissance, ils n’ont pas seulement négligé de mettre leurs décisions en accord avec celle des autres acteurs des marchés mondiaux, mais ont aussi perdu le sens le plus élémentaire de la mesure. Les nombreuses mises en garde de leurs partenaires —dont nous— les ont laissés de marbre. Ils ont fini par causer du tort à eux-mêmes et aux autres.

Mais comme dit le proverbe, au fond de tout mal se trouve un bien. La leçon qu’ont tirée des erreurs et des crises de l’année 2008 toutes les nations responsables est qu’il est temps d’agir. Et qu’il faut réformer le système économique et politique. En tout cas la Russie y tient.

Elle est prête à collaborer à cette tâche avec les États-Unis d’Amérique, l’UE, les autres États du BRIC [1] et tous les intéressés. Nous ferons tout pour rendre le monde plus juste et plus sûr.

Je suis convaincu que nous y réussirons, car notre pays est fort, aussi bien sur le plan économique que politique. L’opération militaire d’août dernier aussi bien que les derniers et fâcheux évènements sur les marchés mondiaux ont montré la maturité de notre société civile et de notre unité nationale. J’ai eu la joie de constater la solidarité qu’ont manifestée les grands mouvements politiques face aux évènements du Sud-Caucase ainsi qu’aux mesures pour combattre la crise et stabiliser l’économie —et je leur en suis sincèrement reconnaissant—.

Je pense qu’il ne peut en aller autrement pour un peuple qui possède une histoire millénaire, qui a exploré et civilisé un aussi vaste territoire, créé une culture unique en son genre, qui s’est doté d’un énorme potentiel économique et militaire et qui se laisse guider par des valeurs et des idéaux dotés d’une base solide, et mis à l’épreuve durant des siècles.

J’aimerais parler tout particulièrement de nos principes moraux et de nos idéaux de société. Je ne voudrais pas jouer les donneurs de leçons ni m’en tenir à des analyses abstraites.

Etre Président de Russie, c’est une tâche concrète, pratique. Mais je le dis franchement, ayant déjà une expérience personnelle de cette tâche : prendre des décisions dont dépendent la vie —au sens littéral du terme—, le bien-être, la santé de milliers d’êtres humains et même le renom et le destin de ce grand peuple, ce n’est pas facile. Et si l’on accepte cette tâche, il faut bien savoir que certaines choses ne peuvent être sacrifiées, que pour elles il faut se battre et gagner.

Vous y tenez beaucoup, comme moi, et nous ne pouvons pas imaginer notre pays sans elles. Nous sommes un peuple détenteur d’un patrimoine moral et intellectuel. Nous possédons des biens dont nous pouvons être fiers, que nous devons défendre et protéger, que nous devons rechercher. C’est pourquoi, dans le Caucase, nous ne reculerons pas. C’est pourquoi nous surmonterons les conséquences de la crise économique mondiale et que nous en sortirons plus forts.

La Russie et ses valeurs

Venons-en à nos valeurs. Elles sont bien connues. La justice, au sens où nous l’entendons, c’est une égalité de droits, une justice honnête, des dirigeants responsables de leurs actes, ce sont des garanties sociales effectives, l’éradication de la pauvreté et de la corruption, la dignité et une place dans la société pour tout homme et, pour l’ensemble de la nation russe, dans le concert des nations. La liberté d’entreprise, de parole, de confession, le libre choix de sa résidence et de sa profession, la liberté nationale et générale. L’autonomie et l’indépendance de l’État russe.

La vie humaine, le bien-être et la dignité de chacun, la paix entre les nations, l’unité dans la diversité des cultures, la protection des peuples minoritaires et la reconnaissance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, voilà qui nous offre un exemple de cette protection. Si critique et lucide que soit notre regard sur l’histoire de notre patrie et sur son présent, certes bien loin d’être idéal, et en toute circonstance, jamais nous n’avons cessé de croire à la Russie, à notre attachement à notre pays, à notre grande civilisation.

Voilà quelles sont nos vieilles valeurs, les fondements de notre société, nos critères moraux. Dit plus simplement : toutes ces choses évidentes et accessibles à tous, la vision que nous en avons tous, voilà ce qui fait de nous un seul peuple : les Russes.

C’est à cela que nous ne devons jamais renoncer.

L’État russe et son économie

Nos valeurs modèlent aussi notre vision de l’avenir. Nous voulons une société juste composée d’individus libres. Nous savons que la Russie sera un pays florissant et démocratique, puissant mais où il fera bon vivre. Le meilleur pays que le monde puisse offrir aux citoyens les plus talentueux, les plus exigeants, les plus indépendants et critiques.

Je voudrais que ce soit bien clair : nous ne changerons pas nos objectifs. D’importantes fluctuations de la conjoncture économique et politique, les turbulences de l’économie mondiale, et même la tension politico-militaire qu’on nous impose ne serviront pas de prétexte à un démontage des institutions politiques et à la nationalisation des entreprises industrielles et financières. Les libertés politiques individuelles et la propriété privée sont intouchables.

Je voudrais le souligner une fois de plus : l’État remplira ses obligations envers les citoyens. Leurs économies, le niveau des retraites, toutes les garanties sociales doivent faire au quotidien l’objet d’une attention constante et rester sous la responsabilité totale du gouvernement russe et des organes exécutifs à tous niveaux. Dans ce contexte, je voudrais appeler l’attention des responsables des ministères, des autorités politiques de l’État, de la Fédération de Russie et des organes des administrations autonomes de la Fédération sur l’article 7 de la Constitution, selon lequel la Fédération de Russie est un État social, garantissant l’épanouissement et la liberté des citoyens ainsi que la protection sociale. Et donc toute restriction apportée aux activités et libertés civiles et conduisant à une détérioration de la situation des citoyens n’est pas seulement immorale, mais illégale.

Nous avons déjà fait beaucoup pour protéger notre économie de risques venus de l’extérieur. Ce n’est pas pour rien que nous avons constitué des réserves d’or et de devises ainsi qu’un excédent budgétaire et que nous sommes passés à une planification à moyen terme. Et dès les premiers signes indiquant que la crise mondiale aurait des répercussions sur notre système financier, nous avons entrepris de normaliser la situation. Le gouvernement a accepté un programme d’actions visant à minimiser, en Russie, les conséquences de la crise, à assainir le système bancaire et à soutenir certaines branches de l’économie. Aujourd’hui il s’agit surtout de mettre en œuvre la totalité de ces mesures.

J’attire tout spécialement l’attention du gouvernement, de la Banque de Russie et de tous les organismes d’État sur le fait qu’aucun ralentissement dans la mise en œuvre de ces mesures n’est admissible.

Il faut tout d’abord détruire ces « tsunami financiers » qui se sont formés dans la sphère de l’économie et ceci de manière à ce que les fonds débloqués arrivent bien aux acteurs en bout de chaîne. J’entends par là les entreprises des branches principales —agriculture, bâtiment, machines-outils ainsi que le complexe des industries d’armement— mais aussi les petites entreprises. Et chaque rouble doit être efficacement —c’est-à-dire intelligemment— employé.

La crise économique —ne nous faisons pas d’illusions— n’est pas terminée.

Il faut consacrer à toute cette période beaucoup de soin et un maximum d’attention, aussi bien en ce qui concerne l’efficacité de notre travail que le choix de nouveaux projets et programmes.

Cela s’adresse aussi bien à l’État qu’au monde des affaires et à tout individu.

Je suis convaincu que nous viendrons à bout de toutes les difficultés et que nous élaborerons très bientôt un nouveau système financier, à même de répondre à tous les défis extérieurs et de nous permettre d’accomplir nos propres tâches de manière ordonnée.

Ce dont nous avons aujourd’hui le plus pressant besoin, c’est de confiance et de collaboration. Et nous n’avons pas le droit de perdre de vue un seul jour nos programmes stratégiques.

Étant donné les circonstances, il faut plus que jamais y œuvrer sans relâche.

Aujourd’hui il faut développer les bases de notre compétitivité nationale là où nous pouvons espérer en tirer des profits et des avantages.

Il faut identifier rapidement les niches laissées vacantes de l’économie mondiale et savoir les mettre à profit. Il faut créer de nouvelles entreprises efficientes, utilisant des technologies de pointe.

Une telle approche ne constitue pas seulement l’un des meilleurs « remèdes » pour combattre la crise, elle est aussi partie intégrante de notre façon d’envisager l’évolution présente de la Russie.

Notre activité économique se fondera sur les « quatre I » —Institutions, Investissements, Infrastructures et Innovations— une conception que nous avons déjà exprimée.

Une telle approche avait déjà été choisie par le gouvernement pour présider à notre évolution jusqu’en 2020. Et il faut la mener à son terme. Mais il faut lui adjoindre, comme je l’ai déjà dit, un cinquième élément : l’Intellect.

Notre priorité – c’est de produire (aussi bien pour leur intérêt propre que pour les exporter) du savoir, des technologies nouvelles et une culture progressiste. Et cela veut dire : conquérir des positions de pointe dans la science, la culture et l’art. Nous sommes tenus d’être au premier rang des innovations dans les domaines fondamentaux de la science et de la vie sociale. Et là, ni l’État ni le monde des affaires n’a le droit de compter —si durs que soient les temps en matière de finances—.

Notre politique doit se centrer sur l’être humain, aussi bien en tant qu’individu qu’en tant que citoyen, et lui garantir une égalité de chances quelle que soit sa naissance, de sorte que sa réussite dans la vie ne dépende que de ses initiatives et de ses capacités à s’assumer, innover et accomplir un travail créatif. Et c’est pour nous plus important que jamais.

Je le répète, nous sommes tout simplement tenus de nous concentrer sur nos priorités nationales. Et c’est pourquoi le pire, aujourd’hui, serait d’utiliser la situation actuelle et d’ouvrir des comptes au profit d’une concurrence perverse et d’utiliser dans ce but des ressources de l’État. Je rappelle à tous les fonctionnaires, collaborateurs d’organismes juridiques et responsables dans les entreprises que de tels procédés sont particulièrement immoraux et inadmissibles à l’heure actuelle.

Il est facile de nos jours d’acquérir une réputation, mais tout aussi facile de la perdre. Et la retrouver ensuite est long et difficile, voire tout à fait impossible.

À ceux qui veulent profiter de la crise actuelle pour se faire de « l’argent facile » au plan politique, aux bavards populistes qui cherchent à déstabiliser la société pour satisfaire leurs propres ambitions, je conseille de lire la Constitution.

Je considère de mon devoir de mettre en garde ceux qui espèrent détériorer la situation politique. Nous ne permettrons à personne de mettre la dissension à l’intérieur de notre société ni entre les nations, de tromper les citoyens et de les impliquer dans des actions illégales.

L’ordre constitutionnel continuera à être défendu par tous les moyens.

La Constitution russe

Je vous rappelle que la Constitution russe aura 15 ans en décembre. Et bien sûr, il ne s’agit pas simplement de célébrer cet anniversaire, mais aussi de prendre conscience que justement cette Constitution garantit la liberté et la justice, la dignité de l’homme et son bien-être, la protection de la famille et de la patrie, l’unité de notre État pluriethnique non seulement comme valeurs universelles, mais aussi sur le plan juridique. La Constitution est leur bras armé et met au service de leur application pratique toutes les ressources de l’État, également en vertu de cette loi fondamentale à laquelle sont soumises les institutions sociales et le mode de vie de millions de gens.

C’est précisément pour cela qu’il me semble nécessaire, dans mon premier message à l’Assemblée fédérale, de m’attacher aux normes fondamentales qui régissent notre vie : les objectifs et valeurs de notre société, gravés dans la Constitution russe et qui nous permettent d’agir dans tous les domaines de politique intérieure et extérieure.

Je voudrais analyser rapidement la manière dont l’évolution de l’État russe a garanti ces objectifs et valeurs au cours de sa récente évolution. Pour cela je vais aborder quelques sujets.

 Le premier sera le rôle décisif de la Constitution dans le développement de la démocratie en Russie. J’ai déjà dit que le niveau de liberté individuelle, de maturité des institutions et mesures démocratiques qu’elle garantit sera la source de notre croissance à venir. En nous attelant à une nouvelle étape de notre développement nous devons garantir une importante participation des citoyens, des partis politiques et autres institutions sociales à ce processus. Et je les appelle à cette participation.

 Le deuxième sujet est l’importance de la Constitution pour l’élaboration d’un système juridique qualitativement nouveau et de tribunaux indépendants pour combattre la corruption et le nihilisme de droite.
Ce dernier, notons-le, n’est pas nouveau en Russie. Il plonge ses racines dans un lointain passé. Et quinze ans, c’est bien peu pour venir à bout de traditions aussi bien ancrées.
Il faut bien dire aussi que nous ne nous sommes pas encore attaqués à ce problème —le non-respect du droit— de manière systématique et en profondeur.

 Le troisième, c’est la Constitution et la poursuite de l’élargissement de la liberté d’entreprise. Car c’est justement cela qui permettra l’émergence d’une classe moyenne, la croissance de la petite et moyenne entreprise, l’émergence d’une économie innovante.

 Le quatrième c’est la mise en œuvre des garanties sociales inscrites dans la Constitution : salaires, aides diverses, retraites et épargne. Je le répète, dans la période pas vraiment facile que nous traversons, l’État remplira ses devoirs vis-à-vis des citoyens. Je voudrais rappeler à ce sujet que la Constitution interdit même la propagande en faveur de la supériorité sociale. C’est une norme, et cette norme morale est chez nous une norme légale.

 Et pour finir un cinquième sujet : Constitution et renforcement du droit international. On sait que ce dernier repose sur le respect par les États de leurs lois nationales et l’obligation qu’ils ont de respecter les conventions et traités internationaux.

Et c’est pourquoi plus les manières d’agir des États dans l’arène internationale sont conformes aux normes juridiques internationales, mieux la sécurité est assurée dans le monde.

Mes chers collègues !

La Constitution a fixé les jalons d’une rénovation de l’État russe qui doit en faire une nation libre. Une société où les normes suprêmes sont la liberté et la dignité pour tous.

En Russie, durant des siècles, a prévalu le culte de l’État et de la prétendue sagesse de son appareil. Mais l’individu, ses droits et ses libertés, ses intérêts et problèmes personnels n’étaient, pour les gouvernants, au mieux qu’un moyen, au pire un obstacle. Je le répète : durant des siècles. Et je voudrais citer Piotr Stolypine, Premier ministre de 1906 à 1911 : « Il s’agit avant tout de créer le citoyen, et une fois cette tâche remplie, le sens civique apparaîtra de lui-même dans notre pays. D’abord le citoyen, ensuite le sens civique. Mais chez nous, en règle générale, c’est à rebours que l’on procède. »

C’est pourquoi la loi fondamentale de 1993, qui proclame que l’être humain, sa vie, ses droits, sa propriété constituent la valeur suprême est un évènement sans précédent dans l’histoire de la nation russe. Et nous devrions remercier tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce document et qui l’ont adopté, et dont quelques-uns sont dans cette salle.

En ce moment, déjà parvenue à une nouvelle étape, la société russe réaffirme son attachement aux valeurs démocratiques de la Constitution. Elle s’est appropriée l’essentiel des habitudes, pratiques et procédures démocratiques. Et aujourd’hui les citoyens russes n’associent plus la démocratie au chaos, à la faiblesse et au déclin, comme c’était encore le cas il y a peu.

La nouvelle Russie a fait la preuve de sa capacité à remplir ses obligations sociales, garantir une croissance économique et exiger le respect des droits civils et de la loi ainsi qu’à combattre avec succès le terrorisme et les agressions extérieures.

Aujourd’hui la question n’est plus, comme il y a quinze ans, de savoir si la Russie est ou non une démocratie. Il va de soi que c’est le cas. Aujourd’hui la question est de savoir comment faire progresser la démocratie.

Mon avis est que les Russes sont aujourd’hui beaucoup plus disposés à être des citoyens libres et actifs, aussi bien dans le domaine professionnel que socio-politique, sans la tutelle de l’État. En nombre sans cesse croissant, ils se fient à leurs propres forces. Ils estiment que leur réussite personnelle —et donc celle du pays tout entier— ne dépend que d’eux seuls. C’est pourquoi il est possible et nécessaire d’accroître la confiance de la population.

Par ailleurs la bureaucratie étatique se laisse guider, comme il y a vingt ans, par sa défiance envers l’homme libre et ses agissements autonomes. Cette logique la conduit à des conclusions dangereuses et à des actions qui le sont tout autant. La bureaucratie se laisse parfois guider par le « cauchemar » d’un monde des affaires agissant de façon erronée. Elle s’immisce dans les choix, pour éviter ces erreurs. Elle fait pression sur les tribunaux pour éviter les jugements erronés. Et ainsi de suite.

Le résultat en est que l’État reste, chez nous, le premier employeur, l’éditeur le plus actif, le plus gros producteur, son propre tribunal, son propre parti et en définitive son propre peuple. Un tel système est totalement inefficace et ne crée qu’une seule chose : de la corruption. Il mène à un nihilisme de droite massif, est en contradiction avec la Constitution et freine le développement de structures permettant une économie et une démocratie innovantes.

État et société

Un État fort et une bureaucratie toute-puissante, ce n’est pas la même chose. Un État fort a besoin de la société civile pour progresser, maintenir l’ordre, protéger et renforcer les institutions démocratiques. Mais pour tout cela la toute-puissance de la bureaucratie est le pire ennemi. C’est pourquoi notre société doit s’attacher à développer avec persévérance et sérénité ses institutions démocratiques.

Les organisations démocratiques créées au cours de ces dernières années (et, soyons francs, sur ordre venu d’en haut) doivent prendre pied dans tous les domaines sociaux.

Pour cela il faut tout d’abord mettre sans cesse à l’épreuve les capacités d’action des institutions démocratiques. Et ensuite accorder plus de confiance au nombre sans cesse croissant de citoyens et d’organisations, y compris autogérées, qui exercent des fonctions socio-politiques.

Ceci posé, l’État ne doit pas fuir les responsabilités relevant de ses compétences. Il doit agir de façon pragmatique, en évaluant les risques avec prudence. Mais agir tout de même.

C’est pourquoi je propose des mesures visant à élever le niveau et la qualité de la représentation démocratique. Ces mesures devraient permettre une large intégration des citoyens dans la vie politique. Les partis représentés à la Douma en 2007 ont recueilli plus de 90 % des suffrages. Mais presque 5 millions de citoyens ont donné leurs voix à des partis qui ne sont pas entrés à la Douma. Ces citoyens ne sont pas représentés au niveau fédéral, bien qu’ils aient montré leur intérêt pour la citoyenneté en participant aux élections. C’est injuste. Et cela doit changer. Pour autant, je ne juge pas nécessaire pour l’instant d’abaisser le seuil d’entrée à la Douma, fixé par une loi votée par les députés.

 Ma première proposition est d’accorder des garanties de représentation aux électeurs dont le choix s’est porté sur de « petits » partis. Les partis ayant recueilli 5 à 7 % des voix devraient être assurés d’obtenir un à deux mandats. Un tel schéma permet à la fois de maintenir le système de mesures de consolidation des « grands » partis, sur lequel nous avons travaillé ces dernières années et qui constitue l’ossature de notre modèle politique national, et d’offrir aux petits partis qui représentent les intérêts d’un nombre important de citoyens une tribune à l’Assemblée.

 Deuxièmement : Je juge possible qu’à l’avenir les candidats à la représentation des organes exécutifs de la Fédération ne soient proposés que par des partis ayant obtenu la majorité aux élections régionales, à l’exclusion de tout autre.
Cela signifierait que seules pourraient présenter des candidats les organisations politiques publiques et ouvertes représentant la majorité de la population du pays.

 Troisièmement : Il faut mettre un terme à l’utilisation de dons en argent au cours des élections, à quelque niveau qu’ils se situent. Ce qui doit décider de la participation à des élections ne doit pas être l’argent, mais uniquement l’opinion des gens, la réputation d’un parti et la confiance que les électeurs placent dans son programme.
Il faut discuter d’un abaissement progressif du nombre de signatures d’électeurs nécessaires pour avoir le droit de se présenter aux élections à la Douma. Et les partis qui ont recueilli plus de 5 % des voix aux dernières élections à la Douma ou qui ont formé un groupe dans plus de 3 Parlements régionaux doivent être totalement dispensés de présenter des signatures. Je vous rappelle que ce n’est actuellement le cas que pour les partis qui disposent d’un groupe à la Douma.

 Quatrièmement : Le Conseil de la Fédération ne doit se composer que de personnes élues dans les assemblées représentatives et de députés des assemblées locales de la région en question.
La condition restrictive de résidence, imposant à un membre du Conseil de la Fédération d’avoir vécu un certain nombre d’années dans la région qu’il représente, n’a plus lieu d’être.
De cette manière, les citoyens qui siègeront au Conseil de la Fédération seront ceux qui seront passés par la procédure du vote public, auront une expérience de travail avec les électeurs et ne seront pas seulement des représentants des autorités régionales mais aussi, et c’est le principal, directement ceux de la population.
Les transformations indispensables n’impliqueront ni secousses, ni changement de cadres de l’appareil, si l’on prend soin de fixer une période de transition et de prendre des mesures pour maintenir en place les membres de l’appareil du Conseil de la Fédération.

 Cinquièmement : Il faut procéder à une réduction minimale et progressive des membres de l’organisation, permettant l’enregistrement d’un nouveau parti.

 Sixièmement : Il faut apporter des améliorations à la loi sur les partis, obligeant à une rotation dans la direction de l’appareil du parti ; chaque membre exerçant une fonction de direction donnée ne pourra l’exercer que pour une durée déterminée.

 Septièmement : Les organes directeurs de gestion locale doivent avoir la possibilité d’exercer un contrôle effectif plus strict et de révoquer si nécessaire les dirigeants des organes de gestion locale. On a déjà suffisamment réfléchi à la question de la responsabilité de ces dirigeants.
Accorder aux organes représentatifs de gestion locale des pouvoirs aussi étendus suppose parallèlement d’élever le niveau d’exigence quant à leur propre travail. Il faut veiller à ce qu’une participation maximale des associations locales, politiques ou non, s’accompagne d’un choix en faveur de responsables autochtones formés en matière juridique, volontaires et progressistes.
Je rappelle que la loi accorde le droit de présenter des candidats aux élections locales non seulement aux partis politiques, mais aussi aux organisations de la société civile. Mais tant la majorité des partis que les ONG sont sous-représentées dans les Conseils locaux. Cette disposition de la loi doit donc être véritablement appliquée.

 Huitièmement : Je vous demande de prendre des mesures complémentaires visant à encourager les ONG et les conseils municipaux à s’impliquer plus dans le processus législatif. Je pense qu’elles devraient absolument participer à la relecture de projets de loi touchant aux questions les plus importantes pour l’individu : Droits de l’homme, santé, propriété. Et bien sûr il faut apporter des modifications au règlement de la Douma et du Conseil de la Fédération.

 Neuvièmement : Les partis représentés au Parlement doivent recevoir des garanties clairement formulées relatives à la présentation de leurs travaux dans les médias publics.

 Dixièmement : La liberté de parole doit être garantie par des innovations techniques. L’expérience a montré que vouloir convaincre les fonctionnaires de « ne pas recourir » aux moyens de communication de masse est une entreprise sans espoir. On ne peut pas empêcher cela, mais il faut élargir l’espace de liberté de l’Internet et du fax. Aucun fonctionnaire n’est à même d’empêcher les débats sur Internet ou de censurer en même temps des milliers de canaux.

Je suis convaincu que les mesures que je viens d’énumérer contribueront à élever la qualité de la représentation populaire, à mieux prendre en compte les intérêts des gens et à renforcer leur confiance dans le pouvoir et la solidarité sociale.

Mes chers concitoyens, Mes chers amis,

J’ai présenté ici quelques décisions extrêmement concrètes visant à développer une société citoyenne et un État démocratique. Elles m’ont été dictées par le désir que dans un proche avenir notre Russie soit un pays en pointe, progressiste, florissant et où il fait bon vivre, fondé sur des lois justes dans une communauté d’hommes libres. Et tous ensemble nous poursuivrons la démocratisation de notre pays, cela ne fait aucun doute.

Il y a beaucoup à faire, et de grandes avancées sont nécessaires. Je parle aussi de la décentralisation et de l’humanisation des instances sociales et du système politique. Et plus libre et diverse est la vie sociale, plus dynamique doit être l’économie, plus actives les luttes politiques et plus stables et solides les institutions démocratiques fondamentales, ou, pour employer une image, les fondations sur lesquelles repose tout l’édifice démocratique.

Je pense qu’on est d’accord avec moi pour dire que la culture politique russe et même notre opinion publique considèrent que cette tâche relève avant tout du Président et de notre Parlement fédéral —deux institutions suprêmes du pouvoir d’État, dont la première caractéristique est d’avoir été élus par tout le peuple et d’agir au nom du pays tout entier—.

Je suis convaincu que notre marche vers la liberté et la démocratie ne peut être irréversible et couronnée de succès que si l’autorité du Président et de la Douma est suffisante et ne se fonde pas seulement sur des promesses électorales mais sur des résultats concrets, dans la mesure où ils ont le temps d’appliquer le programme annoncé, montrer réellement au peuple les résultats de leur activité et rendre des comptes aux électeurs et au pays.

À l’époque actuelle où des projets de développement à long terme sont en cours de réalisation —au fond on s’attelle aux tâches nécessaires pour passer à une économie d’un type nouveau— il faut s’attaquer parallèlement à une foule de questions extrêmement ardues : s’affronter à la crise globale, aux difficultés de la concurrence, à la modernisation de l’armée, et diriger un immense pays, gérer sa diversité ethnique et culturelle, tout en renforçant les institutions démocratiques et en maintenant la stabilité. Et ce n’est pas tout, loin delà, mais ce sont les principales raisons qui m’amènent à formuler les deux propositions suivantes :

 Premièrement : élargir les droits que la Constitution confère à l’Assemblée fédérale et lui confier, outre les tâches de direction prévues à l’article 103, un contrôle de l’exécutif sous forme d’une norme constitutionnelle exigeant que le gouvernement rende à la Douma des comptes annuels des résultats de son activité et réponde directement aux questions posées par le Parlement.

 Deuxièmement : faire passer la durée du mandat du Président et de la Douma prévue par la Constitution respectivement à 6 et 5 ans.

Ces questions ont été abordées plusieurs fois depuis les années 90. On a beaucoup débattu à ce sujet. Beaucoup se sont référés à l’Histoire, qui offre un nombre assez important de cas où des États démocratiques ont modifié la durée du mandat des organes gouvernementaux.

Je ne vais pas les énumérer, tout le monde les connaît, mais je voudrais le dire clairement : il ne s’agit pas de réformer la Constitution, mais d’y apporter un correctif. Un correctif certes important et qui précise certains points, mais ne touche pas à l’aspect juridique et politique des institutions existantes.

Celles-ci seront plutôt une aide supplémentaire et indispensable à la stabilité de ce correctif, en sorte que la « poursuite irrésistible de réformes » relatives à la loi fondamentale n’en soit absolument pas affectée. La Constitution russe est efficiente, elle est mise en œuvre, et ses dispositions de base ne devraient pas être modifiées dans les années à venir. Les droits et libertés individuels, la souveraineté populaire, la structure de l’État et le mécanisme fédéral, les principes et l’organisation du système judiciaire ainsi que l’autonomie locale et autres bases structurelles de la Constitution sont fixés pour de longues années. Et ces lois fondamentales, je les maintiendrai et les défendrai, moi qui suis le garant de la Constitution.

Lutter contre la corruption

Mes chers collègues,

La corruption est l’ennemi public N° 1 de toute société libre, juste et démocratique. Vous savez qu’un plan de lutte contre la corruption a été signé en juillet dernier. J’ai déjà soumis à la Douma un paquet législatif qui y fait suite. La corruption se caractérise avant tout par sa complexité, son système organisé et ses ciblages. Il faut d’abord éradiquer les bases que lui fournit l’imperfection de nos mécanismes politiques et économiques.

Nous apportons présentement des modifications législatives qui réguleront l’activité des douanes et des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, des procureurs, du Service fédéral de sécurité (FSB), des tribunaux et de tous leurs collaborateurs, des services administratifs, municipaux et autres. Il est extrêmement important que la lutte contre la corruption s’assortisse de moyens de dissuasion, pour créer une atmosphère qui fasse percevoir comme « désavantageux » les comportements corrompus. Quelles sont les mesures que j’envisage ?

 Premièrement : Il faut exiger notablement plus des collaborateurs d’organismes fédéraux et locaux. J’entends par là qu’ils devront fournir des états satisfaisants de leurs revenus et de leur patrimoine, et de ceux des membres de leur famille. Leur exactitude devra faire l’objet d’un contrôle rigoureux pouvant inclure des moyens policiers.

 Deuxièmement : Les collaborateurs des organismes fédéraux et locaux sont tenus de mettre leur façon de travailler en accord avec les règles qu’exige leur service. En cas contraire, ils seront passibles de sanctions disciplinaires, et si nécessaire administratives, voire pénales.

 Troisièmement : Il faut prendre des mesures permettant de poursuivre en justice les personnes ayant abusé des pouvoirs dont elles jouissaient à la tête d’ONG, comme s’il s’agissait de fonctionnaires.

 Quatrièmement : Les personnes morales seront responsables administrativement en cas de versements effectués au nom ou dans l’intérêt de ces personnes morales dans un but de corruption, ce qui s’ajoutera à toute une série de mesures déjà bien connues.

 En outre la fortune de personnes jouissant d’un statut juridique particulier, tout spécialement les juges, sera soumise à un contrôle.

Toutes ces mesures sont certes sévères, mais indispensables.

Et leur importance était déjà reconnue avant la Révolution par un spécialiste du droit public, Nicolas Korkounov : « Faire régner la légalité limite toujours l’arbitraire des puissants. » Le choix que nous avons à faire est clair.

Je crois que ce serait un bon début que de consolider ainsi l’aspect légal de la lutte contre la corruption.

En cas de nécessité, nous devrons prendre des mesures supplémentaires. Je compte que tout le paquet législatif sera rapidement accepté et mis en pratique avec succès.

Naturellement, à part les mesures législatives, il nous faut améliorer la manière dont nos organes d’État travaillent, optimiser et clarifier leurs pouvoirs. Nous devons permettre la concurrence et l’objectivité dans les appels d’offres publics et l’attribution de contrats par l’État ou les municipalités. Nous devons abolir les interdictions et restrictions infondées dans le domaine des activités éco-nomiques et créer les conditions permettant de cibler les aides à accorder dans le domaine social.

Les Tribunaux

Je voudrais maintenant dire quelques mots du développement du système judiciaire. Nous savons que des tribunaux indépendants et honnêtes constituent le fondement d’un ordre public juste. Au fur et à mesure que notre État démocratique se renforce, les tribunaux joueront un rôle de plus en plus important.

Les problèmes liés à la création d’un système judiciaire ont été résolus en grande partie. Ils consistent notamment à étendre les compétences des tribunaux de manière à ce qu’ils s’occupent des plaintes contre les organes et les fonctionnaires de l’État et qu’ils indemnisent les victimes pour les actes illégaux commis par ces derniers.

D’autres innovations seront introduites dans un proche avenir. Ainsi, j’ai demandé un rapport sur la possibilité de transférer au niveau fédéral les problèmes concernant les activités des tribunaux d’instance. Cela impliquera certaines dépenses mais la solution de ces problèmes permettra d’achever la constitution d’une hiérarchie judiciaire cohérente.

Je vais également présenter un projet de loi visant à réduire la durée des affaires civiles et à prévoir des peines infligées à ceux qui créent des obstacles destinés à faire traîner excessivement les affaires.

De plus, il est nécessaire de créer un mécanisme permettant d’éviter les dommages causés par les violations du droit des citoyens à bénéficier de procès tenus dans des délais raisonnables et de garantir l’exécution complète et rapide des décisions de justice.

Finalement, nous adopterons dans un proche avenir une loi « visant à garantir l’accès à l’information sur les activités des tribunaux de la Fédération de Russie ». Elle s’appliquera à tous les tribunaux et permettra aux citoyens d’obtenir des informations fiables sur le fonctionnement du système judiciaire. De plus, pour la première fois, ils disposeront d’un compte rendu détaillé de diverses sortes de communiqués, notamment via l’Internet.

Ces changements permettront aux citoyens de mieux comprendre les règles et les procédures judiciaires. Et, en dernière analyse, ils contribueront à renforcer le mécanisme national d’application de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cela implique que nous prenions un certain nombre de décisions importantes. Avant tout, il est crucial que l’on exécute strictement les jugements. C’est un aspect important du droit des citoyens à bénéficier de procès équitables.

Mais je voudrais insister sur le fait que l’exécution des décisions de justice constitue encore un énorme problème qui concerne tous les tribunaux, y compris de la Cour constitutionnelle. Il est évident que les problèmes sont divers, mais ils ont tous un point commun : un manque de vraie responsabilité des fonctionnaires et des citoyens eux-mêmes qui n’exécutent pas les décisions de justice. Ils devraient assumer cette responsabilité.

Nous ne devons pas oublier la question fondamentale de l’humanisation de la loi et de son application. Les tribunaux devraient faire plus attention lorsqu’ils décident d’incarcérer des accusés et de punir les coupables en les écartant de la société. En même temps, les organismes d’exécution des lois et le système judiciaire doivent défendre efficacement les droits et les intérêts des victimes de crimes.

Comme chacun sait, le droit doit être considéré comme quelque chose qui dépasse le simple résultat de mesures pragmatiques ; il doit être « la condition d’une existence authentiquement humaine », comme l’a écrit le célèbre juriste russe Boris Tchitcherine. Et je pense que les débats, lors du 7e Congrès des juges, à propos de toutes les innovations et problèmes que je viens de mentionner donneront une nouvelle impulsion importante à la réforme judiciaire dans ce pays.

Autonomie des gouvernements locaux

L’introduction d’institutions gouvernementales locales autonomes et le renforcement de la base fédérale de l’État ont eu une importance fondamentale pour notre société. Comme vous le savez, les politiques gouvernementales se forgent essentiellement par tâtonnements, sur la base des expériences faites par d’autres pays et la manière dont d’anciennes formes de fédéralisme se sont développées dans le monde. Cependant, la Russie est le pays au monde qui a le plus de régions, de nations et de confessions différentes. C’est pourquoi ce que nous avons entrepris aujourd’hui est inédit.

Permettez-moi de vous rappeler que le 1er janvier 2009 prendra fin la période transitoire prévue pour l’application de toutes les dispositions de la loi fédérale sur « les principes généraux de l’organisation des gouvernements locaux autonomes dans la Fédération de Russie ». Mais nous allons continuer à améliorer cette législation.

Je dois dire que dans deux régions de la Fédération —la République tchétchène et l’Ingouchie— il n’y a pas de gouvernement local autonome. C’est-à-dire que les citoyens de ces républiques sont injustement privés de leurs droits constitutionnels. Je sais que les dirigeants de ces régions préparent une forme de gouvernement autonome pour octobre de l’année prochaine et je les encourage dans leurs efforts.

Et maintenant quelques mots sur d’autres développements du fédéralisme russe. Sa forme moderne a été établie sur la base de la Constitution. La Cour constitutionnelle a joué ici un rôle particulier. En vue de ses décisions, elle a dû trouver un équilibre entre les intérêts des divers niveaux de gouvernement et régler de profonds désaccords. Il s’agissait de conflits entre autorités fédérales et régionales et de désaccords à propos des manières de créer un gouvernement local. Nous continuons d’être confrontés à ces problèmes.

Qu’est-ce qui est particulièrement important pour nous aujourd’hui ?

 La première chose est d’arriver à un équilibre optimal des pouvoirs entre la Fédération et les régions. Comme vous le savez, nous avons fait du bon travail, un travail important à ce sujet. Mais nous continuons d’essayer de clarifier les paramètres de cette répartition chaque année. Il s’agit notamment de modifier les listes de ressources financières nécessaires au niveau fédéral et au niveau régional afin de permettre aux gouvernements de faire face à leurs responsabilités. Je crois que nous devrions revenir sur cette question et déterminer définitivement de quels montants les régions ont besoin.

 Deuxièmement : Jusqu’ici, nous n’avons pas trouvé de solution optimale pour les structures territoriales des exécutifs fédéraux en Russie. Et nous avons également besoin d’un projet de coopération efficace avec les autorités régionales. Permettez-moi de vous rappeler qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 77 de la Constitution, les autorités exécutives fédérales et les autorités exécutives des régions de la Fédération font partie d’un système intégré.
Cependant cet article n’est pas encore complètement appliqué. Le gouvernement devrait réexaminer cette question et faire les propositions nécessaires, notamment concernant les critères d’évaluation des activités des autorités exécutives fédérales et celles des autorités régionales compétentes.

 Troisièmement : Les autorités légales des régions de la Fédération de Russie ont soumis à la Douma de l’État russe de nombreuses propositions mais très peu d’entre elles ont été adoptées en tant que lois. Cela est dû à leur élaboration insuffisante et au grand nombre de lois déjà en projet à la Douma. En général, les régions connaissent mal le processus législatif au niveau fédéral. Je pense que le Conseil de la Fédération pourrait jouer un rôle plus important que maintenant en tant que coordinateur de l’activité législative des législatifs régionaux. Je vous prie de tenir compte de ce que j’ai proposé en matière de nouvelle politique de recrutement du personnel.

 Finalement, un autre facteur qui pourrait améliorer considérablement notre Fédération consiste dans le soutien apporté aux traditions et aux cultures des différentes ethnies de Russie. Je pense que c’est crucial non seulement pour renforcer le cadre fédéral mais également pour garantir le fonctionnement harmonieux de notre société et l’unité de la nation russe. Cela contribuera à assurer un développement stable et civilisé du pays tout entier.

J’ai déjà dit que la paix interethnique est une de nos valeurs clés. Au cours de notre histoire, nous avons bénéficié d’une riche et unique expérience de la tolérance et du respect mutuel. Mais il reste des problèmes qui pourraient exacerber les rapports entre ethnies et religions différentes, par exemple le chômage (particulièrement dans les régions où la part de la population active est élevée), les insuffisances de la législation sur la propriété, l’immigration illégale, etc. C’est particulièrement sensible là où certains problèmes sociaux et économiques n’ont pas encore été résolus. Là où les autorités régionales et locales ne favorisent pas le développement du petit commerce, on ne crée pas d’emplois.

Je voudrais attirer tout particulièrement l’attention sur la nécessité d’optimiser les possibilités de migration à l’intérieur du pays et de créer les conditions d’une mobilité accrue des citoyens russes car elle permet de redistribuer efficacement les emplois et de garantir le droit des citoyens au travail.

Les mécanismes réglant les migrations internationales doivent également être améliorés. Ils doivent revêtir une forme légale qui réponde aux besoins de notre pays et à l’ampleur des migrations en cause. Des flux d’immigrés continuent d’arriver en Russie, en particulier en provenance du Commonwealth. Nous savons que nombre d’entre eux espèrent obtenir la nationalité russe. En général, il s’agit là d’un processus positif mais la naturalisation doit être la preuve d’une intégration réussie dans notre société et de l’acceptation de notre culture et de nos traditions. J’ajouterai que nous devons d’abord établir un équilibre du marché du travail et garantir les intérêts des citoyens russes.

Mesdames et Messieurs les députés au Conseil de la Fédération,

Quelque parfaites que puissent être les lois et les politiques que nous déduisons de la Constitution, leur application dépend du peuple. Son énergie intellectuelle et sa force créatrice sont la principale richesse du pays et une ressource fondamentale pour un développement positif.

Nous devons organiser une vaste et systématique recherche de talents à la fois en Russie et à l’étranger afin d’augmenter le nombre de jeunes gens doués dans les sciences fondamentales et appliquées et accélérer la création de centres de recherches publics et privés voués au développement de nouvelles technologies. Cela aidera considérablement le petit et moyen commerce par la création d’entreprises novatrices. J’insiste sur le fait que ces problèmes nous concernent tous et non pas seulement de nouvelles institutions étatiques. Cela représente un défi pour la société tout entière et, en même temps, une chance pour chacun de mettre en œuvre ses capacités. La Russie d’aujourd’hui et sa future économie novatrice, ses services publics, son système de gestion et ses services sociaux ont tous besoin d’un nouveau régime pour créer une réserve de cadres qui fournira au gouvernement, aux administrations municipales et au commerce les gens les plus doués, les plus qualifiés et les plus créatifs.

Aussi ai-je demandé au gouvernement et au cabinet du Président de lancer avant la fin de l’année un programme de formation de cadres de réserve développé conjointement par les autorités de l’État, les institutions gouvernementales et des organisations publiques.

Cette réserve de cadres devrait inclure trois niveaux —municipal, régional et fédéral— et les cadres les plus capables devraient être intégrés dans un groupe appelé les « mille cadres présidentiels ». Je pense que le pays tout entier doit savoir qui sont les meilleurs managers. Par conséquent des informations sur les spécialistes les plus capables dans différents domaines devraient être disponibles dans une base de données concernant la Russie tout entière.

Je crois que le système scolaire russe devrait jouer un rôle décisif dans la formation d’une nouvelle génération de cadres. Ses précédents succès ont été reconnus dans le monde entier. Aujourd’hui, malgré quelques développements positifs, la situation de l’école laisse fort à désirer. Soyons francs : nous avons été à l’avant-garde, mais nous nous sommes laissé distancer. C’est devenu une sérieuse menace pour notre compétitivité.

Système éducatif

De plus, le système éducatif, au sens propre du terme, forge l’identité d’une personne, crée une image de la vie des gens. Il transmet aux nouvelles générations les valeurs de la nation.

La stratégie de développement du système éducatif russe dans son ensemble va bientôt être approuvé par le gouvernement. Son application suivra en tant qu’élément du projet national « Éducation » fondé sur la législation adoptée récemment. Aujourd’hui, je vais centrer mon propos sur l’enseignement primaire et secondaire qui représente l’étape la plus importante de la vie de tous les individus. Elle est cruciale aussi bien pour la réussite individuelle que pour le développement à long terme du pays.

Dernièrement, nous en avons débattu avec les enseignants et nous avons formulé des paramètres visant à moderniser nos écoles. Il devrait en résulter une série d’objectifs de nature à faciliter le développement rapide de l’école. À partir de ces propositions, nous allons mettre au point une stratégie scolaire nationale baptisée « Notre nouvelle école ». Elle revêtira quatre aspects :

 Premièrement : Dès la scolarité, les enfants devraient être capables de découvrir leurs dons et de se préparer à vivre dans un monde compétitif de haute technologie. Les nouveaux contenus devraient les aider à répondre à ce défi. Je suggère que nous développions avec précision cette nouvelle génération de normes éducatives aussi rapidement que possible. Leur préparation a pris du retard.

 Deuxièmement : Parallèlement à la mise en pratique de nouvelles normes pour l’enseignement général, nous devrions élaborer un vaste système de recherche et de soutien aux enfants doués afin de les guider pendant toute la période où ils développent leur identité.

 Troisièmement : Les enseignants jouent un rôle clé à l’école et nous devons mettre au point un système d’incitations morales et matérielles afin que nous conservions les meilleurs dans nos écoles et qu’ils améliorent constamment leurs talents. Mais, chose plus importante, nous devons équiper nos écoles d’une nouvelle génération d’enseignants.
Je soutiens la proposition des enseignants de déclarer 2010 « Année des enseignants en Russie » et je voudrais insister sur le fait que nous ferons tout notre possible pour qu’ils soient respectés dans la société. Mais ils doivent eux-mêmes respecter leurs élèves. Cela devrait aider ces derniers à devenir des êtres indépendants, créatifs et qui ont confiance en eux.

 Quatrièmement : L’image de nos écoles, à la fois la manière dont elles se présentent et ce qui se passe réellement à l’intérieur, doit changer significativement. Une école ne peut avoir d’impact réel que si elle est passionnante, si elle devient non seulement un centre d’éducation imposée mais également de développement individuel, de créativité et de sport.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait que les écoles de Russie n’ont pas le droit d’être à la traîne. Nous avons besoin non seulement de nouvelles normes pour la construction d’écoles équipées d’infirmeries, de cafétérias et de gymnases. Les élèves devraient s’y sentir à l’aise, à la fois psychologiquement et physiquement.
Je vais demander très prochainement au gouvernement d’élaborer de nouveaux principes pour nos écoles, notamment pour leur conception, leur construction et leur équipement technique. Il faudra que le projet national tienne pleinement compte des résultats.

 Cinquièmement : C’est précisément pendant le temps passé à l’école que se détermine pour toute la vie la santé de l’individu. Les statistiques actuelles sur la santé des écoliers sont effrayantes. Certes, elle dépend beaucoup des conditions familiales, des parents. Mais il est inacceptable de considérer cela comme l’unique cause. L’enfant passe une partie importante de la journée à l’école et les enseignants sont également impliqués dans le bien-être de l’enfant. Nous devons nous éloigner de l’approche homogénéisante. Nous devons traiter les élèves comme des individus et réduire les risques pour leur bien-être au moyen du processus d’apprentissage. D’autant plus que les programmes surchargés créent d’autres problèmes.
Je suis convaincu que si l’on faisait vraiment comprendre à nos élèves l’importance d’un mode de vie sain, il nous serait plus facile de mettre sur pied un système de santé moderne.

Système de santé

Le programme du gouvernement à ce sujet devrait être adopté cette année encore. Il devrait être centré sur les mécanismes visant à garantir la responsabilité des médecins et des établissements de soins quant à la qualité et à l’efficacité des soins. Ils auront plus de moyens et seront motivés à obtenir les meilleurs résultats.

Quelques mots maintenant à propos de l’assurance maladie obligatoire. Il faut reconnaître qu’elle n’a jamais été réalisée en Russie. On n’a pas respecté pleinement les droits des personnes assurées. Malgré la législation améliorant la possibilité de choisir une assurance, un établissements de soins et même son médecin, en réalité, le choix n’existe pas. Et avec le développement des services médicaux payants, l’assurance maladie librement choisie s’est développée trop lentement. Tout cela ne favorise pas la concurrence dans le système de santé.

Nous devons mettre en place progressivement mais systématiquement une véritable assurance maladie, et cela à la fois quant à son étendue et à son coût. L’État doit assurer l’équilibre financier du système d’assurance maladie. J’attire votre attention sur le fait que nous devons nous préoccuper des problèmes sanitaires non pas dans l’intérêt de l’industrie mais pour augmenter l’espérance de vie et le taux de natalité. Bien sûr, nous ne devons pas oublier les personnes âgées, les retraités, qui ont droit à une vie décente. Par conséquent le système des pensions ne peut plus reposer sur des mesures abstraites pour déterminer les pensions moyennes. Chacun doit savoir exactement comment il peut atteindre un certain niveau de vie au moment de la retraite, savoir combien l’État va lui apporter, quelle est la part de son employeur et combien il doit lui-même épargner.

D’importantes décisions politiques ont déjà été prises sur ces questions, notamment en ce qui concerne l’augmentation des pensions de ceux qui ont travaillé pendant la période soviétique. Nous avons également décidé d’augmenter les taux de l’assurance vieillesse pour qu’ils atteignent le niveau européen. Cela représente pour les employeurs une charge supplémentaire et le gouvernement va décider cette année quelle compensation il va leur apporter.

Et, pour finir, nous commençons à appliquer le programme prévoyant que l’État cofinancera l’épargne-retraite des citoyens russes. Jusqu’ici, 100 000 personnes ont déjà rempli, en 5 semaines seulement, une demande de participation à ce programme.

Je pense que c’est à propos de ces domaines critiques —école, santé, pensions— que les gens ont besoin de bien comprendre pourquoi la croissance économique est nécessaire, d’en éprouver les bénéfices et de voir comment ils sont distribués.

Droit international

Chers collègues,

J’ai déjà mentionné les événements tragiques survenus en Ossétie du Sud. Ils sont essentiellement dus à de graves violations du droit international. Refusant un règlement politique, pacifique et des méthodes légales, les dirigeants géorgiens ont choisi de se lancer dans le plus effroyable des scénarios.

J’y insiste encore une fois : la décision de forcer l’agresseur à faire la paix et l’opération menée par notre armée n’étaient pas dirigées contre la Géorgie, contre le peuple géorgien ; il s’agissait de se porter au secours du peuple de la République et des soldats du maintien de la paix. Il fallait garantir la sécurité à long terme des habitants de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, et avant tout empêcher une éventuelle rechute du régime de Tbilissi dans l’aventurisme criminel.

La crise du Caucase a montré une fois de plus que l’usage de la force par une des parties au conflit ne pouvait pas aboutir à une solution viable. À cet égard, et sur la base du droit international, nous allons continuer à éliminer les foyers de conflits potentiels dans les régions voisines. Et, en respectant les forums politiques existants, nous favoriserons un règlement des conflits au Nagorno-Karabakh et en Transnistrie. Nous coopérerons avec toutes les parties intéressées et nous parviendrons à un règlement acceptable par tous.

Je voudrais maintenant tirer quelques conclusions qui vont au-delà du conflit lui-même.

 Premièrement et principalement : Une situation géopolitique qualitativement nouvelle a été créée. La crise du mois d’août nous a imposé un moment de vérité. Nous avons vraiment prouvé et notamment à ceux qui soutiennent l’actuel régime géorgien, que nous sommes capables de protéger nos citoyens, de défendre nos intérêts nationaux et d’assumer nos responsabilités en matière de maintien de la paix.

 Deuxièmement : Nos forces armées ont retrouvé un considérable potentiel de combat. Néanmoins, les cadres militaires doivent se pencher non seulement sur nos réussites mais également sur nos erreurs et tirer les leçons de ces dernières. En ce qui concerne le rééquipement de l’armée et de la marine avec des moyens modernes, j’ai déjà pris les décisions nécessaires et donné des ordres au gouvernement. J’ai approuvé le projet de restructuration de nos forces armées.
Je voudrais ajouter quelque chose à propos de ce à quoi nous avons été confrontés ces dernières années. Nous avons assisté à l’installation d’un système global de défense antimissile, de bases militaires tout autour de la Russie, à l’expansion débridée de l’OTAN et à d’autres « cadeaux » faits à la Russie. Par conséquent, nous avons tout lieu de penser qu’on cherche à tester notre force. Il est évident que nous n’allons pas nous laisser entraîner dans une course aux armements mais nous devons tenir compte de cette situation dans nos dépenses militaires. Nous allons continuer d’assurer convenablement la sécurité des citoyens russes. Aussi voudrais-je annoncer maintenant quelques mesures qui vont être prises. En particulier des mesures destinées à lutter efficacement contre les tentatives persistantes de l’actuelle administration états-unienne d’installer de nouveaux éléments d’un bouclier global anti-missile en Europe. Ainsi, nous avions prévu de retirer trois régiments de missiles de la division des missiles stationnée à Kozelsk de leur devoir de combat et de dissoudre la division d’ici 2010. Or j’ai décidé d’y renoncer. Nous ne dissoudrons rien. De plus, nous allons déployer le système de missiles Iskander dans la région de Kaliningrad afin de pouvoir, si nécessaire, neutraliser le bouclier antimissile. Naturellement, nous envisageons de recourir à cet effet également aux ressources de la marine russe. Et finalement, la Russie va également déployer des installations dans cette région occidentale, c’est-à-dire à Kaliningrad, pour bloquer électroniquement le système de défense antimissile états-unien.
J’insiste sur le fait que nous avons été obligés de prendre ces mesures. Nous n’avons cessé de dire à nos partenaires que nous voulions nous engager dans une coopération positive. Nous voulons lutter ensemble contre des menaces communes. Mais malheureusement, ils ne nous ont pas écoutés.

 Troisièmement : Nous avons commencé l’intégration au sein de l’Union des États d’Asie centrales, de la Communauté économique eurasienne (EurAC) et nous allons accroître notre coopération militaire et politique au sein de l’Association du Traité de sécurité collective (CSTO). Nous avons déjà eu un entretien fructueux à ce sujet lors d’un sommet à Moscou.

 Quatrièmement : La réaction aux événements du 8 août et la reconnaissance par la Russie de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ont montré une fois de plus que nous vivons dans un monde du « deux poids, deux mesures ». Nous avons agi de manière responsable et cela afin de rétablir le droit international et la justice. Nous étions conscients que toute hésitation ou toute tentative de différer ces mesures entraînerait une catastrophe humanitaire encore pire. Compte tenu de cela, la position de nos partenaires qui se sont récemment évertués à contourner le droit international pour obtenir la séparation du Kosovo de la Serbie et reconnaître ce pays auto-proclamé comme un sujet du droit international apparaît manifestement dépourvue d’objectivité car ils critiquent maintenant la Russie comme si rien ne s’était passé.

 Cinquièmement : L’évolution de la situation internationale au cours des dernières années se caractérise par un certain nombre de tendances négatives. On ne peut réagir aux menaces que par des efforts collectifs. C’est pourquoi nous sommes favorables à une réforme soigneusement préparée des Nations Unies afin de renforcer leur rôle principal et l’efficacité de leurs structures et mécanismes.

En conséquence, nous devons prendre des mesures pour développer un régime international de contrôle des armements et dans ce domaine, la coopération entre les États-Unis et la Russie devrait jouer un rôle clé. Ce n’est un secret pour personne que de nombreux pays, simplement par inertie, observent où en sont les relations entre la Russie et les États-Unis. Il est vrai qu’aujourd’hui, elles ne sont pas des meilleures. En Russie, on se pose bien des questions, notamment des questions morales. Mais j’insiste sur le fait que nous n’avons pas de problème avec le peuple états-unien. Nous ne cultivons pas l’anti-américanisme. Nous espérons que notre partenaire, la nouvelle administration des États-Unis, optera pour de véritables relations avec la Russie.

Nouveau système de sécurité global et nouveau système financier

Notons que la question de la création d’un nouveau régime sécuritaire mondial se fait terriblement attendre. Il est particulièrement important que nous arrivions à des résultats sur le territoire de l’Atlantique-Nord qui comprend la Russie, l’Union européenne et les États-Unis. J’ai pris l’initiative de rédiger un projet de Traité sur la sécurité européenne. Je le répète, un tel document établirait des règles de conduite absolument claires et compréhensibles. Il officialiserait une approche unifiée de la résolution des conflits. Il permettrait d’avoir une position harmonisée sur la création d’instruments fiables de contrôle des armements.

Soit dit en passant, la résolution de la crise en Ossétie du Sud a montré qu’il était possible de trouver des solutions avec l’Europe. Nous voulons approfondir nos relations avec elle dans le domaine de la sécurité. Je suis sûr qu’elles ont de l’avenir.

Que faire pratiquement ?

 Premièrement : Nous devons continuer de renforcer les fondements juridiques des relations internationales. Les principes et les normes du droit international, universellement reconnus, devraient déterminer les règles du jeu dans les affaires internationales.

 Deuxièmement : La création d’un système international polycentrique est plus nécessaire que jamais. Cela ne peut être réalisé sans un ensemble de mesures comprenant la réforme des principales institutions internationales et le renforcement général de la diplomatie multilatérale. Nous voulons créer, avec toutes les parties intéressées, un modèle vraiment démocratique de relations internationales qui empêche la domination de tout pays dans quelque domaine que ce soit.
En général, l’arrogance et les arguments fondés sur la force ne sont plus aussi irréfutables et efficaces qu’avant. Le monde ne peut pas être dirigé à partir d’une seule capitale. Ceux qui refusent de comprendre cela ne feront que créer des problèmes pour eux et pour les autres. Et la nécessité de renforcer les institutions internationales est augmentée par le fait que la plupart des pays se mettent à adopter une politique vraiment pragmatique à facettes multiples. C’est au vu de ce qui précède que nous considérons la participation de la Russie à des institutions comme le G8, l’Organisation de coopération de Shanghai, le groupe BRIC et l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique.

 La troisième tâche est de créer des procédures diplomatiques universelles de résolution des crises. J’en ai déjà parlé en rapport avec les leçons à tirer de Tskhinvali. J’ajouterai que pour obtenir des résultats positifs, les États « problématiques » —quels qu’ils soient— ne doivent pas être isolés mais plutôt impliqués dans le dialogue et nous sommes prêts à contribuer à résoudre n’importe quel conflit régional.

 Quatrièmement : Nous devons engager un dialogue permanent avec nos partenaires afin d’établir les nouvelles règles du système financier global aussi rapidement que possible. Le fait d’avoir été jusqu’ici en présence d’un monopole dans ce domaine n’est pas seulement inadapté aux réalités de l’économie mondiale mais également dangereux pour tous ceux qui sont concernés. Par conséquent un nouveau système financier devrait protéger les intérêts de tous ses participants et nous ne devons pas permettre qu’il soit instrumentalisé par un quelconque pays ou groupe de pays ou par un seul système économique qui fait payer les autres pour ses grossières erreurs.
Comme vous le savez, le G20 a décidé de se réunir le 15 novembre à Washington. Nous avons préparé nos propositions de création d’un nouveau système économique et les avons envoyées à nos partenaires. Nous pensons que les institutions financières mondiales doivent être capables de prévenir véritablement les crises et de réduire leurs effets sur le reste du monde. Quels que soient le pays où elles prennent naissance, quels que soient les marchés concernés : financier, énergétique ou alimentaire.
La série minimale d’objectifs comprend le développement d’un nouveau système d’évaluation des risques qui prenne en compte l’interdépendance des institutions financières et l’économie réelle, qui introduise la technologie moderne pour communiquer l’information objective sur les participants aux marchés et leurs opérations, qui harmonise les normes comptables et édicte des règles plus strictes sur l’adéquation des fonds propres des institutions financières.
Des mandats pour ces tâches devraient être confiés à des organisations internationales ou régionales existantes ou à créer et les pays leaders du monde devraient en garantir l’efficacité. En développant ce nouveau système, nous ne devrions pas oublier les paroles célèbres de l’économiste Vassili Leontiev pour qui le système de libre entreprise est comparable à un ordinateur géant capable de résoudre lui-même ses problèmes. Mais quiconque a travaillé avec ce genre d’ordinateurs sait qu’ils échouent et qu’ils ne peuvent pas fonctionner sans contrôle.

 Cinquièmement : Avant la fin de l’année, nous devons adopter un ensemble de lois permettant de faire de la Russie un des principaux centres financiers mondiaux. Ce centre devrait constituer la base d’un système financier russe indépendant et compétitif.
Nous devons prendre des mesures pratiques destinées à accroître le rôle du rouble en tant que monnaie de payements internationaux. Et finalement, nous devons passer au règlement en roubles des exportations de matières premières, et avant tout du gaz et du pétrole. Nous devons encourager l’émission de nouveaux titres en roubles et de préférence sur le marché russe. L’objectif final de toutes ces mesures est de faire du rouble une monnaie régionale.
Je pense que des mesures semblables seront prises également par d’autres pays à croissance rapide. Mais plus il y aura de centres financiers puissants dans le monde plus leur interdépendance sera grande et plus le développement économique global sera sûr et durable.

 Une autre tâche, la sixième, consiste dans le renouvellement de nos activités en politique économique extérieure. L’immobilisme conduit à une impasse. Nous allons poursuivre le processus d’intégration dans l’économie globale mais nous devrons également apprendre à combiner avec souplesse les avantages présents et futurs de la concurrence et à protéger efficacement nos intérêts économiques en attirant des ressources extérieures.

Nous devons encourager activement nos sociétés à optimiser les bénéfices de l’ouverture de l’économie russe et de la situation actuelle du marché malgré ses embûches. Nous devons les encourager à améliorer leur efficacité et à s’engager dans de nouveaux marchés de biens de consommation, de technologie et de travail. Nos concurrents n’ont pas peur de le faire alors que nous restons passifs. Le temps passe et donc, naturellement, l’argent. Qu’est-ce que nous attendons ? Nous avons mis sur pied des instituts, nous avons des ressources et nous devons créer un mécanisme de soutien efficace.

Il est également important d’établir des relations diversifiées avec les membres de la Communauté économique eurasienne, avec d’autres pays de la CEI, l’Union européenne, la Chine, l’Inde et d’autres partenaires asiatiques importants. Mentionnons également les occasions qui s’offrent en Amérique latine et en Afrique où le désir de coopérer est également évident.

Finalement, nous sommes prêts à coopérer avec tous les pays et groupes de pays désireux de développer des relations constructives. Nous ne pensons pas que l’existence de divergences sur certaines questions devrait nous empêcher d’engager de franches discussions afin de résoudre les problèmes les plus complexes. Ajoutons que toutes les relations seront extrêmement pragmatiques et tiendront compte de leurs conséquences réelles pour notre pays, pour tous les citoyens russes. Et la géographie n’est pas importante dans cette coopération. Ce qui importe, c’est un esprit positif et des intérêts communs.

Chers collègues,

Les objectifs, les valeurs et les mécanismes évoqués dans la Constitution se sont avérés viables. Ils ont aidé notre société à surmonter certaines difficultés et à s’engager dans un développement durable. Nous continuerons à utiliser dans la mesure du possible le potentiel de cette Loi fondamentale.

Le plus important est de faire tout ce qui est nécessaire pour aider le peuple à s’exprimer et en particulier pour ouvrir des portes aux jeunes capables et actifs. Ils sont les contemporains de la nouvelle Russie démocratique. Ils représentent son ouverture, ses libertés et son désir d’être la meilleure. Ils seront également responsables de la sauvegarde de nos valeurs fondamentales.

Le libre développement des individus et leur protection sociale seront toujours les priorités de notre politique publique. Ce sera notre principale préoccupation, l’objectif de développement de notre société.

Chers amis,

Nous vivons dans un pays libre et moderne et nous avons réussi à réaliser beaucoup de choses. Nous avons fait une expérience positive en créant un État démocratique. Nous avons obtenu davantage que des succès, nous avons remporté des victoires. Tous ensemble, nous allons de l’avant dans la recherche de réponses aux questions difficiles, afin de remporter d’autres succès, d’autres victoires.

Je vous remercie de votre attention.

Traduction Horizons et débats

[1Le terme BRIC est un acronyme créé par la banque Goldman Sachs pour désigner le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.