Robert McNamara (1916-2009).

Robert McNamara, qui vient de s’éteindre à l’âge de 93 ans, est peu connu du grand public. Pourtant, son action entre le début des années 1960 et celui des années 1980 a contribué à façonner l’économie mondiale d’aujourd’hui. A côté des hommages qui lui seront rendus, il est essentiel de se placer du côté des peuples qui ont été confrontés à son action pour comprendre l’étendue des ravages causés par sa carrière, appuyée sur le triptyque « commerce, guerre, dette ».

Premier PDG de la multinationale automobile Ford à ne pas être membre de la famille Ford, McNamara ne le restera que cinq semaines avant de devenir secrétaire à la Défense des États-Unis sous la présidence de John F. Kennedy (1961-1963), poste qu’il a conservé sous le président Lyndon B. Johnson (1963-1968). McNamara est donc l’un des principaux artisans de l’agression militaire des États-Unis contre le Vietnam, guerre bien souvent surnommée « la guerre de McNamara »… Il a exercé des pressions incessantes pour y envoyer davantage de troupes militaires, au total plus de 500 000 soldats. Environ 1 million de combattants communistes vietnamiens et 4 millions de civils ont été tués entre 1961 et 1975. Des années plus tard, McNamara reconnaîtra ses torts : « Nous, membres des administrations Kennedy et Johnson parties prenantes aux décisions sur le Vietnam [...] avons eu tort, terriblement tort. » Il ajoutera même : « Je n’avais jamais visité l’Indochine et je ne comprenais rien à son histoire, à sa langue, à sa culture, à ses valeurs. Je n’y étais en rien sensible. […] Quand il s’agissait du Vietnam, nous nous trouvions en position de décider d’une politique pour une terra incognita. » [1]

En 1968, alors que la situation est devenue inextricable pour les États-Unis, McNamara est nommé président de la Banque mondiale [2]. Il va agir à la tête de cette institution comme un missionnaire poursuivant une campagne anticommuniste et vivra personnellement cette expérience comme une résurrection.

En 1968, alors qu’il était encore secrétaire à la Défense, il déclara : « La mort d’Ernesto Che Guevara en Bolivie à l’automne 1967 a porté un coup sévère aux espérances des révolutionnaires castristes. Mais la seule riposte est une réponse insuffisante à ce problème » [3]. Lors d’une réunion des gouverneurs de la Banque mondiale, McNamara expliqua quelques années plus tard en quoi la réduction de la pauvreté était une condition politique pour rester au pouvoir : « Trop peu, trop tard, tel est l’épitaphe la plus généralisée dans l’histoire pour les régimes qui sont tombés devant la clameur des hommes sans terre, sans travail, marginalisés et soumis, poussés vers le désespoir. Pour cette raison, l’application de politiques destinées spécifiquement à réduire la pauvreté des 40 % les plus pauvres de la population des pays en développement est recommandable non seulement pour une raison de principe, mais aussi par prudence. La justice sociale n’est pas seulement une obligation morale, mais aussi un impératif politique. » [4]

Son arrivée marque un réel tournant pour la Banque mondiale qui donne alors un coup d’accélérateur à la dette en l’utilisant comme une véritable arme géopolitique. De 1968 à 1973, la Banque mondiale accorde davantage de prêts que pendant la période 1945-1968, soit plus en 5 ans que pendant les 23 premières années de son existence. Elle incite également les pays du Sud à emprunter massivement afin de financer la modernisation de leur appareil d’exportation et de les connecter plus étroitement au marché mondial. En fait, McNamara pousse les pays du Sud à se soumettre aux conditions associées à ces prêts, à accepter des infrastructures inutiles, des budgets sociaux insuffisants, de grands barrages ruineux dans un environnement saccagé, des dettes colossales… L’appât utilisé : des liquidités mises à disposition des gouvernements en place sans aucun mécanisme de lutte contre la corruption et le détournement de fonds publics. En échange de ces liquidités, les gouvernants acceptent la plupart des recommandations de la Banque mondiale.

À qui ces prêts sont-ils accordés ? En pleine Guerre froide, la Banque mondiale agit pour contrecarrer l’influence soviétique et les différentes tentatives nationalistes et anti-impérialistes. Comme l’a souligné un rapport de l’Assemblée nationale française, son « rôle était de fidéliser la clientèle du tiers-monde en faveur du monde occidental » [5]. La stratégie a été double : les prêts ont été utilisés aussi bien pour soutenir les alliés que pour asservir les récalcitrants. Joseph Stiglitz l’a dit franchement : « Dans de nombreux cas, les prêts étaient destinés à corrompre des gouvernements pendant la Guerre froide. Le problème n’était pas alors de savoir si l’argent favorisait le bien-être du pays, mais s’il conduisait à une situation stable, étant donné les réalités géopolitiques mondiales » [6]

Les choix de la Banque mondiale sous McNamara sont largement déterminés par les critères suivants :
 éviter le maintien de modèles de développement autocentrés ;
 soutenir financièrement de grands projets qui permettent d’augmenter les exportations des principaux pays industrialisés ;
 refuser d’aider des régimes considérés comme des menaces par le gouvernement des États-Unis et d’autres actionnaires importants ;
 tenter de modifier la politique de certains gouvernements des pays dits socialistes afin d’affaiblir la cohésion du bloc soviétique. C’est dans ce cadre qu’un soutien a été apporté à la Roumanie à partir des années 1970 au moment où Ceausescu exprimait des velléités d’éloignement à l’égard du Comecon et du Pacte de Varsovie ;
 soutenir des alliés stratégiques du bloc capitaliste occidental, des États-Unis en particulier (exemples : l’Indonésie de Suharto, le Zaïre de Mobutu, les Philippines sous Marcos, le Brésil de la dictature à partir de 1964) ;
 tenter d’éviter ou de limiter, autant que faire se peut, un rapprochement des gouvernements des pays en développement avec le bloc soviétique ou la Chine : essayer par exemple d’éloigner l’Inde et l’Indonésie du temps de Soekarno de l’URSS ;
 tenter, à partir de 1980, d’intégrer la Chine dans le jeu d’alliances des États-Unis.

Pour mener cette politique, la Banque mondiale applique une tactique généralisée : elle mène la vie dure à un gouvernement de gauche confronté à une opposition de droite de manière à l’affaiblir et à favoriser l’accession de la droite au pouvoir. Selon la même logique, McNamara est moins exigeant à l’égard d’un gouvernement de droite confronté à une opposition de gauche afin d’éviter de l’affaiblir et d’empêcher la gauche d’accéder au pouvoir. L’orthodoxie monétariste est à géométrie variable : les variations dépendent bien de facteurs politiques et géostratégiques.

Quelques cas concrets – le Chili, le Brésil, les Philippines, l’Indonésie et la Roumanie - illustrent ce qui vient d’être avancé.

1. Le Chili. Lorsque le gouvernement démocratique du socialiste Salvador Allende est élu en 1970, McNamara décide de retirer le financement de la Banque mondiale. Dès que le général Pinochet renverse Allende le 11 septembre 1973 et déclenche une répression massive autant que sanglante, McNamara intervient pour que la dictature reçoive un appui financier [7]. Car comme l’a dit Henry Kissinger à ce moment-là : « Je ne vois pas pourquoi nous laisserions un pays devenir marxiste simplement parce que son peuple est irresponsable. »

2. Le Brésil. Le régime démocratique du président Joao Goulart est renversé par les militaires en avril 1964. Le lendemain, les États-Unis reconnaissent le nouveau régime militaire, qui organise une forte répression, interdit les grèves, provoque une forte chute des salaires réels, supprime les élections au suffrage direct, décrète la dissolution des syndicats et recourt régulièrement à la torture.

À partir de 1968, McNamara se rend régulièrement au Brésil où il ne manque pas de rencontrer le gouvernement des militaires. Les rapports publics de la Banque font systématiquement les louanges de la politique de la dictature en ce qui concerne la réduction des inégalités [8]. En interne, cependant, les discussions peuvent tourner à l’aigre. Lorsque le sous-directeur du département Projet, Bernard Chadenet, déclare que l’image de la Banque va se dégrader suite au soutien qu’elle apporte au gouvernement répressif du Brésil, McNamara reconnaît qu’il y a une répression très forte (« a tremendous amount of repression »). Mais il ajoute que « ce n’était pas nécessairement très différent de ce qui avait lieu lors des gouvernements antérieurs et ça ne semblait pas bien pire que dans d’autres pays membres de la Banque. Est-ce que le Brésil était pire que la Thaïlande ? » [9] Quelques jours plus tard, McNamara poursuit : « Il ne semblait pas y avoir la possibilité d’une alternative viable au gouvernement des généraux. » [10]

3. Les Philippines. Robert McNamara considère que les Philippines, où se trouvent des bases militaires des États-Unis, tout comme l’Indonésie et la Turquie, représentent un tel enjeu stratégique qu’il faut à tout prix renforcer les liens entre la dictature de Ferdinand Marcos et la Banque mondiale. Prêter de l’argent est un moyen de pression. Les historiens de la Banque mondiale n’hésitent pas à écrire : « Les Philippines représentaient alors un cas où la loi martiale avait déclenché un grand volume de prêts de la Banque. Marcos a écarté le Parlement et a commencé à gouverner par décrets présidentiels en août 1972. McNamara et les fonctionnaires de la Banque ont salué ce changement » [11]. Un des premiers actes posés par Ferdinand Marcos après l’instauration de la dictature consiste à supprimer le plafond d’endettement public que le Parlement philippin a instauré en 1970. La réglementation abrogée fixait à un milliard de dollars la marge d’endettement du gouvernement avec un plafond annuel de 250 millions de dollars. Ferdinand Marcos fait sauter ce verrou, ce qui ravit la Banque mondiale [12]. Robert McNamara annonce que la Banque mondiale est disposée à multiplier au moins par deux les montants prêtés [13]. Il est trop tard pour augmenter les prêts pour 1973 au grand dam de Robert McNamara. Qu’à cela ne tienne : la Banque met les bouchées doubles et en 1974, elle multiplie par 5,5 le montant de 1973 (165 millions au lieu de 30) [14].

La Banque mondiale et le FMI sont à ce point publiquement derrière la dictature qu’ils organisent leur assemblée annuelle en 1976 à Manille. À noter également que la Banque mondiale, en collaboration avec les Fondations Ford et Rockfeller, a implanté aux Philippines un des trois centres de recherche de la révolution verte.

4. L’Indonésie. Le président nationaliste et progressiste Ahmed Soekarno nationalise toutes les entreprises privées étrangères (sauf les compagnies pétrolières). Il quitte le FMI et la Banque mondiale en août 1965 et décide de prendre en main le pays de manière indépendante. C’est alors qu’intervient militairement, le 30 septembre 1965, le général Mohamed Suharto, soutenu par Washington. À la tête de l’armée, il lance une répression massive contre les partis de gauche en prenant pour cible principale le PKI (le parti communiste indonésien) : entre cinq cents mille et un million de civils sont assassinés pour la seule raison d’appartenance au PKI ou de sympathies envers lui [15]. En mars 1966, Suharto obtient finalement de Soekarno que celui-ci lui transfère officiellement le pouvoir. Six jours plus tard, le gouvernement des États-Unis annonce qu’il ouvre une ligne de crédit à l’Indonésie pour un montant de 8,2 millions de dollars afin qu’elle achète du riz états-unien [16]. Le 13 avril 1966, l’Indonésie rejoint la Banque mondiale [17]. En 1966 toujours, Lyndon B. Johnson, président des États-Unis, se déplace pour visiter ses troupes au Vietnam et insiste, dans un de ses discours, sur le modèle indonésien [18].

Ce modèle, « l’Ordre Nouveau » de l’ère Suharto, utilise régulièrement la terreur et l’élimination physique, et aligne en fait sa politique sur celle des États-Unis. Quand Robert McNamara arrive à la présidence de la Banque en avril 1968, il constate que l’Indonésie (avec la Chine de Mao) est le seul pays très peuplé avec lequel la Banque n’a pas de relation importante. Il faut rattraper le retard et son premier déplacement en tant que président de la Banque mondiale est pour l’Indonésie, dès juin 1968. Il n’y est pas dépaysé : le dictateur Suharto s’est entouré d’économistes formés aux États-Unis grâce à la Fondation Ford [19].

Les relations entre eux sont idylliques : « McNamara et le président Suharto se portaient une admiration réciproque [20] » ; « Lorsqu’ils s’engageaient au quotidien dans des discussions politiques, la Banque et le gouvernement se comportaient comme un couple de vieux copains » [21] ; « Aux yeux du président, l’Indonésie était le joyau de la couronne des opérations de la Banque » [22].

5. La Roumanie. À partir de 1947, la Roumanie s’intègre au bloc soviétique. En 1972, la Roumanie est le premier pays du glacis soviétique à rejoindre la Banque.

La Banque entreprend dès 1973 de négocier avec Bucarest le début d’une politique de prêts qui atteint très vite un volume tout à fait appréciable. En 1980, la Roumanie devient le huitième en importance sur la liste des emprunteurs de la Banque. Un des historiens de la Banque, Aart van de Laar, raconte une anecdote significative qui remonte à 1973. Il assistait début 1973 à une réunion de la direction de la Banque qui avait à son agenda le début de l’octroi de prêts à la Roumanie. Devant l’incrédulité de certains dirigeants qui critiquaient l’absence de rapport fouillé sur la Roumanie, Robert McNamara aurait déclaré qu’il avait une grande confiance dans la moralité financière des pays socialistes en termes de remboursement de la dette. Ce à quoi un des vice-présidents de la Banque, présent à la réunion, aurait répondu que « le Chili d’Allende n’était peut-être pas encore devenu assez socialiste » [23]. McNamara serait resté de glace. Ce sont donc manifestement des considérations politiques qui décidèrent la Banque à entamer des relations étroites avec la Roumanie. Il s’agit de déstabiliser l’URSS et le bloc soviétique dans le contexte de la Guerre froide en entretenant des relations étroites avec la Roumanie. Le manque de démocratie interne et la répression policière systématique n’ont pas l’air de dissuader davantage la Banque dans ce cas comme dans d’autres.

Au contraire, la Roumanie devient un des plus gros clients de la Banque qui finance des grands projets (mines de charbon à ciel ouvert, centrales électriques thermiques) dont les effets négatifs en termes de pollution sont facilement décelables. Pour l’exploitation des mines de charbon à ciel ouvert, les autorités roumaines déplacent des populations qui, jusque là, étaient actives dans l’agriculture.

En résumé, d’une part, la Banque mondiale a soutenu les alliés stratégiques des États-Unis dans les différentes régions du globe —même les pires dictatures— pour renforcer la zone d’influence états-unienne. D’autre part, la Banque mondiale a prêté de manière conditionnelle à des pays qui tentaient d’appliquer des politiques en rupture avec le modèle capitaliste dominant, afin d’acquérir un droit de regard sur les politiques économiques pratiquées par ces pays. McNamara s’efforce donc de stopper le développement de politiques indépendantes et de ramener dans le giron des grandes puissances industrielles nombre de dirigeants qui avaient pris leurs distances (Nasser en Égypte, N’Krumah au Ghana, Manley en Jamaïque, Soekarno en Indonésie…). Quand des dirigeants du Sud refusaient de s’y plier, les puissances du Nord n’hésitaient pas à les renverser en mettant en place des dictatures (assassinat de Lumumba dans l’ex-Congo belge en 1961, d’Olympio au Togo en 1963, d’Allende au Chili en 1973) ou à intervenir militairement, par exemple au Vietnam justement [24]. La Banque mondiale venait ensuite à la rescousse des dictatures avec des financements massifs, très souvent détournés.

Les données géopolitiques constituent donc la toile de fond du processus d’endettement des pays du Sud. Au début des années 1980, les pays du Sud, surendettés, subissent de plein fouet la hausse brutale des taux d’intérêt et la dégringolade des cours des matières premières, qu’ils produisent de plus en plus pour rembourser leur dette, mais pour lesquels ils se font concurrence alors que la demande n’a pas augmenté au Nord. En cours de jeu, les règles changent brusquement. Les conséquences seront terribles pur les peuples du Sud qui sont contraints par le FMI et la Banque mondiale de se saigner aux quatre veines pour rembourser de riches créanciers.

Rien n’a été fait pour amortir le choc et le risque qu’une crise de la dette survienne était connu très tôt des grands argentiers. Malgré cela, ils ont poussé pour accroître l’endettement des pays du Sud et annihiler ainsi toute forme de développement. En fait, la Banque mondiale était en concurrence avec les banques privées pour octroyer un maximum de prêts le plus vite possible. Jusqu’à l’éclatement de la crise en 1982, la Banque mondiale tient un double langage : l’un, officiel, destiné au public et aux pays endettés dit qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter et que les problèmes éventuels seront de courte durée ; l’autre, alarmant, est tenu à huis clos lors des discussions internes.

Par exemple, McNamara écrit en 1973 : « À la fin de 1972, la dette s’élevait à 75 milliards de dollars et le service annuel de la dette dépassait 7 milliards de dollars. Le service de la dette a augmenté de 18% en 1970 et de 20 % en 1971. Le taux moyen d’augmentation de la dette depuis la décennie de 1960 a représenté presque le double du taux de croissance des revenus d’exportation avec lesquels les pays endettés doivent assurer ce service de la dette. Cette situation ne peut continuer indéfiniment » [25].Dans le même temps, il maintient la pression sur les pays du tiers-monde afin qu’ils accroissent leur endettement.

Dans un mémorandum interne de la Banque mondiale rédigé en octobre 1979, on peut lire que si les banques perçoivent que les risques augmentent, elles réduiront les prêts et « nous pourrions voir une grande quantité de pays se retrouver dans des situations extrêmement difficiles » [26]. Dans son Rapport sur le développement dans le monde 1980, la Banque mondiale présente pourtant l’avenir de manière optimiste, prévoyant que les taux d’intérêt réels vont se stabiliser au niveau très bas de 1 %, ce qui était totalement irréaliste. Grâce à des historiens de la Banque mondiale, nous apprenons que dans la première version non publiée du rapport, figure une deuxième hypothèse basée sur un taux d’intérêt réel de 3 %. Cette projection montrait que la situation serait à terme intenable pour les pays endettés. McNamara a demandé qu’on retire ce scénario noir de la version à publier [27] !

Dans le Rapport sur le développement dans le monde publié en 1981 quelques mois avant le départ de la présidence de McNamara, on peut lire : « Il semble très probable que les emprunteurs et les prêteurs vont s’adapter aux conditions changeantes sans précipiter une crise générale de confiance [28]. » Le 20 août 1982, après avoir remboursé des sommes considérables au cours des sept premiers mois de l’année, le Mexique annonce qu’il n’est plus en mesure de continuer les paiements. La crise se répand comme une traînée de poudre. Les pays en développement en paient encore les conséquences aujourd’hui.

McNamara est coresponsable des crimes commis par le gouvernement des États-Unis au Vietnam, il est également largement responsable de la politique de la Banque mondiale qui a soutenu systématiquement les dictatures et mené les pays du Sud à un surendettement tragique. L’action de McNamara pendant 20 ans avait deux objectifs qui ont été mené à bien : reprendre l’avantage à l’égard de pays qui avaient affirmé leur volonté d’indépendance et augmenter le degré d’exploitation des peuples du Sud.

[1Robert McNamara, Avec le recul, La tragédie du Vietnam et ses leçons, Seuil, 1996.

[2A comparer avec la nomination en 2005 de Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la Défense, stratège de la guerre contre l’Irak et l’Afghanistan, à la tête de la Banque mondiale alors que la stratégie politique et militaire de Washington était en échec.

[3Robert McNamara, Cien países, Dos mil millones de seres, Tecnos, 1973, p. 29

[4Robert McNamara, Cien países, Dos mil millones de seres, Tecnos, 1973, p. 139-140.

[5Rapport 2000 de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale sur Les activités et le contrôle du FMI et de la Banque mondiale.

[6« L’Autre mondialisation », Arte, 7 mars 2000.

[7Voir Eric Toussaint, La Banque mondiale, le Coup d’État permanent, CADTM-Syllepse, 2006, chapitre 6, p. 88.

[8Détails dans Kapur, Devesh, Lewis, John P., Webb, Richard. 1997. The World Bank, Its First Half Century, Volume 1, p. 274-282

[9World Bank, “Notes on Brazil Country Program Review, December 2, 1971” in Détails dans Kapur, Devesh, Lewis, John P., Webb, Richard. 1997. op.cit., p. 276.

[10Kapur, Devesh, Lewis, John P., Webb, Richard. 1997. op.cit., p. 276.

[11D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, op. cit., p. 558.

[12Voir Cheryl Payer, 1991, p. 82

[13Les historiens de la Banque mondiale rendent public un compte-rendu interne d’une réunion au plus haut niveau entre McNamara et ses collègues : “Une réunion plutôt surprenante ! En effet, il n’y a plus été question des critiques des premières années relatives à la politique, à la corruption et à l’inégalité des revenus mais elle a plutôt montré un sentiment généralisé d’assentiment pour l’augmentation des prêts. Et l’équipe du département qui avait préparé un document prudent concernant les Philippines (Country Program P) était sidérée. L’ordre du jour de la réunion est de travailler à l’intérieur du système. (La politique du gouvernement philippin n’est pas nécessairement pire qu’en Thaïlande mais elle fait l’objet de plus de publicité). Nous devons avoir pour objectif de prêter en moyenne 120 millions de dollars par an pour les prochaines années de 1974 à 1978, 50% de plus que ce qui était prévu ». (World Bank, “Notes on the Philippines Country Program Review, July 28, 1972,” prepared by H. Schulmann on August 15, 1972, cité par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 303) (World Bank, “Notes on the Philippines Country Program Review, July 28, 1972,” prepared by H. Schulmann on August 15, 1972, cité par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 303) (…)“Un miracle s’est produit aux Philippines. Il est cependant philosophiquement gênant que ce miracle se soit produit sous les auspices d’une dictature militaire. Monsieur Cargill a dit qu’il ne pensait pas que le miracle allait continuer « mais tant que c’est le cas et seulement tant que c’est le cas, continuons à le soutenir » lança McNamara ».Memorandum, Alexis E. Lachman to John Adler, December 27, 1973, with attachment, “Philippines Country Program Review, December 19, 1973, cite par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 304)

[14En 1980, la Banque mondiale prêta 400 millions.

[15« 1965 : Indonésie, laboratoire de la contre-insurrection », par Paul Labarique, Réseau Voltaire, 25 mai 2004.

[16Voir Cheryl Payer, The Debt Trap : The International Monetary Fund and the Third World, Monthly Review Press, 1974.

[17Voir Devesh Kapur, John P. Lewis, Richard Webb, op. cit.

[18ARTE, Les mercredis de l’histoire : Massacre en Indonésie, Australie, France, Thirteen WNET New York, Arte France,YLE TV2 Documentaires, Australian Film Finance Corporation, Hilton Cordell/Vagabond films production, BFC Productions, c.2001.

[19Kapur, Devesh, Lewis, John P., Webb, Richard. 1997. op.cit., p. 467-471

[20Idem, p. 469.

[21Ibid., p.470.

[22Ibid , p. 493.

[23Van de Laar, Aart. 1980. The World Bank and the Poor, Martinus Nijhoff Publishing, Boston/The Hague/London, p.40.

[24Voir Damien Millet et Eric Toussaint, 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, CADTM-Syllepse, novembre 2008.

[25Robert McNamara, Cien países, Dos mil millones de seres, Tecnos, 1973, p.94.

[26D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, op. cit., p.599.

[27Ce scénario, bien que plus proche de ce qui se passa réellement, était pourtant encore trop optimiste.

[28Cité par Nicholas Stern et Francisco Ferreira, « The World Bank as ‘intellectual actor’ », 1997, in Devesh Kapur, John P. Lewis, Richard Webb, The World Bank, Its First Half Century, Volume 2, 1997, p.559.