La semaine dernière, Seymour Hersh affirmait dans le New Yorker qu’une de mes prévisions était exacte : les forces états-uniennes opèrent en Iran, repoussant encore les limites de la " guerre au terrorisme ". En fait, la vraie guerre est celle que mène unilatéralement le président contre un Congrès faible et des pays faibles ayant du pétrole. George W. Bush a la conviction de pouvoir mener toutes les guerres qu’il veut et enfermer qui il veut sans accusation et sans procès.
Nous voyons les guerres de Bush, pas du peuple américain qui n’a rien à craindre des armes de destruction massive, c’est la guerre d’une administration qui aime la guerre car elle lui donne des pouvoirs spéciaux. Nous allons vers un désastre, les néo-conservateurs veulent attaquer l’Iran, pays de la brillante culture perse, au nom d’une liberté et d’une prospérité que nous n’avons pas en réalité. Dans son discours inaugural, bien que la tragédie irakienne n’est pas finie, le président a déclaré la guerre au reste du monde. Il ne dit pas comment nous allons quitter l’Irak ou l’Afghanistan, il dit comment nous allons attaquer l’Iran. Face à ce désastre annoncé, les Américains ne peuvent pas se tourner vers leur représentant au Congrès ; ils ne servent que ceux qui financent leur campagne, ils ne peuvent pas se tourner vers l’exécutif qui construit des camps de concentration et n’aime pas les dissidents ; les tribunaux sont chers et les hautes juridictions ne sont pas de notre côté.
Dans cette histoire, certains se feront beaucoup d’argent avec le pétrole et le gaz et c’est le peuple américain qui sera perdant. Ce n’est pas étonnant que certaines région des États-Unis rejettent Darwin et l’évolution : nous avons une substantielle minorité aux États-Unis qui est restée au stade du babouin. Truman s’était laissé convaincre, par ceux qui avaient fait fortune pendant la Seconde Guerre mondiale, qu’il fallait rester armés pour toujours et il désigna l’URSS comme notre ennemi alors que la principale préoccupation de ce pays était de se redresser après avoir enregistré 20 millions de morts lors de la guerre. Depuis, nous nous créons des ennemis et aujourd’hui l’ennemi est l’islam : cela fait un milliard d’ennemis, quel brillant choix !
George W. Bush est un président d’un genre nouveau. Il n’a pas été élu pour son premier mandat et peut-être pas non plus pour le second. Alors qu’une majorité de la population pensait que la Guerre d’Irak était une erreur, la campagne a porté sur le mariage gay et l’avortement, et pour cause, John Kerry ne pouvait pas l’attaquer sur la guerre car il l’approuvait aussi.
Nous ne sommes plus une démocratie mais nous voulons officiellement l’exporter. L’esprit d’Harry Truman est avec nous ; nous sommes en guerre perpétuelle. Qui viendra après l’Iran ? la Russie ? Que Dieu nous aide si c’est la Chine.

Source
The Independent (Royaume-Uni)

« Iran next, then who ? », par Gore Vidal, The Independent, 23 janvier 2005.