Je suis d’accord sur le principe de l’interdiction des symboles communistes, mais pas sur la méthode. Cette proposition a été faite par des eurodéputés lituaniens et hongrois et elle est complètement justifiée par l’Histoire et par la situation d’instabilité actuelle dans les pays d’Europe de l’Est qui ont souffert du stalinisme. D’un point de vue historique, il est inquiétant d’appliquer deux mesures différentes pour juger le nazisme et le stalinisme. Actuellement, ces pays rejettent l’autoritarisme de la Russie de Vladimir Poutine et essayent d’oublier le stalinisme.
Poutine, lors des commémorations pour les 60 ans de la libération d’Auschwitz, a fait allusion de façon ambiguë à la Tchétchénie, en essayant de justifier son plan d’extermination de la population civile de cette république. Il ne justifie pas le Goulag, mais cette régression autoritaire de la Russie inquiète ses voisins. Les pays d’Europe de l’Ouest n’ont pas pleinement conscience des crimes du communisme et du stalinisme. Quand ils disent que George W. Bush est pire que Saddam Hussein, cela démontre qu’ils n’ont pas compris ce que signifie une dictature criminelle. Saddam Hussein, c’est la synthèse moderne du nazisme et du stalinisme.
Cette interdiction des symboles communistes ne remettrait pas en cause le rôle de l’URSS dans la victoire sur les Nazis, cela a été résolu par Soljénitsyne et Grossman : beaucoup de ceux qui ont combattu contre les nazis se sont retrouvés au Goulag. Les camps de concentration ne sont pas à envisager du point de vue théorique, mais du point de vue des victimes.
Je ne suis pas d’accord avec l’historien allemand Ernst Nollte quand il affirme que le nazisme était une réaction au stalinisme. La genèse du nazisme et de l’antisémitisme appartient à l’Allemagne, chaque pays doit répondre de ses actes individuellement. C’est uniquement après avoir interdit le nazisme et ses représentations que l’Allemagne est devenue démocratique, mais ce fut après une défaite. Les peuples de l’Europe de l’Est se sont libérés eux-mêmes et il n’y a pas eu de Nuremberg pour le communisme. Et en Chine on brandit encore le drapeau rouge.

Source
Corriere Della Sera (Italie)
Inosmi.ru (Fédération de Russie)

« Falce e martello ? Decidano i Paesi dell’Est », par André Glucksmann, Corriere Della Sera, 9 février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
« Отменить серп и молот ? Пусть решают страны Восточной Европы. », Inosmi.ru, 10 février 2005.