Monsieur le Président,
Excellences Messieurs les Chefs d’Etat et de délégation
Mesdames, Messieurs.

Permettez-moi tout d’abord de présenter mes félicitations à
Monsieur le Ministre Ali Treki pour son élection à la présidence
de cette soixante quatrième session de l’Assemblée Générale des
Nations Unies et de lui souhaiter plein succès dans
l’accomplissement de son mandat.

Permettez-moi également de rendre hommage à Monsieur Ban-
Ki-Moon, Secrétaire Général des Nations Unies pour son travail
inlassable et le dévouement remarquable dont il fait preuve aux
commandes de notre Organisation.

La présente session nous invite, comme chaque année, à examiner
l’état du monde, à réfléchir ensemble aux problèmes de l’heure et à
préconiser les solutions qu’il convient d’y apporter.

A cet égard, comme nous le savons, la Communauté Internationale
demeure sous le choc d’une crise financière et économique qui n’a
épargné aucun pays.

L’extraordinaire mobilisation qu’elle a suscitée permet d’en
mesurer l’ampleur et l’étendue de même que la gravité de la
menace qu’elle fait peser sur la stabilité de l’économie mondiale.

Il y a lieu de se féliciter de cette forte mobilisation impulsée par les
grands pays industrialisés. Elle a été prompte, résolue et
conséquente. Elle a, sans conteste, donné la pleine mesure de la
capacité de réaction de la Communauté Internationale lorsqu’elle
est mue et sous-tendue par une réelle volonté politique.

Il y a là assurément une belle illustration de solidarité, une
solidarité internationale telle que nous la voulons, telle que nous
aurions aussi voulu la voir se manifester dans la réalisation des
objectifs du millénaire pour le développement, dans notre souci
commun de réduire le fossé entre le Nord et le Sud, dans les
combats que nous menons au quotidien contre la pauvreté, la faim
et les pandémies.

Je veux dire, en d’autres termes, que si nous avons pu nous
mobiliser avec tant d’ardeur pour contenir les effets de la crise
financière, nous le pouvons également face à d’autres défis qui
nous sont lancés, notamment ceux de la pauvreté et du sousdéveloppement
dans lesquels vivent encore tant d’êtres humains à
travers le monde.

Car, si la crise n’a épargné aucun continent, il est indéniable que
ses effets varient selon les pays, les régions et le niveau de
développement.

L’Afrique, en particulier, qui n’a en rien été à l’origine de cette
crise, se trouve être aujourd’hui, paradoxalement, parmi les
victimes les plus touchées.

Nous déplorons ainsi, au nombre des conséquences les plus
préoccupantes :
 un déclin des transferts de fonds à destination de nos pays ;
 une chute drastique des cours de nos produits ;
 un net recul de l’investissement ;
 l’aggravation des déficits budgétaires ;
 un ralentissement de l’activité économique..., autant de faits,
parmi d’autres qui, de surcroît, s’accompagnent de graves
conséquences au plan social, telles que la montée du
chômage.

Qui plus est, il y a lieu de craindre que la persistance de la crise ne
contribue à accroître l’endettement des pays en développement.
Nous voici confrontés à de nouvelles difficultés, alors que nous
venions de sortir de longues années d’efforts de redressement de
nos économies, dans le cadre de programmes d’ajustement
structurel rigoureux, conduits avec détermination par nos Etats et
avec la collaboration des institutions financières internationales.

Nos efforts voire nos sacrifices n’ont pas été vains, et nous pensons
que nos acquis, qui sont l’aboutissement des efforts méritoires de
nos peuples, doivent absolument être préservés et soutenus.

C’est pourquoi nous pensons que, face aux effets néfastes de la
crise, il importe qu’ensemble nous puissions oeuvrer solidairement
à une réponse mondiale, coordonnée et conséquente en faveur des
économies les plus faibles.

Cette réponse devrait, à notre sens, se traduire par un apport en
ressources financières substantielles, dénué autant que possible de
conditionnantes, et destiné à atténuer voire à pallier les
conséquences d’une crise que nous n’avons pu prévenir.

Faute d’un tel soutien, nos pays en voie de développement
encourent le risque de voir fléchir leur activité économique et
disparaître les prémices d’une reprise qu’ils pouvaient
raisonnablement escompter.

Il va sans dire qu’outre le développement et l’amélioration des
conditions de vie, la paix et la stabilité de nos pays en dépendent.

Mais, il en va aussi de la paix et de la sécurité internationales, tant
il est vrai que nombre de problèmes auxquels le monde est
aujourd’hui confronté, qu’il s’agisse par exemple de l’émigration
clandestine ou des trafics de toute nature, ces problèmes procèdent
en partie d’un réel déficit de coopération et de solidarité et donc
invitent à plus d’équité dans les rapports internationaux.

Dans cet ordre d’idées, je tiens à saluer l’heureuse décision prise à
Londres en avril dernier par le G20, recommandant au FMI de
soutenir les économies les plus fragiles par des prêts plus
nombreux, moins onéreux et éventuellement assortis de
conditionnantes allégées.

C’est d’ailleurs dans ce contexte que mon pays, le Cameroun, a
bénéficié d’un appui financier substantiel du FMI au titre de la
facilité contre les chocs exogènes.

Je m’en réjouis et je tiens ici à remercier les dirigeants du Fonds
Monétaire International. Ce soutien venu à propos, va conforter les
mesures anticycliques que nous avons prises, tant au niveau
national que sous-régional, ayant pleinement conscience que l’aide
extérieure n’est qu’un appoint et ne saurait se substituer à nos
efforts propres.

C’est ainsi qu’au Cameroun, nous avons, entre autres, procédé au
renforcement des secteurs productifs et entrepris des actions visant
à réduire les prix des denrées de première nécessité et à améliorer
l’environnement des affaires.

Au niveau de la sous-région, les pays de la Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique centrale ont convenu de la
mise en place de mesures d’incitation fiscale et de la création d’un
Fonds de soutien aux Secteurs les plus touchés par la crise.

C’est dire qu’en accueillant favorablement l’aide de la
Communauté Internationale, nous savons que celle-ci ne peut
porter ses fruits que si elle s’appuie sur des méthodes de gestion
rigoureuse et des pratiques de bonne gouvernance fondées sur la
primauté de l’intérêt public.

Au demeurant, c’est dans cet esprit que je préconisais il y a
quelques années du haut de cette tribune, la création au sein des
Nations Unies d’un Comité Mondial pour l’Ethique, car c’est bien
une conjonction de dérives morales, de graves entorses à l’éthique
qui se trouve à la base de la crise financière actuelle que connaît le
monde.

Nous voulons espérer que dans les meilleurs délais possibles, à la
faveur d’une prise de conscience et d’une mobilisation collectives,
nous en viendrons à bout.

Mais parallèlement à la crise financière et économique, nous
demeurons préoccupés par d’autres enjeux non moins importants :
 la crise alimentaire continue de sévir dans beaucoup de pays
en développement ;
 la lutte pour la réduction de la pauvreté est loin d’être
gagnée ;
 la paix et la sécurité internationales sont toujours menacées à
travers le monde et particulièrement en Afrique ;
 les changements climatiques se font chaque jour plus
inquiétants, avec des conséquences visibles dans tous les
pays.

S’agissant notamment des changements climatiques, l’Afrique, à
l’instar des autres continents, en expérimente durement les effets,
quand bien même sa participation à l’émission des gaz à effet de
serre demeure faible.

Le réchauffement climatique qui en est le fait le plus marquant a
des conséquences dans nombre de secteurs socio-économiques,
dont l’énergie, la santé, l’agriculture, l’élevage et les écosystèmes,
sans parler de la désertification galopante.

A cet égard, l’assèchement dramatique du lac Tchad qui a vu sa
superficie passer de 26000 km2 dans les années soixante à 1 500
km2 aujourd’hui, requiert à l’évidence une action collective
d’envergure des Etats d’Afrique Centrale qui doit nécessairement,
à notre avis, être fortement épaulée par la Communauté
Internationale.

Une chose est certaine : les pays africains prennent
individuellement et collectivement toute leur part dans les actions
requises, tant aux plans national et sous-régional qu’au plan
international, pour apporter des réponses concrètes aux défis du
changement climatique.

Cette implication est considérable. Elle s’est traduite au Cameroun
par de nombreuses actions dont la mise en place d’un plan national
de gestion de l’environnement, et au niveau sous-régional par
l’adoption d’un plan de convergence pour la gestion durable des
forêts du Bassin du Congo dont chacun sait qu’il est le second
massif forestier de la Planète.

La mise en oeuvre de toutes ces mesures a un coût important,
notamment pour l’acquisition des technologies adaptées, et
suppose de lourds sacrifices à faire accepter par nos peuples.

Aussi, sans nier que le sort et le devenir de la planète sont notre
affaire à tous, il me paraît légitime de demander que les efforts et
sacrifices de nos peuples d’Afrique soient dûment compensés par
la Communauté Internationale. A cet égard, nous voulons espérer
que la Conférence de Copenhague prévue en décembre prochain
apportera des réponses satisfaisantes aux cas spécifiques de
l’Afrique.

S’agissant de la paix et de la sécurité internationales, nous
déplorons encore la persistance de nombreux conflits ou foyers de
tension, en dépit des avancées notables vers un retour au calme.

Je pense entre autres à la situation en République Démocratique du
Congo, au Darfour et en Somalie.

Le Cameroun participe activement, y compris par l’envoi de
contingents camerounais, aux efforts déployés pour trouver des
solutions définitives à ces conflits qui n’ont que trop duré.

Dans ce contexte, il y a lieu de saluer le rôle des Nations Unies qui
ne cessent d’oeuvrer à la stabilisation de toutes ces situations. Mais
pour plus d’efficacité, l’ONU doit être dotée de moyens plus
appropriés, tant en ressources humaines qu’en moyens financiers et
matériels.

Par ailleurs, pour son efficacité et sa crédibilité, l’ONU doit
pouvoir refléter la volonté commune de tous ses membres, petits et
grands.

Elle doit affirmer plus nettement et renforcer davantage sa
vocation à être le creuset par excellence du multilatéralisme, c’està-
dire un espace d’échange, de solidarité, d’équité, et d’égalité où
s’expriment et sont prises en compte toutes les voix et toutes les
opinions, celles des pays développés comme celles des pays en
voie de développement.

Ces valeurs vont de pair avec le dialogue des civilisations proposé
à notre réflexion au cours de cette session.

Un tel dialogue ne saurait nier les différences mais entend plutôt
valoriser les diversités, en vue de favoriser la connaissance et la
compréhension mutuelles des peuples.

Vu sous cet angle, le dialogue des civilisations ou des cultures
prône la tolérance, le respect mutuel, en même temps qu’il rejette
les fanatismes sous toutes leurs formes qui menacent la paix et la
sécurité internationales.

Champ d’expérimentation du multilatéralisme et creuset du
dialogue des civilisations, c’est la double vocation que doit
assumer l’ONU, si elle entend incarner les aspirations les plus
nobles et les plus profondes de l’humanité et apporter des réponses
globales et pertinentes aux attentes de nos peuples.

Mais comment y parvenir si l’ONU ne procède aux adaptations
qu’appellent l’évolution et les mutations actuelles des rapports
internationaux ?

C’est tout le sens des préconisations que nous n’avons de cesse de
formuler pour une réforme du Conseil de Sécurité, une
revitalisation de l’Assemblée Générale des Nations Unies et le
renforcement des moyens d’action du Secrétaire Général de
l’Organisation.

Il nous faut donc hâter la refonte d’une Organisation qui, par son
universalité, symbolise notre communauté de destin et se veut
notre maison commune.

Car seule une ONU rénovée, plus démocratique, plus crédible et
plus efficace continuera de focaliser les espoirs et la confiance des
peuples.

Je vous remercie de votre attention.