Bonsoir. Élèves-officiers, hommes et femmes qui servez sous nos drapeaux, chers concitoyens : je veux évoquer avec vous ce soir notre action en Afghanistan - la nature de notre engagement dans ce pays, la portée de nos intérêts et la stratégie que va poursuivre mon gouvernement pour amener cette guerre à son terme. C’est pour moi un honneur extraordinaire que d’être ici, à West Point, où tant d’hommes et de femmes se sont préparés en vue de défendre notre sécurité et de faire honneur à ce que notre pays représente de meilleur.

Pour traiter ces questions capitales, il est important de se rappeler les raisons qui ont poussé les États-Unis et leurs alliés à mener une guerre en Afghanistan. Ce n’est pas un combat que nous avons recherché. Le 11 septembre 2001, dix-neuf pirates de l’air ont détourné quatre avions dont ils se sont servis pour massacrer près de trois mille personnes. Ils ont frappé le centre névralgique de notre pouvoir militaire et économique. Ils ont ôté la vie à des innocents, hommes, femmes et enfants, sans égard pour leur religion, leur race ou leur condition sociale. Sans l’héroïsme des passagers à bord de l’un de ces avions, ils auraient pu aussi frapper l’un des grands symboles de notre démocratie à Washington et faire encore beaucoup plus de victimes.

Ces hommes, nous le savons, faisaient partie d’Al-Qaïda, ce groupe d’extrémistes qui dénaturent et souillent l’islam, l’une des grandes religions du monde, pour justifier le massacre d’innocents. Al-Qaïda avait sa base d’opérations en Afghanistan, placée sous la protection des talibans - mouvement impitoyable, répressif et radical qui avait pris le pouvoir dans ce pays ravagé par des années d’occupation soviétique et de guerre civile et après que l’Amérique et ses amis avaient tourné ailleurs leur regard.

Dans les jours qui suivirent le 11 septembre, le Congrès autorisa l’usage de la force contre Al-Qaïda et ceux qui leur donnaient asile - cette autorisation se prolonge aujourd’hui encore. Le Sénat avait voté en ce sens par 98 voix contre 0. La Chambre s’était prononcée pour par 420 voix contre 1. Pour la première fois depuis le début de son existence, l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord invoqua l’article 5, selon lequel une attaque armée contre l’une des parties à l’accord est considérée comme une attaque dirigée contre toutes ses parties. Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies entérina le recours à toutes les mesures nécessaires pour riposter aux attentats du 11 septembre. L’Amérique, ses alliés et le monde ne faisaient qu’un pour détruire le réseau terroriste d’Al-Qaïda et pour protéger notre sécurité commune.

Sous la bannière de cette unité nationale et de cette légitimité internationale - et seulement après que les talibans eurent refusé de livrer Oussama ben Laden - nous avons déployé nos soldats en Afghanistan. En l’espace de quelques mois, Al-Qaïda était dispersé et un grand nombre de ses militants tués. Les talibans étaient chassés du pouvoir et mis à genoux. Lors d’une conférence convoquée par l’ONU, un gouvernement provisoire fut établi et confié au président Hamid Karzaï. Et une Force internationale d’assistance à la sécurité fut mise en place en vue d’apporter une paix durable à ce pays déchiré par la guerre.

Puis, début 2003, il fut décidé de faire une deuxième guerre, en Irak. La nature déchirante du débat sur la question de la guerre en Irak est bien connue et il n’est pas utile d’y revenir ici. Qu’il suffise de dire qu’au cours des six années qui suivirent, la guerre en Irak accapara la plus grande partie de nos effectifs militaires, de nos ressources, de notre diplomatie et de notre attention nationale - et la décision d’aller en Irak provoqua des failles substantielles entre l’Amérique et une bonne part du reste du monde.

Aujourd’hui, après avoir engagé des coûts extraordinaires, nous mettons fin à la guerre en Irak de façon responsable. Nous allons retirer nos brigades de combat d’ici à la fin de l’été prochain, et tous nos soldats avant la fin de 2011. Le fait que nous agissons de la sorte prouve le caractère de nos hommes et de nos femmes en uniforme. Grâce à leur courage, à leur acharnement et à leur persévérance, nous avons donné aux Irakiens la possibilité de forger leur avenir, et nous laissons le peuple irakien prendre son pays en mains.

Mais tandis que nous avons atteint ces jalons au prix de durs efforts, la situation s’est détériorée en Afghanistan. Après avoir réussi à franchir la frontière et à s’installer au Pakistan en 2001 et en 2002, les dirigeants d’Al-Qaïda ont trouvé un havre dans ce pays. Bien qu’élu légitimement par le peuple afghan, le gouvernement a été entravé par la corruption, le commerce des stupéfiants, le sous-développement de l’économie et l’insuffisance des forces de sécurité. Au cours des dernières années, les talibans ont fait cause commune avec Al-Qaïda. Ils cherchent tous deux à renverser le gouvernement afghan. Peu à peu, les talibans ont commencé à prendre le contrôle de nouvelles portions du territoire afghan, en même temps qu’ils commettent des actes toujours plus téméraires et dévastateurs de terrorisme contre le peuple pakistanais.

Tout au long de cette période, nos effectifs en Afghanistan ont représenté une petite fraction seulement de ceux qui étaient déployés en Irak. Lors de mon entrée en fonctions, seuls un peu plus de 32.000 Américains servaient sous les drapeaux en Afghanistan, contre 160.000 en Irak au plus fort de la guerre. Les commandants en Afghanistan ne cessaient de réclamer des renforts pour contrer le retour des talibans, mais ces renforts ne sont pas arrivés. C’est pourquoi, peu après mon entrée en fonctions, j’ai approuvé l’envoi de renforts qui étaient demandés de longue date. Après avoir consulté nos alliés, j’ai annoncé une stratégie qui tient compte du lien fondamental entre notre effort de guerre en Afghanistan et les havres extrémistes au Pakistan. J’ai fixé un objectif restreint qui consiste à « déstabiliser, démanteler et vaincre Al-Qaïda et ses alliés extrémistes » et je me suis engagé à mieux coordonner nos démarches militaires et civiles.

Depuis, nous avons fait des progrès sur certains objectifs importants. De hauts responsables talibans et d’Al-Qaïda ont été supprimés et nous avons intensifié la pression sur Al-Qaïda dans le monde entier. Au Pakistan, l’armée pakistanaise a lancé sa plus grande offensive depuis bien des années. En Afghanistan, avec nos alliés, nous avons empêché les talibans de bloquer une élection présidentielle, et cette élection - bien qu’entachée de fraude - a produit un gouvernement compatible avec les lois et la constitution du pays.

Pour autant, des défis considérables demeurent. L’Afghanistan n’est pas une cause perdue, mais depuis plusieurs années ce pays fait marche arrière. Il n’y a pas de danger imminent que le gouvernement soit renversé, mais les talibans ont pris de l’élan. Al-Qaïda n’a pas aujourd’hui en Afghanistan les effectifs qui étaient les siens avant le 11 septembre, mais il a conservé ses lieux sûrs le long de la frontière. Nos forces ne disposent pas de tout l’appui dont elles ont besoin pour entraîner les forces afghanes de sécurité, agir en partenaires avec elles et mieux sécuriser la population. Notre nouveau commandant en Afghanistan, le général McChrystal, nous a fait savoir que la situation est plus grave qu’il ne le pensait en matière de sécurité. Bref, le statu quo ne peut pas durer.

En tant qu’élèves-officiers, vous vous êtes engagés durant cette période de danger. Certains d’entre vous ont combattu en Afghanistan. Certains d’entre vous y seront affectés. En tant que votre commandant en chef, je vous dois une mission clairement définie et qui mérite votre service. C’est pourquoi, après les élections en Afghanistan, j’ai insisté sur un réexamen approfondi de notre stratégie. Je vais être clair : tout au long de ce réexamen, il n’a jamais été question de déployer des effectifs avant 2010, ce qui signifie qu’il n’y a eu ni retard ni déni des ressources nécessaires à la conduite de la guerre. Au contraire, cette période d’examen m’a permis de poser des questions difficiles et d’explorer toute la gamme des options avec mon équipe de sécurité nationale, nos responsables militaires et civils en Afghanistan et nos principaux partenaires. Et vu l’enjeu, c’est le moins que je devais au peuple américain - et à nos forces armées.

Ce réexamen est maintenant terminé. En ma qualité de commandant en chef, j’ai déterminé qu’il était dans notre intérêt vital d’envoyer 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Au bout de dix-huit mois, nos soldats commenceront à regagner les États-Unis. Ce sont les ressources dont nous avons besoin pour saisir l’initiative tout en construisant la capacité afghane qui facilitera une transition responsable pour permettre à nos forces de quitter l’Afghanistan.

Ce n’est pas à la légère que je prends cette décision. J’ai voté contre la guerre en Irak précisément parce que je pense que nous devons faire preuve de retenue dans l’utilisation de la force armée et envisager à tout moment les conséquences à long terme de nos actions. Nous sommes en guerre depuis huit ans, et le coût en termes de vie humaines et de ressources a été énorme. Des années de débat sur l’Irak et le terrorisme ont mis en lambeaux notre consensus sur la sécurité nationale et créé un contexte fortement polarisé et politisé sur cette question. Et alors qu’ils viennent de traverser la pire crise économique depuis la grande dépression, on peut comprendre que les Américains s’intéressent plus à la relance de l’économie et à la possibilité de trouver du travail, ici, chez eux.

Et surtout, je sais que cette décision va demander encore plus de sacrifices - aux forces armées et à leurs familles qui portent déjà le plus lourd des fardeaux. En tant que président, je signe une lettre de condoléances à la famille de chaque Américain qui perd la vie dans ces guerres. Et je lis les lettres des parents et des conjoints et conjointes de ceux et celles qui y sont déployés. J’ai rendu visite à nos courageux guerriers blessés hospitalisés à Walter Reed. Et je me suis rendu à Denver accueillir les cercueils tendus de drapeaux de 18 Américains qui rentraient sur les lieux de leur dernier repos. Je vois de première main les terribles ravages de la guerre. Si je n’étais pas persuadé que la sécurité des États-Unis et des Américains est en jeu en Afghanistan, c’est avec joie que dès demain je donnerais l’ordre de rentrer à tous nos soldats.

Non, je ne prends pas cette décision à la légère. Je la prends parce que je suis convaincu que notre sécurité est en jeu en Afghanistan et au Pakistan. La région est l’épicentre de l’extrémisme violent pratiqué par Al-Qaïda et c’est de là que sont parties les attaques du 11 septembre. C’est de là que de nouvelles attaques sont préparées alors même que je vous parle. Ce n’est pas un vague danger ou une menace hypothétique. Au cours des derniers mois, nous avons appréhendé à l’intérieur même de nos frontières des extrémistes venus des zones frontières du Pakistan et de l’Afghanistan prêts à commettre de nouveaux actes de terrorisme. Le danger ne peut que s’intensifier si la région régresse et qu’Al-Qaïda puisse y agir en toute impunité. Nous devons faire pression sur Al-Qaïda et, pour ce faire, nous devons renforcer la stabilité et les capacités de nos partenaires dans la région.

Bien sûr, nous ne sommes pas les seuls à porter ce fardeau. Cette guerre n’est pas seulement une guerre américaine. Depuis les attentats du 11 septembre, les lieux sûrs d’Al-Qaïda ont servi de point de départ pour des attaques contre Londres, Amman et Bali. Les ressortissants et les gouvernements pakistanais et afghans sont en danger. Et les enjeux sont d’autant plus grands que le Pakistan est en possession de l’arme nucléaire. Nous savons en effet qu’Al-Qaïda et les autres extrémistes cherchent à obtenir des armes nucléaires et nous avons toutes les raisons au monde de penser qu’ils les utiliseraient.

Pour toutes ces raisons, nous nous devons d’agir avec nos alliés et amis. Notre objectif global reste le même : déstabiliser, démanteler et défaire Al-Qaïda en Afghanistan et au Pakistan et l’empêcher à l’avenir de menacer les États-Unis et nos alliés dans l’un quelconque de ces pays.

À cette fin, nous nous sommes fixé trois objectifs en Afghanistan : empêcher Al-Qaïda d’y établir un refuge ; stopper l’avancée des talibans et leur enlever la capacité de renverser le gouvernement ; et renforcer les capacités des forces de sécurité afghanes et du gouvernement afin qu’ils puissent prendre le contrôle et la responsabilité de l’avenir de leur pays.

Nous atteindrons ces objectifs de trois manières. D’abord, nous allons poursuivre une stratégie militaire qui va briser l’avancée des talibans et accroître les capacités des Afghans au cours des 18 prochains mois.

Les 30.000 soldats supplémentaires dont j’annonce l’envoi ce soir seront déployés pendant la première moitié de 2010, aussi rapidement que possible, pour qu’ils puissent cibler les insurgés et sécuriser les centres de population. Ils renforceront notre capacité de former des forces de sécurité afghanes compétentes et de travailler à leurs côtés afin qu’un nombre plus important d’Afghans puisse participer aux combats. Et ils créeront les conditions voulues pour le transfert des responsabilités aux Afghans.

Puisqu’il s’agit d’un effort international, j’ai demandé que notre engagement soit complété par des contributions de nos alliés. Certains ont déjà fourni des forces supplémentaires, et nous avons bon espoir qu’il y aura d’autres apports dans les jours et les semaines qui viennent. Nos amis se sont battus, ont été blessés et sont morts à nos côtés en Afghanistan. Maintenant, tous ensemble, nous devons mettre fin à cette guerre car ce n’est pas la crédibilité de l’OTAN qui est en jeu - ce qui est en jeu est la sécurité de nos alliés et la sécurité du monde.

Prises ensembles les troupes américaines et internationales supplémentaires nous permettront d’accélérer le transfert de la sécurité du pays aux forces afghanes et de commencer à faire sortir nos troupes du pays à compter de juillet 2011. Comme nous l’avons fait en Irak, nous gérerons cette transition de manière responsable en prenant en compte les conditions sur le terrain. Nous continuerons à conseiller et à aider les forces de sécurité afghanes pour garantir leur réussite sur le long terme. Mais il devra être évident pour le gouvernement afghan, et surtout pour les Afghans, qu’en dernière analyse, ce sont eux qui seront responsables de leur pays.

En deuxième lieu, nous travaillerons avec nos partenaires, les Nations unies et les Afghans à mettre en œuvre une stratégie civile plus efficace afin que le gouvernement puisse tirer tous les avantages possibles du renforcement de la sécurité.

Cet effort devra se fonder sur les résultats. L’époque des chèques en blanc est terminée. Le discours d’inauguration du président Karzaï a fait passer le bon message sur le changement de direction. À l’avenir, il n’y aura aucune ambiguïté sur ce que nous attendons de ceux qui reçoivent notre aide. Nous appuierons les ministères, les gouverneurs et les élus locaux afghans qui luttent contre la corruption et tiennent leurs engagements envers leurs ressortissants. Nous nous attendons que ceux qui sont inefficaces ou corrompus aient des comptes à rendre. Et nous concentrerons notre aide sur les secteurs - comme l’agriculture - qui peuvent faire une différence immédiate dans la vie des Afghans.

Les Afghans pâtissent de la violence depuis des décennies. Ils ont fait face à l’occupation d’abord de l’Union soviétique puis des soldats étrangers d’Al-Qaïda qui ont utilisé le territoire afghan à leurs propres fins. Alors, ce soir, je voudrais que les Afghans comprennent. Les États-Unis cherchent à mettre fin à cette ère de guerre et de souffrance. Nous n’avons aucune intention d’occuper votre pays. Nous soutiendrons les efforts du gouvernement afghan visant à ouvrir la porte aux talibans qui renoncent à la violence et respectent les droits de l’homme de leurs concitoyens. Et nous chercherons à créer un partenariat fondé sur le respect mutuel avec l’Afghanistan : pour ostraciser ceux qui détruisent ; conforter ceux qui construisent ; hâter le jour où nos troupes pourront rentrer ; et forger une amitié durable dans le cadre de laquelle les États-Unis seront votre partenaire, jamais votre maître.

En troisième lieu, notre action se fondera sur la pleine reconnaissance du fait que notre succès en Afghanistan est inextricablement lié à notre partenariat avec le Pakistan.

Nous sommes en Afghanistan afin d’empêcher qu’un cancer ne s’y propage une fois de plus. Cependant, ce même cancer a également pris pied dans la région frontalière du Pakistan. C’est pourquoi il nous faut une stratégie qui s’applique aux deux côtés de la frontière.

Par le passé, d’aucuns, au Pakistan, estimaient que la lutte contre l’extrémisme n’était pas leur combat, et que leur pays aurait avantage à laisser faire, ou à s’accommoder avec ceux qui recourent à la violence. Pourtant, ces dernières années, à mesure que des innocents périssaient, de Karachi à Islamabad, il est clairement apparu que c’était le peuple pakistanais qui avait le plus à redouter de l’extrémisme. L’opinion publique a viré. L’armée pakistanaise a monté une offensive dans le Swat et dans le Waziristân méridional. Et il ne fait aucun doute que les États-Unis et le Pakistan ont un ennemi commun.

Par le passé, nous aussi, nous avons souvent défini nos relations avec le Pakistan de manière étroite. Il n’en est plus ainsi. Dorénavant, nous sommes résolus à promouvoir avec le Pakistan un partenariat qui ait pour fondements les intérêts mutuels, le respect mutuel et la confiance mutuelle. Nous renforcerons la capacité du Pakistan de viser les groupes qui menacent nos deux pays, et nous avons bien souligné que nous ne pouvions pas tolérer l’existence d’un lieu sûr pour des terroristes dont l’emplacement est connu et dont les intentions sont claires. L’Amérique consacre également des ressources considérables au soutien de la démocratie et du développement du Pakistan. Nous sommes le premier donateur mondial en faveur de l’aide aux Pakistanais déplacés par les combats. Que les Pakistanais le sachent désormais : l’Amérique demeurera un puissant promoteur de la sécurité et de la prospérité du Pakistan longtemps après que les armes se seront tues, de manière à ce que l’immense potentiel de son peuple puisse se réaliser.

Tels sont les trois éléments centraux de notre stratégie : un effort militaire destiné à mettre en place les conditions nécessaires à une transition ; des renforts civils qui viendront appuyer une action positive ; enfin, un partenariat efficace avec le Pakistan.

Je sais qu’il existe toute une gamme de préoccupations relatives à notre approche. Aussi permettez-moi de répondre à certains des arguments les plus probants que j’ai entendus et que je prends très au sérieux.

Tout d’abord, il y a des gens qui pensent que l’Afghanistan sera un nouveau Vietnam. Ils estiment qu’il sera impossible de le stabiliser et que nous avons intérêt à minimiser nos pertes et à opérer un retrait rapide. Je pense que cet argument repose sur une analyse erronée de l’histoire. À la différence du Vietnam, nous avons à nos côtés une large coalition de 43 pays qui reconnaît la légitimité de notre entreprise. À la différence du Vietnam, les Américains ont été sauvagement attaqués à partir de l’Afghanistan et demeurent une cible pour les mêmes extrémistes qui complotent le long de sa frontière. Abandonner cette région maintenant pour ne plus compter que sur des opérations contre Al-Qaïda à distance compromettrait sérieusement notre aptitude à maintenir la pression sur Al-Qaïda et susciterait un risque inacceptable de nouvelles attaques contre notre pays et contre nos alliés.

Ensuite, il y a ceux qui, tout en reconnaissant l’impossibilité de quitter l’Afghanistan en son état actuel, suggèrent que nous allions de l’avant avec les troupes que nous avons déjà. Mais cela ne ferait que maintenir un statu quo dans lequel nous pataugerions et laisserions lentement les conditions là-bas se dégrader. Cela finirait par s’avérer plus coûteux et par prolonger notre présence en Afghanistan, parce que nous ne pourrions jamais établir les conditions nécessaires pour former les forces afghanes de sécurité et leur accorder l’espace dont elles ont besoin pour prendre le relais.

Enfin, il y a ceux qui souhaiteraient ne pas énoncer de calendrier pour notre transition à la responsabilité afghane. En fait, certains réclament une escalade plus spectaculaire et d’une durée indéfinie de notre effort de guerre, une escalade qui nous engagerait dans un projet de reconstruction d’une nation pouvant durer jusqu’à dix ans. Je rejette ce scénario parce qu’il établit des buts qui dépassent ce qui peut se réaliser à un coût raisonnable et ce que nous devons réaliser afin de défendre nos intérêts. De plus, l’absence d’un calendrier de transition nous priverait de tout sentiment d’urgence pendant notre collaboration avec le gouvernement afghan. Il faut qu’il soit bien clair que les Afghans devront assumer la responsabilité de leur sécurité et que l’Amérique n’a aucun intérêt à mener une guerre sans fin en Afghanistan.

En tant que président, je refuse de poser des objectifs qui dépassent notre responsabilité ou nos moyens ou nos intérêts. Je dois peser tous les défis auxquels notre pays doit faire face. Je n’ai pas le luxe de n’en choisir qu’un seul. En fait, il me vient à l’esprit les paroles du président Eisenhower, qui disait, à propos de notre sécurité nationale : « Chaque proposition doit être pesée en fonction d’une considération plus vaste, à savoir la nécessité de maintenir l’équilibre entre les programmes nationaux aussi bien qu’à l’intérieur de chacun. »

Au cours des quelques dernières années, cet équilibre, nous l’avons perdu, et nous n’avons pas reconnu le lien fondamental qui existe entre notre sécurité et notre puissance économique. Dans le sillage d’une crise économique, un trop grand nombre d’amis et de voisins sont sans travail et ont du mal à payer leurs factures, et trop d’Américains s’inquiètent de l’avenir de leurs enfants. Pendant ce temps, la concurrence au sein de l’économie mondiale est devenue plus intense. Nous ne pouvons donc simplement pas nous permettre de ne pas penser au prix de ces guerres.

Au résumé, au moment de mon entrée en fonctions, le coût des guerres en Irak et en Afghanistan approchait du millier de milliards de dollars. Je suis résolu désormais à aborder ces coûts de manière ouverte et honnête. Notre nouvelle approche en Afghanistan nous coûtera vraisemblablement 30 milliards de dollars cette année. Je collaborerai étroitement avec le Congrès afin de faire face à ces dépenses alors que nous travaillerons à réduire notre déficit. Mais à mesure que nous mettons fin à la guerre en Irak et que nous opérerons la transition en Afghanistan, nous devons restaurer notre puissance ici, chez nous. Notre prospérité nous fournit la fondation de notre pouvoir. Elle paie notre appareil militaire. Elle appuie notre diplomatie. Elle mobilise les potentialités de notre population et permet des investissements dans de nouvelles branches d’activité. Et elle nous permettra d’affronter la concurrence en ce siècle aussi brillamment que nous l’avons fait au siècle dernier. Voilà pourquoi notre engagement de forces militaires en Afghanistan ne peut durer infiniment : car la nation que je tiens le plus à bâtir, c’est la nôtre.

Je tiens à dire clairement que rien de tout ceci ne sera facile. La lutte contre l’extrémisme violent ne sera pas terminée de sitôt, et elle s’étend bien au-delà de l’Afghanistan et du Pakistan. Elle sera une longue épreuve de notre société libre et de notre influence dans le monde. Et contrairement aux conflits entre grandes puissances et aux lignes claires de démarcation qui ont défini le XXe siècle, nos efforts vont impliquer des régions agitées, des États défaillants et des ennemis diffus.

En conséquence, nous allons devoir montrer notre puissance par la façon dont nous mettons fin aux guerres et prévenons les conflits, pas seulement par la façon dont nous les menons. Nous allons devoir faire preuve de souplesse et de précision dans l’utilisation de notre puissance militaire. Là où Al-Qaïda et ses alliés tenteront d’établir une emprise, que ce soit en Somalie, au Yémen ou ailleurs, ils devront se heurter à une pression croissante et à de fermes partenariats.

Et nous ne pouvons pas compter sur la seule puissance militaire. Nous devons investir dans notre sécurité intérieure, parce qu’il est impossible de capturer ou d’éliminer tous les extrémistes violents à l’étranger. Nous devons améliorer et mieux coordonner nos services de renseignement afin de conserver une avance sur les nébuleuses terroristes.

Nous allons devoir leur retirer les outils de destruction massive. C’est pourquoi j’ai fait de la sécurisation des matières nucléaires hors de portée des terroristes, de l’endiguement de la prolifération des armes nucléaires et de la poursuite de l’objectif de la dénucléarisation du monde un pilier de ma politique étrangère. Parce que chaque nation doit comprendre que la réelle sécurité ne découlera jamais d’une course sans fin à l’acquisition d’armes sans cesse plus destructrices - la réelle sécurité viendra de ceux qui rejettent ces armes.

Nous allons devoir recourir à la diplomatie, parce qu’aucun pays ne peut relever à lui seul les défis d’un monde interdépendant. J’ai passé cette année à renouveler nos alliances et à forger de nouveaux partenariats. Et nous avons forgé un nouveau départ entre l’Amérique et le monde musulman - un renouveau qui reconnaît notre intérêt mutuel à briser le cycle infernal du conflit et qui promet un avenir dans lequel ceux qui tuent des innocents seront isolés par ceux qui défendent la paix, la prospérité et la dignité humaine.

Enfin, nous devons puiser de la force dans nos valeurs, parce que si les difficultés auxquelles nous nous heurtons ont changé, nos convictions sont immuables.

C’est pourquoi nous devons promouvoir nos valeurs en les respectant chez nous - et c’est pourquoi j’ai interdit la torture et que je fermerai la prison de Guantanamo. Nous devons également faire savoir à chaque homme, chaque femme et chaque enfant du monde qui vit dans l’obscurité de la tyrannie que l’Amérique s’exprimera en faveur de leurs droits humains et entretiendra la flamme de la liberté, de la justice, du progrès et du respect de la dignité de tous les peuples. C’est ce que nous sommes. Telle est la source, la source morale de l’autorité de l’Amérique.

Depuis l’époque de Franklin Roosevelt, et du service et du sacrifice de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents, notre pays porte un fardeau spécial dans les affaires du monde. Nous avons versé du sang américain dans de nombreux pays et sur de multiples continents. Nous avons dépensé notre argent pour aider d’autres pays à se relever de leurs ruines et à développer leur économie. Nous nous sommes associés à d’autres pour développer un ensemble d’institutions - des Nations unies à l’OTAN en passant par la Banque mondiale - qui veille à la sécurité collective et à la prospérité des êtres humains.

On ne nous a pas toujours remerciés pour ces efforts, et nous avons parfois commis des erreurs. Mais plus que tout autre pays, les États-Unis d’Amérique ont garanti la sécurité du monde pendant six décennies - une période durant laquelle, malgré tous les problèmes, on a vu des murs tomber, des marchés s’ouvrir, des milliards de personnes sortir de la pauvreté, des progrès scientifiques sans précédent se réaliser, et les frontières de la liberté humaine progresser.

Car contrairement aux anciennes puissances, nous n’avons pas cherché à dominer le monde. Notre nation a été fondée sur le principe de la résistance à l’oppression. Nous ne cherchons pas à occuper d’autres pays. Nous n’accaparerons pas les ressources d’un autre pays, ni ne viserons d’autres peuples parce que leur foi ou leur appartenance ethnique est différente de la nôtre. Ce pour quoi nous nous sommes battus et continuerons de nous battre, c’est un meilleur avenir pour nos enfants et nos petits-enfants, et nous croyons que leur vie sera meilleure si les enfants et les petits-enfants d’autres peuples peuvent vivre dans la liberté et avoir des occasions de réussir.

En tant qu’État, nous ne sommes pas aussi jeunes - ni peut-être aussi innocents - qu’à l’époque où Franklin Roosevelt était président. Pourtant, nous sommes toujours les héritiers d’une noble lutte pour la liberté. Maintenant, nous devons rassembler toute notre force et notre puissance morale pour relever les défis d’une ère nouvelle.

Au bout du compte, notre sécurité et notre influence ne découlent pas seulement de la puissance de nos armes. Elles viennent de notre peuple - des travailleurs et des entreprises qui vont reconstruire notre économie ; des chefs d’entreprise et des chercheurs qui vont lancer de nouvelles industries ; des enseignants qui vont éduquer nos enfants ; du service de ceux qui œuvrent au sein de nos collectivités ; des diplomates et des bénévoles du Corps de la paix qui répandent l’espoir à l’étranger ; et des hommes et des femmes de nos services armés qui font partie d’une ligne continue de sacrifice qui ont fait du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, une réalité sur cette terre.

Tous ces citoyens, qui constituent un ensemble vaste et divers, ne s’entendront pas toujours sur chaque dossier - et d’ailleurs cela ne serait pas normal. Mais je sais aussi que nous, en tant que pays, ne pouvons pas maintenir notre influence ni relever les défis les plus épineux de notre époque si nous nous laissons écarteler par la même rancœur, le même cynisme et les mêmes luttes partisanes qui ont empoisonné notre vie politique dernièrement.

Il est facile d’oublier que lorsque cette guerre a commencé, nous étions unis - unis dans la mémoire vive d’une horrible attaque, et par la résolution de défendre notre nation et les valeurs qui nous sont chères. Je refuse d’accepter l’idée selon laquelle nous ne pouvons plus retrouver cette unité. Je suis persuadé au plus profond de mon être que nous, Américains, pouvons encore nous unir dans un objectif commun. Car nos valeurs ne sont pas simplement des mots inscrits sur un parchemin - elles sont un credo qui nous rassemble et qui nous a soutenus durant nos heures les plus sombres, comme une seule nation, un seul peuple.

L’Amérique traverse une épreuve très difficile. Or le message que nous envoyons au plus fort de la tempête doit être clair : que notre cause est juste, notre résolution infaillible. Nous irons de l’avant, confiants dans la force du bien et résolus à bâtir une Amérique et un monde plus sûrs, et un avenir qui représentera non pas nos peurs les plus profondes, mais nos espoirs les plus élevés. Je vous remercie. Que Dieu vous bénisse, et qu’Il bénisse les États-Unis d’Amérique.