Le ministère de la Défense et moi avons pris la responsabilité de compléter nos différentes forces armées par des professionnels. Pour le 1er Janvier 2008, cela concernera 144 000 soldats et sergents ; c’est seulement après cela que nous pourrons envisager de faire passer la durée du service militaire de 2 ans à 12 mois. Il faut commencer à s’y préparer, l’arithmétique parle et si nous réduisons la durée du service actuellement, il faudrait deux fois plus d’appelés. Nous détenons le record mondial pour les exemptions, cela demande des modifications. Les exemptions pour raisons de santé doivent demeurer, mais celles pour raisons professionnelles ne devraient pratiquement pas exister. Nous devons réduire considérablement les effectifs de commandement, qui sont plus importants en Russie que du temps de l’URSS alors que l’armée est cinq fois moins grande. Nous devons aussi permettre aux jeunes gens les plus pauvres de suivre une formation supérieure gratuite en échange de quelques années d’engagement.
Je ne comprends pas les gens qui parlent de réduire les effectifs de l’armée jusqu’à 200 000 ou 100 000 hommes : je pense qu’en dessous d’un million d’hommes, notre force de réaction serait fortement amoindrie, d’autant plus que nous sommes une puissance nucléaire et que notre territoire est d’une taille conséquente. Notre budget pour ces réformes a ses limites, nous devons donc rendre l’engagement attractif matériellement et cela demande des budgets colossaux pour la modernisation des infrastructures. Nous entendons casser patiemment le stéréotype du soldat russe affamé et frigorifié.
Nous avons mené environ 100 exercices en commun avec l’OTAN depuis le sommet de Rome il y a trois ans, et cela a un effet psychologique indéniable, le degré de confiance est en hausse. Nous pourrions aussi étendre la coopération opérationnelle à certains domaines comme la lutte contre le terrorisme, nous pourrions créer des unités qui agiraient ensemble. Il ne serait pas difficile de fabriquer un fusil automatique équipé pour le tir silencieux compatible aussi bien avec les munitions de l’Otan qu’avec les nôtres.
Un autre thème intéressant, c’est celui des explosifs non traditionnels, qui concerne avant tout les Etats-Unis et la Russie. Les fougasses ou autres dispositifs, sont les mêmes qui tuent les nôtres et les leurs. Il ne faut pas sceller d’accord sur le secret des informations avec des terroristes. Dans cette perspective nous pourrons commencer des opérations de maintien de la paix communes. La Russie est actuellement dans une situation historique unique, notre armée ne combat nulle part et il faut utiliser cet intermède pacifique pour moderniser et réformer notre armée.
Depuis le 1er Février, nous avons créé un organe unique pour l’achat des armes. Nous allons ainsi mieux contrôler les exportations d’armes. Notre modèle le plus simple est celui des États-Unis : dans ce pays, le ministère de la Défense et lui seul fait commerce des armes. Ils ont construit la verticale absolue. Le commerce des armes est le plus sérieux des instruments politiques. L’Inde et la Chine restent nos principaux partenaires, mais nous devons diversifier la clientèle et nous avons déjà élargi notre champ géographique ; la Thaïlande, la Malaisie et le Venezuela sont des marchés porteurs. Si l’on devait suivre la logique de certains de nos partenaires, il ne faudrait même pas vendre de balles au Venezuela , mais nous n’acceptons pas de tels arguments. Si c’est une question de terrorisme, alors qu’on parle de terrorisme. Nos exportations d’armes n’ont jamais été aussi importantes, mais on pense souvent que la Russie vend n’importe quoi à n’importe qui. Il faut que ce soit clair, une partie des demandes qui nous a été adressée en 2004 a été refusée catégoriquement. Il y a certaines armes que nous ne vendrons à personne. Il ne faut pas croire que nous ne pensons pas à notre sécurité.

Source
Izvestia (Fédération de Russie)
Quotidien, diffusé à 430 000 exemplaires, fondé en 1917 comme la Pravda.

« НАМ НУЖНА МИЛЛИОННАЯ АРМИЯ », par Sergueï Ivanov, Izvestia, 22 Février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.