Walid Phares, ex-collaborateur libanais pendant l’occupation israélienne, aujourd’hui réfugié aux États-Unis, dénonce dans le Washington Times la culpabilité de la Syrie dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri. Avec rage, il compare le régime des Assad au Reich nazi et la présence syrienne au Liban à l’annexion de l’Autriche.
Laissant à leurs employés le soin de se livrer à ces outrances, les dirigeants états-uniens préfèrent parler de responsabilité morale de la Syrie plutôt que de culpabilité. Mais c’est aussitôt pour se faire encore plus menaçants. Edward S. Walker et Maggie Mitchell Salem expliquent ainsi dans le Daily Star de Beyrouth et le Boston Globe que le président George W. Bush a pris l’assassinat de Rafic Hariri comme une attaque personnelle. La détermination des États-Unis à repousser la Syrie hors du Liban est donc totale.
Bien sûr, tout cela n’a aucun sens puisque M. Hariri n’avait aucun lien particulier avec M. Bush, alors qu’il était financièrement lié à M. Chirac. Peu importe, il faut embarquer la France coûte que coûte dans cette opération. À preuve le traitement de la rencontre Bush-Chirac par la presse atlantiste : elle annonce que les deux chefs d’État ont sommé la Syrie de quitter le Liban alors que leur communiqué commun déclare toute autre chose. La Syrie est priée de ne pas s’ingérer dans les élections législatives libanaises à venir, puis de remettre le pouvoir à des responsables légitimes.
De son côté, l’universitaire syrien Marwan al-Kabalan relève dans Gulf News que, si les relations entre Rafic Hariri et la Syrie se sont détériorées au cours des derniers mois, Damas n’avait aucune raison d’éliminer une personnalité modératrice. Cependant, bien que la logique conduit à innocenter la Syrie, l’opinion publique internationale est persuadée de sa culpabilité. Il appartient donc à Damas de donner des gages et de négocier sa sortie honorable du Liban.

Robert Kagan tente de rassurer les lecteurs du Washington Post. Certes les chiites ont gagné les élections en Irak, mais cela ne doit pas être interprété comme une victoire de l’Iran. En effet, tous les chiites ne sont pas pro-Iraniens, comme jadis tous les gens de gauche n’étaient pas obligatoirement pro-Soviétiques. En l’occurrence, ceux qui ont gagné avaient d’abord été autorisés à se présenter, précisément parce qu’ils avaient donné des gages.
Pour sa part, le syndicaliste Hassan Juma’a Awad témoigne dans le Guardian que rien n’a changé en Irak depuis la « libération » par la Coalition. Jadis, les syndicats étaient interdits par Saddam Hussein ; aujourd’hui, ils le sont par le gouvernement provisoire. Jadis les services de Saddam arrêtaient les opposants la nuit ; aujourd’hui les soldats de la Coalition le font en plein jour. Pire, désormais les Anglo-Saxons tentent de diviser pour régner : ils opposent les communautés les unes contre les autres.

Après avoir reçu à l’Assemblée nationale une délégation irannienne, le député socialiste français Jean-Michel Boucheron observe dans Le Monde que l’Iran finira par avoir la bombe atomique, que cela n’a rien de dramatique et que c’est légitime. Plutôt que de s’opposer vainement à cette évolution, il vaut mieux accompagner Téhéran pour lui faire reconnaître Israël et prévenir d’éventuels conflits.

Alors qu’après la secrétaire d’État Condoleezza Rice, c’est le président George W. Bush lui-même qui parcourt l’Europe et prêche la réconciliation. Les élites du vieux continent se précipitent devant lui et se réjouissent de ce retour en grâce, tandis que les dirigeants politiques soupirent de soulagement et savourent ce répit avant la prochaine tempête.
Dans un entretien au Tageszeitung, l’ancien conseiller national de sécurité démocrate Zbigniew Brzezinski, assure que les frictions ne portent que sur les dossiers proche-orientaux (Palestine, Irak, Iran). Tout peut rentrer dans l’ordre, pourvu que les Européens y mettent du leur et, surtout, financent les prochaines opérations et mettent leurs hommes à disposition.
Même son, de cloche chez le sénateur républicain John McCain, interviewé par le Tagesspiegel. Tout au plus ajoute-t-il à la liste des différents le Kosov et le Darfour. Et pour en finir avec les querelles, il suggère à l’Allemagne de s’investir en Irak en formant la police locale. Il n’est pas sûr que les lecteurs du quotidien berlinois aient apprécié cet hommage appuyé à la capacité supposée des Allemands à former la police dans un pays occupé.
Quoi qu’il en soit, les deux stratèges états-uniens se gardent bien d’évoquer les vraies questions qui fâchent : l’accès au marché énergétique, la fourniture d’armes à la Chine, les menaces contre la Syrie. Il n’est pas difficile de prévoir que l’accalmie sera de courte durée.