Les menaces contre la Syrie ne sont pas nouvelles, elles sont de plus en plus fréquentes depuis le début de la guerre en Irak. La mort de Rafic Hariri est en tous cas contraire aux intérêts syriens ; je suis persuadé que cela n’a pas été planifié au sommet de l’État. La Syrie fait profil bas depuis le début de la guerre. Elle est prête à mener des négociations avec Israël, elle a essayé de rendre la frontière avec l’Irak la plus étanche possible ; même les Etats-unis sont incapables de contrôler totalement les frontières irakiennes. Cet attentat contre Hariri est contraire à la stratégie de Damas.
Depuis le 11 Septembre, la Syrie figure parmi les partenaires les plus sûrs dans la lutte contre Al Qaïda, qui a d’ailleurs conseillé à ses membres de ne pas faire confiance à la Syrie. Le régime syrien a combattu depuis longtemps contre les Frères Musulmans et les radicaux islamistes dans la région. Cette image a été renversée juste avant la guerre en Irak. Le bureau de Damas, qui sert de vitrine politique à l’OLP, est loin de signifier que la Syrie est la cellule dirigeant les attentats suicides en Israël. Il est clair que la Syrie entretient des liens avec le Hezbollah mais c’était jusqu’à présent dans l’intérêt des Américains et des Israéliens.
L’arrivée au pouvoir de Bachar El Assad a suscité des espoirs de libéralisation et il n’a pas entamé son crédit aux yeux de la population la plus jeune, qui est aussi la plus nombreuse en Syrie. Le pouvoir n’est plus unique, concentré à Damas, et certains pensent que Bachar n’a plus un contrôle absolu sur le pays. Je n’exclue pas à cent pour cent la possibilité que certains sous-groupes des services secrets syriens, ayant pris leur indépendance, associés à des ennemis personnels de Hariri, aient quelque chose à voir avec l’attentat. L’enjeu est grand, la Syrie n’est pas seulement sous pression américaine mais aussi sous pression islamiste.

Source
Deutschland Radio (Allemagne)

« Mord an Hariri läuft syrischen Interessen entgegen », par Carsten Wieland, Deutschland Radio, 18 Février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.