Danielle Pletka de l’American Enterprise Institute franchit un pas. Dans le Los Angeles Times, elle réclame non seulement de chasser la Syrie hors du Liban, mais aussi de chasser le président Bachar El-Assad de Syrie. L’argument principal est celui de la « démocratie ethnique » : le président El-Assad est allouite, or les allaouites ne représentent que 12 % de la population syrienne, donc il ne peut gouverner ce pays. Si l’on appliquait le raisonnement de Mme Pletka aux États-Unis, cela donnerait : le président George W. Bush est méthodiste, or les méthodistes ne représentent que 4 % de la population états-unienne, donc il ne peut gouverner ce pays.
À propos de démocratie, Odisho Malko, président de l’assemblée nationale syrienne d’Irak, rapporte dans le Guardian que les Assyriens, qui résident principalement dans la zone kurde, ont été empêchés de voter, comme d’ailleurs les autres minorités (Turkmènes, Yezidis, Shabaks), et ne sont représentés ni au Parlement, ni au gouvernement. Il doit s’agir, là aussi, d’une application du principe de Mme Pletka : ces populations sont minoritaires, elles ne peuvent donc participer au gouvernement de leur pays.
Sur le même thème, le rabbin Dov S. Zakheim, ancien contrôleur financier du Pentagone, s’exprime avec franchise dans le Los Angeles Times. Certes, les États-Uns veulent des démocraties au Proche-Orient, mais pas n’importe lesquelles. Uniquement des démocraties qui leur soient favorables. Et, selon lui, cela passe probablement par un siècle de guerres.
Avec la même franchise, Charles Edel du Council of Foreign Relations précise dans le même quotidien que la politique étrangère US est d’abord définie en fonction d’intérêts nationaux. Le démocratie et autres valeurs sont des primes pour obtenir l’adhésion de l’opinion publique à cette politique.

Utilisant son droit de réponse, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, tente de rétablir l’image des Nations unies dans le Wall Street Journal. Le quotidien financier est en effet, devenu le support régulier d’attaques contre l’ONU. Au demeurant, la prochaine conférence de New York, consacrée à la réforme de l’organisation, devrait permettre à tout le monde de constater les carences de l’organisation, avant de se transformer en théâtre d’affrontement entre ceux qui veulent l’améliorer et ceux qui veulent la détruire.
Rappelons que l’un des objectifs de l’administration Bush II est de remplacer l’ONU par des pactes de type OTAN. Précisément, Jamie Shea, secrétaire-général adjoint de l’OTAN, a accordé un entretien à Vremya Novostyey. M. Shea, qui s’est rendu célèbre pendant la guerre du Kosovo en intoxiquant quotidiennement la presse internationale, se livre à un nouvel exercice de contorsion intellectuelle. Il assure que l’OTAN, créée pour vaincre l’URSS, agit aujourd’hui dans l’intérêt de la Russie. D’ailleurs, si elle n’occupait pas l’Afghanistan, dont les Soviétiques ont été chassés, ce pays deviendrait une base-arrière de terroristes tchétchènes. Ce n’est pas très convainquant, mais admettons-le, l’exercice est difficile.

La période se veut détendue. Aussi le président polonais, Aleksandre Kwasniewski, explique dans Die Welt l’état de la querelle historique opposant son pays à l’Allemagne et à la Russie. La Pologne considère que la Seconde Guerre mondiale a été provoquée par l’Allemagne nazie et que l’URSS a été l’artisan principal de la victoire. Cependant, elle se souvient aussi du Pacte Ribbentrop-Molotov, puis du stalinisme, et, à ce double titre, elle considère la Russie comme co-responsable de ses malheurs.
De son côté, le prince Saud al-Faisal, ministre des Affaires étrangères saoudien, explique aux lecteurs du Washington Post qu’en matière de démocratie, son pays se hâte lentement. Les positions de Riyad et de Washington se sont rapprochées sur bien des sujets. En Arabie aussi, la période est à l’apaisement.

Enfin, dans le Tageszeitung, le commissaire européen à l’Élargissement, Olli Rehn, se félicite de l’avancée des candidatures roumaine et croate tout en listant les obstacles restant à résoudre. Une question particulièrement grave est celle de la comparution devant le Tribunal international de La Haye des criminels de guerre croates. Du coup, c’est l’avis du procureur Carla Del Ponte, considérée comme particulièrement proche du département d’État, qui sera décisif pour l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne.