Il est difficile d’y voir clair après la démission du gouvernement et j’espère que, comme le prévoit la Constitution, des consultations vont avoir lieu pour la désignation d’un Premier ministre et la formation d’un gouvernement. Certains demandent la destitution des responsables des organes de sécurité. Je ne sais pas si le gouvernement est prêt à le faire ; il pourrait au moins, s’il veut être conciliant, suspendre ces responsables de leurs fonctions, de leurs responsabilités. Il serait souhaitable de mettre en place un gouvernement de transition qui sera chargé d’organiser les élections en toute neutralité. Il faut que les élections aient lieu, et que les Syriens organisent leur retrait vers la Bekaa avant de négocier un retrait total avec le nouveau gouvernement élu. Cela doit se faire conformément aux accords de Taëf qui ont été repris dans la résolution 1559.
Je vais bientôt me rendre aux États-Unis, mais il ne s’agit que d’une simple visite comme j’en ai fait deux fois, à la rencontre des Libanais expatriés. Cette fois ci, je rencontrerai George W. Bush comme j’avais déjà rencontré Ronald Reagan. Certes, les circonstances politiques sont compliquées aujourd’hui mais c’était aussi le cas en 1988.
Je ne suis pas opposé à la fin du confessionnalisme politique, mais il faut préparer le terrain. C’est une entreprise de longue haleine. Il faut élever des générations sur cette conception. Il faut que les gens apprennent à penser autrement. Malheureusement, dans ce pays, les Libanais continuent de se fixer sur leurs communautés, alors même qu’ils ont des problèmes en commun. Lors des manifestations, toutefois, des directives ont été données aux jeunes, leur demandant d’exhiber uniquement le drapeau libanais. Et ils l’ont fait. On peut les féliciter pour cela. Ils se sont retrouvés autour d’un sentiment purement libanais. C’est un nouveau courant, mais il faut qu’il puisse se nourrir et s’accroître, parce qu’il y a toujours des mains qui viennent semer la zizanie dans ce pays. On n’est pas à l’abri d’une intervention extérieure qui diviserait les Libanais, vous savez à qui je pense. Cependant, je ne pense pas qu’il y ait de risques d’une nouvelle guerre civile.

Source
Le Monde (France)

« Il faut un gouvernement neutre avec une assistance sûre dans le domaine de la sécurité », par Nasrallah Boutros Sfeir, Le Monde, 4 mars 2005.