Dans le dossier iranien, l’administration Bush souffle le chaud et le froid et développe une attitude ambiguë à propos des efforts de la diplomatie européenne. Cette posture agace les faucons qui exigent de l’administration Bush que ses actes correspondent au discours. Deux éditorialistes du cabinet de relations publiques Benador Associates font part de leur mécontentement.
Dans Gulf News, Amir Taheri s’attaque aux présupposés sur lesquels, selon lui, se fonde le dialogue européen avec l’Iran. C’est l’occasion de dépeindre, en miroir inversé, son image de ce pays. Selon lui, les négociations illustrent les croyances selon lesquelles on peut dialoguer avec Téhéran en espérant un changement de politique et que le pouvoir appartient aux ministres. Au contraire, pour Taheri, l’Iran est un pays dirigé par des fanatiques en qui on ne peut avoir confiance. Il appuie sa démonstration sur les stéréotypes que son lectorat conserve des premières heures de la révolution iranienne, une situation bien éloignée de la réalité actuelle. Pour l’auteur, tout dialogue est illusoire et les sanctions symboliques insuffisantes. Au lecteur de déduire ce qu’il entend par des sanctions « suffisantes ».
Cette diabolisation de l’Iran se retrouve chez Franck Gaffney qui n’hésite pas à présenter les Européens comme des Faust… et donc l’Iran comme un Mephistopheles. Dans le Washington Times, le coordinateur des faucons, dénonce les rapprochements avec la position européenne qu’il croit discerner chez Condoleezza Rice et Stephen Hadley. Il appelle à une confrontation « politique » avec l’Iran et à une déstabilisation de la république islamique. On ne peut décidément pas négocier avec le diable.

Ce week-end a eu lieu au Kirghizistan le second tour des élections législatives, remportées par le parti du président Askar Akaïev. L’opposition a dénoncé des fraudes et elle a été soutenue partiellement par l’OSCE, en crise avec Moscou pour des questions budgétaires. Cette organisation a estimé que le deuxième tour n’avait pas eu lieu dans de bonnes conditions, mais contrairement à ce qu’affirme l’opposition, elle n’a pas noté de bourrages d’urne. Malgré ses protestations, l’opposition n’a pas porté plainte auprès de la Commission électorales. Opposants et pouvoir en place ont d’ores et déjà les yeux tournés vers l’élection présidentielle de cet automne.
Ce pays frontalier de la Chine a la particularité d’accueillir à la fois des bases militaires russes en vertu d’un accord de sécurité et des bases états-uniennes depuis l’attaque contre l’Afghanistan. Depuis quelques mois, le président Askar Akaïev rappelle que les bases états-uniennes sont temporaires, régies par une résolution de l’ONU, et souligne son attachement à la Russie. Il dénonce également les tentatives de « révolution colorée » dans son pays et affirme qu’elles pourraient déboucher sur une guerre civile. Le Congrès états-unien y a répondu en demandant une libération de tous les prisonniers politiques.
L’ex-général Félix Koulov est un de ces prisonniers. Depuis sa cellule où il purge une peine de prison de dix ans pour corruption, il répond aux questions de Vremya Novostyey. Dans cette interview, il dénonce le régime et affirme que le procès qui l’a condamné à dix ans de réclusion sera bientôt cassé par l’ONU. Il annonce d’ores et déjà sa candidature à l’élection présidentielle kirghize et dénonce les tentatives d’Akaïev de dramatiser la situation pour retarder les élections.
Pour un autre opposant, Jenichbek Nazariliev, dansVremya Novostyey, les risques mis en avant par le président ne sont pas à prendre à la légère compte tenu de la structure tribale du pays. Rappelant les liens avec la Russie et affirmant que Moscou doit rester le premier partenaire stratégique de son pays, il demande à Vladimir Poutine de lâcher Akaïev qui aurait fait son temps.

La tactique des « révolutions » colorées fait débat en Russie. Dans Argoumenty i Fakty, l’écrivain Boris Vassiliev dénonce la tendance du pouvoir à se chercher un ennemi. Il estime que le peuple russe a besoin d’une idée pour avancer et que Poutine le focalise sur un ennemi extérieur.
Cette opinion n’est pas majoritaire en Russie, aussi bien dans la population que chez les spécialistes.
Dans RIA Novosti, l’analyste Dimitri Estafiev ne remet pas en cause le danger pour la Russie, mais demande à ce qu’il soit relativisé. En effet, il ne pourrait s’agir en partie que de poudre aux yeux, d’une tactique de harcèlement. Elle pourrait n’avoir dans certains cas que vocation à contraindre la Russie à se défendre de toute part et à perdre des forces tandis qu’un plus gros coup se prépare. Pour l’auteur, la Russie a eu raison de ne pas se mêler de l’affaire moldave, où toutes les forces politiques lui étaient opposées, et ne devrait rien craindre de ce qui se passe au Kirghizistan, où toutes les forces lui sont favorables. En fait, ce qui se prépare, c’est un coup pour faire tomber le gouvernement à Moscou. Cela ne passera pas par une révolution orchestrée par l’opposition, mais par une crise nationale provoquée par la perte de Kaliningrad. Il faut empêcher cette sécession en demeurant un pôle attractif économiquement et en construisant un modèle socio-économique performant.