J’ai certaines réserves concernant le sommet à quatre entre l’Allemagne, la France, l’Espagne et la Russie. La politique de l’Union européenne vers l’Est est insuffisante. Elle manque de cohérence. Les pays européens mènent chacun individuellement leur politique à l’Est, mais pas l’Union en tant que telle. Pour nous, la condition sine qua non pour une politique extérieure de l’Union crédible est qu’elle ait une dimension orientale. La Pologne a un grand intérêt pour la politique extérieure européenne. Mais il faut qu’elle prenne en compte cette dimension. En outre, la Pologne aurait dû être invitée à participer à ce sommet.
Quand Javier Solana s’est prononcé en faveur de la révolution orange cela a été un geste fort. Le ministre européen des Affaires étrangères doit être fort en tant qu’institution et que personnalité. Plus il le sera, plus il y aura de chances d’avoir une politique extérieure européenne, et pas seulement des États à titre individuel. Il ne faut pas que ce ministre soit l’instrument de la politique française ou allemande.
Je considère que l’Union européenne fonctionne très bien avec le Traité de Nice. Le Traité constitutionnel diminue la place de la Pologne dans l’Union et je considère que la France a fait une erreur en renonçant elle-même dans la Constitution au principe de la parité des voix au sein du Conseil avec l’Allemagne. Dans l’avenir, le maintien de cette règle démographique va poser problème, surtout si l’on considère la perspective d’une adhésion de la Turquie. Il est difficile d’imaginer qu’elle puisse entrer dans l’Union sur cette base. Je ne peux pas croire que le peuple français l’accepte. Mon parti réfléchit donc à ce qu’il fera concernant ce traité si nous gagnons les prochaines élections législatives.

Source
Le Monde (France)

« La politique de l’UE vers l’Est manque de cohérence », par Jan Maria Rokita, Le Monde, 17 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.