Les nominations de l’unilatéraliste John Bolton comme ambassadeur des États-Unis à l’ONU, et du sous-secrétaire à la Défense, Paul Wolfowitz, à la tête de la Banque mondiale ont suscité les réactions les plus contradictoires selon que l’on partage ou non la volonté de George W. Bush de remodeler les organisations intergouvernementales.
Le financier australien Ross Buckley s’alarme dans The Age. L’ex-sous-secrétaire à la Défense ne manquera pas d’être aussi brutal là qu’ailleurs. Il provoquera de nouvelles injustices sociales qui produiront de nouveaux terroristes. Les gouvernements Blair et Howard, qui prétendaient réduire les causes du terrorisme, devraient s’inquiéter.
Au contraire, pour l’éditorialiste républicain Jacob Heilbrun, dans le Los Angeles Times, le moment est venu de remettre le système à plat et M. Wolfowitz est l’homme de la situation. Il devrait commencer par faire annuler les dettes des pays du tiers-monde. Cependant, pour bien comprendre cette annonce spectaculaire, il faut se souvenir que M. Wolfowitz souhaite lier cette annulation à la « démocratisation » en cours. En d’autres termes, il entend utiliser la dette pour changer des régimes au profit de gouvernements dociles aux exigences états-uniennes. L’ancien sous-secrétaire à la Défense ne changera pas d’objectifs, uniquement de moyens : après l’arme militaire, il maniera l’arme économique pour étendre l’Empire.
Précisément, l’ancien sous-secrétaire d’État démocrate James P. Rubin soutient ce choix dans le New York Times. Les deux grands partis états-uniens sont en plein accord quant à l’usage de l’arme économique pour étendre l’Empire. C’était la principale orientation politique de Bill Clinton, c’est aussi une idée de George W. Bush. La seule différence entre les deux présidents est que le second recourt facilement en plus à l’action militaire.

Alors que l’adoption du Traité constitutionnel européen paraît de plus en plus compromise, à la fois en France et au Royaume-Uni, le Conseil européen examine le suivi de la « stratégie pour l’emploi », formulée il y a cinq ans à Lisbonne. Au vu du bilan décevant de ce programme, la Commission propose non pas de le réviser, mais de le re-dynamiser, selon le vieil adage bureaucratique : si les résultats ne sont pas au rendez-vous, ce n’est pas que l’Europe ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas assez d’Europe.
Trois personnalités sociales démocrates, le Suédois Göran Persson, le Danois Poul Nyrup Rasmussen et le Portugais José Socrates, proposent dans Le Monde de renforcer le dialogue tripartite (gouvernements, syndicats, patronats) pour mettre en œuvre la stratégie de Lisbonne. Pas un mot sur la « directive Bolkestein » qui devait développer la stratégie de Lisbonne en appliquant à l’Union les principes de nivellement social par le bas de l’AGCS.

Quant au Traité européen, l’idée que l’on s’en fait dépend de celle que l’on a de l’Union future.
Le libéral français Syvain Charat explique aux lecteurs du Washington Times qu’ils n’ont rien à craindre de la future Europe. La clause de sécession inscrite dans le Traité constitutionnel rend impossible la transformation de l’Union en un Empire, c’est-à-dire en un rival des États-Unis.
Le ministre néerlandais Bernard Bot souligne avec franchise dans Le Monde que l’avenir économique des uns et des autres passe par la capacité de chacun à s’approvisionner en énergie. Or, pour se placer sur le marché international, il faut être en mesure de rivaliser avec les deux gros acheteurs que seront les États-Unis et l’Asie. C’est pourquoi la survie des économies européennes dépend de la capacité de l’Union à s’élargir encore jusqu’à atteindre une taille suffisante pour peser sur le marché. Il faudrait pour cela, non seulement intégrer la Turquie, mais arriver à environ 35 membres d’ici 20 à 30 ans.
À l’inverse l’écrivain Henri de Grossouvre souligne dans Le Figaro la complémentarité de la Russie et du pôle franco-allemand, aussi bien aux plans économique et technologique que militaire. À y regarder de plus près, le système franco-allemand est plus aisément compatible avec celui de la Russie qu’avec celui des Anglo-Saxons. L’Union européenne, comme projet politique, est morte lors de la crise irakienne, il est possible de repenser cette idée avec d’autres partenaires.
De son côté, le président roumain, Traian Basescu, que l’on présentait jusqu’ici comme un Européen convaincu, annonce dans un entretien au Tageszeitung que son pays s’apprête à entrer dans l’Union, mais ne veut pas d’une politique étrangère et de défense commune. Depuis son arrivée au pouvoir, il y a trois mois, il a combattu la corruption et assaini les pratiques commerciales de manière à se conformer aux règles d’une zone de libre-échange. Mais, il n’a pas pour autant retiré ses troupes d’Irak et maintient une alliance privilégiée avec Londres et Washington. La Roumanie a tout intérêt à jouer sur les deux tableaux.

Enfin, Salim Sadak, l’inspirateur du nouveau parti kurde de Turquie, le Mouvement pour une société démocratique, affiche ses objectifs dans un entretien à Die Welt. Il s’agit d’utiliser toutes les possibilités démocratiques pour permettre une expression kurde quid débouche sur la création d’un État kurde. Ce Mouvement se situe dans le prolongement du PKK, dont il partage les buts. Mais la méthode change : le terrorisme a été abandonné depuis longtemps, désormais il convient d’utiliser la voie légale.