La mission d’enquête des Nations au Congo a rendu son rapport sur les violences commises dans le pays entre 1993 et 2003 (c’est-à-dire à la fin de la période Mobutu, durant la période de Laurent-Désiré Kabila et au début de la période de Joseph Kabila).

Ce document était très attendu et controversé avant même sa parution.

Contrairement à ce qui a été dit, il s’agit d’un travail de la plus haute qualité. Et il paraît bien difficile de faire mieux avec les mêmes moyens.

S’appuyant sur les ONG et institutions locales, les auteurs ont recensé les faits graves qui ont été portés à leur connaissance. Après avoir recoupé ces imputations, ils ont sélectionné 617 crimes importants et les ont étudiés. Ils ont ainsi pu établir une cartographie des évènements et en avoir une vue d’ensemble.

Sur cette base —forcément incomplète, mais néanmoins la plus complète possible—, ils affirment que les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international se sont déroulées dans le contexte d’une guerre généralisée et sont imputables aux différents belligérants.

L’Equipe d’enquête souligne que les affrontements sont non seulement le fait de groupes armés congolais, mais aussi d’armées étrangères qu’elles soient burundaises, ougandaises ou rwandaises.

Les enquêteurs n’avaient pas de mandat pour étudier les commanditaires des groupes locaux et des armées étrangères, qu’il s’agisse de grands Etats ou de compagnies multinationales. Leur rapport n’aborde donc pas cette question, bien qu’il évoque l’enjeu des ressources naturelles du pays.

Les enquêteurs n’avaient pas non plus mandat pour étudier les aspects idéologiques de ces guerres, notamment la lutte des puissances occidentales contre Laurent-Désiré Kabila, en tant que successeur de Patrice Lumumba.

La Mission conclue sur la nécessité d’aider le gouvernement et le peuple de RDC à apporter des réponses judiciaires et non-judiciaires à ces crimes encore impunis. Elle relève que l’efficacité des tribunaux congolais suppose au préalable l’épuration de la fonction publique où, en raison d’accords politiques indispensables au retour à la paix, de nombreux suspects occupent des fonctions importantes.

L’Ouganda, qui avait menacé de retirer ses troupes de la force de paix en Somalie s’il était mis en cause par le rapport, a rejeté le document sans donner suite à ses menaces.

Le Rwanda a obtenu que le rapport ne renvoie pas dos-à-dos les criminels tutsis et hutus. La Mission a relevé que Kigali avait invité de nombreux réfugiés hutus à retourner au pays, ce qui semble infirmer l’idée que le Rwanda ait eu l’intention de les tuer en tant que groupe humain lorsque ses armées en ont massacré un grand nombre au Congo. Il y aurait donc crime contre l’humanité de part et d’autre, mais pas d’intention génocidaire du côté du régime de Paul Kagamé.

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République Démocratique du Congo, 1993-2003. Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’homme, 581 p. 5,6 Mo.

Ce document existe aussi en version anglaise.