La tendance générale

Les empreintes dans l’attentat anti-copte d’Alexandrie

L’odieux attentat qui a visé une église copte à Alexandrie, en Egypte (21 morts, 95 blessés), a focalisé toute l’attention en cette première semaine de l’année 2011. Une série d’indices et de données laisse penser que ce massacre commis contre de paisibles fidèles n’est pas un acte isolé mais un épisode dans un processus :
 1. L’Eglise copte égyptienne s’est caractérisée par une position pro-arabe, anticolonialiste, et s’est vigoureusement élevée contre les accords israélo-égyptiens de Camp David. Son chef spirituel, le pape Chénouda III, est un symbole de l’unité nationale et de la lutte contre la normalisation avec Israël, ce qui l’a placé dans le collimateur du régime égyptien qui n’a pas hésité à l’exiler pendant de longues années dans un couvent en plein désert à l’époque de l’ancien président Anouar Sadat. Sa situation ne s’est que relativement améliorée sous la présidence de Hosni Moubarak.
 2. Les preuves sur les ingérences états-uniennes en Egypte, depuis les années 70 du siècle dernier, pour alimenter l’extrémisme musulman, ne sont plus un secret. C’est dans les universités égyptiennes que la CIA et d’autres agences de renseignement ont recruté de jeunes militants islamistes révoltés pour les envoyer en Afghanistan combattre les troupes soviétiques. On se souvient des « Bureaux des moujahidines », ces officines installées en collaboration avec les gouvernements d’Egypte, de Jordanie, d’Arabie saoudite et du Pakistan, pour accomplir un travail de mobilisation et de recrutement. Ces « combattants de la liberté » ont ensuite constitué le noyau dur d’al-Qaïda et des talibans. Le ralliement d’Ayman al-Zawahiri à Oussama Ben Laden a donné un poids décisif aux Egyptiens dans cette nouvelle structure.
 3. Ces dernières années, les Etats-Unis ont commencé à mettre en application un plan de partage de certains pays africains sur des bases religieuses en alimentant les conflits entre chrétiens et musulmans (Soudan, Nigéria, Côte d’Ivoire…). Cela explique le soutien accordé par Washington aux sécessionnistes du Sud-Soudan, dans le but inavoué de contrôler les immenses ressources pétrolières et gazières et les réserves d’uranium de cette région. Dans le cas de l’Egypte, les documents du Congrès US et les rapports des centres de recherche révèlent le soutien apporté par Washington à des groupes coptes extrémistes, dans le cadre d’une loi votée il y a près de trois ans.
 4. La réaction immédiate de nombreux experts égyptiens a été de voir l’empreinte d’Israël dans l’attentat d’Alexandrie dans le but de provoquer un désordre et d’empêcher les autorités égyptiennes de poursuivre leur enquête contre les activités du Mossad dans le pays, dont le but est de redorer le blason du régime pour faire oublier son rôle dans le blocus contre Gaza. Les Israéliens avaient ouvertement exprimé leur mécontentement après l’annonce de l’arrestation d’un Egyptien accusé de collaboration avec le Mossad pour qui il recrutait des agents non seulement en Egypte mais aussi en Syrie et au Liban.
 5. Il est impossible de ne pas faire le lien entre l’attentat d’Alexandrie et les menaces proférées, en novembre 2010, contre les chrétiens d’Orient en général et les coptes d’Egypte en particulier, par le groupe d’al-Qaïda qui a fait exploser l’église de Bagdad. On ne peut que voir des empreintes israélo-américaines dans ces affaires, surtout que la mouvance d’al-Qaïda en Irak est infiltrée par les Etats-uniens et les services de renseignement de pays arabes pro-US, comme la Jordanie, l’Arabie saoudite et l’Egypte. La campagne contre les chrétiens d’Irak visant à les pousser à l’exode s’est accompagnée par l’arrivée de plusieurs milliers d’Israéliens en Irak sous couvert de sociétés occidentales de construction et d’investissement.
 6. Le régime égyptien assume la plus grande responsabilité dans l’attentat d’Alexandrie, ainsi que les forces vives de la société égyptiennes. La réaction dans la rue a empêché l’exploitation de ce massacre dans des conflits communautaires que les groupes extrémistes suspects, islamistes et coptes, ont tenté d’exacerber.

La tendance au Liban

Le TSL, une carte états-unienne de marchandage

Il est désormais clair que le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) est étroitement lié à des marchandages complexes et enchevêtrés entrepris par les Etats-Unis secrètement ou ouvertement autour du Proche-Orient. A l’instar du Soudan, où il est apparu que le souci des Etats-Unis était plus d’obtenir des privilèges pétroliers et gaziers que de défendre les droits des familles des victimes de Darfour, il est certain que ce n’est pas la justice et la vérité dans l’assassinat de Rafic Hariri qui l’intéresse, mais la préservation de son influence en Irak et la sécurité d’Israël. Dans les deux cas, les tribunaux internationaux et leurs décisions se transforment en cartes de pressions intégrées à la stratégie états-unienne et exploitées pour produire des arrangements et des « deals ».
Les informations de sources diverses assurent que les deux sommets entre le président syrien Bachar al-Assad et le roi saoudien Abdallah ont abouti à des résultats concrets et à un accord sur les moyens d’empêcher l’explosion de la situation au Liban à cause de l’acte d’accusation du TSL qui incriminerait des membres du Hezbollah, comme l’a clairement dit la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie.
L’Arabie saoudite sait pertinemment que toute discorde sunnite-chiite ne restera pas confinée au cadre libanais et pourrait s’étendre aux pays du Golfe dont certains abritent d’importantes minorités chiites (Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn) qui ont des liens politiques et culturels étroits avec le Hezbollah. Il est tout à fait normal que toute accusation injuste contre le Hezbollah dans le meurtre de Rafic Hariri provoque une vague de colère qui pourrait avoir de graves conséquences sur la stabilité de ces Etats.
Riyad est conscient du fait que toute discorde au Liban menacerait son influence et le réseau d’intérêts politiques et économiques qui n’ont jamais été réellement menacés lors des précédentes confrontations. Le roi Abdallah est convaincu que les Etats-Unis souhaitent conclure des arrangements régionaux dans lesquels ils ne prendraient pas forcément en considération les intérêts de leurs alliés qu’ils ont impliqués dans leurs projets depuis l’invasion de l’Irak. Première victime potentielle, l’Arabie saoudite, qui n’a rien obtenu de Washington, ni en Irak, ni au niveau du « processus de paix » israélo-palestinien. Sans oublier le rôle négatif états-unien dans le torpillage de l’accord de réconciliation inter-palestinien de la Mecque, la reconduction de Nouri al-Maliki (le candidat iranien) au poste de Premier ministre en Irak, et les efforts positifs des Syriens qui ont réussi à sortir le royaume de la guerre d’usure contre les rebelles zaydites au Yémen.
Aussi, le roi Abdallah est-il de plus en plus convaincu qu’il n’est plus nécessaire d’attendre le feu vert US —qui ne viendra pas avant que Washington ait réalisé ses propres objectifs— pour adhérer au projet du président Assad qui consiste à trouver des solutions aux problèmes et crises de la région à travers une coopération étroite entre les principaux acteurs régionaux.
Dans ces circonstances, il n’est plus étonnant que Washington veuille exploiter à fond l’acte d’accusation, dont les reports répétés ont semé la confusion au sein même des instances du TSL, frappées par les scandales qui entourent l’enquête et les démissions successives. L’acte d’accusation devient une carte d’autant plus importante que l’impossibilité d’Israël de lancer une nouvelle guerre est désormais une conviction chez les plus fervents partisans de l’Etat hébreu en Occident.

Déclarations et prises de positions

Saad Hariri, Premier ministre
Extraits d’une interview accordée au Hayat, le 7 janvier
« Les efforts engagés par l’Arabie saoudite et la Syrie portent sur un certain nombre de points dans l’objectif de raffermir la stabilité au Liban. Ils sont le fruit d’un processus lancé par le sommet qui a réuni à Beyrouth le roi Abdallah Ben Abdel Aziz, le président Bachar al-Assad et le président Michel Sleiman (…) Les démarches et les réponses ne nous sont pas demandées à nous, mais aux autres. La question a été finalisée il y a longtemps. Et que personne n’invoque comme prétexte la présence du roi Abdallah à New York, car ce dont il a été convenu a eu lieu un mois avant le malaise du roi. Les efforts saoudo-syriens sont parvenus à des résultats précis il y a des mois, avant que le roi Abdallah ne se rende à New York pour y suivre un traitement médical (…) Je ne lâcherai aucun des alliés qui se sont tenus à mes côtés tout au long de la période écoulée, qu’ils aient remporté les élections ou pas. Ce sont tous mes alliés, et je considère qu’il y a des constantes nationales auxquelles je ne renoncerai pas. Pour ce qui est du gouvernement, cette question est complètement en dehors de tout débat relevant du processus saoudo-syrien. Dans tous les cas, celui qui croit qu’un gouvernement autre que d’union nationale peut redresser le pays doit sérieusement reconsidérer sa position. Que personne n’aille croire que je suis attaché au pouvoir ou à un siège au pouvoir. L’important pour moi, c’est la sécurité et la stabilité du Liban et l’unité des Libanais. Toutes les tentatives d’entraîner le processus saoudo-syrien dans un partage de quotas au sein du gouvernement ou ailleurs visent à en faire un processus qui engendre de nouveaux problèmes intérieurs, alors qu’en réalité, c’est un processus conçu pour engendrer des solutions et raffermir la stabilité (…) Les efforts saoudo-syriens ont abouti et n’attendent plus que la mise en œuvre. Si l’autre camp avait mis en œuvre ses engagements, nous ne serions pas en train de parler de course contre la montre. Et celui qui laisse entendre que le chef du gouvernement doit faire ce qu’il lui incombe de faire est en réalité celui qui est appelé à honorer ses engagements. Tout autre propos n’est qu’une tentative de faire échouer tous les efforts saoudo-syriens. Que ce soit clair, en toute franchise : aucun engagement de ma part ne sera mis en œuvre avant que l’autre camp ne mette en œuvre ce qu’il s’est engagé à faire. Telle est la base fondamentale des efforts saoudo-syriens (…) Le processus saoudo-syrien ne fera pas marche arrière. »

Ammar Moussaoui, responsable des relations internationales au Hezbollah
« La ministre française des Affaires étrangère dit que l’acte d’accusation mettra en cause des individus et non des partis ou des communautés. Ceci signifie qu’elle possède des informations selon lesquelles cet acte d’accusation mettra en cause des individus membres du Hezbollah. Qu’en serait-il si ces individus étaient le secrétaire général du Hezbollah ou le secrétaire général adjoint ? L’orientation générale est celle de la mise en cause d’individus, avant de faire un pas supplémentaire vers la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique de ses subordonnés. Nous sommes profondément convaincus, dès le début, que ce tribunal et ce processus sont conçus pour s’en prendre aux adversaires de la politique états-unienne. Ils ont commencé par la Syrie et écarté le Hezbollah, car il fallait limiter le champ des adversaires, et maintenant, ils se sont tournés vers le Hezbollah. Les déclarations françaises sur l’attachement au TSL et à la justice internationale sont une tentative de la part de quelqu’un qui souffre de la régression de son rôle. La France et d’autres Etats européens vivent dans les gloires du passé et s’imaginent qu’ils sont de grandes puissances et qu’ils peuvent donner des ordres. Aujourd’hui, la France ne peut plus jouer de rôle si ce n’est à la remorque des Etats-Unis. Ce sont des pays qui dorment sur leurs lauriers et ne sont plus capables de tracer les destins des autres nations et pays. »

Michel Aoun, principal leader chrétien
« L’attentat d’Alexandrie s’est produit en Egypte, l’Etat qui se dit modéré. Il semble que cette modération soit uniquement vis-à-vis d’Israël, et non du reste des composantes de la société égyptienne. Mais qui sont les Égyptiens, à l’origine ? Ce sont les coptes, musulmans et chrétiens. Il s’agit du même peuple. Ce qui s’est produit est un crime contre l’humanité, puisqu’il est fondé sur une ségrégation religieuse et a visé exclusivement les coptes chrétiens, alors même qu’ils ne sont en conflit avec personne, et qu’ils se différencient juste des autres coptes par leur religion. Lorsqu’un Etat est incapable de préserver la sécurité d’un citoyen, c’est lui qui est le criminel (…) Est-ce parce que je mène une politique d’ouverture et de dialogue avec les autres composantes de la société et que j’ai ouvert les frontières avec la Syrie et d’autres pays que je suis dangereux pour les chrétiens ? Oui, c’est vrai, la politique d’entente constitue un danger pour les chrétiens. Quant à la coordination avec les États-Unis et Israël, cela nous donne, en revanche, la sécurité absolue ! »

Presse

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de l’opposition, 6 janvier 2011)
Dans une interview accordée au quotidien 20 Minutes la ministre française des Affaire étrangères, Mme Michèle Alliot-Marie, a déclaré que le TSL « est le résultat d’une volonté internationale » et que « personne ne peut le supprimer ou l’empêcher de travailler ». Puis elle a ajouté —ce qui semble être un « tour de passe-passe » qui n’échappe plus à personne— que les accusations qui émaneront du tribunal seront dirigées contre des individus et non contre un parti ou une communauté déterminés. Elle a également déclaré que « le Hezbollah a des élus dans les institutions », et que « si des personnes sont mises en cause devant le TSL, elles le seront en tant que personnes et non comme représentantes d’un parti ou d’une communauté ».
Le « tour de passe-passe » d’Alliot-Marie est démasqué par l’article 3 du statut du TSL, qui détermine la « responsabilité pénale » et « les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés ». On y lit :
« Le supérieur hiérarchique est pénalement responsable de tout crime commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, faute d’avoir exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dès lors :
a) Qu’il savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément méconnu des informations qui l’indiquaient clairement ;
b) Que ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ;
c) Qu’il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites. »
Ce qui revient à dire que toute décision du procureur général qui accuse des « individus » du Hezbollah appellera une enquête auprès des leaders de ce parti. On peut même deviner que ces accusations seront dirigées contre le martyr Imad Moghnié, dans la mesure où il occupait, au moment du crime, le poste de président du Conseil jihadiste du Hezbollah. En effet, l’acheminement de plus d’une tonne d’explosifs et la préparation puis l’explosion de la voiture piégée, en plus des opérations de surveillance, de coordination et de planification, requièrent tous de grands efforts —des efforts qui auraient difficilement pu être déployés à l’insu du « supérieur hiérarchique »—. Ce sont donc « des activités relevant de la responsabilité et du contrôle effectif » de ce « supérieur hiérarchique » (alinéa b).

Al Akhbar (6 janvier 2011)
Omar Nachabé
Le Parlement du Canada demande des comptes au procureur général canadien dans son pays, mais qui demandera des comptes au procureur général du TSL s’il commet des erreurs ? Personne, même si des milliers de Libanais ont à payer le prix de ces erreurs. Tout procureur général canadien doit prendre en considération deux impératifs avant de faire paraître ses actes d’accusation : le premier impératif porte sur l’existence de preuves fiables, et le second sur une étude à mener pour savoir si les accusations judiciaires servent l’intérêt général. Mais il semblerait que Daniel Bellemare ait décidé de se retourner contre les principes de son pays relatifs au poste qu’il occupe, et qu’il a lui-même contribué à rédiger : il a en effet décidé d’aller de l’avant dans les préparatifs de la publication de l’acte d’accusation, au risque de voir éclater une discorde sanglante au Liban, et bien qu’une partie fondamentale des preuves qu’il adoptera très probablement ne soit pas fiable du tout —car il s’agit entre autres des informations obtenues à travers le réseau de télécommunications infiltré par Israël—.

Al Akhbar (6 janvier 2011)
Ibrahim al-Amine
Le projet de loi raciste proposé par le député Boutros Harb n’est pas la première tentative de traiter la question de la vente de bien-fonds entre Libanais de religion différentes et, en particulier, l’acquisition par des musulmans de terrains appartenant à des chrétiens. Le phénomène reflète le malaise des chrétiens qui optent pour l’émigration vers des pays étrangers ou la migration vers d’autres régions libanaises.
Samir Geagea et Walid Joumblatt ont déjà tenté de convaincre des émigrés libanais fortunés d’acheter des biens-fonds mis en vente par les chrétiens. Cependant, aucun des deux leaders n’a fait de démarche concrète pour que la vie au Mont-Liban retourne à la normale. Jamais ils n’ont œuvré à développer les contacts entre chrétiens et musulmans pour améliorer les conditions de vie dans ces régions. Ils se sont tournés vers les émigrés non pas pour les inciter à retourner au pays, mais pour leur demander de l’argent et les inviter éventuellement à venir voter en période électorale.
Boutros Harb a préféré ignorer toutes les propositions réalistes et envisageables pour maintenir les gens sur leur terre et présenter un projet de loi raciste, anticonstitutionnel et contraire à l’« identité nationale » supposée. Il s’est rendu chez le patriarche Sfeir pour expliquer sa démarche, mais sans parler du rôle attendu de l’Eglise pour lutter contre l’émigration continue des chrétiens. Il n’a pas dit au patriarche qu’il est grand temps que l’Eglise mène un projet social révolutionnaire en débloquant ses terrains répandus partout au Liban, pour construire des projets résidentiels ou utiliser les revenus de ces terrains pour financer des projets qui permettent de maintenir les jeunes chrétiens au Liban. Car ce sont de tels projets qui maintiennent les gens dans leur terre et non point les homélies qui pleurent sur des vestiges passés.

Al Akhbar (4 janvier 2011)
Nader Faouz
Le camp de la majorité redoute tout discours sur un remaniement ministériel. Et si jamais ses membres décident de se prononcer à cet égard, ils se livrent à un curieux exercice, comme s’ils étaient en train de briser un « tabou ». Ils évitent de discuter du changement, bien qu’il soit la seule certitude à l’heure actuelle : que l’initiative arabe aboutisse ou pas, le changement de gouvernement aura lieu. Au sein du 14 Mars, il y en a, jusqu’à présent, qui refusent même de parler de compromis en vue d’une sortie de crise, car « il est inexistant », mais aussi parce qu’il s’agit essentiellement d’assurer « les moyens de préserver la stabilité après la publication de l’acte d’accusation » du TSL. Cette partie du camp du 14 Mars essaie de prendre une bouffée d’oxygène politique afin de pouvoir nier l’existence même d’une initiative qui tire un trait sur les châteaux de sable bâtis tout au long des dernières années. (…) Les Chrétiens de la majorité redoutent un compromis qui se traduira, sur le plan libanais, par un accord entre les communautés chiite et sunnite. Ils craignent aussi, et surtout, des « représailles » syriennes qui les marginalisent à tous les niveaux, et plus particulièrement au sein du prochain Cabinet.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Abdel Karim Abou Nasr (5 janvier 2011)
Le Hezbollah procédera-t-il à un coup d’Etat armé pour prendre les rênes du pouvoir avec ses alliés, après la publication de l’acte d’accusation du tribunal international et en est-il capable ? C’est la question que se pose un éminent responsable européen.
Selon des sources diplomatiques, le Hezbollah fait preuve d’une logique et d’une mentalité putschistes, mais il n’est pas capable d’aller plus loin et de mener un coup d’Etat armé qui lui permette de prendre les commandes avec ses alliés et d’évincer les indépendantistes du pouvoir. Le Hezbollah donne l’impression de pouvoir « à tout moment » gouverner le Liban avec ses alliés par la force. Mais les sources diplomatiques assurent que les responsables américains, français et britanniques concernés par le dossier libanais, ont examiné la possibilité d’un coup d’Etat du Hezbollah et sont parvenus à la conclusion que le parti peut entreprendre différentes actions militaires, mais il ne pourra pas prendre le contrôle du pays et s’emparer du pouvoir avec ses alliés. L’obstacle le plus grand auquel se heurtera le Hezbollah n’est autre que les forces militaires légitimes au Liban. Les pays arabes et occidentaux possèdent des informations qui leur permettent d’assurer que l’armée et les forces légitimes feront face de manière ferme et responsable à toute action de ce genre.
Le deuxième obstacle découle du fait que le Hezbollah est une partie intégrante de l’axe syro-iranien. Ce qui veut dire que toute décision prise par ce parti pour mener un coup d’Etat sera en premier lieu une décision syro-iranienne, et les grandes puissances arabes et occidentales la considéreront comme telle. Par ailleurs, en cas de dégradation à grande échelle de la sécurité au Liban, il n’est pas exclu que ces puissances envisagent l’envoi d’une force arabo-internationale, sans la participation des Syriens, pour y soutenir l’Etat et ses institutions.
Le troisième obstacle implique Israël : le gouvernement de Benjamin Netanyahu verra dans tout coup d’Etat du Hezbollah une « occasion historique » pour lancer une guerre d’envergure contre le Liban.
Les sources précitées parlent d’un « groupe de travail » américain, regroupant le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Damas, Robert Ford, l’ambassadrice au Liban, Maura Connelly, et l’adjoint de la secrétaire d’Etat américaine, Jeffrey Feltman. Ces responsables suivront de près l’évolution de l’actualité libanaise et la position de la Syrie à cet égard.

As Safir (Quotidien libanais proche de l’opposition, 6 janvier 2011)
Daoud Rammal
Les rapports diplomatiques au sujet du sommet de lundi entre les présidents Nicolas Sarkozy et Barack Obama à la Maison-Blanche regorgent d’informations et de prévisions qui adoptent toutes une note optimiste, s’agissant en particulier des dossiers du Proche-Orient et du Liban. La coordination américano-française, selon ces rapports, « vise à assurer un retrait américain tactique et honorable de la région » en profitant notamment de « l’expérience de la France sous le mandat du président Sarkozy ». Autrement dit, « l’instituteur français apprendra au professeur états-unien comment organiser sa marche arrière et adopter des politiques plus réalistes ». « C’est la rencontre de deux personnes affaiblies : Sarkozy qui souffre de la régression du rôle de la France dans le monde ainsi que de plusieurs problèmes intérieurs et Obama qui accumule les déceptions au Proche-Orient, sans oublier sa défaite au Congrès », lit-on dans l’un de ces rapports.
La conclusion de ce rapport est la suivante : « Si le sommet de Normandie entre Bush et Chirac en 2004 a donné naissance à la politique de l’offensive, du blocus et des moyens musclés, le sommet Obama-Sarkozy sera le sommet du retrait honorable et marquera la chute de la théorie du chaos constructif », lourde de conséquences pour la région. Ce Sommet devrait également signer l’arrêt de mort du projet de Jeffrey Feltman au Liban —un projet qui a commencé à agoniser lorsque Robert Ford a été nommé à Damas—.

Al Hayat (Quotidien saoudien, 5 janvier 2011)
Randa Takieddine
L’administration états-unienne n’est pas satisfaite de la décision du président Nicolas Sarkozy de recevoir les représentants de l’opposition libanaise, comme le général Michel Aoun. Elle se démarque de son allié français en ce qui concerne le rapprochement avec la Syrie. Il est vrai que le président Obama a nommé un ambassadeur à Damas en contournant le Congrès. Mais son administration considère que Paris s’est empressé d’ouvrir sa porte toute grande à la Syrie et d’améliorer ses relations avec elle avant d’obtenir des assurances de la part de Damas au sujet de la stabilité du Liban et de l’engagement des alliés libanais de la Syrie à ne pas paralyser l’action du gouvernement. Paris estime de son côté qu’il n’existe pas de coordination avec l’administration états-unienne dans les dossiers du Liban et de la Syrie : l’approche française à cet égard diffère de celle américaine, même si les deux pays conviennent de la nécessité de maintenir en place le TSL, quelles que soient les pressions exercées par l’opposition libanaise…
Il va sans dire que les retombées du TSL sur la situation au Liban et l’influence de l’Iran sur le Hezbollah et le Hamas seront évoquées par les deux présidents dans le cadre des discussions portant sur le Proche-Orient. Paris, en effet, souhaite éviter au Liban un dérapage sécuritaire ou une aggravation de la crise lorsque paraîtra l’acte d’accusation du TSL, peut-être en février ou mars prochain. Les efforts français dans ce sens ont d’ailleurs commencé lorsque le président syrien Bachar al-Assad a été reçu à Paris. Mais il y a un autre protagoniste sur la scène libanaise, et il pourrait être très influent en matière d’obstruction. C’est l’Iran, dont le Guide a considéré que le TSL est nul et non avenu.

The Economist (Hebdomadaire britannique, 3 janvier 2011)
Plus la paix est fragile, plus le risque de guerre augmente. Si aucune correction n’était opérée, 2011 pourrait voir éclater la guerre la plus destructrice de ces dernières années.
Tout ceci découle de la volonté farouche de l’Iran de fabriquer l’arme nucléaire, et celle d’Israël de l’en empêcher à tout prix. Mais le programme nucléaire n’est qu’un des éléments ; l’autre étant la course effrénée à l’armement que se livrent Israël et le Hezbollah depuis la guerre de 2006. Les deux camps se préparent activement à un deuxième tour qu’ils veulent décisif. Une telle guerre ne ressemblerait à aucune autre. Le renforcement du Hezbollah constitue une extraordinaire bascule dans les rapports de force régionaux. Pour la première fois, un acteur non-étatique a le pouvoir de tuer des centaines de civils israéliens en appuyant sur un bouton. Si jamais cela devait arriver, Israël contre-attaquerait, et de manière éclatante. Il entraînerait facilement la Syrie, ou même l’Iran. Jusqu’à présent, la dissuasion maintient le statu quo. Mais un statu quo que maintient la seule dissuasion est fragile. Une simple petite provocation pourrait déclencher une conflagration.

Libération (Quotidien français, 3 janvier 2011)
La paix ou la guerre ? Le secrétaire général du Hezbollah tient entre ses mains le destin du Liban… et du Proche-Orient. Il ne fait aujourd’hui guère de doute que les mises en accusation que doit prononcer le TSL dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri viseront des membres du parti chiite. Hassan Nasrallah a promis que le Hezbollah « coupera la main » de qui tentera d’arrêter un de ses membres. Il a aussi écarté à l’avance la thèse de « brebis égarées » qui auraient comploté à l’insu du parti. Mettra-t-il ses menaces à exécution ? Tentera-t-il un coup de force, comme en mai 2008, pour prendre le contrôle du gouvernement, dirigé par Saad Hariri ? Et comment réagira la communauté sunnite ? Accusé d’avoir utilisé les armes du Hezbollah contre d’autres Libanais, Nasrallah pourrait être tenté de provoquer une nouvelle confrontation avec l’ennemi israélien. Il a déjà commencé à accuser le TSL d’être à la solde d’Israël et des Etats-Unis. Mais une nouvelle guerre avec l’Etat hébreu, avide de revanche après son échec de 2006, prendra cette fois-ci une dimension régionale. Jusqu’où ?

Foreign policy (Hebdomadaire états-unien du Groupe Washington Post)
Le plus alarmant, c’est que les actes d’accusation pourraient bien démêler le fragile accord interlibanais de Doha. Le Hezbollah pourrait en profiter pour renforcer son influence politique et militaire. Aucune de ces possibilités ne doit sembler farfelue. 2011 déterminera la façon par lequel le statu quo interne survivra à la tempête du TSL. En plus des problèmes internes, c’est la confrontation avec Israël qui pose le plus de risques. Mais ce n’est qu’à peine la moitié de l’histoire. Sous la surface, la tension monte sans soupape de sécurité évidente. Le régime de dissuasion a contribué à maintenir la paix, mais le processus de ces cinq dernières années se perpétue. Le renforcement mutuel des préparatifs militaires, l’arsenal de plus en plus en plus sophistiqué du Hezbollah et l’escalade des menaces israéliennes font tirer dans la direction opposée et pourraient déclencher le résultat que tous ont tenté d’éviter jusqu’à présent.

La tendance dans le monde arabe

La Palestine et le droit à l’auto-détermination

L’opération militaire lancée vendredi 7 janvier par les forces d’occupation israéliennes à Hébron (Voir ci-dessous) illustre la réalité de l’Autorité palestinienne et montre ce que recherchent les Israéliens à travers leur coopération avec le négociateur palestinien qui est sommé de jouer le rôle du collaborateur et de l’informateur au service du Mossad et des autres agences de renseignement israéliennes.
Cette opération constitue une dénonciation supplémentaire de la formule de coopération sécuritaire entre les occupants israéliens et l’Autorité palestinienne, formule sévèrement critiquée au sein même du mouvement Fateh. L’Autorité est plus occupée par ses querelles internes à caractère financier et ses luttes de pouvoir que par son devoir de protéger et récupérer les droits du peuple palestinien.
A travers cette opération, Israël applique sa vision de l’avenir et du rôle de l’Autorité palestinienne qu’il souhaite étendre à toutes les villes de Cisjordanie où la police palestinienne est autorisée à se déployer. Cette police doit jouer le rôle de service auxiliaire aux forces d’occupation israélienne et sa mission consiste à abattre les militants palestiniens, les empêcher d’agir, et à réprimer tout mouvement contre l’occupant.
Dans la vision d’Israël, la Palestine est une entité sans souveraineté, sans pouvoir politique, financier et économique, dont la seule mission consiste à exécuter les instructions de la direction militaire et sécuritaire de l’Etat hébreu.
Israël bloque la réconciliation entre l’Autorité palestinienne et le Hamas pour faire perdurer la séparation entre la Cisjordanie et Gaza et pour empêcher le retour des cadres de la Résistance palestinienne en Cisjordanie. La Jordanie et l’Egypte sont mis à contribution dans ce plan et l’Etat hébreu définit les mouvements de la police palestinienne dont les prérogatives se limitent presque à l’organisation du trafic automobile.
Avec naïveté, certains responsables palestiniens osent prétendre que ce qui se passe en Cisjordanie est la constitution du noyau du futur Etat palestinien, alors qu’ils savent que les forces d’occupation leur fixent même la quantité d’oxygène qu’ils sont autorisés à respirer sur leur propre terre.
Le plus révoltant est que les Etats-Unis et l’Europe adoptent ce modèle voulu par Israël, qui est en contradiction avec les principes élémentaires de l’auto-détermination des peuples et est de loin en deçà de ce qu’ils exigent pour le Sud-Soudan.
Si un référendum était organisé dans les territoires occupés en 1948, en 1967 et au sein de la diaspora palestinienne, Mahmoud Abbas ou toute autre individu dans le monde douterait-il une seconde du résultat de cette consultation ?

Evénements

Cisjordanie
Un commando de l’armée israélienne a exécuté un homme âgé de 66 ans dans la ville d’Hébron en Cisjordanie, alors qu’il dormait dans sa maison, et a procédé à l’arrestation de plusieurs membres du Hamas, qui avaient été libérés deux jours plus tôt par l’Autorité palestinienne, suite aux pressions exercées par les forces nationales palestiniennes et à une médiation menée par le Qatar. Les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté, ces dernières années, des centaines de membres de la Résistance. Les détenus du Hamas dans la prison de Jéricho avaient observé une grève de la faim pendant un mois environ, ce qui a mobilisé les Palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et même des territoires occupés en 1948, contre les arrestations politiques menées par l’Autorité palestinienne. Même cheikh Raëd Salah, chef du mouvement islamiste dans les territoires de 1948, a intercédé auprès de l’Autorité de Mahmoud Abbas afin qu’elle libère les prisonniers. Mercredi 5 janvier, plusieurs prisonniers palestiniens avaient été libérés, tous membres du Hamas. A l’aube, un commando israélien, soutenu par des centaines de soldats et de policiers, a investi Hébron, exécutant Omar Salim Qawasmi et arrêtant Waël Bitar, Majdi Obeid, Ahmad Awawi, Muhannad Niroukh, Wissam Qawasmi et Mohammad Soukiyé.
Le Hamas a appelé à une mobilisation populaire contre « ce qui s’appelle la coopération sécuritaire entre l’Autorité de Ramallah et les forces d’occupation, qui n’est ni plus ni moins qu’une collaboration. »

Jérusalem
Des engins de terrassement ont démoli dimanche 6 janvier un hôtel de Jérusalem-Est qui doit être remplacé par de nouveaux logements pour des Israéliens dans le cadre d’un programme ayant suscité la colère des Palestiniens. L’hôtel Shepherd, acquis en 1985 par un millionnaire juif états-unien et vide depuis des années, doit laisser place à 20 logements pour des Israéliens dans le quartier palestinien de Cheikh Jarrah, fréquent théâtre de manifestations palestiniennes contre la politique israélienne.
Les négociations de paix israélo-palestiniennes achoppent actuellement sur la construction israélienne à Jérusalem-Est, que les Palestiniens. Le négociateur en chef des Palestiniens a condamné le projet. « Tant que ce gouvernement continuera avec les colonies et des actes comme la démolition de l’hôtel Shepherd, il n’y aura pas de négociations », a-t-il dit

Iran
L’Union européenne va décliner l’invitation de l’Iran à venir visiter ses sites nucléaires, a déclaré vendredi Catherine Ashton, la représentante diplomatique de l’UE.
« Oui, je dirai qu’il appartient à l’AIEA d’effectuer les inspections des sites nucléaires et j’espère que l’Iran garantira que l’AIEA soit en mesure de s’y rendre et de poursuivre son travail », a dit Catherine Ashton à Reuters. « Mon opinion est que même si cette invitation ne m’inspire aucune opinion négative, ce n’est pas notre rôle et l’observation des sites et de leur utilisation revient aux inspecteurs », a-t-elle ajouté.
L’Iran a invité plusieurs ambassadeurs accrédités auprès de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) à se rendre ce mois-ci sur certains de ses sites nucléaires, avant des discussions prévues en Turquie avec le groupe P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne) sur son programme nucléaire.

Soudan
Quatre millions d’habitants du Sud-Soudan, majoritairement des chrétiens ou animistes, votaient dimanche, pour la partition avec le Nord du pays, principalement musulman.
L’issue de la consultation, prévue par des accords de paix qui ont mis fin en 2005 à un demi-siècle de guerre civile, ne fait pratiquement aucun doute et le président islamiste Omar Hassan al Bachir a semblé se résigner à cette sécession mardi lors d’une visite à Djouba, la future capitale du Sud. Mais des questions cruciales irrésolues ont été différées au lendemain du vote, qui ont trait à la citoyenneté, au partage des revenus du pétrole, dont le Sud possède 70 % des gisements, au tracé exact de la frontière et au sort de la zone litigieuse d’Abyeï, dont les deux parties se disputent la souveraineté et où un référendum séparé est prévu.
Dans le Nord, la partition est accueillie avec un mélange de résignation et de ressentiment.
Même le nom du futur 54e membre de l’Union africaine (UA) et 193e pays du monde, dont le statut est revendiqué par les indépendantistes, n’est pas une affaire réglée. Parmi les appellations envisagées : Nouveau Soudan, Equatorie, Djouwama et République du Nil

Source
New Orient News