La tendance générale

Une révolution nationale, sociale et démocratique

A l’instar des grandes révolutions de l’histoire, la révolution égyptienne a eu des conséquences intellectuelles et politiques qui n’en sont qu’à leur début dans les pays arabes, et qui domineront les débats dans la période à venir.

 1. Un grand nombre de journalistes, d’analystes, de chercheurs et d’intellectuels ont été surpris par les événements en Egypte. Pendant des décennies, ces individus ont répandu la culture de la déception et du mépris des peuples arabes, qu’ils ont dépeint comme étant incapables d’initier le moindre changement. Aujourd’hui, cette élite, qui a promu les politiques impérialistes depuis les accords de Camp David, invitant les populations à accepter le sort décidé par les Etats-Unis sous mille et un prétextes, et tourné en dérision les forces qui ont choisi de résister, semble assommée.

Cette élite faisait partie d’une grande armée de mercenaires recrutés par les services de renseignement états-uniens et occidentaux et par les gouvernements arabes alliés de Washington, qui ont mis à leur disposition d’immenses moyens matériels et des empires médiatiques. Aux tous premiers jours, cette élite a eu une attitude méprisante à l’égard de la révolution égyptienne et elle s’apprête à poursuivre son sale travail destiné à ternir son image rayonnante après des peuples arabes.

La révolution égyptienne victorieuse impose à tous les hommes libres dans le monde arabe le devoir de demander des comptes aux mercenaires de la période noire, ces chargés de communication au service des armées d’invasion américaines qui ont déferlé sur le Moyen-Orient pour défendre les intérêts d’Israël.

 2. Certains militants, remplis de joie par la victoire de la révolution égyptienne, qui a remonté leur moral et fait miroiter une précieuse opportunité de modifier l’équilibre des forces régional dans un sens défavorable aux intérêts israélo-américains, multiplient les leçons et les mises en gardes contre les dangers qui guettent la révolution. Ce type de comportement est une grave erreur. La meilleure attitude que l’on puisse adopter en ce moment est celle du peuple égyptien célébrant sa victoire après la chute de Hosni Moubarak. Il est préférable d’attendre avant d’émettre des jugements de valeur car le processus révolutionnaire est susceptible de dégager la volonté du peuple égyptien et le système politique qu’il souhaite et qui n’a pas encore vu le jour. L’éveil dont a fait preuve la jeunesse égyptienne laisse croire que de nombreuses formules transitoires vont se succéder dans les mois à venir avant que la formule définitive, répondant aux aspirations du peuple, ne se mette en place.

 3. Dans les débats et commentaires qui ont accompagné la révolution, deux idées ont fait leur chemin. Et dans le sillage de cette effervescence, des tentatives sournoises et suspectes sont apparues dans le but de dénaturer la révolution et nier son authenticité.

Certains ont tenté d’atténuer le poids du facteur national dans la révolution, mettant uniquement l’accent sur le refus de la tyrannie du régime de Moubarak ou sur la dimension sociale et économique de la révolte. Mais un examen détaillé des slogans et des revendications montre que le peuple est parfaitement conscient du lien de causalité entre la force de l’ancien régime d’une part et son ancrage à l’alliance américano-israélienne pendant trois décennies d’autre part. Ce peuple est également conscient que la vente du secteur privé par le régime, pour des sommes dérisoires, et le fait d’avoir livré les richesses et les ressources du pays à une minorité corrompue, provoquant l’écrasement de la classe moyenne, n’est que le résultat de l’alignement sur les forces impérialistes et sur les formules du Fonds monétaire internationale et de la Banque mondiale. Aussi, les dimensions politique et sociale de la révolution sont étroitement liées à la dimension nationale, qui s’est clairement illustrée dans les slogans à la gloire de Gaza, de la Palestine, de la Syrie et du Liban, juste après la victoire de la révolution. Beaucoup de jeunes ont dénoncé le fait que l’ancien régime avait réduit à néant le rôle régional de l’Egypte et n’ont pas caché leur volonté de voir leur pays jouer à nouveau un rôle central en tant que principale force arabe.

La tendance au Liban

Les orphelins d’Omar Sleiman au Liban

Avec la chute du régime de Hosni Moubarak, une large opération d’ingérence sur la scène libanaise prend fin. Cette intervention était initiée par l’éphémère vice-président et ancien chef des services de renseignement, Omar Sleiman, qui travaillait en étroite collaboration avec les services israéliens et jordaniens pour saboter le Liban et comploter contre la Résistance.

Omar Sleiman laisse au Liban de nombreux orphelins. Présents dans toutes les sphères de la coalition du 14-Mars, ceux-ci menaçaient, il y a quelques semaines à peine, de dépêcher des forces égyptiennes au Liban au cas où le Hezbollah bougeait dans la rue pour contrer l’agression menée par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Les Etats-Unis avaient confié à l’Egypte de Moubarak le parrainage du 14-Mars, l’entrainement et l’armement de ses milices, pour compenser le repli de l’Arabie saoudite et la décision de son roi Abdallah de se positionner au centre depuis la guerre de Gaza, en 2008-2009.

Parmi les orphelins libanais de Hosni Moubarak et Omar Sleiman, on nomme Amine Gemayel, Samir Geagea et Saad Hariri, et d’autres encore qui se sont souvent rendus au Caire pour saboter le rapprochement syro-saoudien, recevoir des lettres israéliennes indirectes et fomenter des complots servant les projets israélo-américains.

Un des enseignements que l’on peut tirer de la révolution égyptienne, est que les Etats-Unis n’hésitent pas à piétiner leurs alliés et à les abandonner sans état d’âme lors de leur chute ou de leurs défaites. Ils font subir à leurs amis le même sort que celui qu’Israël a réservé à sa milice auxiliaire de l’Armée du Liban Sud (ALS) lors de son retrait de l’an 2000, en raison des coups que lui a asséné la Résistance libanaise. Comme le chef de l’ALS, Antoine Lahad, abandonné par Israël, Washington a laissé Hosni Moubarak et Omar Sleiman seuls au milieu de la tempête qui a renversé leur régime.

Le soir de la victoire de la révolution égyptienne, beaucoup de Libanais se sont demandés si les orphelins d’Omar Sleiman tireraient les enseignements et cesseraient de mettre en œuvre les instructions états-uniennes visant à détruire leur pays. Ils se sont interrogés sur le fait de savoir si ces orphelins se décideraient enfin à réviser leur choix politiques et à prendre une voie réellement nationale et souveraine.

Les orphelins de Sleiman sont certainement sous le choc. Ils doivent attendre des messages d’assurance saoudiens et chercher un nouveau parrain. Dans le contexte actuel, ils ne leur reste plus que la Jordanie, où les responsables états-uniens se sont succédés pour s’enquérir de la situation et remonter le moral du roi Abdallah II, effrayé par la chute, en l’espace d’un mois, de deux des plus proches alliés des Etats-Unis, Zine al-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. Et effrayé, surtout, par les cris des manifestants parfaitement audibles à l’extérieur des murs de son palais.

Déclarations et prises de positions

Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
« Nous sommes face à une révolution populaire égyptienne et patriotique véritable, à laquelle participent chrétiens et musulmans, ainsi que des courants islamiques et laïcs, des femmes et des enfants. Il est de notre devoir de nous solidariser avec cette révolution. Les États-Unis essaient de contenir la révolution et d’améliorer la sale image qu’ils ont au Moyen-Orient et dans le monde islamique après avoir passé des années à soutenir les pires dictatures que notre région ait jamais vues. Mais soyez sûrs que les régimes alliés des États-Unis et Israël ne peuvent se maintenir longtemps contre la volonté du peuple. Que Dieu m’en soit témoin, je désire être parmi vous, pour donner mon sang et mon âme, comme tout jeune Égyptien le ferait, à cette noble cause. De loin, depuis Beyrouth, tout ce que nous pouvons vous dire est que nous aimerions être avec vous place Tahrir, au Caire, à Alexandrie, dans la ville de Suez et ailleurs. Vos actes changeront la région. Sur les places aujourd’hui, avec votre foi et votre volonté, vous pouvez changer la face du monde. Aujourd’hui, au nom du Hezbollah et de tous les mouvements de résistance au Liban, nous nous plaçons au service de l’Égypte et de sa population et ses jeunes. La majorité écrasante des peuples arabes et islamiques est hostile à la politique états-unienne et la rejette car cette politique américaine est fondée sur l’appui à Israël. »

Walid Joumblatt, leader druze
« Personne n’a la compétence de donner des leçons et de faire des sermons au peuple militant égyptien qui essaie de recouvrer la liberté à laquelle il aspire et qui réclame ses droits légitimes, tels que la liberté d’opinion et d’information, ainsi que la liberté de manifester, la démocratie, une vie digne, la justice sociale et l’alternance pacifique du pouvoir. Une panique s’est emparée de nombreuses capitales occidentales à la seule idée de pouvoir perdre un ami et un allié fondamental qui a assumé, dans l’Orient arabe, des rôles importants au niveau de la répression des libertés, de l’incarcération et de la torture de milliers de prisonniers d’opinion, de la protection d’Israël et du pillage des ressources de son pays, dont les chiffres commencent à apparaître. L’ange de fer (allusion à Angela Merkel, Ndlr.) veut donner des leçons sur le transfert progressif vers la démocratie. La Grande-Bretagne, l’ancien nouveau colonialiste du monde arabe, notamment son secrétaire au Foreign office, multiplie les sermons au sujet de l’édification de la démocratie. Il aurait mieux fait de s’occuper des affaires internes de son pays qui échoue lamentablement à gérer sa diversité culturelle à l’heure où tous les pays en voie de développement, dont l’Inde, y réussissent. Les Français sont toujours sous le choc de la perte de leur fidèle ami Zine el-Abidine Ben Ali. Seul le Premier ministre italien n’a pas pris la peine de rechercher des phrases floues pour dissimuler ses positions, puisqu’il a sans ambages proclamé son appui à Moubarak. En Egypte, toute la classe gouvernante doit être arrêtée et jetée en prison avant de pouvoir faire fuir son argent vers l’étranger. »

François Fillon, Premier ministre français
Extraits d’une interview accordée au Hayat
« Nous avons pleinement appuyé l’action du gouvernement d’union nationale que présidait Saad Hariri, et qui a été formé après des élections démocratiques. Nous avons pris acte de la désignation d’un nouveau chef du gouvernement libanais. Nous appelons le gouvernement, comme nous l’avons fait à la clôture des travaux du Conseil Affaires générales de l’Union européenne le 31 janvier dernier, à respecter les engagements et les obligations internationaux du Liban, notamment en ce qui concerne le tribunal, qui est une instance judiciaire indépendante, créée conformément à la résolution 1757 du Conseil de sécurité, et qui respecte les plus hautes normes judiciaires. Il faut que le tribunal puisse poursuivre son travail sans entrave, en coopération avec le gouvernement libanais. Il est important par ailleurs que le gouvernement respecte les acquis politiques des dernières années, s’agissant en particulier de l’indépendance et de la souveraineté du Liban. Nous exprimons clairement ces principes, ainsi que nos aspirations, à la Syrie dans le cadre du dialogue franc que nous avons avec elle. »

Maura Connelly, ambassadrice des Etats-Unis à Beyrouth
Communiqué de l’ambassade US après une visite chez Samir Geagea
« L’ambassadrice Connelly a réaffirmé que les États-Unis considèrent la formation d’un nouveau gouvernement libanais comme un processus exclusivement libanais, qui doit rester libre de toute ingérence extérieure. Mme Connelly a souligné que les États-Unis devront se pencher sur la composition du nouveau gouvernement, sa déclaration ministérielle et son comportement avant de prendre toute décision relative aux relations bilatérales. La communauté internationale a clairement exprimé son espoir que le prochain gouvernement du Liban respecte ses obligations internationales, notamment la pleine application de toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur le Liban, ainsi que l’engagement du Liban relatif au Tribunal spécial pour le Liban. Tout gouvernement qui prétend être vraiment représentatif de l’ensemble du Liban comprendra qu’il serait impossible de renoncer aux efforts du tribunal pour mettre fin à l’ère de l’impunité pour les assassinats dans le pays. »

Cheikh Malek Chaar, mufti sunnite du Liban-Nord
« Je me tiens à égale distance de toutes les parties politiques et tous les ulémas sunnites ne sont pas contre le Premier ministre désigné Najib Mikati. Je mène depuis la désignation de Najib Mikati des tentatives pour rapprocher les points de vue entre lui et le Premier ministre sortant Saad Hariri pour les réconcilier. Mon but est toujours la solidarité et l’unité des musulmans dans cette phase difficile qui nécessite le rejet de tous nos désaccords. Mes positions de soutien à la Résistance contre l’ennemi sioniste sont des constantes. »

Samir Geagea, chef chrétien, allié de Saad Hariri
« Les forces du 14 Mars ne laisseront pas la nouvelle majorité prendre le contrôle du pays et y semer la désolation, comme ce fut le cas dans le passé. Nous allons organiser nos rangs et nous préparer pour la prochaine phase qui pourrait durer quelques mois ou un peu plus. La nouvelle majorité n’est pas fixe et balance d’un côté comme de l’autre. Mais nous allons lutter pour l’empêcher d’édicter des lois susceptibles de changer la face du pays. En dépit de nos réserves quant à la manière avec laquelle M. Mikati est arrivé, nous attendons toujours des réponses aux questions que nous lui avions posées. Mais ce qui est certain, c’est qu’un gouvernement monochrome équivaudrait à un suicide politique pour M. Mikati. Il en est de même pour le président de la République qui, par attachement à son centrisme, ne saurait avaliser un tel gouvernement. Notre ouverture sur le Premier ministre désigné avait justement pour but de ne pas le pousser à perdre sa position centriste. La partie adverse a pu, par la pression et la terreur, nous ramener une case en arrière. Cependant, nous sommes sans nul doute capables, et en peu de temps, de faire face à leur projet et de reprendre notre avance, car je suis convaincu que l’histoire ne revient pas en arrière. »

Presse

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité-08 février 2011)
Nicolas Nassif
La Syrie souhaite que ce gouvernement voie le jour au plus vite. En même temps, elle souhaiterait que toutes les facilités soient accordées à Najib Mikati pour qu’il conforte sa position en tant que Premier ministre mais aussi en tant que leader sunnite. Elle voudrait également qu’on tienne compte des revendications du général Michel Aoun concernant les sièges et les portefeuilles ministériels. Mikati assure que la Syrie n’intervient ni directement ni indirectement dans la formation du gouvernement. Il affirme par ailleurs que les Syriens ne lui demandent rien parce qu’ils connaissent déjà sa position au sujet de la préservation de la résistance, et des relations privilégiées entre le Liban et la Syrie.
Le Premier ministre désigné cherche à balayer tous les prétextes qui pourraient entraver la formation du gouvernement. Il insiste même sur la participation des forces du 14-Mars, tout en sachant d’avance qu’elles s’en abstiendront. Il n’en reste pas moins qu’il n’est pas pressé de former un Cabinet qui exclut l’un des acteurs-clé sur la scène intérieure. Il considère que le temps qui passe joue en sa faveur : il a notamment permis d’apaiser la tension communautaire qui a accompagné la nomination de Mikati.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Abdel Karim abou Nasr (11 février 2011)
Le Premier ministre désigné Najib Mikati est mu par une double conviction : tout d’abord, il pourra, après la mise en place de son gouvernement, contribuer à la relance de l’entente saoudo-syrienne ; ensuite, il pourra compter sur une relation de confiance et d’amitié avec le président syrien Bachar el-Assad.
Les sources diplomatiques européennes à Paris qui rapportent cette analyse font remarquer que Mikati a fait des déclarations publiques qui prennent ouvertement le contrepied des positions du Hezbollah et de ses alliés. Elles rappellent notamment son discours sur le TSL et la nécessité d’un consensus libanais et d’une couverture arabe à ce propos. « C’est moi le chef du gouvernement et c’est moi qui décide », a-t-il même déclaré au New York Times.
Selon ces mêmes sources, M. Mikati souhaite ainsi rassurer Saad Hariri et les acteurs arabes et internationaux quant au fait qu’il n’a pas accédé à la présidence du Conseil des ministres pour défendre les intérêts du Hezbollah et de ses alliés, mais bien pour préserver les intérêts et les droits de l’ensemble des Libanais.
S’agissant de l’Arabie saoudite, des sources européennes, arabes et américaines concernées par le dossier libanais assurent que l’Arabie saoudite n’acceptera de relancer sa coopération avec la Syrie pour régler les problèmes en suspens au Liban que si le régime de Bachar el-Assad lâche du lest et cesse d’être attaché à une solution partielle ayant pour but de faire obstruction au TSL. Il faut donc que le régime syrien accepte de coopérer sérieusement et clairement avec la direction saoudienne pour aider toutes les parties libanaises à trouver une solution globale et équilibrée aux problèmes en suspens.

An Nahar (09 février 2011)
Sarkis Naoum
Le Hezbollah n’a pas réagi publiquement à la prise de position officielle de Najib Mikati au sujet du TSL. Il n’a pas commenté non plus ses tentatives assidues d’aplanir les obstacles à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Mais ceci ne veut pas dire pour autant que le Hezbollah a donné blanc-seing à Mikati pour former le gouvernement, établir son agenda et définir ses priorités, ou déterminer la manière de régler le dossier du TSL. Des sources informées rapportent même que la première réunion entre Mikati et les représentants du Hezbollah n’était pas du tout bonne ou réussie : le Hezbollah a voulu obtenir de la part de Mikati un engagement clair et net selon lequel le Conseil des ministres prendra les décisions qu’il faut concernant le financement du tribunal, les juges libanais et le lien entre le Liban et le TSL. Mais le Premier ministre désigné a répondu qu’il ne pouvait pas entreprendre de telles démarches et a réitéré sa position au sujet du tribunal. D’autres contacts ont suivi entre les deux parties, qui sont rentrées dans les détails du dossier. Le Hezbollah s’est dit disposé à faciliter la tâche à Mikati en lui laissant un peu de temps afin que son gouvernement prenne les décisions souhaitées au sujet du TSL, mais Mikati n’a pas voulu s’engager en faveur d’une date ou d’un délai quelconque. L’accélération de la mise en place du gouvernement est-elle due à une conviction chez le Hezbollah selon laquelle la poursuite des négociations et des manœuvres pourrait mener à une impasse aussi bien Najib Mikati que le camp qui l’a porté au pouvoir ? D’autant plus que certaines informations annoncent la publication imminente de l’acte d’accusation.

L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (09 février 2011)
Mission accomplie pour le président de la Chambre Nabih Berry à Doha. Non seulement il a réussi à faire adopter dans le communiqué final de la 17e réunion de l’Union des Parlements arabes une résolution sur la solidarité totale avec le peuple égyptien, mais il a aussi couronné sa visite à Qatar par une rencontre de plus de 40 minutes avec l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani. Le communiqué final condamne les interventions étrangères dans les affaires arabes. Concernant le Liban, la résolution est très claire : appui à l’unité, à la coexistence et à un gouvernement de sauvetage qui favorise le dialogue, appui aussi au Liban dans sa volonté d’exploiter ses ressources naturelles en gaz et pétrole, et enfin appui au Liban dans sa résistance. Le président de la Chambre a évoqué son entretien avec l’émir du Qatar, révélant la volonté de cheikh Hamad ben Khalifa d’investir dans des projets économiques d’intérêt public au Liban. Selon Berry, l’émir du Qatar a souhaité la formation du gouvernement de sauvetage au plus vite. L’émir a estimé qu’il existe actuellement une chance réelle pour les Libanais d’assurer leur stabilité et de se pencher sur le développement de leur pays. Berry a aussi révélé avoir évoqué l’accord de Doha avec l’émir et lui avoir expliqué que c’est le camp du 14-Mars qui ne l’a pas respecté, puisque cet accord stipule qu’aucune partie ne bloquera le Conseil des ministres et ne démissionnera du gouvernement. Or, selon lui, c’est le blocage du 14-Mars et son refus de procéder à un vote au sujet des dossiers épineux qui ont poussé l’autre camp à la démission.

Al Hayat (Quotidien saoudien-10 février 2011)
Paris, Randa Takieddine
Selon des sources françaises de haut niveau, le frère aîné du Premier ministre désigné Najib Mikati, Taha Mikati, et son fils Azmi, se sont rendus à Paris après la désignation de Mikati au poste de Premier ministre, et y ont rencontré des responsables français et états-uniens, dont Jeffrey Feltman. C’était pour les rassurer quant au fait que le Premier ministre désigné avait besoin de leur appui, et leur dire qu’il n’était pas lié par les conditions du Hezbollah et n’était pas venu les mettre en œuvre. La réponse des Français et des Etats-uniens fut la suivante : toute rupture du lien entre le Liban et le TSL amènera la France et les Etats-Unis à y réagir par une position intransigeante.
Au cas où le gouvernement de Mikati commencerait à retirer les magistrats libanais, à suspendre le financement du TSL et à arrêter toute coopération avec ce tribunal, sans que ces démarches ne figurent dans la déclaration ministérielle, les pays membres du Conseil de sécurité saisiront de nouveau le Conseil pour faire paraître une nouvelle résolution, parce que la résolution relative au TSL est inscrite sous le Chapitre VII, même si le Liban est membre du Conseil, ajoute-t-on de mêmes sources. Qui s’attendent à ce que l’acte d’accusation du TSL paraisse dans une dizaine de jours.

Al Hayat (Quotidien saoudien, 08 février 2011)
Daoud al-Charyan
Ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte pourrait-il se reproduire au Liban ? Non. Le Liban n’a rien à voir avec ce qui se passe dans la région. De nombreux pays arabes connaîtront des événements similaires, mais pas le Liban. Car il lui manque la base qui pousse le peuple à descendre dans la rue : l’existence de l’Etat. Cela fait des années que le peuple libanais descend dans la rue pour consacrer l’absence de l’Etat, qui se retrouve réduit à l’appartenance communautaire et sectaire. Les événements en Tunisie et en Egypte ont mis à nu l’ampleur de la crise à laquelle les Libanais sont confrontés. L’absence du concept d’Etat n’est pas l’apanage du Liban. Les pays arabes ont pour la plupart réduit l’Etat à la personne du dirigeant, au parti au pouvoir et à ses slogans, et en ont fait une propriété privée. Ce qui a poussé le peuple à descendre dans la rue en Tunisie et en Egypte pour protéger l’Etat et l’arracher à l’emprise de la falsification et de la propriété privée. Au Liban, c’est différent. La propriété est désormais celle des communautés religieuses. Et les soubresauts de la population de temps à autre n’ont pas pour but de défendre l’Etat, même si les slogans brandis portent à le croire. Au Liban, le citoyen a substitué à l’Etat l’appartenance communautaire et sectaire.

As Safir (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité-11 février 2011)
Najib Mikati, qui a approuvé le « document des constantes » de Dar el-Fatwa, a clairement accepté de faire quelques concessions, s’agissant en particulier des circonstances de sa désignation au poste de Premier ministre, en contrepartie d’une vaste couverture sunnite qu’il a obtenue. Il se retrouve à présent face à un défi : dans quelle mesure sera-t-il capable de concilier son engagement vis-à-vis de ce document avec la formation d’un gouvernement dont la plupart des membres seront probablement de la nouvelle majorité ?
Des sources ayant participé à cette réunion élargie ont indiqué que le Premier ministre désigné a réussi à atténuer la première mouture, dont le ton était très sévère. Et s’il s’est montré flexible, c’est en effet pour décrisper l’atmosphère sur le plan sunnite ainsi que dans l’ensemble du pays. D’où la bénédiction que lui a donnée l’audience en fin de compte. Selon des sources parlementaires du bloc du Courant du futur, le document final assure une « certaine couverture à Mikati dans la mesure où cette rencontre ne l’a pas ostracisé, et lui a en réalité donné une chance en quelque sorte ».

Al Watan (Quotidien syrien, 10 février 2011)
« Il faut mettre en garde contre un retour de Washington à la politique qui avait prévalu entre 2005 et 2009, une période noire marquée par des attentats contre des personnalités du 14-Mars. L’expression fin de l’impunité a été inventée par les néoconservateurs américains durant cette période, et il existe un agenda politique pour anéantir la Résistance par le biais du Conseil de sécurité et des dérives des travaux du Tribunal spécial pour le Liban. Un haut responsable estime que ces ingérences suspectes dans les négociations qui précèdent la formation du nouveau cabinet constituent une atteinte flagrante à la souveraineté libanaise et visent à avoir des retombées négatives sur les efforts déployés pour sa formation. »

La tendance dans le monde arabe

Contagion révolutionnaire et particularisme syrien

Dans le sillage de la révolution égyptienne et des discussions sur la contagion, les analystes et les chercheurs ont avancé une série de pays qui pourraient connaître des explosions populaires qui conduiraient à des changements politiques dans la nature des régimes. Après la chute du régime de Moubarak, le Yémen, la Jordanie et Bahreïn ont été le théâtre d’importantes manifestations et d’appels à la révolte, sur les modèles tunisien et égyptien. En revanche, une tentative, initiée par des groupes de Syriens installés pour la plupart à l’étranger et agissant sur Facebook à partir du Liban, d’Israël, des Etats-Unis, d’Australie et du Nord de l’Irak, a échoué à mobiliser le peuple syrien. Il s’agit de groupes infiltrés par des services de renseignement et qui ont collaboré, ces dernières années, avec le 14-Mars, plus particulièrement avec les Forces libanaises et le Courant du Futur.

Ceux qui misent sur la reproduction des scénarios tunisien et égyptien en Syrie risquent d’attendre longtemps pour les raisons suivantes :

 1. La nature des révolutions tunisienne et égyptienne montre une prise de conscience nationale motivée par le refus de la tyrannie et de la répression pratiquée par des régimes-collaborateurs au service de l’hégémonie impérialistes dans la région. Les circonstances objectives issues des défaites successives de l’alliance américano-israélienne ont contribué à créer le climat révolutionnaire propice à l’éclatement de ces intifada. La contagion menace les pays où tous ces facteurs sont réunis et il s’agit, plus précisément, des Etats que l’ancienne secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a appelés « modérés » et que les Etats-Unis ont trainé derrière eux depuis l’invasion de l’Irak et des guerres de 2006 au Liban et de 2008-2009 à Gaza.

 2. Le fait que les appels à la révolte en Syrie n’aient pas trouvé d’échos favorables est tout à fait normal. Le peuple syrien, connu pour son sentiment national et pour son patriotisme aigu, vit un moment révolutionnaire depuis que le pays est la cible des Etats-Unis après l’invasion de l’Irak. Le président Bachar al-Assad a brillamment réussi à conduire une confrontation difficile au terme de laquelle il a brisé l’élan israélo-américain et fait échec aux plans des néoconservateurs, en prenant résolument le choix de la résistance. Le peuple syrien, toutes catégories confondues, s’est rangé derrière lui dans cette confrontation.

Le rassemblement du peuple syrien autour de son président, qui a transformé son pays en Etat-pivot au Moyen-Orient soutenant les mouvements de résistance, ne signifie pas que ce même peuple n’aspire pas à des changements et à des réformes. En commentant la révolution égyptienne, le président Assad a d’ailleurs promis de réaliser les aspirations de son peuple, soulignant que le changement intervient là où le pouvoir reflète réellement l’identité du peuple et sa volonté nationale.

 3. Ces vingt dernières années, la Syrie a refusé les formules états-uniennes et occidentales comportant des listes de privatisations et de liquidations du secteur privé et la suppression des prestations sociales. Dans ce contexte, la situation socio-économique en Syrie est complètement différente des pays où les classes moyennes et pauvres ont été pratiquement anéanties. En Syrie, la classe moyenne occupe une place centrale dans la société et les classes les plus démunies reçoivent un soutien multiforme de la part de l’Etat. Malgré l’inflation et la hausse des prix dont se plaignent beaucoup de Syriens, l’éducation et la santé restent gratuits et les secteurs publics productifs fonctionnent bien que des réformes soient nécessaires pour les moderniser.

 4. Bachar al-Assad est un dirigeant jeune, jouissant de grandes capacités intellectuelles et stratégiques. Il constitue un symbole de la dignité et de la résistance dans le monde arabe. Il est appelé à devenir un des principaux hommes d’Etat arabes dans la période à venir, avec le changement du climat national grâce à la victoire des révolutions tunisienne et égyptienne.

 5. La majorité des Syriens connait parfaitement ces groupes qui ont tenté de les mobiliser et de reproduire les modèles tunisien et égyptien. Les dissidents syriens installés à l’étranger et qui agissent sous l’étiquette de l’opposition sont des individus corrompus, manipulés et achetés par des services de renseignements américains, occidentaux et israéliens. Ils n’ont aucune légitimité ou crédibilité populaire. Leur message ne passe pas auprès d’un peuple qui a choisi, ces sept dernières années, de s’unir autour de son président pour éviter à la Syrie le même sort que l’Irak.

Evénement

Egypte

Alors que des milliers de personnes sont toujours rassemblées place el-Tahrir dans le centre du Caire, le Conseil suprême des forces armées, au pouvoir en Egypte, a annoncé dimanche la suspension de la Constitution et la dissolution du Parlement. Les militaires, auxquels Hosni Moubarak a confié les rênes du pays en démissionnant vendredi, précisent qu’ils resteront au pouvoir pour une durée de six mois ou jusqu’aux prochaines élections législatives. Dans un communiqué lu à la télévision publique, ils annoncent également la formation d’une commission chargée d’amender la Constitution et dont les conclusions seront soumises à référendum. Entretemps, des milliers de personnes étaient revenues sur la place Tahrir où l’armée a tenté de disperser des manifestants qui se sont engagés à occuper le rond-point, épicentre de la révolution, jusqu’à ce que l’armée tienne ses promesses. « L’armée et le peuple sont unis », « Révolution, révolution jusqu’à la victoire », ont-ils scandés. Un peu plus tôt, le chef de la police militaire avait appelé les manifestants à démonter leurs tentes et à quitter la place pour permettre à la vie de reprendre son cours normal. Alors que la police militaire encerclait les manifestants dans le centre du rond-point pour ne pas perturber la circulation, des manifestants guidaient les voitures à un autre bout de la place. Le porte-parole du gouvernement avait indiqué que ce dernier resterait en place jusqu’à la fin de la période de transition, date à laquelle, un nouveau gouvernement sera nommé sur la base de principes démocratiques ». Des portefeuilles ministériels pourraient néanmoins changer de mains dans les prochains mois. La tâche principale de ce gouvernement sera de rétablir la sécurité et l’ordre, d’entamer le processus économique et de s’occuper des affaires courantes.

Yémen

La police est de nouveau intervenue dimanche à coups de matraque pour empêcher plusieurs milliers de manifestants d’accéder, pour la troisième journée consécutive, à la principale place dans le centre de la capitale yéménite, Sanaa. Les forces de sécurité, samedi, avaient déjà repoussé des manifestants qui célébraient la démission la veille du président égyptien Hosni Moubarak et réclamaient le départ du président yéménite Ali Abdallah Saleh. Dimanche, plusieurs manifestants ont été blessés et une vingtaine ont été interpellés par la police. Saleh, qui est au pouvoir depuis 30 ans, a cherché à calmer le jeu en s’engageant à ne pas se représenter à l’issue de son mandat qui s’achève en 2013. Le gouvernement central du Yémen n’a guère de contrôle sur le pays en dehors de la capitale. Le pays, en proie à divers conflits, est devenu le refuge des militants d’Al-Qaïda, dont la branche locale, Al-Qaïda dans la péninsule arabique, est une des plus actives. Des policiers en civil, armés de bâtons et de couteaux, ont participé à la répression des manifestants aux côtés des policiers en uniforme. Dans le même temps, des barbelés ont été déroulés tout autour de la place el-Tahrir de Sanaa, où des manifestants pro-gouvernementaux ont été installés par les forces de l’ordre, pour éviter que les manifestants de l’opposition n’occupent cette place, à l’image des Egyptiens sur la place cairote du même nom. Les pro-gouvernementaux y ont passé la nuit. Dimanche, les manifestants réclamant la chute du régime, dont une grande majorité d’étudiants, ont donc choisi de se rabattre sur la place Hada.

Source
New Orient News