Israël s’inquiète de sa place dans la stratégie états-unienne de remodelage du Proche-Orient depuis la fin de la Guerre d’Irak.
L’ancien chef du Mossad et ancien conseiller de sécurité nationale d’Ariel Sharon, Efraim Halevy, affirme dans une longue tribune publiée par Ha’aretz que les Israéliens doivent comprendre que la relation entre les États-Unis et leur pays a changé. Washington se prépare à occuper durablement le Proche-Orient et l’Irak n’est sans doute que le commencement. L’Arabie saoudite pourrait suivre. Aujourd’hui, l’évolution des relations israélo-palestiniennes ne dépend absolument pas des négociations entre les belligérants, mais des relations de Washington avec les exécutifs des deux pays et des intérêts politiques états-uniens. Si par le passé, Israël bénéficiait d’une grande autonomie et pouvait se permettre beaucoup de choses, aujourd’hui seuls les intérêts des États-Unis comptent et Tel-Aviv n’a plus son destin en main.
L’analyste Patrick Seale n’est pas aussi affirmatif dans Dar Al-Hayat et Gulf News. S’il partage beaucoup des analyses d’Efraim Halevy, il diffère sur un point essentiel : si les États-Unis souhaitent bien dicter leur politique à Israël, ils font face à un obstacle en la personne d’Ariel Sharon. Celui-ci a bien compris ce qui était en train de se dérouler et il parie que les États-Unis n’oseront pas l’affronter tant que le retrait de Gaza ne sera pas effectué. Il faut donc profiter de ce moment pour développer l’emprise israélienne en Cisjordanie et imposer une situation de fait conforme aux vœux de Tel-Aviv. Ce point de vue est confirmé par l’interview accordée par le Premier ministre israélien au Jerusalem Post. S’il avoue à demi-mot avoir accepté le retrait de Gaza sous la contrainte, il minimise les pressions états-uniennes contre l’extension des colonies : si Washington proteste effectivement contre ces développements, cela ne dépare pas de ses positions habituelles depuis 1968. Il n’y a rien de nouveau et il ne faut pas s’inquiéter. Ariel Sharon se montre ferme : les grandes colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie seront annexées en cas d’un accord final comme d’autres territoires. Ainsi, malgré les demandes de Washington, le Premier ministre ne compte pas changer de politique. Toutefois, il se montre rassurant pour sa population et affirme que ce n’est pas ces sujets de discordes qui viendront nuire aux bonnes relations israélo-états-uniennes. C’est toutefois dans ce contexte de tensions avec les États-Unis qu’Ariel Sharon accueille Vladimir Poutine en Israël. Il se montre à nouveau très accueillant pour le président russe, jouant de ses origines, mais demande à la Russie un rapprochement avec Tel-Aviv en retour.

Le Premier ministre israélien n’est pas seul dans cette entreprise de charme. En quelques jours, ce n’est pas moins que trois hauts responsables israéliens qui viennent défendre un rapprochement israélo-russe dans la presse russe. Le ministre des Affaires étrangères israélien Silvan Shalom, répond à une interview dans Vremya Novostyey, son prédécesseur Shimon Peres répond à Novyie Izvestia et enfin le député du Likoud Yuval Shteinitz à Nezavissimaïa Gazeta.
Tous les trois développent un argumentaire étrangement similaire : de par les racines de nombreux citoyens israéliens, la Russie et Israël ont une proximité naturelle qui doit se développer encore et notamment dans le domaine commercial. Toutefois, les représentants israéliens s’inquiètent de la familiarité de la Russie avec la Syrie et l’Iran, ils appellent Moscou à renier ces liens et tentent de faire le rapprochement entre la lutte d’Israël contre la résistance palestinienne et l’action de la Russie en Tchétchénie.
Compte tenu de la nouvelle attitude de Washington à son encontre et de la dépendance croissante d’Israël vis-à-vis du pétrole russe, il devient important pour Tel-Aviv de développer ses liens avec Moscou.