Les accès de violence de Moutassem Khadafi (dit « Hannibal ») ont défrayé les journaux à scandale. Jouissant de son immunité diplomatique, il n’a pas été poursuivi pour les bagarres qu’il a provoquées à Rome, Paris ou Londres, ni pour ses activités de proxénète à Cannes, mais a été interpellé en Suisse pour avoir tabassé ses employés de maison. On le voit ici en compagnie de la non moins charmante Hillary Clinton (21 avril 2009).
©Département d’Etat

« Je suis très contente de souhaiter la bienvenue au ministre Kadhafi ici, au Département d’Etat. Nous apprécions profondément les relations entre Etats-Unis et Libye. Nous avons de nombreuses opportunités pour approfondir et élargir notre coopération. Et je désire ardemment développer nos relations. Donc, Monsieur le ministre, je vous souhaite la plus chaleureuse bienvenue » : avec ces mots, le 21 avril 2009, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton accueillait Moutassem Kadhafi, en habits de conseiller pour la sécurité nationale. Et se faisait photographier tandis qu’elle lui serrait chaleureusement la main entre les drapeaux étasunien et libyen. Sans d’ailleurs se préoccuper de la très mauvaise réputation de Moutassem, riche playboy international et violent avec sa femme.

Moins de deux années plus tard, cette même Clinton « découvre » que Kadhafi et sa famille sont à la tête d’une dictature et elle demande leur immédiate destitution au nom de la « démocratie ». Qu’est-ce qui a changé ? Les relations avec la Libye, à l’évidence, n’ont pas été ce qu’on aurait voulu à Washington. Surtout en ce qui concerne l’accès des multinationales étasuniennes à l’or noir libyen.

La Libye possède des réserves de pétrole estimées à environ 60 milliards de barils, les plus grandes d’Afrique, le double des réserves étasuniennes. Les coûts d’extraction sont parmi les plus bas du monde : à peine plus d’un dollar le baril vendu à plus de 100 dollars sur les marchés internationaux. La Libye possède en outre des réserves de gaz naturel estimées à environ 1 500 milliards de m3. Les compagnies qui ont eu les contrats les plus avantageux auprès de la National Oil Corporation libyenne sont européennes, dont l’Eni (Ente nazionale idrocarburi, Société nationale des hydrocarbures, NdT), chinoises et russes. Les états-uniennes sont restées par contre à la marge ou ont perdu du terrain. Chevron et Occidental Petroleum, qui s’occupaient de la prospection des gisements de pétrole et de gaz, ont décidé en octobre 2010 de ne pas renouveler leurs contrats. Dont s’est accaparée un mois plus tard la compagnie allemande R.W. Dia.

Quand immédiatement après a éclaté la révolte populaire en Afrique du Nord, l’alarme s’est déclenchée à Washington : les États-Unis risquaient de voir sortir de leur sphère d’influence des pays d’importance stratégique comme l’Égypte. C’est alors que le président Obama a fait pression pour une « transition ordonnée et pacifique » en Egypte qui, mettant de côté le désormais insoutenable Moubarak, transférât le pouvoir aux sommets des forces armées très étroitement liées aux USA.

Quand par contre a éclaté en Libye la révolte populaire contre le régime de Kadhafi, qui s’est ensuite transformée en guerre civile après la fracture du groupe dirigeant (déjà préparée), l’administration Obama a jeté de l’huile sur le feu en préparant les conditions pour l’intervention militaire USA/OTAN, demandée en particulier par H. Clinton. La secrétaire d’État rencontrera la semaine prochaine Mustafa Abd al Jalil, ex-ministre de la justice chez Kadhafi, aujourd’hui président de l’organe politique des rebelles. Si émerge un « gouvernement représentatif » en Libye —a annoncé à Washington le conseiller pour la sécurité nationale Tom Donilon— les États-Unis lui transféreront les 32 milliards de dollars confisqués au régime de Kadhafi, que Washington garde « en dépôt pour l’avenir de la Libye ».

Un avenir —celui qu’on a en tête à Washington, mais aussi à Paris et à Londres— où ce soient les États-Unis et les plus grandes puissances européennes, surtout France et Royaume-Uni, qui aient en main la richesse énergétique libyenne, de préférence à travers la privatisation de la compagnie pétrolière nationale. Ils pourraient ainsi contrôler le robinet énergétique, dont l’Europe dépend en grande partie et auquel s’approvisionne aussi de façon croissante la Chine. Dans ce cas, n’importe quel gouvernement libyen serait défini comme « représentatif » et aurait l’attestation « démocratique ».

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)