1. Le Conseil européen s’est réuni ce jour en session extraordinaire afin d’examiner l’évolution de la situation en Lybie et dans notre voisinage méridional et de définir des orientations et des priorités pour la politique et l’action futures de l’UE.

2. Des soulèvements démocratiques provoquent dans notre voisinage méridional des bouleversements porteurs d’espoir qui constituent une occasion d’édifier un avenir fondé sur la démocratie, le pluralisme, l’État de droit, les droits de l’homme et la justice sociale. Progrès et démocratie vont de concert. Le Conseil européen salue le courage dont font preuve les citoyens de cette région et réaffirme que c’est à eux qu’il appartient de décider de leur avenir par des moyens pacifiques et démocratiques.

3. Tous les pays de la région doivent engager des réformes politiques et économiques ou accélérer les réformes entreprises. L’Union européenne appuiera toute mesure allant dans le sens d’une transformation démocratique, de l’instauration de systèmes politiques propices à un changement pacifique, à la croissance et à la prospérité, ainsi que d’une meilleure répartition des avantages découlant de l’activité économique. À cet égard, le Conseil européen s’est vivement félicité de l’annonce par le roi du Maroc de la mise en place d’un comité consultatif chargé de préparer une révision de la Constitution qui sera soumise à l’approbation de la population marocaine. Les progrès accomplis par nos partenaires sur la voie du changement détermineront le soutien que leur apportera l’UE. La mise en place d’institutions démocratiques solides étant un des objectifs essentiels, il est de la plus haute importance de développer les liens entre les assemblées parlementaires de l’Europe et celles de la région.

4. En ce qui concerne la Tunisie, le Conseil européen se félicite qu’un scrutin en vue de l’élection d’une assemblée constituante soit annoncé pour le 24 juillet 2011. L’UE est prête à fournir l’appui nécessaire à cet égard, en étroite concertation avec les autorités tunisiennes, y compris par l’intermédiaire d’un statut avancé pour la Tunisie. Elle est disposée à apporter, dès que les autorités tunisiennes seront prêtes, une aide pour permettre au pays de s’attaquer aux défis économiques et sociaux auxquels il est confronté. L’Union européenne restera active sur le long terme, dans le but de promouvoir le développement économique et social. La solidarité que le peuple tunisien témoigne aux populations fuyant la Libye mérite toutes nos louanges et notre soutien.

5. Le Conseil européen soutient la transition démocratique en Égypte. Il se félicite que les premières propositions visant à modifier la Constitution aient été présentées rapidement et il encourage les autorités égyptiennes à persévérer dans leur détermination à mener des réformes politiques et à créer un environnement propice à une transition démocratique en profondeur, notamment par la levée de l’état d’urgence. L’Union européenne est prête à mobiliser toute l’aide qu’elle peut apporter, dans le respect des priorités fixées par le peuple égyptien, et elle a entamé un dialogue avec le gouvernement égyptien qui vient d’être formé.

6. La situation en Libye continue de susciter de vives préoccupations. Nous exprimons toute notre solidarité à l’égard du peuple libyen et des victimes. Nous condamnons fermement la violente répression menée par le régime libyen contre ses citoyens, ainsi que les violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme. Nous accueillons avec satisfaction la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies et le fait que la Cour pénale internationale ait été saisie de la situation en Libye. Le recours à la force, en particulier à l’aide de moyens militaires, contre des civils est inacceptable et doit cesser immédiatement. La sécurité de la population doit être assurée par tous les moyens nécessaires. Le Conseil européen se déclare gravement préoccupé par les attaques, notamment aériennes, menées contre les civils. Afin de protéger la population civile, les États membres étudieront toutes les options nécessaires, pour autant que la nécessité en soit démontrée, qu’il existe une base juridique claire et que le soutien de la région soit acquis. Les responsables devront répondre de leurs actes et s’exposent à de graves conséquences. Nous travaillerons avec les Nations unies, la Ligue arabe, l’Union africaine et nos partenaires au niveau international pour réagir à cette crise. Nous demandons qu’un sommet réunissant la Ligue arabe, l’Union africaine et l’Union européenne se tienne dans les meilleurs délais.

7. Le colonel Kadhafi doit quitter immédiatement le pouvoir. Son régime a perdu toute légitimité et ne constitue plus un interlocuteur pour l’UE. L’Union européenne a adopté des mesures restrictives contre les dirigeants du pays et les entités détenant des actifs importants contrôlés par le régime, et elle se tient prête à en adopter de nouvelles.

8. L’objectif est de voir la Libye s’engager rapidement dans une transition sans heurts vers la démocratie, en recourant à un dialogue qui repose sur une large assise. L’Union européenne salue et encourage le Conseil national de transition intérimaire basé à Benghazi qu’elle considère comme un interlocuteur politique. L’Union européenne est disposée à aider la Libye à bâtir un État constitutionnel et à mettre en place un État de droit. Elle est prête à répondre aux demandes de la population libyenne en vue d’apporter son soutien au redémarrage de l’économie libyenne.

9. L’urgence humanitaire en Libye et à ses frontières atteint des proportions inquiétantes, aggravées par les mouvements migratoires massifs provoqués par les événements. Assurer dans de bonnes conditions de sécurité l’évacuation des citoyens de l’UE et des ressortissants d’autres pays qui souhaitent fuir les combats reste une priorité. L’Union européenne et les États membres ont mobilisé de l’aide humanitaire et sont résolus à continuer d’aider la population en Libye ainsi que les personnes qui franchissent ses frontières, en étroite coopération avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, l’Organisation internationale pour les migrations, le Comité international de la Croix-Rouge / la Fédération internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant-Rouge et les organisations non gouvernementales. L’Union européenne demande à toutes les parties concernées d’autoriser l’accès des organisations et acteurs humanitaires à tous les endroits où l’aide est nécessaire et est disposée à soutenir le travail de ceux-ci. À cette fin, l’Union européenne renforcera sa coordination en vue d’assurer une utilisation cohérente et efficace des moyens et capacités, conformément aux principes humanitaires.

10. Les États membres les plus directement concernés par les mouvements migratoires ont besoin de notre solidarité concrète. L’UE et les États membres sont prêts à fournir le soutien nécessaire en fonction de l’évolution de la situation. L’UE continuera, notamment au travers de l’opération Hermes 2011 de Frontex, de suivre de près l’effet des événements sur les mouvements migratoires à l’intérieur et en provenance de la région. En particulier, les États membres sont instamment invités à accroître, en fonction des besoins, les ressources humaines et techniques qu’ils fournissent à Frontex. La Commission est invitée à débloquer des ressources supplémentaires. Le Conseil européen appelle à la conclusion rapide d’un accord sur le règlement renforçant les moyens d’action de l’agence.

11. L’Union européenne se concertera avec les pays concernés de la région à propos de l’aide financière et technique permettant d’améliorer le contrôle et la gestion des frontières et quant aux mesures destinées à faciliter le retour des immigrants dans leur pays d’origine. Le Conseil européen invite le Conseil JAI à se réunir sans délai. De plus, le Conseil est invité, en coopération avec la Commission, à présenter, d’ici la réunion du Conseil européen de juin, un plan concernant la mise en place de moyens permettant une gestion des flux migratoires et des flux de réfugiés.

12. Il convient de promouvoir une approche globale des migrations, cohérente avec l’approche globale de l’UE. À cet égard, l’Union européenne doit également relever le défi de la mobilité et favoriser les contacts entre les personnes en ayant recours à des instruments tels que les partenariats pour la mobilité avec tous les partenaires suffisamment avancés dans leurs processus de réforme et coopérant dans la lutte contre la traite des êtres humains et l’immigration illégale. La Commission est invitée à faire des propositions pour encourager les échanges entres jeunes Européens et jeunes du sud de la Méditerranée.

13. Dans une perspective plus générale, les programmes de partenariat et d’assistance en cours seront rapidement réexaminés, en étroite coopération avec nos partenaires dans la région, afin de mieux cibler les besoins actuels. Dans ce contexte, la Commission et la Haute Représentante devraient accorder la priorité à des approches par pays, fondées sur l’obtention de résultats.

14. Quant au moyen terme, le Conseil européen préconise un nouveau partenariat avec la région, conformément à sa déclaration du 4 février 2011. À cet égard, il salue, de manière générale, la communication commune de la Commission et de la Haute Représentante, qui propose un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée, reposant sur une approche différenciée et fondée sur des incitations qui combine tous les instruments de l’UE. Ce partenariat devrait également avoir pour fondement une intégration économique plus intense, un accès au marché plus large et une coopération politique. Le Conseil européen invite le Conseil à examiner dans les meilleurs délais les propositions contenues dans la communication et notamment les conditions dans lesquelles le soutien de l’UE à ses partenaires pourrait être renforcé. Il attend avec intérêt la prochaine communication sur la politique européenne de voisinage.

15. Il sera essentiel également de fournir aux pays les moyens de reconstruire et de moderniser leur économie. Le développement économique et les perspectives d’emploi, notamment pour les jeunes, sont d’une importance capitale pour la stabilisation de la démocratie. Le Conseil devrait approuver d’urgence les propositions en attente concernant des règles d’origine pan euro méditerranéennes, et la Commission est invitée à présenter des propositions relatives à des moyens supplémentaires pour développer le commerce et l’investissement étranger direct dans la région, à court, moyen et long terme. Il est également urgent de redynamiser le secteur du tourisme dans la région. Le Conseil devrait examiner rapidement les propositions de la Commission relatives aux fonds provenant des remboursements perçus par la Banque européenne d’investissement et envisager d’autres moyens d’accroître la capacité globale de soutien financier de la BEI. La coordination avec les autres institutions financières internationales est capitale.

16. Tirant les enseignements des événements qui se sont produits, l’Union européenne est également prête à réexaminer les missions de l’Union pour la Méditerranée dans le but de promouvoir la démocratie et de favoriser la stabilité dans la région. Il convient de donner un nouvel élan à des mesures et projets concrets de manière à consolider les institutions démocratiques et la liberté d’expression, y compris un accès sans restriction à internet, ainsi qu’à renforcer les sociétés civiles, soutenir l’économie, réduire la pauvreté et s’attaquer à l’injustice sociale.

17. L’Union européenne a conscience des importantes répercussions politiques et économiques qu’ont ces événements pour toute la région, et appelle à insuffler un nouvel élan au processus de paix au Proche-Orient.

EUCO 7/11