The Washington Times ouvre dans ses colonnes un débat sur l’embargo contre Cuba, ce qui représente en soi une évolution notable : les choses ne vont plus de soi, la politique choisie devient discutable. Si la représentante républicaine de Floride, Ileana Ros-Lehtinen, poursuit sans surprise ses imprécations contre le gouvernement castriste, qu’elle accuse de pratiquer la torture, Sarah Stephens du CIP montre que, quoi que l’on pense de Cuba, l’embargo est une erreur. Le débat quitte la question quasi-religieuse du caractère maléfique ou non du régime communiste pour entrer dans celui du réalisme : seuls les États-Unis continuent à penser que Cuba est une dictature et se privent de commercer avec l’île. Pendant ce temps, le reste du monde en général et la Chine en particulier fait de bonnes affaires.

Le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, revient d’un voyage officiel en Chine où il est allé signer de nombreux contrats commerciaux en attente depuis des mois. La presse a eu le bon goût de ne pas remarquer que le président Chirac avait négocié ces contrats l’an dernier, sans les conclure, puis qu’il était parvenu à faire lever l’embargo européen sur les ventes d’armes à Pékin, et que son Premier ministre était venu récolter les fruits de cette politique. Quoi qu’il en soit, M. Raffarin se fend d’une tribune dans Le Monde pour annoncer qu’il a aussi discuté de la défense de l’industrie textile française face au déferlement de produits chinois autorisé par les accords de l’OMC. C’est l’occasion pour lui de célébrer l’Union européenne comme partenaire à la dimension de la Chine, et donc de « vendre » le Traité constitutionnel bientôt soumis à référendum.

Le Bundestag vient d’ouvrir une enquête parlementaire sur l’affaire des visas. Le ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, est accusé d’avoir laissé se développer un trafic de visas qui a permis abusivement à des milliers de personnes, peut-être des dizaines de milliers, d’entrer légalement dans l’espace Schengen.
Le député (CDU) Reinhard Grindel, explique dans le Tageszeitung, qu’il suspecte M. Fischer d’avoir ouvert les vannes par volonté idéologique et d’être resté sourd aux rapports de son administration. De même que « l’enfer est pavé de bonnes intentions », le programme des rouges-verts a conduit en définitive à faciliter le trafic des êtres humains. L’idéal libertaire des soixante-huitard profite aux proxénètes.
L’écrivain très tendance, Wladimir Kaminer, s’insurge dans le Spiegel de cette vague de xénophobie. Les Allemands, qui ont toujours eu peur des hordes de l’Est, cherchent dans cette affaire de nouveaux boucs-émissaires. Désormais, à leurs yeux, les Ukrainiens sont tous des putes et des voleurs, entrés légalement chez eux à la faveur du laxisme des verts. L’eurodéputé vert allemand, Daniel Cohn-Bendit dénonce dans Die Zeit l’attitude de la CDU et affirme que l’ouverture des frontières n’était que la continuité de la politique amorcée avant l’arrivée au pouvoir de la coalition rouge-verte.
Répondant à ses détracteurs, Joschka Fischer fait amende honorable dans le Tageszeitung. Oui, il a commis une erreur. Oui, il a négligé les alertes de ses collaborateurs. Mais il était très occupé sur la scène internationale par des problèmes autrement plus importants.
Observateur distancié, le professeur en sciences des médias Hans-Jürgen Bucher sourit dans le même quotidien de la bête communiquante qu’est devenu M. Fischer. Le ministre incarne la personnalisation de la politique, c’est-à-dire son américanisation. Mais à force, cette assurance en soi ne devient-elle pas contre-productive ? Les Allemands brûlent aujourd’hui l’idole qu’ils ont adoré car trop de Fischer tue l’image de Fischer.