La politique de re-nationalisation des ressources naturelles russes, la hausse des cours du pétrole et la politique états-unienne au Proche-Orient ont fait de la Russie une alternative pour les pays qui s’inquiètent des vues de Washington dans la région. La visite de Vladimir V. Poutine en Égypte, en Israël et dans les territoires palestiniens est donc l’occasion pour ces pays, tous très dépendants des États-Unis, de s’affranchir un peu de la tutelle états-unienne en développant les relations bilatérales avec Moscou.
En Russie, les réactions des responsables russes à cette visite ne sont pas encore publiées. Prudent, on préfère attendre son dénouement. Cela n’empêche pas toutefois les responsables égyptiens de faire une entreprise de charme en direction de l’opinion russe. Ainsi, dans une interview à Vremya Novostyey, le directeur du journal gouvernemental égyptien Al-Ahram, Ibrahim Nafie, déplore que la Russie et l’Égypte n’aient plus la proximité de l’époque Khrouchtchev-Nasser. Il affirme que les deux États ont tout à gagner à développer leurs relations. Il estime que son pays est le leader du monde arabe et que si la Russie souhaite peser sur la région, cela passe par un développement des relations entre Le Caire et Moscou. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Abul Gheit, va plus loin dans une interview à Nezavissimaïa Gazeta. Il demande que la Russie s’associe à l’Égypte dans la résolution du conflit israélo-palestinien et aide l’Égypte à développer un programme nucléaire civil tout en demandant à Israël de signer le Traité de non-prolifération. Sans citer les États-Unis, il affirme que son pays et la Russie ont tout à craindre de ceux qui instrumentalisent la démocratisation. Alors que les textes des néo-conservateurs concernant Le Caire se multiplient, l’Égypte demande l’aide de Moscou pour échapper à une éventuelle « révolution colorée ».

Les risques de ce type de « révolution » sont bien moindres en Israël, mais Tel-Aviv souhaite également se rapprocher de la Russie dont elle dépend dans le domaine de l’énergie. La visite de Vladimir Poutine intervient également à un moment où l’on craint en Israël que Tel-Aviv se retrouve désormais totalement inféodé aux décisions états-uniennes et ne jouisse plus de la marge de manœuvre dont il disposait lors du premier mandat de George W. Bush.
Le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères israélien, Ron Prosor, se réjouit dans Ha’aretz de la première venue d’un chef d’État russe en Israël de l’Histoire. Deux mois après avoir plaidé pour un rapprochement d’Israël avec l’OTAN, l’auteur réclame un développement des relations bilatérales israélo-russe. Il constate les différends concernant l’Iran et la vente de missiles à la Syrie, mais souhaite que ces questions soient dépassées par le développent des relations commerciales. Faisant un parallèle entre la situation dans les territoires palestiniens et en Tchétchénie, il invite également Moscou à s’associer à Israël dans une lutte commune contre le « terrorisme » et au nom d’un héritage culturel commun. Toutefois, pour beaucoup d’Israéliens, la Russie apparaît encore comme le pays des persécutions. Nickolai Butkevich, directeur de l’Union of Councils for Jews in the Former Soviet Union, et Yosef I. Abramovitz, PDG de Jewish Family & Life, se livrent à un difficile exercice diplomatique dans le Jerusalem Post. Les deux auteurs louent les prises de positions de Vladimir Poutine contre l’antisémitisme, mais s’inquiètent de la croissance des groupes skinheads en Russie. Tout en se montrant très cordiaux envers l’invité d’Israël, ils dévient de la question de l’antisémitisme pour affirmer que la situation pour les juifs russes serait meilleure si les partis pro-occidentaux étaient davantage développés dans le pays et si le pouvoir russe était moins centralisé, bref, si les souhaits de Washington concernant l’évolution de la Russie se réalisaient.

La Syrie a achevé cette semaine le retrait de ses troupes du Liban. Au lendemain de ce départ, Le Figaro publie trois tribunes s’en réjouissant dans des termes proches. Tous ces textes partent du même postulat de départ : le retrait syrien est une victoire, mais il faut aller plus loin et ne pas faire cesser la pression contre Damas et ses alliés au Liban. En effet, pour ceux qui rêvent d’utiliser la situation au Liban pour renverser le régime syrien, il y a un risque que l’alliance entre Paris et Washington pour obtenir ce départ ne cesse dès le dernier soldat syrien parti.
Pour le porte parole du général Michel Aoun, Farès Louis, il ne faut pas croire que le combat soit fini. Le départ des troupes n’est qu’un début et il maintient que la Syrie n’a pas totalement abandonné son souhait d’annexion. Il appelle à un rassemblement des Libanais et à une refonte des institutions du pays sans préciser le régime qu’il appelle de ses vœux.
L’analyste atlantiste libanais, Antoine Basbous, ancien porte-parole des milices pendant les massacres de Sabra et Chatila, regarde pour sa part du côté du Hezbollah. Le désarmement de la résistance libanaise doit désormais être la prochaine étape. Il faut faire pression sur ce parti pour qu’il démantèle sa branche militaire. Selon lui, le Liban n’est plus menacé et la militarisation de cette structure ne s’impose pas. Il appelle la communauté internationale à exiger ce désarmement et à continuer ses pressions sur Damas pour renverser Bachar El Assad. L’ambassadeur israélien en France, Nissim Zvili, s’en prend également au « parti de Dieu ». Présentant le Hezbollah comme un groupe agressant Israël et menaçant le processus de paix israélo-palestinien, il appelle la communauté internationale à forcer le Hezbollah à rendre les armes. Il réitère également une demande israélienne ancienne concernant la mise du parti chiite libanais dans la liste des organisations terroristes établie par l’Union européenne.
Toutes ces analyses tiennent pour acquis que c’est la Syrie qui est derrière l’assassinat de Rafic Hariri et qu’elle est aujourd’hui derrière les attentats de Beyrouth. Ces affirmations gratuites visent à pousser la France à continuer à affaiblir les ennemis d’Israël.