La tendance générale

Le Patriarche maronite s’oppose au plan de morcellement du Machrek arabe
Les chrétiens du 14-Mars libanais, qui ont toujours prétendu être les défenseurs zélés du patriarcat maronite, ont lancé une campagne de critiques d’une virulence inouïe contre le Patriarche Mgr Béchara Raï, rejoint par des députés sunnites du Courant du futur de Saad Hariri. Lorsque l’ancien Patriarche Nasrallah Sfeir alignait ses positions politiques sur celles du 14-Mars, froissant les sentiments de plus de la moitié de sa communauté, jamais les grands chefs maronites du pays, le général Michel Aoun et le leader du Liban-Nord Sleiman Frangié, n’ont utilisé un ton aussi déplacé contre le chef spirituel de la plus importante Église chrétienne romaine du Machrek arabe. Mais malgré la dureté des attaques et le ton peu courtois utilisé contre lui, Mgr Raï ne s’est pas laissé intimider ou effrayer. Il a réaffirmé ses positions affichées en France contre le morcellement de la région arabe en entités confessionnelles, qui desservirait les chrétiens et servirait uniquement les intérêts d’Israël. Il a aussi exprimé ses craintes de la monté de l’extrémisme islamique en Syrie et réitéré sa position selon laquelle l’arsenal du Hezbollah se justifiait par l’occupation par l’État hébreu de territoires libanais (Voir ci-dessous).
Il est clair que les prises de positions historiques de Mgr Raï ne sont pas le fruit d’une attitude impulsive ou d’une réaction ponctuelle. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un repositionnement stratégique de l’Église maronite, bien réfléchi et coordonné avec le Vatican, très au courant des projets occidentaux concoctés pour le monde arabe. L’Église place en tête de ses priorités la présence physique au Machrek des chrétiens, qui date de deux millénaires. Quel sens aurait encore le christianisme s’il n’y avait plus de chrétiens dans le berceau de Jésus Christ ? Ni les assurances fournies par les uns, ni les démentis avancés par les autres, ne réussiront à convaincre Mgr Raï, le Vatican, et les analystes et observateurs honnêtes, que la présence des chrétiens ne court, aujourd’hui, aucun danger. Car les changements qui se profilent à l’horizon montrent que le nouveau cheval de bataille des États-Unis sont les Frères musulmans, débarrassés à leur gauche d’Oussama ben Laden, et flanqués à leur droite de la Turquie, tuteur agréé par l’Occident d’un « Islam modéré ». Mais qu’il soit modéré ou pas, tout pouvoir exercé au nom de l’islam dans le Machrek arabe aura impérativement des répercussions dramatiques sur les chrétiens de Syrie, du Liban et de Jordanie. Ceux d’Irak ont déjà payé la facture de l’invasion états-unienne (plus de la moitié d’entre eux ont fuit le pays, ils ne seraient plus que deux-cents cinquante mille) et ceux d’Égypte observent, impuissants, la montée en force des salafistes. En Palestine, ils ne sont plus que onze mille, alors qu’ils étaient cent-vingt mille avant 1967, date de l’occupation israélienne.
Pour bien moins que cela, des hommes comme Samir Geagea et Amine Gemayel criaient à la persécution des chrétiens. Mais lorsque ceux-ci sont réellement en danger, ils se tiennent du mauvais côté. En réalité, ils se tiennent du côté qui a toujours été le leur, celui des États-Unis, même au détriment des intérêts de la communauté qu’ils prétendent défendre.
L’heure de vérité à sonné. Ceux qui depuis toujours servent des agendas extérieurs sont démasqués. Et ceux qui sont restés cohérents avec eux-mêmes sont reconnus.
Le secrétaire d’État adjoint pour le Proche-Orient, Jeffrey Feltman, est le vrai chef d’orchestre des chrétiens du 14-Mars. C’est lui qui dirige l’obscure machine médiatico-financière qui sème les troubles en Syrie et au Liban. Mais en plus de Michel Aoun et Sleiman Frangié, ils ont en face d’eux, aujourd’hui, le chef de la plus puissante Église du Machrek, soutenu par le Vatican.
Non, le plan de morcellement du Levant en entités confessionnelles, dans le but de protéger Israël, ne passera pas !

La tendance en Syrie

Un pouvoir solide face à une opposition divisée
Six mois après le début des troubles en Syrie, le régime fait preuve d’une solide cohésion, et rien n’indique qu’il soit sur le point de lâcher prise. Plus de 600 militaires et membres des forces de sécurité ont été tués au cours d’embuscades ou d’attaques, reflétant la militarisation croissante de la contestation, dont les chefs, installés et téléguidés de l’étranger, n’hésitent plus à réclamer ouvertement une « protection internationale ».
Malgré les moyens gigantesques mis à sa disposition par l’Occident, les pétromonarchies et la Turquie, l’insurrection se heurte à plusieurs obstacles qui déterminent les contours et les limites de son action. La mobilisation des foules autour des mosquées, notamment après les prières du vendredi, l’absence de toute alternative viable en cas de vacance de pouvoir, la désorganisation et les divisions qui caractérisent l’opposition, la crainte que suscite le retour annoncé des Frères musulmans, ainsi que la menace d’un dérapage vers une guerre civile instrumentalisée par les puissances régionales et internationales, dissuadent la majorité silencieuse, qui évite de prendre part au mouvement de contestation. Dans la foulée de cette guerre pour l’opinion publique, le président Bachar al-Assad peut encore compter sur le soutien de plus de la moitié de la population. Une autre partie importante a choisi la neutralité. La crainte d’une réédition des précédents irakien et libanais hante les minorités religieuses qui représentent 30 % de la population, ainsi que la bourgeoisie urbaine, soucieuse de ses intérêts, ce qui explique le calme qui prévaut à Damas et à Alep, ou résident la moitié des 23 millions de Syriens. La révolte reste confinée aujourd’hui à six foyers principaux : Homs, Hama, Deraa, Idlib, Deir Ezzor, ainsi que la banlieue sunnite de Damas. Le calme règne dans les huit autres provinces.
L’opposition mise depuis le début du soulèvement sur la défection de l’armée, afin de renverser l’équilibre des forces à son avantage. Même si un petit nombre de militaires sont entrés en dissidence, le régime a réussi après six mois de vaines tentatives de la part de l’opposition et de ses tuteurs étrangers, à préserver la cohésion de l’armée et des services de sécurité, qui restent soudés derrière le président. Aucun responsable civil, aucun diplomate, ou militaire haut gradé n’a fait défection, dissipant ainsi toute possibilité de fracture au sein du pouvoir.
Les tentatives d’internationalisation de la crise exacerbent les tensions sur le plan régional, suscitant une levée de boucliers de la part des alliés de la Syrie, en particulier l’Iran, le Hezbollah et la résistance anti-US en Irak. C’est dans ce contexte que le président russe Dmitri Medvedev a soutenu les réformes annoncées par le président Assad, tout en estimant que parmi les contestataires, figurent « des extrémistes, dont certains peuvent même être qualifiés de terroristes ». Il s’est dit « prêt à soutenir plusieurs options pour résoudre la crise, à condition qu’elles ne soient pas basées sur une condamnation unilatérale visant le président Bachar al-Assad, ou même la performance du gouvernement », tout en rappelant que « cela va dans l’intérêt de la Russie, car la Syrie est un pays ami, avec laquelle nous entretenons d’étroites relations politiques et économiques ». Une façon de dire au monde que face à la propagation de l’islamisme et à l’endiguement américain de la Russie, Moscou n’abandonnera jamais son seul et dernier allié en Méditerranée.
Malgré toutes les pressions, y compris celles exercées par la Ligue arabe, devenue un instrument aux mains des pétromonarchies et de la Turquie, le pouvoir syrien poursuit, imperturbable, l’application de l’agenda de réformes qui répond aux seuls intérêts nationaux. La nouvelle loi sur les partis vient d’être ratifiée alors qu’une commission chargée de recevoir les demandes d’autorisation des nouvelles formations politiques a été mise sur pied. Le pouvoir vient de lancer aussi un dialogue national décentralisé, dans les quatorze provinces du pays. Les discussions, qui portent sur les réformes politiques, économiques et sociales, regroupent entre autres les représentants du Baas, des dignitaires, intellectuels, opposants et représentants de la société civile.
En parallèle, l’opposition de l’intérieur s’est réunie samedi 17 septembre dans une banlieue de Damas, pour élire un comité central de 60 membres. La réunion s’est déroulée sans que la police ne tente de l’interdire. Désormais, les « Conseils », « Ligues de coordination » et « comités » qui affirment parler au nom de l’opposition ne se comptent plus.
Sur le terrain, le pouvoir a encore marqué des points dans sa lutte contre l’insurrection armée. L’armée syrienne a arrêté le lieutenant-colonel Hussein Harmouch, qui avait fait défection le 9 juin dernier et annoncé la formation d’un fantomatique « Mouvement des officiers libres ». Cette arrestation permettra au régime d’intercepter le réseau de militaires dissidents au sein de l’armée et de dissuader d’éventuelles nouvelles défections. Dans des aveux retransmis à la télévision syrienne, Hussein Harmouch reconnait avoir été financé par des personnalités de l’opposition, mais affirme, amer, avoir surtout reçu des promesses non tenues.

Discours et déclarations

Michel Sleimane, Président de la République libanaise
« La visite du patriarche Béchara Raï en France est réussie et sert les intérêts du Liban. Les réactions aux prises de position du patriarche illustrent indirectement le succès de sa visite. Le patriarche Raï a réussi à transmettre aux autorités françaises les appréhensions des chrétiens. Mais les positions du patriarche ne sauraient être exploitées politiquement, car elles émanent de son important rôle comme responsable des chrétiens du Liban et du Moyen-Orient, ainsi que de son rôle dans le maintien de la souveraineté et l’indépendance du Liban, rôle indissociable de celui du siège patriarcal maronite. C’est dans ce cadre que le patriarche s’est fait le porte-voix des appréhensions des chrétiens auprès des autorités françaises. Son exposé était complet. Mais seuls des fragments épars de ces positions ont été connus, comme il l’a dit lui-même. Nul besoin donc de le défendre. Il a demandé lui-même la mise en garde contre les dangers d’un émiettement de la région en entités ethnico-religieuses, tout comme il a mis en garde contre le danger provenant d’Israël et de l’implantation, mentionné par la Constitution. »

Mgr Béchara Raï, Patriarche des chrétiens maronites
« J’ai trouvé en France des oreilles attentives à ce je disais, non pas seulement en ma qualité de patriarche des maronites, mais en tant que président de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques d’Orient. J’ai porté avec moi les appréhensions et préoccupations exprimées lors de la réunion, au Vatican, du synode pour les Églises catholiques d’Orient d’octobre dernier. Ce sont les préoccupations des chrétiens non pas au Liban seul, mais dans tout le Machrek et le Moyen-Orient arabe, en Égypte, en Palestine, en Syrie, en Irak, en Jordanie et en Terre sainte aussi. Ces problèmes ont été passés en revue avec une nation qui assume de grandes responsabilités dans la région. Ils ont été examinés aussi bien du point de vue politique que constitutionnel. Nous avons parlé des progrès de la démocratie et des libertés dans tout le monde arabe. J’ai parlé avec les responsables d’une nation qui s’est opposée à la guerre d’Irak et à l’ingérence ouverte des États-Unis dans ce pays, une cette ingérence qui a ouvert la voie à la guerre civile et à l’exode des chrétiens. L’Église ne défend aucun des régimes de la région. Les peuples sont libres de choisir les régimes qui leur conviennent. Mais elle redoute les graves conséquences d’un changement de régime par la violence en Syrie. Et c’est à ce titre que je juge utile d’accorder une chance aux réformes. Je suis hostile à l’usage de la violence, de quelque côté qu’elle vienne, de l’État ou de la partie qui réclame un changement. Les forces armées syriennes sont attaquées par des groupes bien entraînés, bien armés et organisés. Je crains que la situation en Syrie ne dégénère en une guerre civile entre alaouites et sunnites, ou entre sunnites et chiites. Une guerre qui, éventuellement, débouchera sur une partition du pays et l’instauration possible d’un régime fondamentaliste. Et dans ce cas, les chrétiens feront inévitablement les frais de ce conflit : ils fuiront le pays ou seront poussés à l’exode. Il existe toujours des points d’interrogation sur la place des chrétiens dans la nouvelle Égypte. Souvenez-vous de l’exemple du Liban, auquel le monde occidental a imposé la tutelle syrienne, avec ses conséquences dont les effets se font toujours sentir. Tous les conflits internationaux se sont répercutés négativement sur le Liban. Je n’ai pas fais de lien entre les Frères musulmans en Syrie et les sunnites au Liban, ou placé les chrétiens de Syrie face aux Frères musulmans. Je n’ai fait qu’exprimer mes appréhensions. Concernant les armes du Hezbollah, effectivement, une portion de territoire libanais continue d’être occupée, les richesses hydrauliques du Liban sont détournées vers l’intérieur israélien, un demi-million de Palestiniens résident au Liban, faute d’une application de la résolution 194 de l’Onu, et les richesses pétrolières du Liban sont menacées. Je n’ai pas dit que les armes du Hezbollah doivent rester jusqu’au règlement de la question palestinienne, mais j’ai exposé une situation. J’ai parlé d’une armée qui n’a aucune couverture aérienne, et à laquelle on ne livre pas d’armes offensives, et pas même d’armes défensives. Il faut ôter tout prétexte invoqué par le Hezbollah, et pour l’occasion par certains groupes palestiniens, pour qu’ils continuent à conserver leurs armes, mais ce n’est pas au Liban, mais à la communauté internationale de le faire. J’ai demandé à la France d’agir pour renforcer l’armée et lui permettre de défendre la souveraineté nationale. »

Walid Joumblatt, leader druze libanais
« Lier la question des armes du Hezbollah à l’implantation des Palestiniens conduirait à maintenir indéfiniment le Liban en suspens dans le cadre des conflits régionaux. Il est nécessaire de mettre en œuvre les résolutions du dialogue national de 2006, dont les trois principaux thèmes étaient le tribunal international, le tracé de la frontière entre le Liban et la Syrie et le retrait des armes palestiniennes hors des camps. Je refuse de lier le sort et l’avenir du Liban à la libération des fermes de Chebaa et à tous les conflits de la région. Bien qu’il fasse reconnaitre l’importance défensive que représente l’arsenal de la Résistance, il est nécessaire d’établir une stratégie défensive par le biais de laquelle on procéderait à l’intégration progressive des armes dans le cadre de l’État libanais (…) Si certains ont peur pour la présence chrétienne au Liban, le meilleur moyen est de faire en sorte que le patriarche Raï, qui en est le garant, crée un comité formé de chrétiens nantis pour empêcher que des terrains soient vendus à des non-chrétiens, ou alors d’utiliser les propriétés de l’Église au bénéfice des chrétiens pauvres afin de les dissuader d’émigrer à la recherche d’un emploi pour vivre. Les propos intimidants que l’on a tenus au sujet de l’ascension des courants salafistes ou intégristes ne sont pas très exacts et visent à en faire des épouvantails. De plus, ces propos nous rappellent l’éternelle théorie de l’alliance des minorités qui a détruit le Liban. »

Denis Pietton, ambassadeur de France au Liban
Extraits d’une interview accordée au site libanais Alkalimaonline
« Je n’ai pas qualifié la visite du patriarche maronite Béchara Raï en France de réussie. C’est une visite importante parce qu’il est de tradition que le nouveau Patriarche, quand il est élu, réserve sa première visite à l’étranger -après Rome- à la France. Je rendrais certainement visite prochainement au patriarche à la demande de mon gouvernement, déçu de ses dernières déclarations en France, pour s’informer de ses véritables positions. La visite est utile pour la France, car ce fut l’occasion de rencontrer le patriarche Raï et de discuter avec lui de plusieurs sujets, qu’on peut résumer par trois points essentiels : la présence de la Finul au Liban-Sud, le TSL, et la situation dans la région, plus particulièrement en Syrie. Les évènements qui se déroulent en Syrie sont intolérables et le régime syrien s’est mis dans une impasse en réprimant avec férocité l’opposition. La France a communiqué au patriarche sa position sur les trois sujets, qui constituent des messages à l’État libanais : insister sur le rôle de la Finul au Sud, la nécessité pour l’État libanais légitime d’avoir l’exclusivité des armes, et la nécessité de sécuriser les déplacements de la Finul en dehors de sa zone d’action, notamment après la multiplication des attentats contre la force internationale ; rappeler l’attachement de la France au TSL et en soutenir l’action ; évoquer la situation dans la région, notamment en Syrie, qui connaît des évènements sanglants. La répression féroce de l’opposition par le régime est intolérable. Le patriarche Raï a exprimé son inquiétude pour l’avenir des chrétiens en cas de chute du régime syrien qui, selon lui, rassure et protège les chrétiens, notamment après les développements intervenus en Égypte et en Irak où les chrétiens ont payé le prix de la guerre et de l’absence de l’État. La France, quant à elle, considère que c’est l’instauration de la démocratie et du pluralisme qui préserve les droits de tous les citoyens, dont les chrétiens. Nous avons été surpris et nous avons été déçus par les déclarations du patriarche parce qu’elles n’ont pas paru reprendre les messages que les autorités françaises lui ont communiqués, même si le Patriarche bien sûr est libre de ses pensées. Toute cette polémique à propos de ces déclarations montre des attentes qu’ont les Libanais vis-à-vis du Patriarche, et éventuellement leur déception lorsque les attentes ne sont pas satisfaites. Donc je trouve que ceci montre l’importance en tant qu’autorité religieuse, morale et aussi politique, qu’a le patriarcat dans ce pays. »

Imad al-Hout, député de la branche libanaise des Frères musulmans
« Mgr Béchara Raï a pris conscience de l’erreur qu’il a commise. Les propos du patriarche ont placé les chrétiens du Liban et du Moyen-Orient dans la position du faible qui a constamment besoin de protection. Telle n’est nullement l’aspiration des chrétiens qui représentent une partie fondamentale de ce pays. Leur rôle en tant que citoyens doit être un rôle à part entière, indépendamment du régime en place. »

Revue de Presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité, 16 septembre 2011)
Imad Marmal
Le patriarche Béchara Raï n’a pas fait marche arrière après ses dernières prises de position, malgré les fortes pressions locales et internationales dont il fait l’objet. La première vague de l’offensive contre Raï n’a pas réussi à lui arracher des concessions substantielles. L’opposition libanaise devrait comprendre que le discours du patriarche a des racines qui s’étendent jusqu’au Vatican. Elle doit cesser d’établir une comparaison entre le patriarche actuel et son prédécesseur Mgr Nasrallah Sfeir. Le Hezbollah est très rassuré par les prises de position du patriarche qui recoupent sa propre vision stratégique. La relation entre le Hezbollah et le patriarcat évolue à toute vitesse.

As Safir (15 septembre 2011)
Edmond Saab
Le patriarche maronite Béchara Raï a eu l’air de dire au président Nicolas Sarkozy et à ses collaborateurs : « Mon peuple est en train de périr et de quitter définitivement le pays. Nous avons presque perdu les chrétiens. Aucun d’entre eux n’est demeuré attaché à sa terre, la terre de ses ancêtres. Ils l’ont vendue alors que les fils des autres communautés achètent des terrains et les défendent jusqu’à la mort (…) Quand cesserez-vous de vous servir de nous comme d’un combustible pour vos guerres… ? » Les prises de position de Mgr Raï en France ont une portée qui dépasse de loin l’évocation des armes du Hezbollah et du régime en Syrie. Car elles atteignent un objectif central pour le patriarche : mettre un terme à l’émigration et à la vente des terrains, et ressusciter la loyauté vis-à-vis du pays, qui a été affaiblie, voire quasiment balayée, par l’aventurisme de certains chrétiens.

As Safir (15 septembre 2011)
Gracia Bitar
Le patriarche maronite Béchara Raï s’est à plusieurs reprises adressé au président Nicolas Sarkozy en sa qualité de président de la « tendre mère » du Liban et des maronites. Il lui a notamment demandé : « Que fait la mère lorsqu’elle ressent que ses enfants sont en danger ? Les protège-t-elle du feu ? » Puis il aurait posé une question qui a amené le président Sarkozy à vouloir rapidement mettre fin à l’entrevue : « Qu’avez-vous fait, tendre mère, pour me protéger en tant que chrétien du Liban et du Machrek ? Si vous êtes autant attachés aux résolutions internationales pour le désarmement du Hezbollah, qu’en est-il de celles qui rendent leurs droits aux Palestiniens et permettent aux réfugiés de rentrer chez eux ? » Les réponses du patriarche ne correspondaient pas aux attentes françaises et furent un véritable choc pour le président Sarkozy et le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. Elles ont desservi la campagne électorale du président français.

As Safir (14 septembre 2011)
Le commandant en chef de la Finul, le général Alberto Asarta, a exprimé son mécontentement face aux faibles mesures de sécurité prises par l’État libanais pour protéger les patrouilles de la force internationale. Asarta aurait délibérément fait le trajet de Naqoura jusqu’au ministère de la Défense à Yarzé en voiture et non en hélicoptère, pour vérifier les conditions de sécurité déployées suite aux attentats perpétrés dernièrement contre les contingents italien et français. Il a été surpris de constater que ces mesures étaient insuffisantes. Selon une source diplomatique occidentale, Asarta a transmis une sorte de mise en garde aux responsables libanais : la mission de la Finul pourrait être annulée dans son ensemble si la force internationale est de nouveau la cible d’agressions ou d’exactions. La source précitée indique que la France a menacé d’exercer toutes sortes de pression au Conseil de sécurité pour suspendre l’action de la Finul si les incidents qui ont eu lieu l’année dernière avec les habitants se répétaient ou si un nouvel attentat se produisait.
Des sources militaires libanaises ont pour leur part signalé que les remarques formulées par le général Asarta ont été traitées et que d’autres demandes adressées par le commandant en chef de la Finul sont actuellement étudiées et traitées par l’Armée libanaise. Les sources précisent que le mécontentement d’Asarta est dû au fait qu’il n’était pas entièrement informé des mesures préventives décidées, mais la situation est différente maintenant et le général Asarta a exprimé sa satisfaction du cours qu’ont pris les choses par la suite.
_Les sources ajoutent qu’Asarta a été informé par les responsables libanais que l’armée a pris les mesures nécessaires pour protéger les convois de la Finul au Nord du Litani. De même, une réunion a été tenue au siège du commandement de la Finul, à laquelle ont participé les officiers supérieurs de la Finul, le chef des opérations au sein de l’armée libanaise, ainsi que des représentants des FSI et de la Sûreté générale, pour passer en revue les mesures adoptées.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars, édition du 16 septembre 2011)
Abdel Karim Abou Nasr
Selon un haut responsable arabe ayant visité Paris récemment, la majorité écrasante des pays arabes ont décidé d’intervenir dans les événements extrêmement dangereux en Syrie pour mettre fin à la violence et à la répression meurtrière. Ce responsable présente l’initiative arabe et ses trois objectifs : reconnaître la légitimité du mouvement de contestation populaire en Syrie, et mettre un terme définitif à l’option militaro-sécuritaire du régime ; œuvre à une nouvelle formule pour le régime, qui soit radicalement différente de celle actuelle, à travers des réformes bien précises, couronnées par des élections présidentielles plurielles et ouvertes en 2014 ; faire en sorte que la transition d’un régime autoritaire à un régime démocratique et pluraliste se fasse sous parrainage arabe, l’initiative précitée proposant un rôle direct pour la Ligue arabe dans le dialogue entre régime et opposition.
Le même responsable s’attend à ce que le président syrien Bachar el-Assad n’accepte pas cette initiative en l’état, mais assure que d’importants pays occidentaux sont par contre disposés à la soutenir.

An Nahar (13 septembre 2011)
Rosanna Bou Mounsef
L’épineuse question du financement du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) s’annonce plus difficile à résoudre que le dossier de l’électricité. Que le gouvernement décide de payer sa part du financement du TSL ou pas, le Hezbollah se retrouvera dans les deux cas dans une position embarrassante. Son acceptation tacite que le gouvernement finance un tribunal qu’il qualifie d’israélo-américain soulèverait beaucoup de questions. De même, s’il s’oppose au financement, il placerait le Liban dans une situation de confrontation avec la communauté internationale et devrait en assumer la responsabilité.

Al-Akhbar (Quotidien proche de la nouvelle majorité-14 septembre 2011)
Jean Aziz
Ceux qui ont critiqué le patriarche Béchara Raï, qui a toujours défendu les droits de l’homme et dont le parcours est irréprochable, étaient les porte-paroles de la Syrie à l’époque de la tutelle. Mgr Raï ne soutient pas le régime syrien. Il craint que la Syrie ne sombre dans le chaos, dans la guerre civile, ou ne se transforme en un autre Irak. Paris et de Washington ont-ils le droit d’attaquer Raï. Jacques Chirac logeait à Koraytem (La résidence des Hariri, ndlr) à l’époque syrienne et ne visitait pas Bkerké (Le siège du patriarcat maronite, ndlr). Le patriarche Sfeir s’est rendu à Washington en 2000 pour demander le retrait syrien et n’a été reçu que par le vice-secrétaire d’État américain. Qui de vous a le droit moral et éthique de critiquer Raï ?

Al Akhbar (16 septembre 2011)
Ghassan Chami
La visite en France de Mgr Béchara Raï est historique. Elle a jeté les bases d’un ensemble de nouvelles constantes dont il rapporte les plus importantes :
 Le salut du Liban passe par le partenariat et les bonnes relations entre tous. Il faut donc renoncer à vouloir s’éliminer l’un l’autre ou se renfermer sur soi.
 Le patriarcat maronite refuse la reconnaissance par la communauté internationale d’Israël en tant qu’État juif, à cause de ses répercussions qui encouragent la prolifération des groupes fondamentalistes dans la région et l’émergence d’États religieux extrémistes.
 Le patriarcat préfère s’entendre avec un « mauvais régime » dans la région, plutôt qu’avec un régime qui serait pire que le précédent.
 Il rejette catégoriquement le refrain de la partition et du morcellement du monde arabe en mini-Etats sectaires.
 Il appelle la communauté internationale à mettre la pression sur Israël en vue d’un retrait des fermes de Chébaa et d’un règlement du problème des réfugiés palestiniens au Liban, avant qu’il ne soit demandé au patriarcat ou aux institutions officielles libanaises de faire pression sur le Hezbollah pour résoudre le problème des armes.

Al Hayat (Quotidien saoudien -14 septembre 2011)
Paris, Randa Takieddine
La nouvelle politique de la France vis-à-vis de la Syrie a procédé à partir de l’échec de la tentative du président Nicolas Sarkozy de sortir le président syrien Bachar el-Assad de son isolement. Cet échec a poussé le président français à œuvrer avec le ministre Alain Juppé pour sortir Assad de nouveau du giron de la communauté internationale et l’isoler par des sanctions européennes strictes, après la répression sanglante du peuple syrien par le régime. Mais la Syrie occupe sur le plan régional une position plus complexe que celle de la Libye. Sarkozy et Juppé s’activent dans le dossier syrien en dépit de craintes françaises naturelles concernant le contingent français de la Finul. C’est la raison pour laquelle le président français souligne, en recevant chacun de ses visiteurs libanais, la nécessité pour le Liban et son gouvernement de protéger la Finul en vertu de la résolution 1701. »

L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone, proche du 14-Mars, édition du 16 septembre 2011)
Scarlett Haddad
Ceux qui misent sur un éclatement du gouvernement au moment d’étudier le dossier du financement du TSL vont déchanter. C’est en tout cas ce qu’affirment des sources proches du Hezbollah qui sont convaincues que cette question sera surmontée sans provoquer des dissensions au sein du gouvernement. Selon les mêmes sources, la priorité pour le parti de la Résistance est de préserver le gouvernement, car à ses yeux l’étape actuelle ne supporterait pas un gouvernement démissionnaire chargé des affaires courantes, en raison des échéances internes et régionales vitales. De plus, ajoutent-elles, le gouvernement actuel sert les intérêts de toutes les parties qui y sont représentées, qu’il s’agisse du Hezbollah qui se sent en permanence la cible des plans américains et israéliens, du général Michel Aoun qui a dix ministres et plus au sein de ce gouvernement et qui est donc un partenaire essentiel dans la prise des décisions, du leader druze Walid Joumblatt qui est aussi un partenaire important au sein de ce gouvernement, puisqu’en plus des ministres druzes, il a aussi un ministre sunnite, du président de la République qui a réussi à travers ce gouvernement à s’imposer sur le plan chrétien et qui, avec l’équipe du Premier ministre Najib Mikati et celle de Walid Joumblatt, forme pratiquement un partenaire dont il faut tenir compte et, enfin, du Premier ministre qui a l’occasion à travers ce gouvernement de renforcer son influence sunnite en plus de son leadership national. Pour toutes ces raisons, aucune des parties membres de ce gouvernement ne souhaite sa chute ou sa démission.
Selon les sources proches du Hezbollah, le conseiller politique de sayyed Hassan Nasrallah aurait rendu visite récemment au Premier ministre Najib Mikati, après l’entretien télévisé accordé par ce dernier à la chaîne LBCI, au cours duquel il avait affirmé que le Liban versera sa part dans le financement du TSL, pour lui préciser que le Hezbollah ne le démentira pas et qu’il faut seulement trouver un scénario acceptable. Mikati de son côté aurait expliqué que le versement du Liban de sa part dans le financement du TSL est vital, car la communauté internationale attendrait le gouvernement à ce tournant. S’il refuse de payer sa part, il pourrait faire l’objet de sanctions économiques et d’un boycott politique qui ne feraient qu’affaiblir le pays dans son ensemble.

Source
New Orient News