Le président Bachar al-Assad reçoit la délégation du Conseil de Fédération de la Russie (Damas, 18 septembre 2011).
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La tendance en Syrie

Les visiteurs de Damas : le régime est solide et Bachar al-Assad est populaire
Les visiteurs libanais et étrangers de la capitale syrienne estiment que le pouvoir damascène tient bon face aux pressions et aux actes terroristes et qu’il n’est pas près d’être renversé. Pour l’anecdote, certains vont même jusqu’à dire que ceux qui réclament le départ de Bachar al-Assad, notamment les présidents français, Nicolas Sarkozy, et états-unien, Barak Obama, pourraient partir avant lui, balayés par la colère des électeurs lors des présidentielles prévues en 2012 dans les deux pays.
Ces visiteurs, qui se sont rendus à Damas ces dix derniers jours, ont pu constater par eux-mêmes que le régime reste solide et solidaire, avec toutes ses institutions administratives, militaires et sécuritaires, ainsi que diplomatiques. Six mois après le début de la crise, les opposants ne sont toujours pas parvenus à occuper une ville qui servirait de tête de pont à une intervention étrangère, en dépit de l’importance de l’appui US, européen, turc et des pétromonarchies.
L’armée reste soudée derrière le président Assad et les désertions de certains officiers subalternes, encouragés par l’étranger, ne constituent aucun danger réel. Rejoignant les groupes extrémistes armés, ils arrivent tout au plus à prendre le contrôle de certains quartiers d’où ils sont très vite délogés par la troupe. Celle-ci procède de manière systématique à travers des opérations spéciales et ponctuelles, dans le but d’éviter de lourdes pertes civiles et d’importantes destructions, ce qui risquerait de provoquer la colère de la population. C’est ce qui explique les bilans civils relativement léger lors des opérations militaires et celui relativement élevés dans les rangs de l’armée.
Le contrôle du terrain par les troupes légales et le pouvoir central empêche la crise de glisser vers la guerre civile et l’affrontement confessionnel, pour lequel les pétromonarchies, la Turquie et l’Occident travaillent d’arrache-pied. L’ambassadeur de France à Damas, Éric Chevallier, qui a effectué récemment une courte visite à Beyrouth, a confié à ses interlocuteurs que le président Assad, encore très fort sur le plan militaire, bénéficie aussi d’une large popularité parmi son peuple. C’est ce qui rendrait son renversement difficile voire impossible. L’ambassadeur a rapporté à ces interlocuteurs libanais que l’Occident est gêné par la question syrienne, et certains États commencent à croire que les positions occidentales ont peut-être été improvisées et prises à la hâte.
L’objectif de l’Occident est de pousser les régimes arabes à partager le pouvoir avec les Frères musulmans, dans une tentative de se réconcilier avec l’islam surtout après la mort officielle d’Oussama Ben Laden. En Égypte, la Confrérie devrait, selon les pronostics les moins optimistes, remporter quelque 25 % des sièges. Même chose en Tunisie. En revanche, Bachar al-Assad a rejeté tous les conseils turcs et autres d’inclure les Frères musulmans au Parlement et au gouvernement, estimant que si les membres de cette organisation devaient arriver au pouvoir, ce serait par le biais des élections. En même temps, il a réaffirmé sa détermination à lancer le processus de réformes politiques et constitutionnelles qui pourrait permettre une meilleure représentation de la population syrienne dans les différents niveaux du pouvoir. Si le Premier ministre turc semble déterminé à couper les ponts avec le régime syrien, de plus en plus de chancelleries européennes se demandent si la décision de faire chuter le régime a été réellement prise. Certains analystes estiment plutôt qu’après avoir décidé d’en finir avec le régime de Bachar al-Assad, pour affaiblir l’Iran et le camp de la Résistance, l’administration états-unienne aurait donné un coup de frein à son action, d’abord à cause de la solidité du régime syrien, mais aussi en raison de l’étendue et de la gravité des conséquences de la situation en Syrie sur l’ensemble du Moyen-Orient.

La tendance au Liban

Pour Washington, le Liban devrait être l’arrière-base des opposants syriens
L’ambassadrice des États-Unis à Beyrouth, Maura Connelly, a donné ses instructions à la coalition du 14-Mars afin qu’elle intensifie ses actions de soutien à l’opposition syrienne au Liban. La diplomate est allée jusqu’à demander au ministre de la Défense, Fayez Ghosn, lors d’une rencontre officielle, que l’Armée libanaise assure la protection des opposants syriens qui agissent à partir du territoire libanais contre leur pays. La réponse de ce dernier a été sans équivoque (Voir ci-dessous).
L’attitude de Mme Connelly montre qu’il existe une décision US d’utiliser le Liban afin de mener des actions de subversion et de déstabilisation contre la Syrie, en transformant les bastions du Courant du futur —de Saad Hariri—, limitrophes à la frontière libano-syrienne, en principale base-arrière de l’opposition syrienne. C’est le même schéma qui existait à l’époque où Jeffrey Feltman occupait le poste d’ambassadeur à Beyrouth. L’actuel secrétaire d’État adjoint pour les Affaires du Proche-Orient avait mis au point un plan visant à implanter dans les zones d’influence du Courant du futur des cellules des Frères musulmans syriens et des partisans d’Abdel Halim Khaddam, l’ancien vice-président syrien dissident, afin de tenter de déstabiliser le pouvoir syrien.
Les événements des six derniers mois en Syrie ont montré qu’il existe au Liban des équilibres et des équations qui empêchent la concrétisation du plan Feltman, quelles que soient l’intensité des pressions exercées sur le gouvernement de Najib Mikati. Les États-uniens ont tout essayé, y compris les tentatives d’associer le secteur bancaire libanais aux sanctions économiques et financières prises unilatéralement par les États-Unis et l’Europe contre la Syrie.
Le 14-Mars, toujours volontaire pour mettre en œuvre les plans US destinés à protéger Israël en affaiblissant la Syrie, accepte encore une fois de jouer un jeu dangereux qui aura de graves répercussions sur la sécurité et l’économie du Liban. Ce que Washington exige du secteur bancaire et de l’Armée libanaise constitue une violation flagrante de l’accord de Taëf qui a mis fin à la Guerre civile. Cet accord stipule que le Liban ne peut être utilisé pour exécuter des politiques qui nuiraient à la sécurité et à la stabilité de la Syrie, et vice-versa.
Tout Libanais qui accepte de participer au plan de déstabilisation de la Syrie commet, avant tout, un crime contre son propre pays.
Le gouvernement libanais est responsable d’empêcher que le pays ne soit utilisé comme plate-forme destinée à exporter vers la Syrie les armes, l’argent et les hommes nécessaires à alimenter une contestation qui s’essouffle et qui n’a pas réussi, malgré les moyens gigantesques mis à sa disposition, à initier une dynamique de changement ou une alternative sérieuse, capable de convaincre le peuple syrien.
Seule l’Armée libanaise déploie de sérieux efforts pour lutter contre le trafic d’armes à partir du Liban et contre l’infiltration de cellules armées en direction du territoire syrien. Car elle est consciente que ce genre d’actions aura des répercussions dangereuses sur le pays. Par contre, le gouvernement et ses différents services font preuve d’un laxisme qui ne peut plus continuer sans risquer de se répercuter négativement sur les relations avec la Syrie et sur la stabilité interne.

Déclarations et prises de positions

Michel Sleiman, Président de la République libanaise
Extraits d’une interview accordée au quotidien libanais Al-Charq, le 04 octobre
« Personne ne partage avec moi mes prérogatives. Le Liban est engagé en faveur du financement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), sans que cela ne supprime les remarques à propos de ce tribunal. Il faudrait que la contribution libanaise au financement du tribunal passe, car le Liban a des engagements à cet égard. Mais cette contribution n’annule pas les remarques existantes au sujet du TSL (…) Il va falloir que la situation en Syrie s’oriente vers la démocratie. Si Dieu le veut, cela se fera le moins coûteusement possible, surtout en vies humaines. Et en fin de compte, la démocratie débouchera sur l’alternance du pouvoir. Concernant le dialogue national libanais, il se tiendra mais la date n’est pas encore précisée, car les deux parties au dialogue n’ont pas encore des points de vue convergents autour du sujet du débat. »

Michel Aoun, principal leader chrétien libanais
« Au sujet des nominations administratives, nous sommes prêts à proposer les noms de nos candidats que nous choisirons sur la base de la compétence et de l’honnêteté, sans aucune considération à leur appartenance politique. Nous nous opposerons à la nomination de toute personne incompétente. Nous rejetons toute hausse de la TVA. Les taxes devraient être imposées sur les bénéfices et non sur la consommation. Je ne couvrirais pas les vols et le gaspillage. Concernant le financement du Tribunal spécial pour le Liban, je ne suis pas disposé à payer des sommes d’une manière illégale et anticonstitutionnelle. Que celui qui s’engage à financer le tribunal, le paye de sa propre fortune (…) En Syrie, les tentatives pour changer le régime seront vouées à l’échec. Nous avions dit à plusieurs reprises que le Syrie et le régime syrien ne tomberont pas et que les réformes seront instaurées. »

Fayçal Al-Mokdad, vice-ministre syrien des Affaires étrangères
« La Syrie est en butte à des actes terroristes. Dans les prochains jours, nous remettrons au Haut commissariat des droits de l’homme des Nations unies une liste de martyrs, fonctionnaires et policiers, plus de 1 100 personnes en tout, qui ont été tuées par des terroristes. Notre pays a connu au cours des sept derniers mois des menaces de guerre nombreuses : guerre médiatique, désinformation, mensonge et toutes formes de menace et de tromperies. »

Fayez Ghosn, ministre libanais de la Défense
« Mon avis diverge de celui de l’ambassadrice des États-Unis au Liban Maura Connelly sur la Syrie. L’Armée libanaise remplit sa mission à la frontière entre les deux pays, dans la mesure de ses capacités, pour empêcher le trafic d’armes qui seront utilisées contre le peuple syrien. Concernant l’incursion des forces syriennes dans le village d’Ersal, une enquête est en cours. »

Denis Pietton, ambassadeur de France au Liban
Extraits d’une interview accordée à Radio Orient, le 03 octobre
« La France respecte l’avis du patriarche maronite Béchara Raï sur l’avenir des minorités au Moyen-Orient. Le patriarche a à l’esprit ce que les chrétiens ont subi en Irak et au Moyen-Orient. Tout le monde comprend la sensibilité de la situation dans la région. Il est nécessaire de tenir compte des inquiétudes des chrétiens. L’opposition en Syrie doit s’unifier et agir de manière responsable, ce qui constitue une garantie pour les chrétiens. Le président Bachar el-Assad détient la clé des réformes, mais il s’est malheureusement écarté de cette voie. C’est pourquoi il est arrivé à une impasse (…) La question des armes du Hezbollah ne peut se résoudre du jour au lendemain, elle doit faire l’objet d’un dialogue national entre les Libanais. Le principal objectif du dialogue national c’est la renonciation aux armes par le Hezbollah. La position française est claire : La défense du Liban ne peut être assumée que par l’État et l’Armée libanais, pas par les partis. La France ne suspendra pas ses programmes d’aides à l’Armée libanaise. »

Revue de presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité, 06 octobre 2011)
Nabil Haitham
Le Courant du futur de Saad Hariri est victime d’une confusion politique grandissante, qui est palpable dans plusieurs dossiers dont celui du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). En effet, les avis sont partagés au sein de ce Courant à propos du dossier de financement du TSL : certains souhaitent laisser Najib Mikati s’embourber dans ce dossier, tandis que d’autres appellent à contraindre son gouvernement à verser la part due par le Liban. Les partisans de ce dernier point de vue exhortent le Courant du futur à présenter une proposition de loi enjoignant au cabinet de débloquer la contribution libanaise. Un avis que ne partagent pas d’autres membres du Courant, qui considèrent qu’une telle démarche sera très risquée : la majorité parlementaire pourrait adopter cette proposition au Parlement, mais il est possible dans ce cas que l’autre camp présente un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel. Un grand problème se présentera si ce Conseil accepte un tel recours et abroge la loi en question, qui sera considérée alors comme anticonstitutionnelle. Le Hezbollah et ses alliés saisiront la balle au bond et y verront un témoignage contre le TSL de la part de la plus haute autorité juridique et constitutionnelle dans le pays. Les avis divergent également au sujet de la position du Premier ministre Najib Mikati vis-à-vis du financement du tribunal : alors qu’une petite partie l’apprécie, la plupart estiment que Mikati ne fait que remplir l’un des devoirs de son gouvernement, et qu’il souhaite ainsi se tirer d’embarras au cas où le gouvernement ne se prononcerait pas en faveur de la contribution libanaise au budget du TSL.

As Safir (03 octobre 2011)
Daoud Rammal
Une source politique libanaise qui vient d’effectuer une tournée en Europe signale que le projet occidental n’est pas la division de la région, mais le partage du pouvoir dans la région, avec la participation au pouvoir des Frères musulmans, suivant le modèle turc ou indonésien de l’islam politique. Personne en Occident ne veut renverser Bachar el-Assad, ajoute la source. Le président syrien a aujourd’hui les mains libres pour lancer un grand chantier de réformes. L’Occident misait, et mise toujours, sur une nouvelle expérience au pouvoir en Syrie sous le jeune président, et tout le monde sait que l’obstacle à cela provenait de l’intérieur du régime. Les réformes en Syrie sont désormais inéluctables, et tout recul à ce niveau engendrerait des pressions internes qu’aucun régime ne peut supporter, conclut la source.
La source ajoute que la France revoit actuellement sa position sur la Syrie. L’ambassadeur de France en Syrie, qui a effectué une visite secrète à Beyrouth la semaine dernière, a évoqué la force du régime syrien et de l’institution militaire en particulier. Il a franchement exprimé devant ses interlocuteurs l’embarras de la France et la crainte d’un conflit armé. Interrogé si le régime syrien allait tomber, il n’a pas donné de réponse catégorique, si bien que ses interlocuteurs ont compris que non.

An Nahar (Quotidien libanais proche de la Coalition du 14-Mars, édition du 09 octobre 2011)
Rosanna Bou Mounsef
Les pays européens sont en train de débattre de nouvelles sanctions contre le régime syrien, portant notamment sur le secteur bancaire et les investissements. Des sources diplomatiques précisent toutefois que ces pays ne semblent pas avoir l’intention de reconnaître le Conseil national syrien créé dernièrement à Istanbul. À l’exception de la France, qui a salué la formation de ce Conseil, les pays occidentaux n’ont pas affiché un grand enthousiasme à cet égard. Ils estiment que la situation en Syrie diffère de celle qui prévaut en Libye et qui a conduit à la reconnaissance du CNT. Les pays européens, ajoutent les mêmes sources, ne veulent pas non plus rendre un service gratuit au régime syrien en l’aidant à étayer sa théorie du complot. N’empêche que ces pays sont bien embarrassés au point qu’on se demande s’ils veulent ou non la chute du régime syrien ?

An Nahar (06 octobre 2011)
Sabine Oeiss
Le Hezbollah doit désormais choisir entre le pouvoir et le combat contre le Tribunal spécial pour le Liban (TSL). C’est pourquoi le gouvernement sera en danger si un projet de loi pour le financement du TSL est présenté au Parlement. Cette option ne sera toutefois retenue que si le Conseil des ministres est incapable de parvenir à une décision. Car la priorité, voire la seule option envisageable, est l’examen de la question en Conseil des ministres.

An Nahar (03 octobre)
Sarkis Naoum
Les autorités françaises ont depuis longtemps fait savoir aux Libanais qu’elles s’intéressaient à l’ensemble des communautés libanaises et non seulement aux chrétiens. En outre, plus rien n’empêche la France d’agir avec d’autres pays pour protéger des communautés musulmanes, les aider à s’autodéterminer et les libérer de l’hégémonie, même chrétienne. Cette évolution aurait dû pousser l’Église maronite d’Orient, non à renoncer à la visite traditionnelle de tout nouveau patriarche en France, mais à en faire une visite symbolique. Les autorités françaises ont d’ailleurs renoncé à une bonne partie du protocole propre à de telles visites, lors de la visite du patriarche Raï à Paris dernièrement. En effet, les responsables français auraient été agacés par un discours politique prononcé par le patriarche avant cette visite, accusant l’Occident de fragmenter la région au profit d’Israël. Certaines dispositions de ce protocole n’ont pas été appliquées lors de la visite de Mgr Raï. La France voulait-elle ainsi dissuader le patriarche d’effectuer une telle visite, puisqu’il était au courant de ce qui était prévu pendant les préparatifs de cette visite ?

Al-Akhbar (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité, 06 octobre 2011)
Nicolas Nassif
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a exprimé devant ses visiteurs son refus catégorique du financement Tribunal spécial pour le Liban (TSL), tout en appelant à protéger le gouvernement. Le mutisme du parti sur cette question ne signifie d’aucune manière que sa position est négociable, du moins jusqu’à présent. Toutes les voies proposées pour faire passer le financement seront rejetées par le Hezbollah.
Des sources proches du parti précisent que le Hezbollah estime que le Premier ministre peut supporter les conséquences du refus du financement, sans qu’il ne soit contraint de démissionner ou de transformer le cabinet en un gouvernement d’expédition des affaires courantes. Les sources ajoutent que la décision du financement du TSL sera laissée au Conseil des ministres, où la majorité gouvernementale refusera en fin de compte le financement. Le Hezbollah s’emploie à présent à consacrer l’équation délicate qui consiste à refuser le financement du TSL tout en préservant la cohésion gouvernementale.

Al-Akhbar (02 octobre 2011)
Jean Aziz
C’est la deuxième fois qu’un patriarche maronite se rend aux États-Unis sans faire escale à la Maison-Blanche. En effet, il y a une décennie, le patriarche Sfeir est allé aux États-Unis, où la Maison-Blanche a refusé de le recevoir. Lorsque le patriarcat maronite était contre la politique de la Syrie, parce qu’il était soucieux des intérêts de la Syrie et du Liban, Washington était contre lui. Et lorsqu’il a refusé que la Syrie soit incendiée, de peur que l’incendie ne s’étende au Liban, Washington est là aussi contre lui. Mgr Raï semble donc évoluer sur la voie de son prédécesseur, alors que Washington est dans une impasse israélienne.

Al-Balad (Quotidien arabophone libanais indépendant, 05 octobre 2011)
Ghada Halawé
En recevant plusieurs personnalités sunnites libanaises dernièrement, le président syrien Bachar el-Assad veut faire passer certains messages. Il souhaite, d’abord, souligner que la crise en Syrie n’est pas entre le régime et la communauté sunnite : il ne s’agit pas d’une bataille confessionnelle, mais politique. Ensuite, la légitimité sunnite d’Assad n’est pas limitée à la Syrie, elle s’étend également au Liban. D’autre part, le président syrien signifie que la Syrie préserve son rôle régional.
Sur un autre plan, le président Assad adresse un message à Najib Mikati qui, par ses engagements new-yorkais, s’est écarté des choix qui ont assuré son accession à la présidence du Conseil. Assad lui dit en quelque sorte qu’il lui sera difficile de continuer sur cette voie.

Al-Hayat (Quotidien saoudien, 07 octobre 2011)
Mohammad Choucair
Le Liban officiel est sur le point d’entrer dans une confrontation politique avec la communauté internationale, parce que des composantes essentielles au gouvernement s’obstinent à refuser que le Liban participe au financement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Ce refus est pourtant contraire à la volonté du Premier ministre Najib Mikati qui n’a cessé d’afficher des positions favorables au financement.
Selon des sources ministérielles, Mikati a été informé que ces parties participant au gouvernement n’ont pas l’intention d’accepter le financement du TSL et qu’elles refusent l’introduction d’une clause à cet effet dans le projet de budget pour 2012, comme l’avait annoncé le ministre des Finances Mohammed Safadi. Mikati aurait informé des parties au sein du gouvernement favorables au financement du TSL qu’une décision irrévocable de refus de financement a été prise ces dernières heures. Cette décision est le fruit de concertations tenues loin des feux de la rampe. On ignore encore quelle est la réaction du Premier ministre, du président de la République, ou du chef du PSP Walid Joumblatt à ce refus. Les sources se demandent si le gouvernement peut rester en place si le financement du TSL est rejeté ? Comment Mikati justifiera-t-il devant la communauté internationale l’opposition de la majorité gouvernementale à la volonté du chef du gouvernement ? L’alternative serait-elle le recours au Parlement, pour éviter une confrontation avec la communauté internationale ? Des sources indiquent que Mikati pourrait en effet se tourner vers le Parlement pour éviter une crise interne au sein du gouvernement, d’autant plus qu’une éventuelle démission du gouvernement ouvrirait la voie à la formation d’un cabinet de technocrates qui pourrait être rejeté par la majorité.
Les sources révèlent que les commandements syrien et iranien n’ont pas été surpris par la position prise par leurs alliés. Une décision aussi importante que celle de s’opposer au financement du TSL ne peut avoir été prise sans consulter les deux pays, car elle a des répercussions régionales et internationales importantes.
Les sources précitées avouent qu’elles étaient convaincues que la Syrie ne s’opposerait pas au financement du TSL et qu’elle tenterait de convaincre le Hezbollah d’assouplir sa position, parce que Damas a besoin du poumon libanais pour respirer, surtout si les sanctions internationales contre la Syrie venaient à être renforcées. Les sources reconnaissent cependant qu’elles avaient tort : la Syrie et l’Iran ne laisseraient pas leurs alliés libanais affronter seuls la situation.
Il faut attendre le retour au Liban du président de la Chambre Nabih Berry pour avoir une idée plus complète des positions politiques internes, d’autant qu’il est un acteur incontournable et que les forces du 8-Mars ne peuvent prendre une décision de cette ampleur sans le consulter.

Al-Hayat (03 octobre 2011)
Houssam Itani
Le patriarche maronite Béchara Raï respecte scrupuleusement cette tradition libanaise qui permet à un religieux de faire de la politique comme n’importe quel leader. Et en se rangeant avec une partie du spectre politique, il n’invente rien. On peut considérer que l’histoire de l’Église est rythmée par les changements dans les rapports de force au sein de la communauté, sur le plan local et régional. Mais aujourd’hui, les prises de positions du patriarche sont très sensibles. En effet, ses déclarations interviennent à un moment où les relations entre les communautés de la région sont examinées à l’aune de la peur des minorités et leurs alliances. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses déclarations parisiennes ne sont pas prudentes, non seulement parce qu’il a apporté son soutien à un régime qui use de la violence communautaire, mais aussi parce qu’il contraint les maronites libanais à faire le choix de l’alliance avec les chiites contre les sunnites. Si ces deux considérations s’avéraient exactes, elles conduiraient à une catastrophe pour les maronites et les chrétiens en général. Le tsunami des révolutions arabes ne s’arrêtera pas aux petits calculs communautaires. Les calculs du patriarche pourraient aggraver la colère d’une communauté (…) Tous ceux qui défieront le sens de l’Histoire seront éliminés.

Acharq Al-Awsat (Quotidien saoudien, 06 octobre 2011)
Paris, Michel Abou Najem
Des sources françaises estiment que les Occidentaux ont réalisé un progrès en amenant l’Inde, le Brésil, l’Afrique du sud et le Liban à s’abstenir de voter alors que ces pays s’opposaient auparavant à une résolution concernant la Syrie. La Russie et la Chine ont voulu se venger des pays occidentaux pour ce qui s’est passé en Libye. Elles considèrent que les Occidentaux les ont leurrées et ont interprété à leur guise la résolution 1973. Elles craignent que le vote d’une résolution sur la Syrie n’ouvre la voie à une intervention militaire occidentale contre le régime syrien, scénario qu’elles rejettent compte tenu de leurs intérêts stratégiques et économiques en Syrie et dans l’ensemble de la région. Des sources informées à Paris précisent qu’outre l’action au sein du Conseil de sécurité, il existe deux nouvelles approches pour agir contre le régime syrien : imposer de nouvelles sanctions ; reconnaître l’opposition syrienne comme représentant légitime du peuple syrien. La reconnaissance du Conseil national syrien se fera, selon elles, graduellement.

Acharq Al-Awsat (06 octobre 2011)
Les salafistes syriens prennent au sérieux les craintes des chrétiens libanais et occidentaux. Selon des sources informées, des salafistes syriens de l’opposition, refugiés au Liban, multiplient les contacts avec des personnalités chrétiennes et organisent des rencontres secrètes pour les rassurer et expliquer leur point de vue concernant un nouveau régime en Syrie basé sur l’idée de l’État civil, démocratique et pluraliste. Des politiques chrétiens libanais les ont aidés à rencontrer des États-uniens et des Européens pour leur présenter leur vision des choses, afin d’inciter les Occidentaux à prendre une position catégorique vis-à-vis du régime syrien.

L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche de la coalition du 14-Mars, édition du 03 octobre 2011)
Scarlett Haddad
Des spécialistes de la justice internationale estiment qu’il serait possible de décider de financer le tribunal sous conditions. Par exemple, le Liban pourrait demander au Conseil de sécurité, tout en proposant de payer sa part dans le financement, de rectifier le tir du tribunal et de corriger ses lacunes. Le Liban, qui contribue à 49 % au financement du TSL, pourrait dans ce même ordre d’idée demander au secrétaire général de l’ONU un relevé détaillé des dépenses d’autant qu’il a déjà versé près de 45 millions de dollars. Il pourrait aussi exiger d’avoir une copie du rapport de la société britannique qui avait été chargée d’effectuer un audit sur les dépenses du tribunal, d’autant que le porte-parole de ce tribunal, Herman Von Hebel, avait déclaré récemment que ce rapport avait été envoyé à la commission internationale formée pour surveiller l’action de celui-ci. De même, en tant que contributeur principal au financement du TSL, le Liban pourrait demander à cette commission un rapport détaillé sur sa mission. Cette commission, qui regroupe en principe des représentants des États qui participent à plus d’un million de dollars au financement du tribunal (à savoir la Grande-Bretagne, la France, la Hollande, l’Allemagne, le Liban et les États-Unis), s’est-elle déjà réunie ? A-t-elle vérifié les comptes et s’est-elle assurée qu’il n’y a ni dilapidation des fonds ni corruption, ni politisation du fonctionnement, ni souci de vengeance ? A-t-elle étudié les salaires versés aux différents fonctionnaires, et le budget annuel du TSL a-t-il été dépensé à bon escient ? La commission a-t-elle vérifié la coopération de tous les États sollicités, d’autant que le prédécesseur du procureur Daniel Bellemare, Serge Brammertz, avait constaté dans un de ses rapports que certains États avaient refusé de coopérer avec l’enquête internationale...
De même, dans le règlement interne du TSL, il est dit que des rapports réguliers sont remis aux représentants des États membres de la commission de contrôle et à ceux des États intéressés. De qui s’agit-il ? Israël figure-t-il parmi ceux-ci, alors qu’il ne cache pas sa volonté de frapper le Hezbollah et d’en finir avec lui ? Le Liban pourrait aussi soulever la question de l’aspect anticonstitutionnel du statut du TSL par rapport au Liban, puisqu’il avait été adopté sans avoir été examiné par l’ensemble des députés au Parlement et sans avoir obtenu l’approbation du président de la République. Enfin, sur le plan des normes juridiques, c’est le TSL qui a rédigé son propre statut, devenant ainsi en quelque sorte à la fois juge et partie.
Toutes ces interrogations qui confortent la méfiance de certaines parties libanaises à l’égard du TSL pourraient donc figurer dans un mémorandum détaillé qui serait adressé par le gouvernement au secrétaire général des Nations unies, en lui réclamant des réponses précises, dans le but de lever tous les doutes et de permettre à la justice internationale de faire son travail dans des conditions irréprochables. Les partisans de cette thèse estiment que cette attitude ferait passer le Liban vers le statut d’attaquant tout en confirmant son engagement à l’égard du TSL. Il déciderait ainsi de payer sa part dans le financement du TSL tout en réclamant des précisions sur son fonctionnement et des mesures pour mettre un terme à tous les doutes sur sa politisation. La balle serait alors dans le camp de l’ONU. Si les réponses requises n’arrivent pas en temps voulu, le Liban remettrait alors en cause le renouvellement du protocole qui expire en mars 2012.
Cette thèse fait en tout cas son chemin et les spécialistes en justice internationale l’examinent avec sérieux pour voir d’abord dans quelle mesure l’ONU pourrait accueillir favorablement ces demandes libanaises et ensuite si les différentes parties participant au gouvernement seraient prêtes à l’adopter... Les contacts sont déjà entamés discrètement et dès son retour le Premier ministre compte entreprendre une série de rencontres axées sur ce dossier. Toutes les idées sont les bienvenues. Le Premier ministre et ses conseillers creusent toutes les pistes et ne désespèrent pas, convaincus qu’en fin de compte, la raison et l’intérêt général l’emporteront.

Source
New Orient News