Dessin : Steve Benson

La tendance générale

La défaite de l’empire états-unien
Lorsqu’ils ont décidé d’envahir et d’occuper l’Irak, en 2003, les États-Unis ont tenté d’imposer leur vision d’un monde unipolaire. Cette guerre avait pour but de terroriser toutes les puissances régionales et internationales qui osaient relever la tête, et de détruire les Nations unies en tant qu’organisation basée sur le partenariat dans le processus de prise de décisions. C’est ce qu’avait affirmé Washington à la veille et après l’invasion de l’Irak. Il a aussi clairement exprimé son intention de remodeler le Moyen-Orient et de le placer sous son hégémonie en créant de nouvelles réalités régionales basées sur deux principes : protéger Israël après sa défaite au Liban (le retrait unilatéral de l’an 2000) et démembrer les deux pays réellement indépendants et soutenant la Résistance : la Syrie et l’Iran.
Certains experts états-uniens affirment que l’invasion de l’Irak a atteint ses objectifs dans la mesure où l’entourage de George Bush a amassé des fortunes colossales à travers le pillage du pays, sans compter que les cartels du pétrole et de l’armement ont raflé des contrats faramineux. Le tout sous le parrainage de l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.
Certes, le clan de la guerre, appuyé par le lobby sioniste, a des raisons de se réjouir en prenant en compte ces considérations matérielles. Mais mis à part ces maigres dividendes, l’occupation de l’Irak, suivie des guerres du Liban en 2006 et de Gaza en 2008-2009, ont été une véritable catastrophe d’ordre stratégique pour les États-Unis et leurs protégés israéliens. Les sacrifices consentis par les Irakiens, qui ont infligé des pertes énormes aux troupes US, ainsi que les revers subis par les Israéliens au Liban et en Palestine, ont prouvé que les peuples de l’Orient arabe, qui ont résisté et défendu leur dignité et leur indépendance, ont infligé à l’alliance impérialiste, notamment aux États-Unis, une défaite historique aux conséquences stratégiques.
La commission bipartisane Baker-Hamilton a publié, après la défaite israélienne en 2006, un rapport qui présente l’évaluation de l’establishment états-unien. La conclusion se résume en un seul mot : l’échec. Dès lors, la politique US n’avait plus qu’un seul but : contenir cet échec et limiter les dégâts en optant pour la soft power, qui se base sur les guerres secrètes menées par les services de renseignement et une panoplie de sanctions lesquelles ont montré leur impuissance à réaliser les buts que la force militaire avait été incapable d’atteindre.
L’éclatement de la crise économique et financière qui secoue les États-Unis et l’Occident n’est pas un hasard. Elle est directement liée aux défaites successives dans les guerres qui ont couté un trillion de dollars. Les experts s’attendent à une nouvelle crise encore plus dévastatrice que celle qui a frappé les États-Unis en 2008 et l’Europe en 2011. Ce n’est pas un hasard non plus que la fuite états-unienne de l’enfer de la Résistance irakienne coïncide avec les revers de la CIA au Liban et en Iran (Voir ci-dessous). Il est clair que le soft power, déployé après les défaites militaires rencontre des difficultés non moins graves que le hard power.

Prémices de l’échec du plan contre la Syrie
Le retrait d’Irak, passé sous silence par les médias dominants dans le but de préserver le moral déjà très affecté de l’armée et du peuple états-unien, constitue l’événement fondateur d’un monde nouveau qui verra les compétiteurs des USA se relever pour faire face à l’hégémonie d’une superpuissance déclinante. Les prémices de cette ère commencent à poindre avec la constitution d’un nouveau front international, les Brics, qui refusent que l’Occident continue à gérer unilatéralement les affaires du monde.
Les développements de la crise en Syrie, où les États-uniens et leurs alliés arabes et européens ont des difficultés à imposer leur volonté, illustrent cette tendance à un monde multipolaire. En Syrie, les sanctions que l’alliance occidentale s’efforçait de mettre en place à travers la Ligue arabe commencent à s’effondrer. Grâce à un subtil jeu politique et diplomatique, Damas a réussi à ouvrir des brèches importantes par le biais de l’Irak, qui a ravi l’initiative au Qatar. Avec le Liban et la Jordanie, qui refusent de mettre en œuvre les sanctions décidées par la Ligue arabe, c’est tout le système que les pays du Golfe voulaient mettre en place qui vacille. Un article publié dans le Foreign policy par deux experts internationaux précise que les sanctions adoptées contre la Syrie affectent le peuple et renforcent l’État, qui dispose d’un large éventail de solutions de rechange pour contourner les sanctions et les vider de leur sens.
Les pressions politiques arabo-occidentales ont encore moins d’effets que les mesures de rétorsions économiques. Les tentatives forcenées d’internationaliser la crise en envoyant le dossier au Conseil de sécurité se heurtent à la position ferme de la Russie et de ses amis du Brics. Moscou a procédé à une manœuvre politico-diplomatique remarquable qui a, à son tour, ravi l’initiative aux États-Unis. En présentant un projet de loi sur la Syrie au Conseil de sécurité, la Russie a coupé l’herbe sous les pieds des Occidentaux qui font actuellement preuve d’une grande confusion, autant que leurs marionnettes du Conseil national syrien mené par Burhan Ghalioun. Ce dernier, très maladroit, ne cache plus ses intentions en affirmant que l’opposition syrienne a pour objectif de déconnecter la Syrie de ses alliances actuelle avec l’Iran et les mouvements de résistance pour l’amarrer solidement au camp occidental.
Pendant ce temps sur le terrain, les groupes terroristes multiplient leurs crimes et leurs attaques contre les troupes régulières. Mais ces actions armées sont incapables de modifier les rapports de forces internes qui restent largement en faveur du pouvoir syrien.

La tendance au Liban

Encore un échec pour la CIA
Au cours d’une émission sur la chaîne Al-Manar, le député Hassan Fadlallah a démonté le processus de recrutement des espions pour le compte de la CIA tout en divulguant, noms et documents à l’appui, le noyau composé de dix officiers de l’Agence US de renseignement qui gère les espions. La cellule de la CIA est installée à Aoukar, dans l’immeuble numéro 2 du complexe abritant l’ambassade des États-Unis.
Ces révélations, qui n’ont pas été démenties par l’ambassade, prouvent l’étendue de l’infiltration de la CIA au Liban. L’agence dispose de larges réseaux d’espions sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones d’influence de la Résistance, c’est-à-dire la Banlieue sud de Beyrouth, le Liban-Sud et la plaine de la Békaa.
Les enquêtes menées par le service du contre-espionnage de la Résistance montrent que la CIA et le Mossad ont le même objectif au Liban et travaillent main dans la main pour infiltrer le Hezbollah et les secrets militaires et de défense libanais. Face à ces révélations, l’État devrait réagir dans deux directions : démanteler les réseaux d’espionnage américano-israéliens, puis déposer des plaintes contre la CIA et l’administration Obama qui violent sans scrupule la souveraineté nationale et cherchent à affaiblir le Liban pour le compte de son protégé israélien.
Les chantres de la souveraineté au Liban, toujours prompts à dénoncer les armes du Hezbollah et les travaux d’installation d’un réseau de télécommunication pour la Résistance, au nom de « la protection des droits de l’État » —le plus loquace dans ce domaine étant Sami Gemayel— n’ont rien trouvé à dire sur la découverte des cellules de la CIA au Liban. C’est le silence radio total.
La Résistance a réussi un tour de force en parvenant à démanteler les réseaux d’espionnage US. Elle a aussi révélé la coopération étroite existant entre la CIA et le Mossad, au point que travailler pour l’un signifie automatiquement collaborer avec l’autre. Le Hezbollah a ainsi enregistré des victoires sécuritaires encore plus spectaculaires que les précédentes, car il s’agit d’un coup stratégique.
D’ailleurs, un ancien agent de la CIA, Robert Baer, en poste de longues années au Liban, a qualifié le Hezbollah d’« ennemi ayant un énorme potentiel dans le contre-espionnage ». Selon l’ancien espion, « le démantèlement du réseau de la CIA au Liban et en Iran constitue un coup dur pour les services de renseignement américains, surtout en plein cœur de la guerre du renseignement menée actuellement contre l’Iran ». Il affirme que s’il était en poste à Beyrouth, il aurait fermé l’antenne de la CIA car toutes ses sources ont été grillées.

Déclarations et prises de positions

Cheikh Naïm Kassem, secrétaire général adjoint du Hezbollah
« La sécurité au Liban n’est pas du ressort du Hezbollah. Le parti se conforme aux lois libanaises, alors que les positions du 14-Mars sont en phase avec le projet israélo-américain. Nous rejetons toutes les accusations politiques lancées contre le Hezbollah. Elles visent ternir la réputation de la Résistance. Toutes ces accusations sont erronées et sans fondement. Les voix qui appellent au désarmement de la Résistance n’aboutiront pas. Nous mettons en garde contre les tentatives visant à impliquer le Liban dans une aventure régionale. Le 14-Mars veut utiliser le Liban comme plateforme pour attaquer le régime syrien dans le but de servir les intérêts israélo-américains au Moyen-Orient. »

Saad Hariri, ancien Premier ministre du Liban (Pro-US)
« Il est impératif de retirer toute les armes illégales au Liban. Il existe de sérieuses divergences politiques avec le Hezbollah à ce sujet et sur d’autres questions. Il fait mettre un terme à l’effusion de sang en Syrie. Le régime syrien et Israël se ressemblent beaucoup sur ce point. Les Israéliens tuent les Palestiniens et le régime syrien écrase son peuple. Je suis contre les deux. Le régime syrien ne signera pas le protocole de la Ligue arabe. Je soutiens la décision de la Ligue de saisir le Conseil de sécurité de l’Onu sur la Syrie et je salue la politique turque concernant les réfugiés syriens. La révolution du cèdre, en mars 2005, a encouragé les arabes au changement. »

Revue de presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 16 décembre 2011)
Paris, Mohammad Ballout
La révision stratégique en cours de la mission de la Finul pourrait paver la voie à un retrait de la Force intérimaires des Nations unies du Liban. Si cette question a été remise sur le tapis, c’est peut-être à cause du dernier attentat contre le contingent français de la Finul. Une source militaire française signale que la révision stratégique pourrait prévoir dans l’avenir de transférer à l’Armée libanaise le contrôle de certaines zones des secteurs militaires placés sous le contrôle des Casques bleus. Progressivement, ce transfert de responsabilités pourrait faciliter le retrait de la Finul ou de certains contingents qui y participent, sans qu’il n’y ait de risques sur le terrain ou de graves répercussions politiques. La révision se heurte à des difficultés opérationnelles liées à la structure de certaines brigades de l’armée libanaises et à des facteurs politiques et sécuritaires au Sud du Litani.

As Safir (15 décembre2011)
Daoud Rammal
Des informations officielles font état de plans très dangereux préparés pour le Liban-Sud. Ces plans comporteraient l’une des options suivantes :
Tous les contingents de la Finul seront rassemblés dans des zones bien déterminés et leur mission sera limitée aux frontières. La Finul deviendra ainsi une sorte de garde-frontières, comme la Fnuod (sur le plateau du Golan). Parallèlement, les prérogatives de l’Armée libanaise seront augmentées, surtout à l’intérieur des villes et villages.
Les Français pourraient réduire leur participation à la FINUL ou s’en retirer. Le rôle de l’armée sera renforcé au Sud. Cela peut sembler positif à première vue, mais il est en réalité très dangereux car il peut entraîner des problèmes entre l’armée et les habitants.
Les problèmes qui pourraient avoir lieu entre les habitants et l’armée ainsi que les tentatives de semer le chaos au Sud pourraient être le prélude à des efforts israélo-internationaux réclamant une augmentation des prérogatives de la Finul, non seulement au Sud, mais dans tout le Liban, y compris sur les frontières syro-libanaises. Le Liban serait ainsi placé sous une tutelle multinationale visant à resserrer l’étau autour de la Résistance et à contrôler concrètement tout mouvement sur les frontières syro-libanaises.

As Safir (13 décembre2011)
Lors de la séance du Conseil des ministres, des ministres de la majorité ont réclamé l’arrêt de la mise en œuvre d’une décision prise par le Haut comité de secours, prévoyant de délivrer des cartes aux réfugiés syriens et de préparer l’établissement de camps pour y accueillir 50 000 déplacés. Les ministres ont protesté contre une telle mesure prise par le président du Haut comité de secours, le général Ibrahim Bachir.
Les ministres se sont demandé si cette décision préparait le terrain à l’établissement d’un couloir humanitaire et d’une zone tampon. Le Liban peut-il se permettre de prendre une telle mesure, des points de vue politique, administratif, sécuritaire et démographique ? La décision relève-t-elle du champ de compétences du Haut comité de secours, d’un ministère déterminé ou du gouvernement réuni ? Est-elle en phase avec la position du gouvernement vis-à-vis de la crise syrienne, d’autant que le Liban avait officiellement rejeté l’établissement de camps pour les réfugiés syriens ?
Le Premier ministre Najib Mikati a demandé de ne pas conférer une dimension politique à cette question, estimant qu’il s’agissait d’une erreur administrative. Pour sa part, le ministre Mohammad Fneich a assuré qu’il s’agit d’une démarche politique inacceptable. « Nous avons déjà refusé que soient établis des camps pour les réfugiés syriens au Liban », a rétorqué Mikati.

As Safir (15 décembre2011)
Sami Kleib
La cible de l’attentat contre la patrouille française de la Finul n’est autre que la politique étrangère suivie par le président Nicolas Sarkozy depuis son arrivée au palais de l’Élysée, une politique audacieuse, et quelque peu aventureuse. Cette diplomatie a rompu avec une politique française habituellement modérée et hésitante. Après la politique française chancelante vis-à-vis de Zine El Abidine Ben Ali, la France n’était plus capable d’hésiter à soutenir telle ou telle intifada ou révolte, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un État lié à l’Iran par une alliance stratégique.
Il est facile de coller des accusations à la Syrie et au Hezbollah, mais il est également facile que les parties lésées par le rôle de l’une et de l’autre profitent de cet attentat. Le message a bien été reçu. Il pourrait toutefois être impossible d’en identifier l’émetteur.

An Nahar (Quotidien libanais proche de la coalition du 14-Mars, édition du 15 décembre 2011)
Radwan Akil
Lorsqu’il a reçu le chef de la Finul Albert Asarta, le président du Parlement Nabih Berry a été surpris de constater que le général espagnol semblait plus soucieux de la préservation de la stabilité au Liban-Sud que certaines figures du 14-Mars, qui se sont empressées de lancer des accusations contre la Résistance. Ceux-là se soucient peu de la sécurité du Sud : ce qui leur importe c’est de saisir l’occasion pour régler des comptes avec la Résistance et lancer des accusations contre la Syrie.
Le président Berry a adressé un message à la France : l’Armée libanaise, la Finul et la communauté internationale coopéreront davantage pour couper court aux tentatives de déstabilisation du Liban-Sud. Si la France et d’autres pays participant à la Finul réduisent le nombre de leurs effectifs, ils offriront un cadeau gratuit à tous ceux qui veulent déstabiliser le Sud et vider la résolution 1701 de son contenu. C’est pourquoi Berry et la majorité jugent inacceptable toute tentative de manipulation de la mission exécutée par la Finul au Sud.
Le président du Parlement évoque des rumeurs concernant le rôle de l’aile extérieure du Courant du futur, dirigée par Saad Hariri et son équipe, qui auraient mis en place une cellule de crise active à Bruxelles. Cette cellule serait en contact continu avec le Conseil national syrien et des groupes de l’opposition, notamment les Frères musulmans. Selon de sources du 8-Mars, des représentants du Courant du futur dans des capitales arabes, européennes et à Moscou sont en contact continu avec l’opposition syrienne.

An Nahar (14 décembre 2011)
Hyam Kosseify
Depuis l’arrivée d’Alain Juppé au Quai d’Orsay, le discours français a radicalement changé vis-à-vis du Hezbollah et de la Syrie. Le ministre des Affaires étrangères a défini un cadre nouveau, sous-tendu par les principes de la France, notamment après le début des manifestations contre le régime syrien. La France a déterminé ses priorités au Moyen-Orient lors de ses rencontres avec les personnalités libanaises à Paris, plus particulièrement avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï.
Le débat à de la nouvelle stratégie de la Finul a commencé avant le dernier attentat contre le contingent français et le tir de roquettes depuis le Liban-Sud. Les discussions ont débuté il y a près de deux mois : le commandement de la force onusienne, en coordination avec les départements compétents à l’Onu, a décidé de réexaminer l’action de la Finul à trois niveaux : la zone de déploiement, les effectifs, et les missions dont cette force est chargée. Parmi les idées proposées, on retiendra celle qui prévoit un déploiement de la Finul sur la ligne bleue et la ligne maritime uniquement, et un retrait des villages, où des patrouilles seront toutefois effectuées. En revanche, l’Armée libanaise sera dotée de nouvelles fonctions. Mais celle-ci ne serait pas favorable à une modification de la stratégie actuellement mise en place et aurait émis des réserves : elle ne voudrait pas être laissée toute seule sur le terrain, pour des raisons logistiques et opérationnelles.

Al Hayat (Quotidien saoudien, 14 décembre 2011)
Paris, Randa Takieddine
La France relève une volonté israélienne de voir son contingent maintenu au Liban-Sud, et estime que le Hezbollah est embarrassé par les réclamations syriennes. La France est satisfaite de la performance de Mikati mais lui fera parvenir des messages pendant sa visite à la fin du mois prochain. Par ailleurs, selon des sources militaires françaises, la charge explosive ayant visé les soldats français au Liban-Sud le 9 décembre était assez puissante pour causer la mort des passagers du véhicule visé, qui ne doivent leur survie qu’à la chance : certains d’entre eux étaient en train de fumer et avaient donc ouvert les fenêtres, ce qui a atténué le souffle de l’explosion à l’intérieur du véhicule.

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité-16 décembre 2011)
Nader Fawz
L’ambassadeur de France à Beyrouth Denis Pietton rencontre le responsable des relations internationales du Hezbollah Ammar Moussaoui. Ce ne sera pas la première rencontre entre les deux hommes, mais les circonstances sont différentes cette fois-ci, notamment après les dernières déclarations du ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé, faisant indirectement référence à une implication du Hezbollah —« bras armé de la Syrie au Liban »— dans l’attentat contre une patrouille française de la Finul vendredi 9 décembre.
Cette rencontre montre qu’il n’y a pas eu de rupture entre les deux parties, bien que les propos de Juppé s’inscrivent en porte-à-faux par rapport au contexte de la relation qu’elles entretiennent. Des parties informées de la position du Hezbollah qualifient d’« irréfléchies » les déclarations du ministre français : selon elles, les accusations françaises à l’encontre de la Syrie et du Hezbollah procèdent à partir d’une « volonté française de couvrir ce que fait Paris sur le sol syrien, et plus particulièrement les informations de plus en plus nombreuses sur l’implication d’officiers français dans l’entraînement d’opposants syriens ».
Qu’attendent l’une et l’autre partie de cette rencontre ?
Selon une personnalité ayant rencontré l’ambassadeur de France, ce dernier évoquera la situation au Liban-Sud et dans la zone d’opérations de la Finul, et tentera de justifier les déclarations du ministre Juppé en les attribuant à l’exaspération de Paris en raison des attentats récurrents contre le contingent français ainsi qu’à son inquiétude permanente pour la sécurité de ce contingent et pour la stabilité au sud.
En revanche, le Hezbollah affichera une « position ferme » à ce propos : il ne laissera pas passer de telles accusations comme si de rien n’était, d’autant qu’il avait déjà condamné l’attentat –et Moussaoui réitérera sans doute cette condamnation, selon des sources informées, qui ajoutent : le Hezbollah a pris l’habitude de telles accusations. Toutefois, son discours vis-à-vis de ses adversaires à l’intérieur et à l’extérieur sera désormais le suivant : « Il est vrai que la stabilité au Liban est dans notre intérêt, et que nous y œuvrons, mais vous y avez intérêt beaucoup plus que nous. Il est vrai que le chaos, si il règne, nous sera préjudiciable, mais c’est vous qui subirez le plus grand préjudice si nous perdons la stabilité et dérapons vers le désordre ». Les sources précitées rappellent ici le discours tenu par le secrétaire général du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah, aux obsèques d’Imad Moughnié le 14 février 2008 : « Si vous voulez une guerre ouverte, ainsi soit-il ! »
Ammar Moussaoui réitèrera la position du parti sur les évènements en Syrie : même si le mouvement de contestation du peuple syrien peut sembler pertinent aux yeux de certains, il n’en demeure pas moins que ce qui se passe est un complot international. Les opposants sont devenus des outils qui exécutent les projets de l’Occident.
La mission de Pietton dans son entretien avec Moussaoui sera difficile, d’autant plus que les Français ne pourront pas obtenir la principale carte qu’ils veulent du parti, à savoir des garanties quant à la sécurité de la Finul. « La position du parti est claire à ce niveau. Elle se base sur l’idée que la sécurité au Liban-Sud est la responsabilité des autorités libanaises.
Les Français ont des inquiétudes quant à cette position. Ils veulent que le Hezbollah partage la responsabilité, alors que le parti ne se sent pas obligé de dissiper les inquiétudes des Français ou d’autres parties. « Comment le parti peut-il rassurer ceux qui le menacent et qui œuvrent à détruire le régime en Syrie ? » demandent les sources.

Al Akhbar (16 décembre 2011)
Ibrahim Al-Amine
Le président syrien Bachar al-Assad proposera-t-il l’idée d’un gouvernement d’union nationale ? Un tel gouvernement regrouperait des partisans du régime ainsi que des opposants et des indépendants, et serait doté de vastes prérogatives permettant d’entreprendre de véritables réformes aux niveaux de l’administration et de l’économie. Il y a une distinction à faire entre l’opposition de l’intérieur et celle de l’extérieur : cette dernière agit désormais en fonction de l’agenda étranger et cherche à trouver le moyen de soutenir les projets occidentaux au lieu de concevoir son propre projet. Pour le commandement syrien, les opposants regroupés au sein du Conseil national syrien ne peuvent pas devenir de véritables partenaires. Par contre, des contacts en coulisses seraient établis entre des responsables du régime et des opposants de l’intérieur.

Al Akhbar (15 décembre 2011)
Nicolas Nassif
La dernière réunion entre les représentants du Mouvement Amal, du Hezbollah et du CPL, les ministres Ali Hassan Khalil et Gebran Bassil ainsi que Hussein Khalil, a réhabilité l’alliance entre les trois composantes de la majorité au sein du gouvernement, et a permis de mettre au point un plan de relance de la « troïka » selon les modalités suivantes :
 Lors du vote en Conseil des ministres du projet de réajustement des salaires, la divergence était due à un manque de coordination entre les trois parties, sans plus. Décision a donc été prise de se rencontrer avant chacune des prochaines séances du gouvernement afin de prendre une position conjointe sur les sujets à l’ordre du jour.
 La majorité sera utilisée au Conseil des ministres par le biais du vote. C’est dans cette optique que seront abordées les nominations administratives, plus précisément celles qui ne nécessitent pas les deux tiers des voix. Ce qui n’est pas le cas de la désignation d’un nouveau président à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, pour laquelle les deux tiers sont requis, alors que les forces du 8 mars ne détiennent pas un tel nombre de voix pour appuyer le candidat de Michel Aoun à ce poste.
S’agissant de la relation entre le président Nabih Berry et le général Michel Aoun, force est de reconnaître que les deux hommes ne sont pas devenus de véritables amis ou alliés : l’un et l’autre sont des alliés du Hezbollah et sont donc, à ce titre, « des alliés à contrecœur ». D’où le problème pour le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah : sa principale occupation est désormais celle de colmater la brèche entre ses deux alliés, mais il ne veut surtout pas être amené à choisir entre eux deux.

L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars, édition du 16 décembre 2011)
Khalil Fleihane
Le directeur des organisations internationales au Quai d’Orsay, Nicolas de Rivière, également responsable des soldats français participant à des missions de paix à l’étranger, est attendu à Beyrouth lundi pour une visite officielle de deux jours, au cours de laquelle il doit expliquer aux dirigeants libanais les motivations de la décision de Paris de réduire ses effectifs au sein de la Finul. De source diplomatique, on indique que le nombre des Casques bleus français passerait de 1 300 soldats et officiers à près d’un millier, sans que cette décision n’affecte la prochaine visite du Premier ministre, Najib Mikati, à Paris.
Celle-ci aura lieu au cours de la dernière semaine de janvier, mais la date définitive doit être fixée incessamment. La mission de la Finul au Liban, en plus d’autres questions, politiques et économiques seront au centre des entretiens du chef du gouvernement dans la capitale française.

Gulf News (Quotidien émirati anglophone-13 décembre 2011)
Dans son dernier discours, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a utilisé le terme « variable » à trois reprises. Il a, comme à son habitude, défendu une ligne dure mais l’utilisation du terme variable est quelque chose de nouveau dans sa rhétorique. Même s’il n’a jamais parlé d’un changement de régime en Syrie, il sous-entend quand même qu’il existe une possibilité d’un changement en Syrie. Il explique en filigrane à ses rivaux que ces possibilités ne modifieraient pas le positionnement politique du Hezbollah.

Source
New Orient News