Quelle émotion quand, le 25 mars à Forte dei Marmi, le maire Pd Umberto Buratti découvrira la statue dédiée à « L’aviateur ».

Pour représenter les aviateurs italiens apparaîtra le fils du Duce, Bruno Mussolini, en combinaison de vol, mâle et fier comme son auguste géniteur. La grande statue fût commandée en 1943 par Benito Mussolini lui-même au sculpteur Arturo Dazzi, artiste très apprécié par le régime, pour honorer Bruno, mort dans un accident aérien deux ans avant, au début de la Seconde guerre mondiale.

Le Duce le rappelle, dans le livre qu’il lui a consacré, comme « un aviateur de trois guerres, déjà volontaire en Afrique et en Espagne, qui servit l’Italie en paix et en guerre  », donnant «  une noblesse immortelle au nom des Mussolini » et inspirant les jeunes avec sa « vie exemplaire ».

À ce propos, le maire Buratti et sa junte feront bien d’organiser des visites guidées pour les écoles afin d’expliquer aux élèves, devant la statue, quelle fut la « vie exemplaire » de Bruno Mussolini.

En 1935 celui-ci participa avec son frère Vittorio, lui aussi aviateur, à la guerre de conquête coloniale de l’Éthiopie. Leurs gestes sont ainsi décrites par Vittorio : « Les petites bombes incendiaires donnaient satisfaction : c’était un travail très divertissant. Il fallait bien viser le toit de paille. Ces pauvres types qui voyaient brûler leur toit sautaient dehors en s’enfuyant comme des possédés. Une belle rafale et l’abyssin était à terre ». Et en Éthiopie aussi, comme elle l’avait fait en Libye, l’aviation italienne utilisa contre les formations armées mais aussi contre les populations sans armes, des gaz asphyxiants (phosgène), vésicatoires (ypérite) et toxiques (benzol).

En ce point il serait bon d’expliquer lors des sorties scolaires, en se fondant sur un livre de F. Pedriali édité en 1997 par le Service historique de l’État-major de l’aéronautique, que la guerre fût provoquée par l’ « aversion manifeste de l’empereur Hailé Sélassié à accepter ne fût-ce que la simple tutelle économique italienne » et que ce furent les Éthiopiens qui «  violèrent les conventions internationales en utilisant des balles dum-dum » : ce qui contraignit les Italiens à recourir aux armes chimiques.

On pourra ensuite illustrer les gestes martiales de Bruno en Espagne en 1937-38, quand l’aviation de Mussolini intervint aux côtés de la Luftwaffe de Hitler. Et pour cela Bruno fût décoré par le fasciste Franco de la Cruz por la Unidad Nacional Espanñola. Aujourd’hui sa statue, que le maire de Forza Italia (le parti de Berlusconi, NdT) de l’époque, ne réussit pas, en 1998, à exposer à cause des protestations, sera rendue «  visible à tous » par un maire du Parti démocrate pour « rendre hommage à l’Aéronautique militaire  ».

Un message politique pour affirmer que le Parti démocrate reconnaît ce que l’Aéronautique militaire définit comme le « continuum de valeurs qui enrichit le cours de son histoire », depuis que, en 1911, et pour la première fois au monde, l’Italie utilisa des avions dans un but militaire dans la guerre coloniale de Libye jusqu’à ce qu’elle retourne, en 2011, bombarder son ex colonie. Message aussi aux électeurs en vue des élections administratives de mai prochain.

Avec le très fasciste fils du Duce comme testimonial du fait que le Parti démocrate a désormais dépassé l’antifascisme vétéran. Et après l’inauguration du « Monument à l’Aviateur  », en cortège et en fanfare, tout le monde ira manger les italianissimes spaghettis. Le maire Pd a en effet interdit les restaurants kebab.

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)