I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis conformément à la résolution 2022 (2011) du Conseil de sécurité, par laquelle le Conseil prolonge le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) pour une période de trois mois, jusqu’au 16 mars 2012. Il décrit les principaux faits nouveaux survenus depuis mon rapport du 22 novembre 2011 (S/2011/727), et les activités menées par la Mission pour exécuter le mandat qui lui a été confié dans les résolutions 2009 (2011), 2017 (2011) et 2022 (2011) du Conseil. Il fait aussi le bilan des difficultés que rencontre la Libye dans la transition historique qu’elle opère, et formule des recommandations sur le rôle que la Mission devrait jouer en Libye à l’avenir.

II. Évolution de la situation politique et des conditions de sécurité

2. Le 17 février 2012, le peuple libyen célébrait le premier anniversaire du début de la révolution libyenne et de la lutte pour la liberté, après presque 42 ans de dictature. Bien que l’on ait redouté que des éléments pro-Kadhafi fassent des tentatives d’attentat ou perturbent les célébrations publiques, celles-ci se sont déroulées pacifiquement dans les grandes et les petites villes du pays, grâce à l’action efficace et coordonnée des forces de sécurité de l’État et des principales « brigades ». Les célébrations avaient pour but d’honorer la mémoire de ceux qui étaient tombés pour la liberté, mais aussi de lancer un message d’espoir pour l’avenir.

3. Dans leurs discours à la nation, Mustafa Abdul Jalil, le Président du Conseil national provisoire, et Abdurrahim El-Keib, le Premier Ministre, ont rendu hommage aux sacrifices qu’a faits le peuple libyen, pris note des défis à venir, et souligné qu’il importait de créer des institutions et en particulier que les révolutionnaires participent à la mise en place des institutions nationales de sécurité. Les plans d’intégration et de réintégration des Ministères de l’intérieur, de la défense et du travail ont pris en compte cette priorité, notamment avec le recrutement de 10 000 ex-combattants au Ministère de l’intérieur, celui-ci ayant mis au point un plan stratégique pour les intégrer.

4. Parallèlement, la situation de trésorerie s’est nettement améliorée depuis la levée des sanctions imposées à la banque centrale de Libye et à la Libyan Arab Foreign Bank, et le secteur pétrolier a continué de bien se redresser. Les écoles ont rouvert et la plupart des institutions éducatives fonctionnent à nouveau.

5. Le 22 novembre 2011, à l’issue de vastes consultations menées à travers tout l’éventail politique, le Conseil national provisoire a annoncé la constitution du nouveau Gouvernement provisoire, dirigé par le Premier Ministre El-Keib. L’une des premières actions du Gouvernement a été d’annoncer ses priorités, notamment : rétablir la sécurité et intégrer les révolutionnaires, répondre aux besoins des blessés de guerre, renforcer la transparence, l’état de droit et le respect des droits de l’homme, tenir des élections, redresser l’économie, et résoudre les problèmes de trésorerie liés au gel des avoirs de la Libye.

6. Le Gouvernement a rapidement été mis à l’épreuve avec la survenue, à Tripoli, début décembre, d’une série d’atteintes à la sécurité mettant en cause des « brigades » révolutionnaires, qui ont conduit la population à demander que ces brigades arrivant de l’extérieur de Tripoli se retirent de la capitale. Malgré ces appels, le Gouvernement a préconisé de procéder à un retrait progressif, en s’appuyant sur un plan de sécurité qui recueillerait l’assentiment de toutes les principales parties prenantes. Le 25 décembre, le Gouvernement a annoncé son intention d’intégrer ou de réintégrer quelque 75 000 révolutionnaires, en les répartissant également entre les effectifs militaires, policiers et civils. Le 2 janvier, le Conseil national provisoire a nommé le général de division Yusuf Mangoush chef d’état-major des armées, marquant ainsi la détermination des autorités à établir une armée nationale unifiée.

7. Par ailleurs, le 12 décembre, des manifestants ont envahi les rues de Benghazi et de Derna pour protester contre l’amnistie que le Conseil national provisoire envisageait d’accorder à d’anciens partisans et dirigeants du régime de Kadhafi. Ces protestations ont pris de l’ampleur jusqu’à représenter une véritable plate-forme critique de l’action du Conseil en général, les manifestants exigeant, dans un certain nombre de villes, une plus grande transparence et un meilleur respect du principe de responsabilité. Certains ont aussi demandé que les anciens partisans du régime soient exclus du processus politique et des institutions nationales.

8. Le 22 janvier 2012, les manifestants ont pris d’assaut le siège du Conseil à Benghazi. Abdul Hafiz Ghoga, le Vice-Président du Conseil, qui avait été bousculé deux jours plus tôt par des étudiants en colère de l’Université de Benghazi, a démissionné. À aucun moment les autorités n’ont recouru à la force.

9. Des affrontements épisodiques entre brigades et d’autres incidents ont continué de contrarier les efforts déployés par les autorités pour assurer la sécurité collective et gérer la menace que constituent la prolifération continue des armes dans les rues ainsi que les nombreuses brigades, dont les voies hiérarchiques restent floues. À Tripoli, l’incident le plus grave est survenu le 3 janvier 2012 : des bagarres entre brigades rivales de Misrata et du quartier Sidi Khalifa de la capitale ont éclaté, faisant plusieurs morts. Une tentative de capture de partisans présumés du régime de Kadhafi à Sebha, au sud de Tripoli, a déclenché de violentes altercations entre les brigades de Gharyan et d’Al-Assaba, au cours desquelles au moins six personnes ont été tuées et plusieurs blessées.

10. À Bani Walid, à la fin novembre, les tensions entre une partie de la population et le conseil local se sont transformées en affrontements, après que le conseil militaire de la ville a demandé que les brigades de Tripoli aident à effectuer une inspection de sécurité suite aux menaces qu’auraient proférées des éléments pro-Kadhafi. Treize militants auraient été tués dans une embuscade, alors qu’ils essayaient de pénétrer dans l’enceinte de la ville. Face à cette impasse, en particulier concernant le conseil local, le Conseil national de transition a constitué un comité chargé de tenir des consultations et de formuler des recommandations. Le 23 janvier, les tensions croissantes à Bani Walid ont abouti à des confrontations armées qui ont fait plusieurs morts. La réaction du Gouvernement a été de déployer des unités de l’armée nationale autour de la ville et de dépêcher une délégation de haut niveau chargée d’intervenir auprès des parties prenantes pour maîtriser la situation et résoudre les questions politiques et de sécurité sous-jacentes.

11. Le 6 février, à Tripoli, deux attaques perpétrées contre des membres des populations déplacées de Tawarga ont fait 7 morts, dont 3 enfants et 2 femmes. Elles s’inscrivent dans un contexte général de harcèlement et d’intimidation de la population de Tawarga, d’autres ayant été rapportées ailleurs dans le pays, notamment à Benghazi. Ce sont les plus graves qui aient eu lieu dans la capitale. La MANUL a demandé au Gouvernement de mener une enquête sur ces attaques, de poursuivre leurs auteurs en justice, de renforcer la sécurité du camp de déplacés et d’assurer la protection des déplacés de Tawarga dans le reste du pays.

12. Dans la région de Koufra, début février, les tensions entres les « brigades tribales » de Tabou et Zwaya ont donné lieu à une série d’affrontements, qui aurait été déclenchée par le meurtre d’un homme zwaya puis par la mort d’un jeune Tabou. Pour rétablir le calme, le Gouvernement a déployé des unités de l’armée nationale dans la région, les chefs religieux et tribaux essayant de faire respecter un cessez-le-feu durable. C’est le troisième affrontement qui ait opposé ces « brigades tribales » au cours des six derniers mois, les tensions anciennes étant, semble-il, exacerbées par des désaccords sur le contrôle de la contrebande.

13. Suite aux inquiétudes ressenties de part et d’autre de frontières poreuses, le Gouvernement provisoire a ouvert un dialogue avec ses voisins : ainsi, le Ministre libyen des affaires étrangères, Ashour Bin Khayal, s’est rendu au Niger, au Mali et au Tchad. Le Président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, a quant à lui effectué un voyage officiel à Tripoli à la mi-janvier pour s’entretenir avec les responsables libyens. Le Premier Ministre El-Keib a participé au dix-huitième Sommet de l’Union africaine, qui s’est tenu du 29 au 31 janvier à Addis-Abeba, et au cours duquel il a demandé qu’une conférence régionale sur la sécurité soit organisée. Le 1er février, l’Union africaine a nommé Mondher Rezgui (Tunisie) Représentant spécial et Chef du Bureau de liaison de l’Union africaine à Tripoli. Le 20 décembre 2011, le Secrétaire général de la Ligue des États arabes a nommé Cheik El Avia ould Mohamed Khouna (Mauritanie) Chef de la mission en Libye. Des rencontres de haut niveau ont aussi eu lieu entre la Libye et trois de ses voisins, l’Égypte, le Soudan et la Tunisie.

14. Signe manifeste du dynamisme croissant du paysage politique, plusieurs tendances politiques et groupes de pression se sont fait jour ; nombre d’entre eux s’organisant en vue des prochaines élections afin de garantir une Libye libre et la défense de leurs intérêts après les élections. Les jeunes, qui représentent l’un de ces groupes, cherchent à transformer leur rôle de combattants de la liberté en celui d’édificateurs de la nation, en prenant part à la prise de décisions sur l’avenir politique, économique et social du pays. De même, les femmes de Libye qui ont participé à la révolution veulent poursuivre leur engagement en s’investissant dans la démocratisation et le développement de leur pays.

III. Activités de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye

15. Les difficultés auxquelles font face les autorités de transition libyennes demandent de la détermination politique, les dirigeants devant par ailleurs disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour répondre aux priorités internes. La MANUL, en partenariat avec l’équipe de pays des Nations Unies, continue de les aider à surmonter ces difficultés.

A. Appui aux élections

16. En ce qui concerne le processus électoral, conformément à la déclaration constitutionnelle du Conseil national de transition, il s’est agi de créer un cadre juridique et institutionnel pour les élections au Congrès national, notamment de mettre au point une législation électorale et de constituer une commission électorale nationale supérieure.

17. Le 1er janvier, à Tripoli, Benghazi, Sebha et dans d’autres villes, la commission électorale du Conseil a lancé un processus de consultations publiques en publiant sur Internet le projet de loi sur les élections et en invitant le public à donner son avis. Des groupes de la société civile ont organisé leurs propres réunions et présenté leurs observations au Conseil. La commission a reçu environ 14 000 commentaires sur différents aspects du projet de loi. Si la décision de la commission de publier le projet a été saluée par le public, la durée limitée des consultations et le caractère relativement fermé du processus ont été critiqués. Des groupes de femmes ont manifesté et présenté des pétitions au Conseil et au Gouvernement pour que des mesures spéciales temporaires en faveur des femmes soient incluses dans le texte de loi.

18. Le 18 janvier, une version amendée du texte a été approuvée par le Conseil national de transition, qui devait la publier le 22 janvier. Cependant, à la suite des protestations qui ont eu lieu à Benghazi ce jour-là, le Conseil a décidé de prolonger les consultations. En revanche, il a tout de même adopté la loi sur l’instance chargée de la gestion des élections, qui définit la nature et la portée des fonctions de la commission électorale nationale supérieure, et désigné les 17 membres de cette commission.

19. Par la suite, un nouveau projet de loi sur les élections a été présenté au Conseil national de transition ; adopté le 28 janvier, il a été sensiblement amendé le 7 février. La loi finalement adoptée comporte d’importants changements par rapport à sa version initiale, en particulier en ce qui concerne le système électoral proposé. La nouvelle loi institue un système mixte, selon lequel 120 sièges sont attribués à l’issue d’un vote à la majorité et 80 à l’issue d’un vote à la proportionnelle. La loi définit en outre le rôle des « entités politiques » et exige que les listes soumises à la proportionnelle proposent alternativement des candidats de l’un et de l’autre sexe, afin de garantir la représentation des femmes au Congrès national.

20. Ces deux lois adoptées, le cadre juridique des élections est presque complet ; il ne reste plus au Conseil national de transition qu’à délimiter les circonscriptions électorales, conformément aux dispositions de la législation électorale.

21. Tout au long du processus, l’équipe de la MANUL chargée des élections a établi des contacts étroits avec la commission électorale et d’autres membres du Conseil national de transition pour transmettre ses recommandations sur les projets de loi, en soulignant qu’il importait de garantir l’ouverture et la transparence du processus et de faire en sorte que le cadre juridique puisse être largement accepté par le peuple libyen. À tous les stades, la MANUL a fait part de ses observations sur le projet de loi du point de vue des droits de l’homme, de la justice transitionnelle et de l’autonomisation des femmes, tout en soulevant les problèmes techniques qui avaient pu être observés ailleurs. Les conseils fournis par la Mission visaient surtout à améliorer la législation afin de répondre aux inquiétudes soulevées lors des consultations publiques ainsi qu’au besoin de clarté sur le déroulement des opérations. La Mission travaille avec le PNUD à l’élaboration d’un programme complet d’appui électoral destiné à la commission électorale, si elle en fait la demande.

22. Le 28 janvier, le PNUD a lancé une première initiative dans le cadre de son action visant à impliquer la société civile et à promouvoir l’éducation civique en préparation des élections : un programme de formation de formateurs d’une durée de trois mois, à l’intention de 30 professeurs d’éducation civique, sur les questions fondamentales des élections, de la démocratie et de la bonne gouvernance. Les participants (dont 50 % de femmes), qui représentent des universités et des organisations de la société civile, sont encadrés par des formateurs chevronnés.

B. Droits de l’homme, justice transitionnelle et état de droit

23. Le transfert au Ministère de la justice des individus faits prisonniers dans le cadre du conflit reste un enjeu majeur. La majorité des dossiers n’a pas encore été traitée, et seuls quelques-uns de ces détenus ont été relâchés. Le Gouvernement a affirmé qu’il comptait faire passer les prisons et autres centres de détention sous le contrôle de la police judiciaire, mais cela a peu avancé, notamment parce que l’effectif de la police judiciaire est insuffisant. Les derniers chiffres fournis par le Ministère de la justice indiquent que 23 centres de détention sont actuellement sous le contrôle du Gouvernement, soit un total de 2 382 détenus. Le Ministère de la justice n’a pas pu confirmer le nombre de prisonniers détenus par les « brigades », mais la Mission l’estime entre 5 000 et 6 000. La justice n’a pas encore repris son cours normal en raison des conditions de sécurité, des réticences des procureurs et des juges à retourner au travail et des avancées limitées des activités visant à réformer et à mettre en branle la machine judiciaire, entre autres facteurs.

24. Les « brigades révolutionnaires » continuent de procéder à des arrestations de personnes soi-disant favorables à l’ancien régime et à des interrogatoires, parfois dans des lieux secrets, et elles contrôlent toujours des prisons où les conditions de détention sont généralement mauvaises. Les visites que la Mission a effectuées dans plusieurs lieux de détention et les entretiens qu’elle a eus avec de nombreux détenus, ainsi que les observations des organisations non gouvernementales internationales, soulèvent l’inquiétude car il est question d’actes de torture sévères et de mauvais traitements qu’auraient perpétrés les brigades, et notamment de plusieurs décès en garde à vue, en particulier à Tripoli, Misrata, Zintan et Gharyan. Parmi les victimes, on compte des habitants de la localité de Tawarga, soupçonnés d’avoir pris part à de graves violations des droits de l’homme à Misrata pendant le conflit.

25. En raison du bruit qui a été fait autour de la déclaration que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a faite devant le Conseil de sécurité le 25 janvier et de la parution de rapports d’ONG s’inquiétant de la torture et des mauvais traitements infligés aux détenus, le Gouvernement a condamné publiquement ces dérives et s’est engagé à ouvrir une enquête et à mettre en place des mesures correctives. La Mission a de nouveau prié le Ministère de la justice de reprendre rapidement le contrôle des prisons et d’accélérer le traitement des dossiers des détenus, et proposé son aide pour former le personnel nécessaire.

26. Elle a aussi commenté le projet de loi du Ministère sur la justice transitionnelle. Le 10 décembre, le Conseil national de transition a convoqué une conférence nationale pour discuter des questions de justice et de réconciliation, au cours de laquelle le Président a affirmé que le Conseil étudiait un projet de loi d’amnistie pour les délits les moins graves, et un autre sur les procédures spéciales concernant la détention. Ces projets de loi ont provoqué un tollé dans certains groupes et doivent encore faire l’objet de consultations avec les acteurs de la société civile et le grand public. La loi sur la justice transitionnelle a été rendue publique le 14 février. Elle prévoit la création d’une commission d’investigation et de réconciliation chargée de mener l’enquête sur les violations des droits de l’homme commises depuis 1969 et de dédommager leurs victimes.

27. Du 23 au 25 janvier, l’ONU a organisé une conférence en partenariat avec l’Institut supérieur de la justice afin de faire avancer les choses dans le domaine de la justice transitionnelle. Cette conférence a été l’occasion pour les acteurs gouvernementaux, les experts internationaux et les représentants de la société civile de discuter des stratégies de mise en œuvre de la justice transitionnelle. Elle s’est terminée par une série de recommandations, notamment pour que l’ONU augmente son soutien à la recherche de la vérité et à la formation du secteur judiciaire.

28. Le 17 janvier, le Gouvernement a dissous la Commission nationale de recherche et d’identification des personnes disparues et confié la responsabilité de ce dossier au seul Ministère de l’aide aux familles des martyrs et des personnes disparues. Des représentants de l’État ont assuré la Mission que ce ministère s’acquitterait de ses responsabilités en toute impartialité et en conformité avec les normes internationales.

29. Le 28 novembre, le Conseil national de transition a créé le Conseil national pour les libertés publiques et les droits de l’homme, dont le mandat consiste à promouvoir les droits de l’homme, à surveiller les activités des autorités publiques, à ouvrir des enquêtes sur certaines affaires et à mettre en place la coopération avec la société civile. La Mission a apporté son appui technique au Conseil. Face à l’éclosion de centaines d’organisations de la société civile et à la nécessité de bâtir une société civile forte et compétente, la Mission a entrepris de renforcer les capacités des militants des droits de l’homme.

C. Sécurité publique

1. Police

30. Le Ministère de l’intérieur fait face à de nombreuses difficultés dans l’établissement des structures nationales de sécurité et dans le rétablissement des fonctions policières essentielles, telles que l’intégration des combattants révolutionnaires, le manque de formation, de matériel essentiel et d’installations fonctionnelles, ainsi que les problèmes de contrôle des frontières et de migrations illégales, notamment au sud.

31. À la mi-décembre, le Ministère a adopté une stratégie d’intégration des combattants comprenant des orientations concernant leur recrutement, leur statut, leurs tâches et leur formation. Il a lancé début janvier une procédure d’inscription grâce à laquelle jusqu’à 25 000 ex-combattants se verront offrir un premier contrat de six mois, avec la perspective d’un emploi à durée indéterminée. Pour appuyer ce plan, la Jordanie s’est engagée à former 10 000 ex-combattants et la Turquie 750 aspirants et 500 ex-combattants. On espère que d’autres pays proposeront des plans d’aide, financière ou autre.

32. Le mécanisme de coordination internationale chargé de l’assistance en matière policière, créé à l’initiative du Ministère de l’intérieur et de la Mission, a tenu trois réunions mensuelles pour aider le Ministère à établir des priorités et des plans d’action et pour coordonner les offres d’aide de la communauté internationale afin de s’assurer qu’elles répondent au mieux à ses besoins.

33. À la suite des premières évaluations des besoins en formation réalisées en novembre et en décembre, la Mission a détaché un expert en formation policière pour aider le Ministère à élaborer ses orientations dans ce domaine et le programme de formation des formateurs et à préparer le dispositif de sécurité des élections. Des formations spécialisées sont en cours de conception pour les policiers actuellement en poste. En réponse à la demande du Ministère, la Mission lui a aussi fourni, début février, un expert en logistique policière pour l’aider à déterminer ses orientations et directives concernant le matériel à acquérir.

2. Sécurité aux frontières

34. La sécurité et le contrôle des frontières constituent une priorité du Gouvernement. Ses représentants ont insisté sur l’importance de renforcer la toute nouvelle Agence pour la sécurité des frontières et la protection des installations stratégiques créée au sein du Ministère de la défense, qui a actuellement l’intention d’absorber environ 16 000 combattants révolutionnaires dans cinq brigades chargées de protéger les frontières libyennes. La Mission organise des réunions de coordination avec les représentants du Gouvernement et ses partenaires internationaux afin de déterminer précisément les besoins de la Libye en matière de protection des frontières et de faciliter la planification intégrée des activités dans ce domaine – formation, établissement des priorités entre les différents besoins et achat de matériel. Trois réunions de coordination ont eu lieu pendant la période considérée.

35. Afin d’aider le Gouvernement à s’attaquer aux difficultés d’ordre normatif et opérationnel liées aux migrations illégales, le groupe chargé de la coordination de la sécurité et de la gestion des frontières a créé un sous-groupe, actuellement présidé par la Mission, qui comprend les Ministères de l’intérieur et de la défense, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Union européenne.

3. Prolifération des armes

36. La Mission a visité des dépôts d’armes avec des représentants des pouvoirs publics libyens et leurs homologues étrangers, y compris le Service de la lutte antimines. À ce jour, on estime que 123 de ces dépôts ont été visités et qu’environ 5 000 systèmes portables de défense antiaérienne ont été recensés. Toutefois, on ignore encore l’ampleur réelle du problème des armes, car l’accès aux stocks d’armes contrôlés par les « brigades » demeure difficile, il n’existe aucun registre fiable des stocks d’armes qu’il y avait avant le conflit et on ne dispose d’aucune information sur la quantité d’armes détruites, transférées ou utilisées pendant le conflit. La Mission et le Service de la lutte antimines étudient, avec le Ministère de la défense et certaines « brigades », la création d’un programme d’enregistrement des armes – y compris des systèmes portables de défense antiaérienne – et de gestion et de stockage des munitions. Dans ce but, le Ministère de la défense a créé un groupe de travail avec la Mission et des partenaires bilatéraux. La mission d’évaluation de l’ONU et de l’Union africaine, envoyée en décembre 2011 étudier les conséquences de la crise libyenne dans la région du Sahel, n’a rien trouvé qui indiquerait que des systèmes portables de défense antiaérienne auraient passé en fraude les frontières libyennes ou seraient apparus dans des pays limitrophes. Cela concorde avec les renseignements dont nous disposons à ce jour, qui laissent penser que la plupart des armes pillées se trouvent toujours dans un rayon de 50 kilomètres de leur site de stockage initial. Cependant, l’importante circulation d’armes légères et de petit calibre et le risque qu’elles se répandent encore plus préoccupent grandement les autorités libyennes et la Mission. Bien que de nombreux programmes d’enregistrement des armes aient été mis en œuvre au niveau local, il faudra encore du temps avant qu’on observe des progrès notables dans ce domaine.

37. La transparence au sujet des armes et des matières chimiques trouvées dans les dépôts auparavant non déclarés de Sabha et Sokna a progressé. Le 28 novembre 2011, les représentants des autorités libyennes ont présenté à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) une liste de ces armes et matières, qui avaient été transférées dans des dépôts déclarés. Du 17 au 19 janvier 2012, les inspecteurs de l’OIAC ont visité les dépôts en question afin d’en inspecter les installations et de vérifier que les armes et matières chimiques qui y avaient été récemment transférées existaient bel et bien et qu’elles y étaient entreposées dans de bonnes conditions de sécurité. La Libye doit présenter à l’OIAC, d’ici à avril 2012, un plan de destruction de ces matières. La Mission a apporté un appui aux inspecteurs de l’OIAC sur les plans de la logistique et de la sécurité, et continuera de jouer son rôle consistant à faciliter le contact entre eux et la Libye dans ce domaine et d’autres.

38. En ce qui concerne les matières nucléaires, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a effectué le 9 décembre une visite en Libye, qui lui a permis de confirmer que la totalité des matières nucléaires qu’elle avait enregistrées par le passé dans l’installation nucléaire de Tajoura, à Tripoli, ou dans les installations de stockage d’uranium (« yellow cake ») de Sabha s’y trouvait encore. Même si l’état des barils de stockage se détériore, il ne présente pas de risque sanitaire dans l’immédiat. Toutefois, les mesures de sûreté et de sécurité de Sabha sont jugées insuffisantes à long terme. Si le risque de prolifération nucléaire semble faible en raison du poids et de l’état des barils, la vente et le transfert d’urgence des 6 400 barils de matières nucléaires entreposés à Sabha demeurent une priorité cruciale.

4. Mines et restes explosifs de guerre

39. Au 31 janvier 2012, l’Équipe mixte de coordination de la lutte antimines en Libye avait désamorcé 126 155 mines et autres restes explosifs de guerre. Si 60 écoles et 2 624 maisons ont été déminées, les premières études indiquent que cela ne représente qu’une proportion infime des secteurs touchés. En décembre 2011, afin de répondre au besoin soutenu du pays en matière de déminage, le Ministère de la défense a créé le Centre libyen de lutte contre les mines en lui donnant pour mandat de coordonner l’action menée dans ce domaine.

40. En novembre et en décembre, cinq enfants ont été tués et 56 blessés par des restes explosifs de guerre, principalement à Syrte et dans ses environs. Le Ministère de l’éducation, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Équipe mixte, intensifie ses programmes de sensibilisation et d’éducation aux dangers des mines et des restes explosifs de guerre. Il a aussi organisé le premier atelier national sur la question, au cours duquel les autorités ont décidé d’intégrer la formation à ces dangers aux programmes scolaires et de concevoir un système d’information et une stratégie nationale à cet égard. À ce jour, 85 000 Libyens auraient bénéficié de programmes de ce type.

41. Les opérations de lutte contre les mines continuent d’être limitées par le manque de fonds. Le Service de la lutte antimines a lancé, le 15 décembre, au nom de l’Équipe mixte, un appel de fonds urgent de 38,4 millions de dollars afin de poursuivre les opérations en cours et de répondre à la demande croissante en la matière. Certains bailleurs de fonds y ont répondu, et 27 équipes de déminage et 30 équipes d’éducation aux risques sont actuellement au travail.

5. Intégration ou démobilisation et réintégration

42. La question de l’intégration et de l’insertion des combattants révolutionnaires dans des institutions nationales chargées de la sécurité homogènes est l’une des priorités les plus urgentes du Gouvernement en cette période de transition. Les ministères concernés ont conçu des plans pour intégrer les combattants dans diverses forces de sécurité ou pour les réintégrer dans la vie civile. En janvier, la commission chargée des questions liées aux combattants et les Ministères du plan et des collectivités locales ont ouvert l’inscription à tous les combattants. Parallèlement, les Ministères de l’intérieur et de la défense ont lancé des dispositifs permettant aux ex-combattants de poser leur candidature pour intégrer les forces de l’ordre ou la défense. La Mission a invité la Commission à permettre aux femmes satisfaisant aux critères de sélection de s’inscrire et à donner la priorité à la démobilisation de tous les enfants associés aux brigades révolutionnaires.
43. La Mission étudie, avec le Cabinet du Premier Ministre et les ministères et organismes concernés, les meilleurs moyens d’aider les autorités libyennes à créer une stratégie nationale de démobilisation et de réintégration. Avec l’Organisation mondiale de la Santé, elle travaille avec les pouvoirs publics sur la prestation de services d’appui psychosociaux pour les ex-combattants et pour tous ceux, y compris les enfants, qui ont été associés aux forces et aux groupes armés.

D. Relèvement socioéconomique et coordination de l’aide
internationale

44. À suite de la demande faite au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) par le Conseil national de transition le 8 décembre, les sanctions applicables à la Banque centrale de Libye et à la Libyan Arab Foreign Bank ont été levées. Le 20 décembre, la MANUL a aidé les autorités libyennes à organiser des réunions bilatérales avec les interlocuteurs à même d’accélérer la restitution de leurs avoirs. Malgré l’atténuation de la crise de liquidités, les problèmes de gestion financière empêchent encore le Gouvernement d’allouer des fonds rapidement pour satisfaire aux besoins urgents.

45. L’ONU s’est employée, en collaboration avec le Ministère du plan, à établir des structures institutionnelles visant à faire coïncider son aide et celle des partenaires de la communauté internationale avec les priorités nationales et les plans sectoriels. Ses projets approuvés sous le précédent régime sont actuellement passés en revue. Elle a aussi aidé le Ministère à travailler en concertation avec ses homologues à l’élaboration, pour les six mois de transition, de plans sectoriels assortis d’objectifs réalistes.

46. Les 30 et 31 janvier, la MANUL, l’Union européenne et la Banque mondiale ont prêté assistance au Cabinet du Premier Ministre pour l’organisation d’un atelier destiné à faciliter la coordination de l’aide internationale dans des domaines tels que les services sociaux, la lutte contre la corruption, la société civile, la justice transitionnelle et la stratégie de communication. Ce qui fut à l’origine le processus d’évaluation coordonnée des besoins en Libye, organisé sous les auspices du Conseil national de transition avant même la mise en place du Gouvernement provisoire, est devenu une structure de coordination implantée à Tripoli et dirigée par le Cabinet du Premier Ministre, ce qui a nécessité l’appui de la MANUL, de l’Union européenne et de la Banque mondiale.

47. Une mission conjointe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) s’est rendue en Libye du 13 au 28 janvier pour se faire une idée de la situation macroéconomique, des dépenses publiques et de la gestion des finances publiques. Dans un esprit de transparence, le Gouvernement a rendu publiques les conclusions du FMI en les mettant en ligne sur son site Web. La mission a notamment observé que la vitesse de la reprise dépendrait des progrès accomplis dans le secteur de la sécurité et souligné qu’il fallait veiller au respect des principes de transparence et de responsabilité et créer un institut de la statistique indépendant.

E. Situation humanitaire

48. Du fait de l’amélioration de la situation humanitaire, les activités de secours les plus importantes ont été abandonnées progressivement en décembre. Sous la direction du Représentant spécial adjoint du Secrétaire général et Coordonnateur des opérations humanitaires, les organismes spécialisés mettent au point un plan d’action visant à subvenir à tous les besoins humanitaires résiduels qui se feront sentir entre janvier et juin 2012. Les grandes priorités sont, entre autres, la prise en charge des personnes déplacées, rapatriées ou appartenant à des groupes minoritaires, le déminage et la neutralisation de munitions non explosées. Dans le cadre de leur stratégie de retrait, les organismes à vocation humanitaire s’attachent à renforcer les capacités de LibAid, organisme libyen de secours humanitaires, et d’autres organisations nationales.

49. À la fin de l’année 2011, les personnes déplacées ont peu à peu regagné les zones les plus durement touchées. En janvier 2012, la population de Syrte et de Bani Walid était majoritairement rentrée et une assistance était fournie par des organisations comme LibAid et des acteurs nationaux et internationaux. Mon Représentant spécial adjoint, qui s’est rendu dans les deux villes les 3 et 4 janvier, a constaté que pour accélérer le retour à la normale, elles avaient besoin d’une aide à la reconstruction et à la remise en état des infrastructures publiques et des logements, ainsi qu’au rétablissement des services publics. On estime néanmoins qu’il reste 65 000 à 80 000 personnes déplacées dans le pays, essentiellement des Tawarga, des membres d’autres minorités et des personnes proches de l’ancien régime qui craignent d’être l’objet de représailles dans leur région d’origine. Tous ont besoin de solutions visant dans un premier temps à améliorer leurs conditions de vie et d’accès aux services essentiels et, à plus long terme, à réconcilier les communautés pour leur permettre de rentrer chez eux. Le Coordonnateur humanitaire a vivement souhaité que tout soit fait pour réduire la dépendance à l’égard de l’aide et éviter la création de camps de déplacés.

50. En l’absence de cadre juridique et administratif clair en matière d’immigration, les personnes en situation irrégulière et les éventuels demandeurs d’asile sont toujours détenus dans des structures dirigées par différentes autorités ou « brigades ». Au centre de rétention de migrants de Qanfouda, à Benghazi, quelque 600 personnes, dont des femmes et des enfants, sont détenues dans de mauvaises conditions et sans qu’il existe une procédure claire permettant de déterminer leur statut ou de les libérer. Le Ministère de l’intérieur exerce pleinement son autorité sur seulement deux centres de rétention sur les 18 qu’il chapeautait avant la crise. L’OIM continue d’aider les migrants en détresse en facilitant les vérifications de nationalité, en délivrant des documents de voyage et en organisant des opérations de rapatriement volontaire sur des vols charter et commerciaux. Les difficultés d’accès aux migrants et l’absence de lieux de transit sûrs dans l’ouest et le sud du pays demeurent les principaux obstacles à l’assistance directe. Pour remédier à la dureté des conditions de détention qui règnent au centre Qanfouda, LibAid et d’autres acteurs humanitaires ont fait un certain nombre de rénovations, fourni des articles non alimentaires et amélioré les services de santé.

51. La dégradation des conditions de sécurité en Syrie a provoqué un afflux de réfugiés qui pénètrent en Libye par la frontière avec l’Égypte. Au mois de janvier, plusieurs centaines de Syriens étaient coincés à la frontière en attendant le résultat de négociations relatives à l’octroi de visas libyens. Au point de passage de Salloum, le HCR a servi plus de 4 000 repas à des Syriens bloqués et l’OIM a participé aux activités médicales et fourni un certain nombre d’articles non alimentaires. En Libye, le HCR complète l’action des organisations locales en fournissant une assistance technique aux enregistrements, des articles non alimentaires et un soutien aux personnes vulnérables.

IV. Déploiement de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye

52. En janvier, 65 fonctionnaires recrutés sur le plan international étaient déployés en Libye au titre de la Mission d’appui, dont 55 à Tripoli, 4 à Benghazi et 6 au Centre de services mondial de Brindisi (Italie), ces derniers étant chargés d’appuyer la Mission dans le cadre de la stratégie globale d’appui aux missions du Département de l’appui aux missions. Sept personnes ont également été recrutées sur le plan national. Les travaux de construction du quartier général de la Mission se poursuivent sur le site que lui ont affecté les autorités libyennes fin 2011. Les installations devraient être prêtes en mars 2012.

53. L’accord sur le statut de la Mission a été signé par la MANUL et le Gouvernement provisoire le 10 janvier. La Mission travaille maintenant à sa mise en application, de concert avec les autorités libyennes.

V. Sûreté et sécurité

54. Les premières mesures prises par le Gouvernement pour établir l’ordre à Tripoli, qui ont notamment consisté à accroître la visibilité de l’armée et des forces de police, ont contribué à améliorer les conditions générales de sécurité, bien que des incidents isolés aient été signalés dans la plupart des quartiers. À quatre reprises, en raison du manque de coordination entre les autorités nationales et régionales, des forces locales ont mis en cause des déplacements de membres du personnel des Nations Unies. En janvier, l’incident grave qui s’est produit à Sebha et a donné lieu à l’arrestation de membres d’une organisation humanitaire internationale a été résolu rapidement et des garanties ont été prises auprès des autorités libyennes.

55. En janvier, à l’issue d’un nouvel examen de la situation dans le pays au plan de la sécurité, le responsable désigné a entériné l’évaluation des risques pour la sécurité et les normes minimales de sécurité opérationnelle pour la Libye, permettant ainsi l’accès à la quasi-totalité du territoire libyen dans un cadre réglementé. Il est devenu possible d’assouplir les conditions de circulation des véhicules utilisés à Tripoli, à Benghazi et pour effectuer certaines missions dans le reste du pays.

VI. Rôle à venir de la Mission

56. Dans mon rapport du 22 novembre 2011 sur la situation en Libye (S/2011/727), j’ai recommandé au Conseil de sécurité de prolonger de trois mois le mandat de la MANUL pour me laisser le temps de lui présenter des propositions d’ajustement tenant compte de l’appui que le nouveau Gouvernement attendrait de l’Organisation. En conséquence, après la formation du nouveau Gouvernement en novembre, mon Représentant spécial a préparé la mission intégrée sur le terrain avec le concours de l’équipe de pays des Nations Unies et en concertation avec le Gouvernement libyen.

57. Cette phase préparatoire et le dialogue avec les interlocuteurs libyens ont confirmé que le mandat de la Mission établi par les résolutions 2009 (2011) et 2022 (2011) du Conseil de sécurité restait pertinent. Les autorités provisoires ont notamment répété à mon Représentant spécial qu’il fallait que la MANUL continue d’appuyer la transition démocratique en faisant connaître des expériences similaires et par des activités de conseil et d’assistance. Un large consensus s’est également dégagé, tant dans le système des Nations Unies que chez les partenaires, sur le bien-fondé de la méthode douce et progressive employée depuis septembre 2011.

58. Après 42 ans passés sous le joug d’un régime autoritaire et marqués par son isolement sur la scène internationale, la Libye va devoir surmonter d’énormes obstacles dans les mois et les années à venir. Cette transition historique exigera du temps et sera inévitablement jalonnée de revers. Pour la mener à bien, la Libye devra avoir les coudées franches dans le choix de son avenir. À cet égard, le rôle de l’ONU devrait être de soutenir les Libyens dans la conduite d’une transition démocratique largement soutenue par la population, dont les aspirations sont déjà prises en compte dans plusieurs des échéances fixées et des promesses faites dans le cadre de la transition, notamment en matière d’intégration et de transparence, de justice économique et sociale et de respect des droits de l’homme.

59. La MANUL apportera son appui en tant que mission politique spéciale intégrée, aux côtés de l’équipe de pays des Nations Unies dont les activités seront intimement liées aux priorités établies par la Libye pour la transition. Cet appui, tout en restant axé sur les besoins immédiats de la transition, englobera des réformes nécessaires à plus long terme, car les efforts de la MANUL seront conjugués avec ceux d’institutions du système des Nations Unies dont l’assistance est orientée vers des besoins plus lointains. À l’issue de la préparation de la mission intégrée sur le terrain, il est recommandé que la MANUL privilégie les domaines ci-après au cours des 12 prochains mois.

A. Transition démocratique

60. Les élections de juin 2012, les premières depuis des décennies, sont l’étape la plus emblématique et probablement la plus importante de la transition. Dans le prolongement des relations qu’elle entretient avec les autorités libyennes depuis septembre 2011, la section électorale intégrée de la MANUL va continuer, avec la participation du PNUD et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), de fournir une assistance technique et des services consultatifs pour répondre aux besoins dans des domaines tels que la sécurité des élections, l’enregistrement des électeurs et des candidats, les personnes résidant à l’étranger et les listes électorales spéciales, le budget et le financement, les achats et la gestion des avoirs électoraux, la logistique et les opérations sur le terrain, la formation des personnes qui tiennent les bureaux de vote et les relations avec les médias. La Mission veillera également, en étroite collaboration avec le PNUD et d’autres partenaires de l’équipe de pays, à ce que la population libyenne, en particulier les jeunes, les femmes et les minorités, puisse participer activement aux élections, sans courir de danger et en étant informée. La MANUL poursuivra ses activités de coordination afin que l’aide internationale réponde bien aux besoins particuliers de la Libye en matière électorale, avec des coûts de transaction limités pour les partenaires nationaux et en laissant le pays maître du processus. L’appui de la Mission sera prolongé ultérieurement dans la perspective de nouvelles échéances électorales et constitutionnelles.

61. Les élections sont un aspect des efforts entrepris par la Libye pour renforcer les liens entre l’État, le Gouvernement et les citoyens. La transition démocratique se heurte par ailleurs à la faiblesse des institutions publiques, voire à leur inexistence, sans compter qu’il n’y a plus depuis longtemps de partis politiques ni d’organisations de la société civile. En collaborant avec l’équipe de pays et d’autres partenaires internationaux, la MANUL continuera d’apporter son soutien aux institutions et aux appareils politiques afin de renforcer la légitimité de la transition, moyennant notamment une définition plus précise des relations entre l’État et les collectivités locales et l’émergence de médias libres et responsables.

62. L’un des grands impératifs normatifs qui guideront la Mission et le système des Nations Unies dans leur action est l’autonomisation des femmes et les résolutions du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. Malgré leur rôle important sur le front révolutionnaire, les femmes ont maintenant de grandes difficultés à participer aux décisions économiques, sociales et politiques qui façonneront l’avenir de la Libye. La MANUL fera de l’autonomisation des femmes un élément essentiel des actions menées dans le cadre de son mandat dans tous les secteurs. Elle s’attachera à promouvoir les droits de la femme et à faire en sorte que les besoins, les aspirations et les problèmes des femmes soient pris en compte. Les grandes questions sont la participation des femmes aux élections, en particulier comme candidates, et aux processus constitutionnels, leur rôle dans la justice transitionnelle et la réconciliation, notamment en ce qui concerne les personnes disparues, la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans la réforme du secteur de la sécurité et le renforcement des capacités des institutions nationales et de la société civile en matière de protection des droits de la femme et d’enquête en cas de violation de ces droits. En complément, la Mission coopérera étroitement avec l’équipe de pays pour garantir la participation des femmes aux activités de développement, conformément à l’engagement que j’ai pris dans mon plan d’action en sept points pour la participation des femmes à la consolidation de la paix .

63. La jeunesse libyenne est pour beaucoup dans le déclenchement de la révolution, dont elle tient à sauvegarder les buts pendant et après la période de transition. Son enthousiasme, son attachement à ces buts et la clarté de son projet devraient être mis au service de la construction d’une nouvelle Libye. La MANUL travaillera avec les jeunes de manière à soutenir leur participation constructive à la vie politique, économique et sociale.

B. Sécurité publique

64. Les progrès de la transition politique pourraient être compromis si l’on faillait à améliorer le sentiment de sécurité de la population, qui est une condition essentielle de la participation des citoyens et de l’activité socioéconomique. La MANUL appuiera les efforts du Gouvernement libyen en vue de mettre en place un secteur de la sécurité efficace et responsable, respectant les droits de l’homme, assurant la primauté du droit et jouissant de la confiance de la population libyenne. À cette fin, la Mission aura notamment pour rôle de fournir des conseils stratégiques et techniques aux acteurs nationaux sur les questions intéressant le secteur de la sécurité, y compris celles relatives à la gestion et au contrôle par les autorités civiles ainsi qu’à la démobilisation et à l’intégration ou à la réintégration des ex‑combattants.

65. Les décisions relatives à la démobilisation des ex-combattants et à l’unification des forces armées sous l’autorité de l’État sont complexes et étroitement liées à la transition politique. La MANUL restera donc engagée aux côtés du Gouvernement provisoire en vue de la planification stratégique et opérationnelle des différentes phases des processus de démobilisation et d’intégration. L’assistance en matière d’élaboration de politiques sera complétée, au besoin, par un appui à la mise en œuvre des processus de démobilisation et d’intégration dans les institutions du secteur de la sécurité. De même, la MANUL et l’équipe de pays des Nations Unies fourniront un appui technique consultatif pour l’élaboration de mesures offrant des perspectives socioéconomiques acceptables aux ex-combattants qui choisiront de réintégrer la vie civile. Actuellement, la MANUL a été priée de fournir une assistance technique au processus d’enregistrement en cours.

66. Une des tâches essentielles de la Mission pendant la durée de son mandat sera d’établir dans l’ensemble du pays un service de police responsable et professionnel capable de s’acquitter d’une série de fonctions de police dans le respect des principes des droits de l’homme et de renforcer la confiance du peuple libyen dans la capacité de l’État à assurer la sécurité et la justice. À cette fin, grâce au déploiement de divers spécialistes et experts des questions de police, la MANUL fournira au Ministère de l’intérieur des services consultatifs stratégiques et techniques sur les questions concernant la gestion et la supervision, la direction et le commandement, la planification stratégique et opérationnelle, les besoins en formation, l’intégration des ex-combattants dans la police et la sécurisation des élections. En ce qui concerne la formation, la MANUL aidera à définir les besoins, à élaborer des programmes de formation intégrant la dimension des droits de l’homme et à définir les sources d’aide les mieux adaptées aux besoins. Il est prévu que la formation proprement dite soit assurée par des acteurs bilatéraux, dans un cadre coordonné par la MANUL et en conformité avec la politique des Nations Unies imposant un devoir de diligence en matière de droits de l’homme.

67. Au besoin, la MANUL sera également en mesure d’aider les autorités nationales à traiter les problèmes concernant le secteur de la défense, y compris ceux ayant trait à l’intégration des ex-combattants dans les diverses filières de la défense nationale et à la gestion et au contrôle du secteur de la défense par les autorités civiles. Les forces de défense libyennes portent le poids de décennies de négligence et font l’objet d’une profonde méfiance de la part de nombreux Libyens. Il faudra les réformer en profondeur et dans la durée, en s’appuyant sur une conception consensuelle des forces de défense nationale, qui soit susceptible de renforcer la confiance entre les acteurs de la défense, les autres forces de sécurité et la société civile.

C. Prolifération des armes et sécurité des frontières

68. Tout échec éventuel des tentatives actuellement déployées pour maîtriser la disponibilité et la prolifération des armes et du matériel connexe, y compris les armes lourdes et les munitions, risque de faire peser sur la Libye de graves risques d’instabilité, notamment des menaces d’affrontements armés, de criminalité et de trafic, ce qui aurait probablement des conséquences sur le plan régional. Conformément à son mandat initial, défini par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2022 (2011), la MANUL continuera d’aider les autorités libyennes à établir en Libye une surveillance, une gestion et un contrôle efficace des armes, conformément aux conventions internationales. À cette fin, la MANUL fournira des conseils sur les normes internationales de contrôle des armes et aidera les autorités libyennes à enregistrer les systèmes portables de défense antiaérienne, à stocker les munitions et à gérer et éliminer les mines et restes explosifs de guerre, entre autres. Elle continuera de faciliter l’intervention dans le pays d’organismes internationaux de contrôle des armements, tels que l’OIAC et l’AIEA, et de travailler en étroite collaboration avec les partenaires régionaux intéressés et les organisations internationales compétentes, telles l’Organisation de l’aviation civile internationale ou la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. Elle s’acquittera de ses tâches en matière de maîtrise des armements et de sécurité aux frontières dans le cadre d’une structure intégrant l’ensemble des organismes du système des Nations Unies, dans laquelle elle assumera un rôle de coordination globale de l’aide internationale aux autorités libyennes et où le Service de la lutte antimines jouera un rôle important, avec une participation de l’UNICEF au titre de la sensibilisation des enfants au danger des mines et du PNUD au titre de la formation institutionnelle.

69. La MANUL aidera également les autorités libyennes à assurer la protection, la surveillance, la gestion et le contrôle des frontières du pays et à établir une coopération efficace avec les pays voisins et, plus largement, avec ceux de la région, en matière de sécurité des frontières et de maîtrise des armements, notamment en encourageant la coordination avec les organisations et mécanismes régionaux et internationaux. Elle s’attachera en particulier à aider les ministères compétents à instituer un régime efficace de sécurisation et de contrôle des frontières et à coordonner l’aide internationale dans ce domaine. Tant la MANUL que l’équipe de pays des Nations Unies offriront aux autorités libyennes un appui normatif et technique en vue de garantir la prise en considération, dans leurs politiques et leurs pratiques de gestion des frontières, du droit international des droits de l’homme et du droit des réfugiés, en mettant particulièrement l’accent sur les migrations, le trafic d’êtres humains et le trafic de drogue. La MANUL continuera à travailler en étroite collaboration avec l’Union européenne et les partenaires bilatéraux concernés qui prennent une part active à la planification et à la mise au point des systèmes, à la fourniture de technologies et de structures logistiques modernes, au renforcement des capacités et à la formation.

D. Droits de l’homme, justice transitionnelle et état de droit

70. Pour beaucoup, l’élément le plus susceptible de permettre à la transition d’être ressentie comme une véritable rupture par rapport au régime précédent est la façon dont les autorités vont traiter l’héritage de plusieurs décennies de violations des droits de l’homme commises dans le pays, y compris celles commises pendant les huit mois du conflit. Le processus de réconciliation et de justice transitionnelle mettra clairement en évidence un certain nombre de tensions, qu’il sera impossible d’ignorer. Le pays devra également prendre des mesures pour empêcher que de graves violations des droits de l’homme continuent d’être commises, notamment à l’encontre de personnes considérées comme des soutiens de l’ancien régime. Les difficultés institutionnelles et pratiques auxquelles doit faire face le système judiciaire et le transfert aux autorités publiques des personnes détenues par les brigades à la suite du conflit, mais aussi les conditions de détention de ces personnes, y compris les allégations de torture, et les procédures judiciaires employées pour fixer leur sort auront pour effet soit de renforcer soit d’affaiblir la légitimité de la transition. Il faudra également prêter une attention particulière à la situation des groupes marginalisés, y compris des migrants et des personnes déplacées, et à d’autres problèmes éventuels relatifs aux droits de l’homme.

71. Pour la MANUL, une des principales priorités sera d’appuyer les autorités libyennes et les autres institutions civiles pour garantir que la transition, et notamment le processus de justice transitionnelle, soit solidement fondée sur des systèmes, institutions et pratiques conformes à l’état de droit, ainsi que sur le respect des droits de l’homme. Elle contribuera à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie globale de justice transitionnelle, fondée sur un cadre juridique solide et les normes internationales. La MANUL aidera les autorités à élaborer une nouvelle législation et à mettre en place la réforme juridique et institutionnelle, en vue de garantir le respect du principe de responsabilité et des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Elle aidera également les autorités à appliquer les recommandations émanant de mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, notamment celles de la Commission d’enquête internationale créée par le Conseil des droits de l’homme pour enquêter sur la situation des droits de l’homme en Libye. La Mission pourra aider à obtenir une assistance technique pour la création d’une institution nationale indépendante qui sera chargée de stimuler, entretenir et contrôler la détermination et la capacité du pays à promouvoir et protéger les droits de l’homme. Tout en s’acquittant de ses responsabilités fondamentales de contrôle de façon à faire rapport à l’ONU, comme son mandat l’y astreint, la Mission facilitera la formation des membres d’organisations de la société civile afin qu’ils soient capables d’observer les violations des droits de l’homme, d’élaborer des stratégies et de mettre en place des mécanismes destinés à intervenir directement auprès des ministères et autres institutions gouvernementales.

72. Dans le domaine de l’état de droit, la MANUL s’attachera aussi à renforcer le système pénitentiaire et à encourager les synergies dans la chaîne de la justice pénale. En particulier, elle continuera de conseiller ses interlocuteurs libyens sur le renforcement des pouvoirs du Ministère de la justice sur les détenus, sur l’examen de leur cas dans le cadre de procédures judiciaires équitables et transparentes et sur la prévention des violations des droits de l’homme. Une fonction importante de la Mission consistera à fournir des conseils politiques et techniques, en collaboration avec l’équipe de pays des Nations Unies, afin que la justice se remette à fonctionner dans un cadre institutionnel cohérent et efficace. La MANUL axera son action sur les besoins immédiats de la transition et sur l’aspect normatif des activités entreprises dans le domaine pénitentiaire et judiciaire afin de rendre possibles des réformes de longue haleine. Cependant, les organismes des Nations Unies seront chargés de contribuer à l’élaboration de l’infrastructure judiciaire d’ensemble, notamment par la formation des juges, des procureurs et des gardiens de prison, le développement des capacités en matière de planification stratégique et de budgétisation, la mise en place de systèmes de gestion des affaires et de services d’aide juridictionnelle à la population, en fonction des ressources disponibles.

E. Coordination internationale et partenariats

73. Pays riche en ressources, la Libye peut choisir parmi de nombreux acteurs internationaux, y compris des entreprises privées, disposés à lui fournir une assistance. Néanmoins, comme dans d’autres situations de transition, la multiplicité de l’offre peut générer des coûts de transaction importants pour les autorités nationales et locales et le Gouvernement est déjà soumis à une rude pression pour répondre aux priorités urgentes. Dans tous les domaines de son mandat, la MANUL continuera à soutenir les démarches des autorités libyennes visant à coordonner l’aide internationale, afin de garantir que les offres d’assistance soient axées sur les besoins définis par les Libyens et mises en œuvre de façon à exercer le moins de pressions possible sur les capacités de la Libye, déjà mises à rude épreuve. Le cas échéant et si cela est nécessaire, la MANUL facilitera l’établissement de partenariats entre la Libye et les acteurs internationaux, en particulier dans les zones où la Mission n’a pas mandat de répondre directement aux besoins libyens ni n’est bien placée pour le faire.

74. Les initiatives visant à relancer et soutenir la croissance économique libyenne montrent bien que la MANUL contribue à créer un cadre général favorable qui permet à d’autres acteurs, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, d’aider directement les autorités nationales. Bien qu’elle ne soit pas directement impliquée dans les initiatives de relèvement macroéconomique, la MANUL continuera de constituer un cadre au sein duquel on pourra régler les problèmes économiques ayant d’importantes incidences politiques et mobiliser l’aide internationale.

75. En ce qui concerne la remise en route et la réforme de l’administration publique libyenne, la MANUL continuera, grâce à sa structure intégrée, d’aider les fonds, programmes et organismes des Nations Unies susceptibles d’être invités à fournir une assistance technique ciblée à un ensemble d’institutions et de ministères centraux sur des questions de planification stratégique, de réforme de la fonction publique et de décentralisation. Dans ces domaines ainsi que d’autres, la MANUL sera prête à mobiliser des compétences techniques extérieures et à aider à élaborer des cadres de coopération clairs, qui laissent le pays maître des opérations et reposent sur une coordination efficace.

F. Stratégie de la Mission

76. Les grandes orientations de la Mission sont déterminées par le contexte libyen. Dans certains domaines, l’importance de l’aide de l’ONU est de plus en plus apparente, notamment en ce qui concerne l’assistance électorale, la sécurité publique, les droits de l’homme et la justice transitionnelle. Toutefois, étant donné les fluctuations du climat politique et la formation prévue d’un nouveau gouvernement durant la période du mandat, il faut s’attendre à ce que toute une série de demandes soient successivement formulées tout au long de 2012, en fonction de besoins nouveaux et parfois imprévus.

77. L’idée directrice générale de la mission de la MANUL doit par conséquent se fonder essentiellement sur les principes de souplesse et de réactivité, en fonction des besoins qui se font jour sur le terrain et des responsabilités normatives de l’ONU. Dans certains domaines, avant tout l’appui électoral, la demande d’une aide intensive et durable a été clairement exprimée, mais en dehors de cela on n’attend pas de la MANUL qu’elle déploie en permanence des détachements importants. Elle doit plutôt disposer d’un petit noyau de conseillers chevronnés dans un ensemble de domaines relatifs à son mandat et être en mesure de mobiliser rapidement, et à court terme, les compétences d’experts adaptées aux besoins, experts qui devront, le cas échéant, partager des locaux avec des partenaires libyens. La MANUL devra pouvoir mobiliser des moyens supplémentaires selon diverses modalités, même pour des affectations à court terme, soit auprès d’organismes du système des Nations Unies, soit auprès d’autres partenaires internationaux. Cette stratégie nécessitera une collaboration étroite entre les capacités de la MANUL dans le pays et celles du Siège en vue de garantir le diagnostic, la mobilisation et le déploiement rapides des compétences techniques nécessaires, selon les modalités qui conviendront le mieux, notamment celles décrites dans le rapport d’évaluation des capacités civiles (voir A/66/311-S/2011/527).

78. Compte tenu des grandes orientations de son activité, la MANUL doit pouvoir gérer avec souplesse ses ressources locales et adapter leur présence en fonction des besoins de la Libye et des demandes de son gouvernement. Conformément à cette stratégie, et du fait qu’elle risque d’avoir à intensifier son appui dans des domaines essentiels pour la réussite de la transition, la Mission aura besoin de renforcer quelque peu ses capacités. Dans le même temps, l’appui à la Mission continuera de se contenter d’une présence minimale en Libye, les fonctions administratives étant exécutées au Centre de services mondial de Brindisi. La MANUL continuera donc de gérer avec souplesse les postes vacants dans sa dotation globale en personnel afin de répondre aux besoins à mesure qu’ils apparaissent, conformément à la stratégie globale d’appui aux missions. Elle devra être prête à répondre au pied levé à des besoins en personnel hautement spécialisé, en étroite coordination avec ses interlocuteurs du Siège, afin de respecter les délais imposés pour leur déploiement. De même, le budget de la MANUL devra être géré avec souplesse de façon à pouvoir répondre aux besoins de la Mission et il faudra créer des synergies grâce à un partage des ressources avec l’équipe de pays.

G. Sûreté et sécurité du personnel des Nations Unies

79. Le système intégré de gestion de la sécurité des organismes des Nations Unies continuera de faciliter les programmes et les opérations des Nations Unies et d’assurer à leur personnel en Libye un niveau suffisant de sécurité. Les risques réels et potentiels pesant sur les organismes des Nations Unies en Libye seront diagnostiqués et atténués grâce à une analyse systématique du climat dans lequel se déroulent les opérations, à l’établissement de contacts avec les interlocuteurs libyens du personnel des Nations Unies, à l’utilisation stratégique des ressources du système en matière de sécurité et au renforcement des compétences du personnel concerné.

VII. Aspects financiers

80. Par sa résolution 2009 (2011) du 16 septembre 2011, le Conseil de sécurité a décidé de créer pour une période initiale de trois mois une Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), dirigée par un Représentant spécial du Secrétaire général, et, par sa résolution 2022 (2011) du 2 décembre 2011, il a décidé de proroger le mandat de la Mission jusqu’au 16 mars 2012. Dans sa résolution 66/247, l’Assemblée générale a autorisé le Secrétaire général à engager des dépenses d’un montant maximum de 16 millions de dollars. Un projet de budget pour le financement de la Mission jusqu’au 31 décembre 2012 sera présenté à l’Assemblée durant la deuxième partie de la reprise de sa soixante-sixième session.

VIII. Observations et recommandations

81. Quatre mois après la fin des combats, le Conseil national de transition et le Gouvernement intérimaire de la Libye doivent affronter de nombreux défis alors que la population a de grandes attentes vis-à-vis des autorités pour la réalisation des promesses et des revendications très fortes en faveur d’un renforcement de la responsabilisation et de la transparence. Et cela dans le contexte du lourd héritage légué par l’ancien régime, qui comprend des institutions étatiques déficientes et dysfonctionnelles, la négation de la vie politique et de la société civile, des atteintes systématiques aux droits de l’homme, des mesures visant à transformer la société et la marginalisation délibérée de groupes de population. La mise en œuvre d’un processus politique faisant appel à une large participation de toutes les principales parties prenantes, y compris les groupes de la société civile, est donc une tâche extrêmement ardue, mais j’encourage les dirigeants libyens à ne pas se départir de l’esprit d’ouverture et de réconciliation qui permettra d’assurer une transition sans heurt.

82. La ferveur avec laquelle les jeunes et les femmes ont pris part à la révolution libyenne doit se traduire par une volonté de continuer à participer au remodelage de l’avenir du pays. Il importerait tout particulièrement que les autorités libyennes veillent à ce que les femmes soient pleinement représentées dans les instances politiques décisionnelles et dans l’ensemble des institutions gouvernementales.

83. Les élections libres et démocratiques prévues, les premières depuis plus de 40 ans, offriront au peuple libyen une occasion unique d’exercer son droit de conférer une légitimité aux institutions qui gouvernent le pays et au processus d’élaboration de la constitution. La participation de la société civile aux consultations portant sur la loi électorale, le rôle que les entités politiques ont désormais la possibilité de jouer et l’acceptation de mesures spéciales visant à promouvoir la représentation des femmes inaugurent une nouvelle phase dans la participation active des citoyens à la vie politique. Il importe au plus haut point que toutes les mesures nécessaires soient mises en place, y compris celles qui ont trait à la sécurité, pour favoriser la création de conditions propices à des élections crédibles, libres et honnêtes.

84. Les autorités libyennes sont conscientes que les principaux enjeux sont les problèmes posés par la dissémination des armes et les multiples « brigades » armées qui continuent de fonctionner avec des chaînes de commandement et des voies hiérarchiques mal définies, ainsi que par la mise en place d’institutions professionnelles soumises à un contrôle démocratique pour les fonctions liées à la sécurité de l’État. Je me félicite de la priorité accordée à l’intégration ou à la réintégration des ex-combattants. Cela se fera inévitablement de manière progressive, mais la stabilité future de la Libye présuppose que le Gouvernement sera seul habilité à assurer la sécurité par l’intermédiaire de forces qui protégeront sa population et respecteront ses droits fondamentaux.

85. Je suis profondément préoccupé par les informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements à l’encontre de détenus, y compris des ressortissants de pays tiers. Aussi, je me félicite que le Gouvernement ait condamné publiquement ces pratiques et se soit engagé à demander des comptes aux responsables, tout en étant conscient des difficultés auxquelles il se heurte pour réformer et mettre en branle le système judiciaire et pénitentiaire en respectant les normes internationales. Néanmoins, j’engage vivement les autorités à agir plus rapidement et plus résolument pour prendre des mesures efficaces sur les plans législatif, administratif et judiciaire, entre autres, en vue de prévenir et de réprimer tous les actes de torture. J’espère également que l’on s’emploiera en priorité à instaurer dès que possible un régime de réglementation des migrations qui sera conforme aux normes internationales et à assurer la protection des migrants et des demandeurs d’asile potentiels.

86. Je me réjouis de voir que le Gouvernement donne la priorité à la lutte contre la prolifération des armes et à la sécurisation des frontières et qu’il poursuit un dialogue avec les voisins de la Libye. L’ONU est prête à collaborer avec tous les pays de la région et avec les organisations régionales pour appuyer les actions visant à parer aux menaces transfrontières.

87. Le système des Nations Unies continuera de faire le maximum pour aider la Libye à faire face à ces problèmes et à d’autres défis. À cette fin, je recommande au Conseil de sécurité de proroger de 12 mois le mandat de la MANUL, en tant que mission politique spéciale intégrée habilitée à agir dans les domaines définis par les résolutions 2009 (2011) et 2022 (2011) du Conseil, l’accent étant mis en particulier sur la nécessité d’un appui renforcé pour les actions menées par la Libye dans les domaines suivants : a) transition démocratique, y compris le processus électoral ; b) sécurité publique, y compris la démobilisation, l’intégration ou la réintégration des ex-combattants ; c) droits de l’homme, justice transitionnelle et état de droit ; d) prolifération des armes et sécurité des frontières ; et e) coordination de l’appui international.

88. Dans le cadre des efforts que nous déployons pour aider la Libye depuis la fin du conflit, nous avons adopté une approche fondée sur la prise en compte et le respect des particularités de la Libye, qui pourraient offrir des enseignements pour d’autres contextes. Le système des Nations Unies a commencé à se préparer très tôt et il l’a fait sur la base d’une démarche intégrée en agissant en association avec les autres acteurs multilatéraux et bilatéraux. La collaboration avec les interlocuteurs libyens reposait dès le départ sur le respect des prérogatives nationales et le déploiement du personnel des Nations Unies en Libye a été organisé de façon échelonnée en répondant aux demandes formulées par les partenaires libyens. Cette approche a été mise au point à partir d’une analyse du contexte libyen, mais elle est en harmonie avec les recommandations qui figurent dans mon rapport sur les moyens civils à mobiliser dans les situations postérieures à un conflit où je notais que « la planification initiale doit absolument tenir compte des événements sur le terrain et le personnel des Nations Unies qui se trouve déjà dans un pays et collabore avec les parties prenantes nationales doit évaluer les priorités et les moyens nationaux existants, y compris dans la diaspora » et que « ce facteur doit contribuer à ce que la planification soit avant tout axée sur les priorités et les besoins nationaux et ne dépende pas du personnel ou des autres ressources internationales disponibles » (A/66/311-S/2011/527, par. 17).

89. Les propositions relatives à la prorogation du mandat de la MANUL qui figurent dans le présent rapport s’inscrivent dans le prolongement de l’approche susmentionnée. La formule d’une mission politique spéciale de dimension relativement modeste, travaillant de concert avec d’autres organismes, fonds et programmes, permet de limiter le volume des moyens budgétaires nécessaires. Mais il faudra parallèlement prévoir une plus forte proportion d’agents d’un rang assez élevé et un financement souple. Par ailleurs, les procédures d’administration du personnel et les autres procédures d’appui à la mission devront permettre des interventions rapides pour répondre aux besoins qui seront exprimés et il va de soi que la Mission restera pleinement responsable de l’usage qu’elle fera de ses ressources et de ses actes au regard de la souplesse dont elle fera preuve.

90. En dernière analyse, mes recommandations seront évaluées à l’aune de leur pertinence pour le contexte libyen actuel. Je suis convaincu que, si l’on veut aider au mieux la Libye, les interventions de l’ONU, mais aussi celles de l’ensemble de la communauté internationale doivent être non pas déterminées par l’offre disponible pour l’assistance consécutive à un conflit mais adaptées à la nature des besoins spécifiques de la Libye en matière d’aide internationale, tels qu’elle les appréhende. La prorogation de 12 mois proposée pour le mandat de la MANUL permettra à l’ONU, grâce aux relations fructueuses qu’elle entretient avec la Libye, de fournir l’appui qu’elle a sollicité dans des domaines vitaux pour la réussite de la transition.

91. Pour conclure, je félicite les autorités et le peuple libyens des résultats obtenus à ce jour et je les remercie d’avoir collaboré étroitement avec l’ONU. Je remercie également tous les partenaires de développement internationaux, les organisations régionales et les autres acteurs qui ont épaulé le peuple libyen dans son action pour assurer la paix et la stabilité. Enfin, je tiens à adresser mes sincères remerciements au personnel de la MANUL et aux organismes des Nations Unies pour le travail qu’ils ont accompli en vue d’appuyer la transition de la Libye sous la direction de mon Représentant spécial, Ian Martin.