La tendance

Les dernières cartes de l’agression néo-ottomane contre la Syrie
Par Ghaleb Kandil

L’éventualité d’une aventure militaire turque contre la Syrie est remontée à la surface la semaine dernière. L’étude des équilibres et équations montrent qu’il s’agit d’une probabilité faible mais réelle.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyed Erdogan, a lié son avenir politique au rôle de la Turquie dans la crise syrienne. Il craint que le pouvoir syrien ne sorte vainqueur de la crise, ce qui donnera naissance à un nouveau pôle régional composé de la Syrie, de l’Iran, de l’Irak et des mouvements de résistance. Ce qui signifie, par conséquent, que la stature du président syrien Bachar al-Assaad en sortira renforcée au lieu d’être diminuée, comme le souhaitait le Premier ministre du rêve ottoman. Il est en effet apparu, dès, le début de la crise, que M. Erdogan œuvrait dans le but de créer une zone d’influence turque à l’intérieur de la Syrie, en accordant aux Frères musulmans un poids significatif dans l’équation politique interne syrienne.

Il est certain que toute mesure turque, placée sous l’intitulée de « zones tampons » ou de « couloirs humanitaires », conduira à l’entrée de troupes turques en Syrie. La décision syrienne proclamée est de défendre à n’importe quel prix le territoire national. Toute intervention turque en Syrie va donc certainement allumer une grande guerre régionale.

En dépit des assurances du ministre turc des Affaires étrangères, Ahmat Davutoglu, vendredi soir, que la guerre contre la Syrie « n’est pas envisagée » et que la priorité va à l’arrêt des opérations militaires et au soutien au plan Annan, ces déclarations ne retirent pas de la table la menace d’une action militaire turque, d’autant que M. Erdogan tient des propos belliqueux et que les États-Unis baignent dans la confusion. En effet, Washington n’a pas fait ce qu’il fallait pour stopper les tendances aventurières du gouvernement turc, et en même temps, il n’est pas disposé à assurer une couverture à une nouvelle guerre dans la région, à cause de ses difficultés économiques, et du fait que l’Otan, pris au piège en Afghanistan, ne souhaite pas s’impliquer ailleurs.

À la lecture des réalités régionales et internationales et des nouveaux rapports de force, il apparait que les répercussions d’une guerre à l’intérieur de la Turquie seraient graves :

 Le coût économique et militaire de l’affrontement avec l’armée syrienne sera grand en raison de l’utilisation des missiles, des avions et des tanks dans les combats.

 L’intervention turque en Syrie multiplie les risques d’une résurgence, à grande échelle, du conflit avec le PKK kurde et la Turquie.

 L’opposition turque à M. Erdogan s’enhardira, surtout que les conséquences économiques, militaires et humaines seront graves pour un pays qui compte beaucoup sur l’exportation des marchandises et le tourisme.

 La guerre contre la Syrie n’apporte aucun argument convainquant à l’opinion publique turque, à part les sympathisants du Parti du développement et de la justice de M. Erdogan. Alors que la presse proche du parti au pouvoir bat les tambours de la guerre, les journaux de l’opposition ou indépendants mettent en garde contre les risques d’une intervention militaire en Syrie.

 Sur le plan régional, une guerre turque contre la Syrie va provoquer une confrontation avec l’Iran, la Russie et les BRICS. Cette alliance va se considérer visée par toute agression contre la Syrie. Et Ankara ne supporte pas le coût d’une tension et d’une détérioration des relations avec Téhéran et Moscou, avec lesquels elle est liée par des relations économiques estimées à 150 milliards de dollars.

 Toute attaque turque contre la Syrie va provoquer une exacerbation du nationalisme syrien, dont le représentant est, aux yeux de son peuple, Bachar al-Assad, depuis l’invasion états-unienne de l’Irak.

 Enfin, une intervention turque en Syrie réveillera les sentiments de nationalisme arabe chez une grande partie de l’opinion publique arabe, qui ne manquera pas de se souvenir des quatre siècles de joug ottoman. L’Arabie saoudite et le Qatar ne réussiront certainement pas à assurer une couverture arabe à une telle agression.

Égypte : confrontation entre l’armée et les Frères musulmans

Les élections présidentielles ont carrément ouvert un front entre les Frères musulmans et leur candidat Khairat el-Chater d’un côté, et l’ancien et éphémère vice-président, et chef des services de renseignement militaires, le général Omar Sleiman. Ce dernier a accusé la confrérie et d’autres mouvements islamistes de l’avoir menacé de mort après qu’il eut présenté sa candidature. « Les Frères musulmans ont perdu beaucoup de leur popularité et de leur crédibilité auprès de l’opinion publique après leurs dernières prises de position politiques, a-t-il dit. Je pense que le pays a besoin maintenant d’un président fort qui ramène la stabilité, assure la sécurité et protège les gens. » Omar Sleiman a nié être le candidat de l’institution militaire.

Pour sa part, Khairat el-Chater a dénoncé les « tentatives de reproduire le régime de Hosni Moubarak à travers la candidature de Sleiman, menaçant de descendre dans la rue avec tous les Égyptiens si la révolution est volée ».

Par ailleurs, la Commission des Affaires constitutionnelles et législatives du Parlement, dominé par les Frères musulmans, a adopté un projet de loi interdisant aux personnalités de l’ancien régime de se porter candidat à l’élection présidentielle. Le Parlement a donné son « accord de principe », au milieu d’une forte opposition exprimée par certains députés.

En outre, le tribunal administratif du Conseil d’État a invalidé la Commission constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution, contrôlée par les Frères musulmans.

Déclarations et prises de positions

 Mgr Béchara Boutros Raï, patriarche de l’Église maronite

« Nous avons personnellement participé au congrès organisé par le bureau catholique international pour l’enseignement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, intitulé Les révolutions arabes et les chrétiens d’Orient, en l’inaugurant par un discours, dans lequel nous avons souhaité que les printemps arabes soient à la hauteur des aspirations des peuples, des printemps de démocratie, de respect de la liberté de l’homme et de renforcement des libertés publiques et de la démocratie. Nous y avons exprimé notre engagement à encourager un printemps chrétien, qui poursuivrait le message des chrétiens d’Orient. Nous regrettons la corruption, la haine, l’injustice, l’agression contre la dignité, les calomnies, la désinformation, le vol, les fléaux qui sévissent partout dans le monde. Nous vous invitons à rester vigilants face aux complots ourdis contre votre Église. »

 Mohammad Raad, président du bloc parlementaire du Hezbollah

« Toute bêtise que commettrait l’ennemi israélien transformera la face de la région et les équations qui la régissent dans un sens en faveur de ses peuples. Cet ennemi pourrait se procurer des armes stratégiques sophistiquées, mais il ne pourra jamais posséder un esprit similaire à celui des hommes de la Résistance au Liban, la foi, la détermination, l’attachement au droit et la disposition à consentir les sacrifices dans le but de protéger la patrie (...) Les événements en Syrie visent à assurer un bouclier protecteur pour Israël afin qu’il contrôle la région à nouveau, après sa défaite face à la Résistance en 2000 et 2006. L’unité, la stabilité et la force de la Syrie, constituent un appui pour la stabilité du Liban (...) Le gouvernement en place au Liban a fourni des services à l’opposition plus qu’il ne l’a fait à la majorité qui le compose. Nous avons accepté ce fait, car nous faisons passer en priorité la stabilité du pays et la cohésion nationale. Nous devons être prêts à faire face aux complots contre notre pays, dans le cadre de ceux qui frappent la région. »

 Fouad Siniora, ancien Premier ministre, président du bloc parlementaire de Saad Hariri

« Le gouvernement actuel n’a pas fait preuve de sagesse. Il a perdu son temps dans les différends entre ses composantes. Il a échoué dans l’élaboration du budget des années 2011 et 2012 et tente de masquer son échec en suscitant des affaires secondaires, telle la question des 8900 milliards de livres. Certaines parties exploitent le dossier financier pour s’en prendre à d’autres parties. »

 Samir Geagea, leader des Forces libanaises (pro-américain)

« Oui, j’ai très peur pour Walid Joumblatt. Je ne crois pas à un conflit interne au Liban, parce que le 14-Mars est déterminé à préserver la paix civile. Un an s’est écoulé depuis la formation du gouvernement et la situation économique se détériore davantage. Les “factions libres du Liban”, dont les forces du 14-Mars et les composantes de la Révolution du Cèdre, doivent se réunir pour établir une majorité parlementaire et former un gouvernement qui puisse créer "un vrai État" (...) Les armes ne permettent pas aux chiites de bénéficier d’une position politique privilégiée. Les chiites sont une composante essentielle du Liban et ils le resteront, grâce à la volonté de Dieu et non pas à celle du parti de Dieu (Le Hezbollah, ndlr). »

Revue de presse

  As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité - 13 avril 2012)

Des concertations en comité restreint ont eu lieu entre les forces qui composent le cabinet actuel portant sur la possibilité de soumettre le gouvernement, le ministre de l’Énergie, Gebran Bassil, et le ministre des Télécommunication Nicolas Sehnaoui, à un vote de confiance. À l’issue des délibérations, les différentes composantes du gouvernement ont écarté l’hypothèse du recours de l’opposition à un vote de confiance visant le gouvernement, pour plusieurs considérations, dont la plus importante est l’attachement international et arabe au gouvernement actuel. Ils n’ont cependant pas écarté la possibilité de la soumission des ministres Bassil et Sehnaoui à un vote de confiance, qui pourrait mener à la chute du gouvernement. Ils ont par conséquent décidé unanimement de combler toutes les failles qui permettraient à l’opposition de faire tomber le gouvernement par cette voie constitutionnelle. Les sources parlementaires du Bloc du Futur ont révélé que le 14-Mars, après avoir étudié la situation à fond, a estimé qu’il était inutile de recourir à un vote de confiance.

  As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité - 13 avril 2012)
Gracia Bitar

Le patriarche maronite, Béchara Raï, ne se lasse pas de mettre en garde contre le fait de « vider l’Orient de ses chrétiens » et n’affectionne pas la politique des « bras croisés » vis-à-vis des révolutions arabes et ne dévie pas de la constante que le « printemps des chrétiens se réalise dans leur rejet de la violence, leur attachement à leur terre et à leur présence », selon ses propres paroles prononcées hier lors de l’inauguration du Centre catholique mondiale au couvent de Notre-Dame de la montagne, à Fatka.

La chaleur de ces positions patriarcales semble ne pas correspondre au « climat » des révolutions voisines. D’Égypte est venue la preuve la plus éclatante, et dont l’encre n’a pas encore séchée : le boycott du patriarche par le cheikh d’Al-Azhar. Selon ses milieux, l’Église maronite ne souhaite pas « jeter de l’huile sur le feu, mais elle attend toujours une explication d’Al-Azhar qui tarde à venir ». Dans ce cadre, beaucoup a été dit sur des pressions exercées par le 14-Mars, notamment par Samir Geagea, sur l’Arabie saoudite et le Qatar, afin que ces deux pays exercent à leur tour des pressions sur la première autorité sunnite afin de punir Raï pour ses positions à l’égard du printemps arabe.

L’Église a bien accueilli la charte d’Al-Azhar publié en juillet dernier et intitulée L’État de citoyenneté. Un document qui sacralise « la liberté des groupes et des individus ». Surtout que cette Église a joué un rôle essentiel dans le rapprochement islamo-chrétien depuis la fondation de l’École maronite à Rome, en 1584. Mais voilà qu’Al-Azhar refuse de rencontrer la tête de l’Église maronite d’Orient, c’est-à-dire le représentant des chrétiens d’Orient. Mis à part les pressions politique saoudiennes, qataries et libanaises, il ne fait pas de doute qu’Al-Azhar est tombé dans le piège de la polarisation politique.

  An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars - 13 avril 2012)

« Le ministre des Finances, Mohammad Safadi, a exprimé de sévères critiques contre le chef du gouvernement Najib Mikati, sur fond de l’affaire de la location des bateaux-générateurs, qui avait affectées les relations entre les deux députés de Tripoli, supposés être des alliés.

Durant le talk-show Kalam en-Nass diffusée à la LBC, M. Safadi a surpris les milieux ministériels et politiques quand il a tiré à boulets rouges contre Mikati, allant jusqu’à le menacer d’éviction. Il a accusé le Premier ministre de colporter des rumeurs selon lesquels il comptait toucher une commission dans l’affaire des navires et qu’il en détenait les preuves. Le ministre a révélé que le Premier ministre avait tenu ces propos désobligeants à son encontre devant plusieurs personnalités, y compris Walid Joumblatt et Nabih Berry. Il comptait ne pas en faire grand cas, mais le ministre de l’Économie, qui représente pratiquement le Premier ministre, a dit que le ministre des Finances n’est pas soucieux des finances publiques.

Il a considéré qu’une telle déclaration suppose l’ouverture d’une enquête au sein du Conseil des ministres et du Parlement afin de déterminer les raisons pour lesquelles le ministre des Finances ne peut pas être le dépositaire des finances publiques. "S’il s’avèrera que je ne suis pas digne de ce ministère, ils pourront me soumettre à un vote de confiance et me destituer de mes fonctions », a-t-il dit.

  Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité - 13 avril 2012)
Abdel Kafi Samad

Une importante personnalité salafiste de Tripoli fait état d’une grande inquiétude de voir les courants salafistes être des boucs-émissaires dans la période à venir. Cette crainte les a poussé à procéder à un repositionnement qualitatif et à introduire des changements aussi bien dans leur discours que dans leurs activités. Un des signaux réside dans l’anéantissement par l’armée syrienne, il y a un certain temps, d’un groupe de combattants salafistes libanais qui guerroyaient en Syrie, sans que personne n’en parle et ne mentionne l’affaire. Cette inquiétude est due à des informations parvenues à différentes personnalités salafistes de Tripoli, faisant état de possibles mesures contre certains courants de la mouvance. Ces mêmes informations précisent que les parties internes et externes qui ont amplifié et exagéré leur rôle dans le passé sont sur le point de les lâcher.

Parmi les mesures qui pourraient être prises contre les salafistes par des milieux sécuritaires et politiques libanais figure la fermeture des écoles de la Charia à Tripoli, sous prétexte qu’elles enseignent des matières qui incitent au terrorisme et à l’extrémisme.

La même source révèle que des parties politiques et sécuritaires, libanaises et régionales, souhaiteraient mettre un terme aux activités des groupes terroristes, ce qui laisse craindre une nouvelle vague d’arrestations dans les rangs des salafistes. Cela a les poussé à modérer leur discours, comme ce fut le cas lors d’une conférence à l’Institut de l’Imam Boukhari, dans la localité de Wadi Jamous, au Akkar. Lors des interventions, un vocabulaire et des concepts étrangers au lexique salafiste ont été évoqués, tels que l’appel à la modération, au dialogue avec l’autre, à l’ouverture, à l’amélioration des relations avec les non-musulmans, à la préservation de la paix civile, au refus de la violence et des enseignements d’Al-Qaïda.

Les conférenciers ont également proposé que les écoles islamiques soient placées sous l’égide de Dar el-Fatwa, une idée que les responsables des établissements avaient, dans un premier temps, rejeté. Cette agitation salafiste coïncide avec une refonte des mouvements salafistes qui verra, à terme, apparaitre trois écoles : le salafisme scientifique (conservateur et pacifique), le salafisme-jihadiste et le salafisme takfiriste.

  Al Akhbar (12 avril2012)
Jean Aziz

La Syrie se prépare à la nouvelle étape qui suivra la signature du projet de protocole relatif au déploiement d’une mission d’observateurs dans le pays, selon des sources officielles qui soulignent que 80% de ce projet a été terminé, les 20% restant sont liés à des considérations politiques.

Dans ce cadre, les autorités syriennes avaient exprimé clairement leur volonté de coopérer avec les observateurs de la mission d’Annan à condition qu’elle respecte la souveraineté de l’Etat syrien, indiquant à l’émissaire onusien que les belligérants en Syrie n’ont pas le même statut international, ce qui implique que les normes appliquées généralement dans le cas des conflits ne seront pas valables dans la question syrienne.

Les mêmes sources syriennes ajoutent que la Syrie est impatiente quant à l’approbation du protocole et à la mise en place de la mission d’observateurs internationaux car elle réduirait le nombre d’incidents provoqués par les groupes armés.

En ce qui concerne les garanties réclamées par les autorités syriennes pour la cessation des actes de violence, les sources rappellent que le ministre syrien des Affaires étrangères a explicitement fait savoir que Damas ne négociera pas avec les groupes armés, et que cette mission devra être entreprise par Kofi Annan telle que définie par la déclaration du Conseil de sécurité. Damas est dans l’attente de la période qui suivra la signature du protocole de la mission d’observateurs, car elle pourrait paver la voie au dialogue. Ce point a été au centre des discussions entre Walid al-Mouallem et Serguei Lavrov à Moscou, où de nombreuses délégations de l’opposition seront attendues dans les jours à venir.

  Al Hayat (Quotidien panarabe pro-saoudien - 12 avril2012)

Le président de la Chambre, Nabih Berry, s’est demandé : « Pourquoi essaye-t-on de trouver un autre ennemi au Liban aux frontières nord ». « Je vous pose la question, a-t-il en s’adressant aux journalistes accrédités au Liban-Sud. Depuis 1948, depuis l’époque de vos pères et de vos grand-père, celui qui a Israël comme ennemi n’est-il pas comblé ? »

Le chef du Législatif a indiqué que « la politique du Liban qui consiste à se dissocier de la crise syrienne profite à tous les Libanais, qu’ils fassent partie de la majorité ou de l’opposition ». « Il faut que le dossier pétrolier figure parmi les priorités des Libanais car c’est un enjeu économique et stratégique par excellence. Le droit du Liban au pétrole est un droit souverainiste. Il est donc nécessaire de traiter le dossier de la frontière maritime comme celui de la frontière terrestre, de la ligne bleue, de Chebaa et de Tyr, a-t-il estimé. Si la voie diplomatique ne nous aide pas à récupérer nos droits, nos aurons recours à la Résistance. »

Le président de la Chambre a mis l’accent dans ce cadre sur l’importance des quantités de pétrole et de gaz qui se trouvent au large du Liban ainsi que celles qui sont à l’intérieur du territoire libanais. Il a salué les efforts fournis par le ministère de l’Énergie et de l’Eau, qui a engagé une compagnie chargée d’effectuer des études topographiques afin d’identifier les terrains pétroliers et gaziers du Liban, notamment dans la région de Kaa.

  L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars - 13 avril 2012)

Les sources diplomatiques libanaises estiment ainsi que la tendance est désormais renversée. Le régime syrien s’est imposé militairement et continue en même temps de jouir d’une certaine popularité auprès de son peuple. Ses principaux détracteurs ont baissé le ton et continuent à le critiquer, mais sans plus réclamer sa tête. En fait, les tentatives de le renverser ont à ce stade échoué, qu’il s’agisse de la volonté de pousser la population dans les rues à la faveur du déploiement des observateurs, qui s’est heurtée au rapport du chef de la mission qui avait déplu au Qatar et aux ennemis du régime, ou encore de l’action militaire qui a montré ses limites à Deraa, à Bab Amr et à Idleb. Les Américains ont ainsi mis un bémol à leurs revendications. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se rappeler comment la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton avait commencé par refuser de participer à la conférence des Amis de la Syrie, pour finir par s’y rendre à condition de ne pas décider d’armer l’opposition syrienne. La France, qui a pourtant décidé d’accueillir la troisième conférence des Amis de la Syrie au début du mois de mai, a actuellement d’autres sujets de débat, en pleine campagne présidentielle. Seuls la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar restent sur le pied de guerre et adoptent une position carrément belliqueuse. La Turquie menace même de lancer une offensive contre la Syrie, avec laquelle elle a pourtant 900 km de frontière commune. Les mêmes sources ajoutent toutefois que c’est surtout le Premier ministre Erdogan qui est le plus agressif, les autres dirigeants restant moins offensifs alors que la route d’Alep, essentielle pour les échanges économiques entre les deux pays, est soigneusement maintenue ouverte et sûre.

Il est clair, ajoutent les sources diplomatiques libanaises, que le scénario à la libyenne est impossible en Syrie, de même qu’un scénario à la yéménite (céder les pouvoirs présidentiels au vice-président pour une période transitoire) s’est avéré loin d’être réalisable. Il a donc fallu que les ennemis du régime syrien reviennent à contrecœur à l’idée du dialogue entre l’opposition et le régime, et c’est visiblement la Russie qui compte convaincre les deux parties de reprendre langue entre elles. Il semblerait d’ailleurs que les Russes chercheraient à organiser de leur côté, en parallèle à la conférence des Amis de la Syrie, une réunion regroupant les composantes de l’opposition et les représentants du régime, à Genève probablement. Une telle réunion constituerait le prélude à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce sujet aurait été évoqué au cours de la dernière visite du ministre syrien des Affaires étrangères à Moscou et son homologue russe aurait clairement exprimé la volonté russe de voir des décisions concrètes de la part du régime syrien. Officiellement, il s’agissait de procéder à une évaluation de la situation à la veille de l’application du plan Annan, mais les Russes suivent au quotidien les développements en Syrie et la visite avait donc pour objectif de préparer le dialogue prévu entre le régime et l’opposition. Pourtant, nul n’est convaincu que les choses devraient rapidement se mettre en place, en dépit des efforts déployés. Les milieux diplomatiques libanais estiment donc en résumé que le régime syrien a remporté une manche, mais rien n’est encore définitif et la Syrie n’est pas encore au bout du tunnel. Il existe des possibilités de solution qui attendent pour se concrétiser que les deux parties comprennent qu’aucune d’elles ne peut remporter de victoire claire et décisive. Dans ce contexte, les menaces turques pourraient n’être qu’une gesticulation en direction de l’Iran, toutes les parties sachant que les États-Unis ne souhaitent pas le déclenchement d’une nouvelle guerre à l’issue incertaine avant leur élection présidentielle. Les plus mécontents sont en tout cas le Qatar et l’Arabie saoudite qui déclarent chaque jour leur volonté d’armer l’opposition syrienne et mettent en doute l’application du plan Annan, alors que le président syrien aurait reçu récemment des messages discrets de la part de l’émir de Dubaï, Rached ben Maktoum, du sultan Qabous d’Oman, du roi de Bahreïn, de l’émir du Koweït et du chef actuel des Émirats arabes unis l’émir Khalifa ben Zayed. Ce qui montre bien que le dossier syrien nage en plein flou et confusion...

L’Orient-Le Jour (12 avril 2012)
Scarlett Haddad

La tentative d’assassinat du chef des Forces libanaises à Meerab continue de soulever de nombreuses interrogations. L’enquête est d’ailleurs encore en cours et il faut sans doute en attendre les résultats pour se prononcer. Mais entre-temps, la scène politique reste divisée sur la question.

Trois hypothèses sont généralement évoquées, selon les appartenances politiques. Pour les partisans du 14 Mars et des FL en particulier, Samir Geagea a réellement été victime d’une tentative d’assassinat visant à l’éliminer de la scène politique, en raison de l’envergure régionale qu’il est en train d’acquérir. Ces partisans font même un parallèle entre la tentative ayant visé le chef des FL et l’assassinat de Bachir Gemayel en 1982.

Le facteur palestinien (qui interférait alors directement sur la scène locale) ayant été éliminé par l’invasion israélienne de 1982, ce dernier était devenu président du Liban et avait été reçu en Arabie saoudite, tout comme le leader sunnite de l’époque, Saëb Salam, qui avait choisi d’ouvrir une nouvelle page dans ses rapports avec lui, donnant ainsi le ton d’une nouvelle ère de rapprochement entre les Libanais et entre le Liban et certains pays arabes jusque-là assez hostiles au camp dit chrétien.

Bachir Gemayel a été ensuite assassiné, pour montrer, selon les partisans de cette thèse, que le camp chrétien ne doit pas établir des liens avec d’autres composantes de la région, ni sortir du cadre dans lequel les assassins et leurs commanditaires voulaient l’enfermer. Ce serait donc le même scénario qui se serait reproduit à Meerab, avec pour objectif d’éliminer « le nouveau leader chrétien » et de montrer à cette communauté qu’elle ne doit pas dépasser certaines limites. Samir Geagea était donc censé payer pour son ouverture en direction de l’Arabie saoudite et le Qatar, ainsi que pour son quasi-leadership du 14 Mars au sein duquel il semble de plus en plus jouer le rôle qu’avait Walid Joumblatt entre 2005 et 2008, en l’absence de Saad Hariri et du chef druze.

Cette thèse ne convainc pas les partisans du 8 Mars qui mettent en doute à la fois « le scénario de la tentative » et sa justification politique.

Tout en affirmant vouloir attendre les résultats de l’enquête, ils soulignent le fait qu’il n’y a pas eu de communiqué officiel sur l’opération avortée, alors que la version développée dans les médias montre quelques lacunes.

D’abord, le chef des Forces libanaises a un solide dispositif de sécurité, qui passe régulièrement la région de Meerab et de ses environs au peigne fin. De plus, l’arme qui a été utilisée (un fusil de franc-tireur professionnel) a 30 % de chances d’atteindre sa cible sur une distance d’un kilomètre. Par conséquent, ceux qui veulent vraiment assassiner quelqu’un n’utilisent pas un procédé qui leur laisse une probabilité d’échec à 70 %. Ils préfèrent en général mettre toutes « les chances » de leur côté. De même, les douilles présentées au cours de la conférence de presse semblent cassées en deux. Or on voit mal comment des douilles tirées à partir du fusil peuvent se retrouver dans cet état. Il faut encore ajouter le fait que selon des témoins des tirs nourris ont été entendus au moment où les deux balles ont été tirées sur la cible, sans que nul ne les évoque.

Ceux qui mettent en doute la thèse de la tentative d’assassinat s’étonnent encore du fait que les douilles tirées aient été remises au chef des FL, alors qu’elles constituent des pièces à conviction, et se demandent aussi pourquoi les Forces libanaises ont mis quelques heures avant d’alerter les services de sécurité... Pour eux, il n’y aurait donc pas eu de tentative d’assassinat, mais un coup monté, destiné à resserrer les rangs autour du chef des Forces libanaises, assez coincé par son affrontement indirect avec le patriarche maronite Mgr Béchara Raï, qui serait en train de se retourner contre lui, puisqu’une

grande partie de la rue chrétienne ne semble pas comprendre l’utilité d’attaquer autant le patriarche maronite et de le boycotter, à une période délicate pour l’avenir des chrétiens dans la région...

Il existe encore une troisième thèse, selon laquelle les tirs auraient bel et bien eu lieu, mais qu’il s’agirait d’un message à l’adresse d chef des Forces libanaises plutôt que d’une véritable tentative d’assassinat. Les partisans de cette thèse estiment en effet que lorsqu’on veut vraiment tuer, on n’utilise pas un fusil de tireur d’élite à une distance d’un kilomètre, qui même s’il peut atteindre la cible accuse en général une déviation de la balle, rendant le moyen peu sûr. Ils ne mettent donc pas en question les faits, précisant aussi que s’il y a eu deux balles tirées à une minute d’intervalle, cela signifie qu’il y avait deux fusils et deux tireurs, et estimant ainsi que les commanditaires voulaient s’assurer que le message était bien parvenu à destination. Mais pour assassiner, ajoutent-ils, il aurait fallu avoir recours à d’autres moyens plus efficaces. Quant à l’interprétation du message, elle est laissée au chef des Forces libanaises, mais il se pourrait bien là aussi que certaines parties, locales ou autres, soient dérangées par le rôle qu’il est en train de jouer actuellement, et par celui qu’il aspirerait à jouer.

Les hypothèses sont donc nombreuses, les lectures politiques aussi. Mais il est certain que cette affaire a encore plus radicalisé les positions locales à un moment où les Libanais ont surtout besoin de s’entendre entre eux pour éviter les répercussions de la crise syrienne sur leur territoire. Sans parler du fait qu’ils ont beaucoup souffert des assassinats entre 2004 et 2006 et qu’ils n’ont aucune envie de revivre cette sombre période de leur histoire...

Jérusalem Post (Quotidien israélien-12 avril2012)
Yaacov Katz

« Ne pas attaquer des cibles du gouvernement libanais, lors de la seconde guerre avec le Liban, en 2006, était une erreur », a affirmé un responsable de la défense israélienne qui assure que ce sont les Américains qui, après le déclenchement de la guerre de l’été 2006, ont demandé à Israël de ne pas bombarder des cibles officielles libanaises, afin de ne pas affaiblir le Premier ministre de l’époque, Fouad Siniora, proche de l’Occident.

« Ce ne sera pas la même chose à l’avenir, et ce d’autant plus que le Hezbollah et le gouvernement sont désormais une même entité », poursuit ce responsable sous le couvert de l’anonymat.

L’armée israélienne a désormais établi une longue liste de cibles à bombarder au Liban. Cette liste comporterait des milliers de cibles du Hezbollah, contre quelque 200 en juillet 2006. Le bombardement des institutions gouvernementales libanaises s’inscrit dans le cadre d’une révision de la stratégie de l’armé de défense israélienne dans le but d’infliger de lourdes pertes au Hezbollah pour accélérer la fin de la guerre. Le groupe de guérilla, qui dissimule ses capacités militaires au milieu des infrastructures civiles, ne dispose pas de structures de pouvoir visibles, qui, si elles sont détruites, faciliterait une fin rapide du conflit. Envisager d’attaquer des objectifs gouvernementaux libanais intervient alors qu’Israël se prépare à une éventuelle guerre avec le Hezbollah qui pourrait résulter soit d’une frappe israélienne contre les installations nucléaires iraniennes ou d’une attaque préventive pour empêcher le transfert d’armes sophistiquées de la Syrie vers le Liban.

Les pays occidentaux ont élaboré divers plans d’urgence pour faire face à un tel scénario, y compris le bombardement d’un convoi s’il est détecté, ainsi que le déploiement d’unités spéciales pour sécuriser l’arsenal chimique syrien si Bachar al-Assad est renversé.

Source
New Orient News