Plus on approche de la date du désengagement de Gaza, plus cet « événement historique » apparaît pour ce qu’il est : c’est une lutte interne, limitée, intra-tribale, judéo-sioniste entre deux camps opposés sur l’évacuation de Gaza mais uni dans leur vision des colonies comme une valeur suprême, une part de l’âme juive. Pour un des camps, cette vision s’applique à toutes les colonies ; pour l’autre, aux seules colonies avec une importance géostratégique. Mais les deux camps s’accordent sur le caractère sacré des colonies.
La majorité des Israéliens est indifférente à cette question et ne prend pas part à cette dispute entre pro et anti-désengagement. Elle commence par contre à identifier les manipulations des deux camps. La lutte judéo-sioniste est particulièrement éclairante sur ce point. Il ressort clairement de ce combat que pour chacun des deux camps, chaque juif en Israël est un pionnier, un combattant, pas seulement un citoyen. Ils considèrent également que tous les colons ont été « envoyés » par le gouvernement israélien dans les territoires. Partant de là, le gouvernement leur doit assistance et protection. Personne n’ose imaginer qu’Israël fasse comme la France à la fin de la Guerre d’Algérie : chaque colon reste ou part de Gaza s’il le veut. De même, les maisons des colons seront détruites car on n’envisage pas qu’une maison détenant une part de l’âme juive puisse être occupée par des Arabes.
Pour la question du désengagement, on se concentre sur le sort des quelques milliers de colons, pas du tout sur celui des 1,5 millions de Palestiniens. Le monde est prié d’applaudir le grand sacrifice d’Israël et de payer pour le rendre possible. Ce n’est pas comme ça qu’on arrivera à la paix.

Source
Ha&8217;aretz (Israel)
Quotidien de référence de la gauche intellectuelle israélienne. Propriété de la famille Schocken. Diffusé à 75 000 exemplaires.

« Nothing more than an internal Zionist spat », par Meron Benvenisti, Ha’aretz, 30 juin 2005.