Guerre d’usure contre la Syrie : entre illusions et réalités du terrain

Par Ghaleb Kandil

La presse états-unienne fait état de divergences au sein de l’administration Obama au sujet des moyens de faire face à la crise en Syrie. Elle a mis en avant les propos de certains responsables du Pentagone devant le Congrès, soulignant les dangers d’un armement des rebelles après que le rôle et l’influence décisive d’Al-Qaïda —et sa branche syrienne, le Front al-Nosra— soient apparus au grand jour. La possible implication de terroristes tchétchènes dans le double attentat de Boston donne plus de crédit aux mise en garde de ces responsables, surtout que la presse occidentale avait révélé, il y a quelques mois, la formation de groupuscules combattants tchétchènes en Libye, sous une supervision des services de renseignement états-uniens, avant de les envoyer en Syrie —et en Russie— via la Turquie.
La confusion qui règne dans les sphères dirigeantes US au sujet de la question syrienne est due, avant toute autre chose, à l’admirable résistance de l’État syrien et de son armée nationale, face à une guerre mondiale dirigée par les États-Unis. Les transferts d’armes, les camps d’entrainement, les filières de recrutement ainsi que les stratégies politiques et médiatiques, tout ce qui concerne la Syrie est supervisé par Washington, qui attribue les missions à ses alliés et répartit les rôles entre ses auxiliaires. Des milliers de tonnes d’armes et d’équipements ont été fournis par les Français et les Britanniques sur décision des États-uniens. Et les médias ont officiellement annoncé que John Kerry serait porteur, lors de la réunion des pseudo-amis de la Syrie, à Istanbul, de sommes importantes —d’une « Amérique » en faillite— pour acheter des transports de troupes blindés et du matériel de communication destiné aux terroristes en Syrie. Les propos des responsables du Pentagone, qui semblent en contradiction avec cette attitude interventionniste de la diplomatie, assurent à Washington un prétexte pour faire marche arrière le cas échéant. Car les résultats de l’aventure états-unienne en Syrie sont plus incertains que jamais.
En effet, la progression de l’armée syrienne ces cinq dernières semaines a dépassé les objectifs initiaux fixés par le commandement militaire. L’avancée ne se limite pas à un secteur bien déterminé mais concerne plusieurs fronts, notamment Damas, les campagnes de Homs, Idleb et Lattaquié, ainsi que les alentours d’Alep. Samedi et dimanche, l’armée régulière et les comités populaires ont enregistrés d’importants succès à Qoussair, près de la frontière libanaise, chassant les terroristes de nombreux villages.
La conséquence de ces développements militaires, plus particulièrement autour de la capitale, est que la grande bataille de Damas, dont les préparatifs se déroulaient d’arrache-pied depuis des mois, n’aura pas lieu dans les mois à venir, de l’aveu même des terroristes et des médias arabes et occidentaux qui les soutiennent.
Il ressort, de tous ces développement, que la guerre d’usure initiée par les États-Unis est un jeu très risqué, comportant une grande part d’illusions sur la possibilité d’influencer les équations politiques ou d’inverser les rapports de forces sur le terrain. Pourtant, la coalition chargée de mettre en œuvre ce plan est planétaire. Elle comprend l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, la Turquie, les pays européens, avec comme pivot central Israël et comme chef d’orchestre les États-Unis.
Mais c’est sans compter sur la volonté et les capacités de résistance du leadership et du peuple syrien et sur la détermination des puissances émergentes, notamment les Brics, l’Amérique latine et l’Iran, à en finir avec l’unilatéralisme américain.

Tammam Salam renonce à imposer des ministres au 8-Mars

Par Pierre Khalaf

Le Premier ministre désigné, Tammam Salam, a fait marche arrière. Confronté à la réalité du terrain, sous-tendue par les rapports de forces politiques imposés par le 8-Mars et le Courant patriotique libre (CPL), il a renoncé à former un gouvernement de fait accompli, qui serait contrôlé par le 14-Mars sous couvert de l’appellation de « cabinet neutre » ou de « technocrates ». Plus conscients que lui des équilibres ambiants, le président de la République, Michel Sleiman, et le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, lui ont fait comprendre qu’il ne pouvait pas imposer les ministres au 8-Mars, plus particulièrement au président de la Chambre Nabih Berry, ni au Hezbollah ou au CPL. Tammam Salam aurait informé ses interlocuteurs qu’il ne « souhaite imposer de noms à personne. Qu’on me remette des noms pour que je choisisse parmi eux ». Le Premier ministre désigné aura ainsi fait sa première marche arrière. Il a affirmé avoir proposé aux différentes forces politiques d’avancer une liste de ministrables et a nié sa volonté de procéder à la composition unilatérale de son gouvernement. Selon les cercles proches de M. Salam, le Premier ministre désigné et le président de la République prendront soin de choisir, parmi les noms qui seront avancés, les membres non-partisans et non-candidats qui siègeront au sein du nouveau cabinet conformément aux critères requis.
Le président de la République, qui en est à la dernière année de son mandat, a conseillé à Tammam Salam de ne pas brûler les étapes. Il ne peut pas se mettre à dos le Hezbollah ou le président Nabih Berry. Le chef de l’État a même fait passer des messages en faveur d’un dialogue avec le 8-Mars. Le président Sleiman ne semble plus pressé de voir le gouvernement se mettre en place. Il veille à ce que la mouture du nouveau cabinet reflète un équilibre politique et confessionnel et que le prochain gouvernement obtienne la confiance au sein de l’Hémicycle pour être capable de s’acquitter de sa mission.
Dans ce contexte, la gestation du gouvernement s’annonce longue. Des forces politiques craignent toutefois que Tammam Salam ne change d’avis sous l’influence de conseils de certains milieux extrémistes au Liban et en Arabie saoudite, ce qui serait l’équivalent d’un retour à la case départ.

Déclarations et prises de positions

Bachar al-Assad, président de la République arabe syrienne
« Le poste de président n’a pas de valeur sans le soutien du peuple. Que le président reste ou parte relève de la décision du peuple. L’Occident a déjà payé très cher le fait d’avoir financé à ses débuts Al-Qaïda. Aujourd’hui, il fait la même chose en Syrie, en Libye et dans d’autres endroits, et il paiera cher au cœur de l’Europe et des États-Unis. Nous n’avons pas d’autres options que la victoire, car si nous ne sommes pas victorieux, ce sera la fin de la Syrie et je ne pense pas qu’un seul citoyen syrien accepte cette option. La vérité, c’est qu’il y a une guerre, et je le répète sans cesse, non à la reddition et non à la soumission. L’incendie ne s’arrêtera pas à nos frontières, tout le monde sait que la Jordanie est aussi exposée à la crise que la Syrie. »

Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« Que veut dire un gouvernement neutre ? Les lois sont claires : un ministre et un député se valent, sachant que nous avions été les premiers à réclamer que les députés ne soient pas nommés ministres. Mais mettre en place un gouvernement apolitique est illégal parce qu’aucune loi n’en fait état. L’autorité exécutive relève du gouvernement dans son ensemble. Qu’ils respectent la Constitution ! Ils ignorent de nombreux points constitutionnels ainsi que le concept de gouvernement neutre. Elle représentera qui, cette équipe ? Comment est-il possible de former un gouvernement pour préparer et superviser les élections alors qu’une loi électorale n’a toujours pas été approuvée. Nous restons ouverts à toute formule électorale juste et équitable pour les chrétiens. »

Samir Geagea, chef des Forces libanaises (14-Mars)
« Pour nous, l’équation Armée-Peuple-Résistance n’existe plus. La seule équation valable est Peuple-État-Armée. Qu’est donc devenue la Résistance actuellement ? La Résistance consiste-t-elle à se battre à Damas, à Homs et à Alep ? Est-ce de cette façon que la Résistance est menée ? Nous ne sommes pas disposés à assurer une couverture à la présence militaire du Hezbollah en Syrie. La participation du Hezbollah dans les combats en Syrie est inacceptable et elle constitue un danger pour les chiites au Liban. Le Hezbollah entraîne le Liban et les Libanais dans les méandres de la crise syrienne (…) Les chrétiens de Syrie ne doivent pas rester passifs. En collaboration avec les autres Syriens libres et avec les modérés, ils doivent contribuer à développer leur pays. »

Ali Abdel Karim Ali, ambassadeur de Syrie au Liban
« Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui, c’est d’une violation de la souveraineté du Liban et de la Syrie. C’est la Syrie qui est attaquée, elle n’a pas bombardé le territoire libanais, mais a riposté aux sources de tirs. »

Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères
« Le rôle joué par le groupe des Amis de la Syrie dans le conflit syrien s’avère négatif. Pour l’instant nous considérons que ce processus contribue d’une façon négative aux accords de Genève sur les principes d’une transition en Syrie. »

Alexander Zasypkine, ambassadeur de Russie Beyrouth
« Depuis le début nous sommes contre Al-Qaïda et nous estimons que tout renforcement des cellules de cette organisation dans n’importe quelle région représente un danger et tous doivent y faire face. Je n’ai pas entendu dire que le Front al-Nosra est présent au Liban sur un plan organisationnel. Mais sous l’influence de la crise syrienne, la donne pourrait changer et les événements dans ce pays pourraient attirer Al-Qaïda au Liban. L’avenir de la Syrie doit être décidé par les Syriens eux-mêmes. Nous refusons de discuter d’une éventuelle partition de la Syrie. Nous soutenons l’unité du pays et son indépendance. »

Événements

• Selon le quotidien An-Nahar, la bombe découverte sur l’autoroute de Qalamoun, dans le nord du Liban, dans la nuit de jeudi à vendredi, visait le convoi du Premier ministre démissionnaire, M. Najib Mikati, à son retour de Tripoli vers Beyrouth. Cependant, le porte-parole de M. Mikati, Farès Gemayel, a catégoriquement démenti ces informations. Selon une source de sécurité, l’engin découvert était composé de trois bombes qui n’étaient pas reliées à un détonateur.

• Les familles des otages libanais, enlevés depuis bientôt un an en Syrie, ont dressé vendredi une tente devant les locaux de la Turkish Airlines dans le centre-ville de Beyrouth pour demander la libération de leurs proches. Les manifestants ont menacé à nouveau de couper la route de l’aéroport si le chef de l’État Michel Sleiman ne convoquait pas l’ambassadeur de Turquie pour sommer Ankara de déployer des efforts pour la libération des pèlerins. Neuf des onze pèlerins libanais enlevé près d’Alep par des rebelles syriens, en mai dernier, sont toujours détenus.

• Les Émirats arabes unis ont annoncé jeudi avoir démantelé une cellule d’Al-Qaïda formée de sept ressortissants arabes qui planifiaient des attentats dans ce richissime État pétrolier du Golfe. « Les services de sécurité ont arrêté les membres d’une cellule terroriste relevant d’Al-Qaïda qui planifiaient des actes portant atteinte à la sécurité du pays et de ses habitants, émiratis et étrangers », a annoncé l’agence officielle WAM. 

• Selon Al-Akhbar, le Daily Telegraph britannique a révélé un scandale à l’occasion de la visite à Paris, le 8 mars dernier, du président israélien Shimon Pérès, qui arrivait dans la capitale française via la Gare du Nord. « Toutes les mesures auraient été prises pour éviter que des travailleurs musulmans ne soient de service ce jour-là », écrit le journal. Ce scandale raciste, ajoute Al-Akhbar, est en contradiction avec le droit français qui interdit toute discrimination religieuse ou raciale.

• Citant des « sources bien informées », le quotidien Al-Akhbar rapporte que l’émirat d’Abou Dhabi a expulsé, la semaine dernière, une vingtaine de ressortissants libanais sans raison apparente. Les Libanais frappés par la décision d’expulsion résident aux Émirats arabes unis depuis plusieurs années. Ils n’ont même pas été autorisés à liquider leurs affaires.

Revue de presse

As-Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 19 avril 2013)
Les Libanais mettront-ils à profit l’unanimité régionale et internationale quant à la nécessité de protéger la stabilité de leur pays en s’employant à produire une nouvelle loi électorale entièrement « Made in Lebanon » ? La séance de la sous-commission parlementaire apporte une réponse négative à cette question, étant donné que toutes les parties se trouvent toujours à la case départ. De surcroît, le Hezbollah a mis le PSP et le Courant du futur au pied du mur en soulignant qu’il adhérera à toute formule qui fera l’objet d’un consensus interchrétien. L’échec de la commission ad hoc, plongera-t-il Le pays de nouveau à un bras de fer entre la loi de 1960 et le projet orthodoxe ?
Ceci dit, tous les dirigeants libanais, y compris le Premier ministre désigné Tammam Salam, ont été informés d’une position états-unienne agitant la menace de mesures internationales, qui pourraient être d’ordre économique et financier, visant des institutions libanaises, dans l’éventualité du report des élections. Cet avertissement aurait été adressé alors que les appels à la prorogation du mandat du Parlement, qui pourrait s’étendre de 3 mois à 2 ans, se multiplient. Cependant, certains responsables libanais ont tenté d’en minimiser l’importance en affirmant que la perspective de la prorogation technique, jusqu’en octobre prochain, s’impose comme un fait acquis.
Pendant ce temps, le processus de formation du gouvernement entre dans une congé parenthèse ouverte, M. Salam ayant gelé les tractations avec les différentes forces politiques. L’idée de la mise en place d’un gouvernement neutre formé de non-candidats aux élections tient-elle toujours ? Cette formule a-t-elle été bloquée par le veto du président de la République et de Walid Joumblatt. M. Salam se dirigera-t-il vers la formation d’un gouvernement mixte.

As-Safir (18 avril 2013)
Le président du Parlement, Nabih Berry, a déclaré qu’il rejetait en bloc l’idée de former un gouvernement de technocrates, d’autant plus qu’« une telle formule n’est plus envisageable depuis l’adoption de l’accord de Taëf ». Il a d’ailleurs douté de l’existence de personnalités véritablement neutres et technocrates. Il s’est ensuite dit rassuré par la position de Walid Joumblatt, « avec lequel nous nous étions entendus sur la nécessité de mettre en place un gouvernement d’entente ».

As-Safir (18 avril 2013)
Imad Marmal
L’ambassadeur d’Arabie saoudite, Ali Awad al-Assir, assure à As-Safir que le royaume « n’a rompu ses relations avec aucune partie libanaise » et que le « cœur de l’Arabie est ouvert à tous ». Au sujet de la réunion qui l’a groupé au ministre Gébran Bassil, M. Assiri parle d’une « ambiance positive ». « Le général Michel Aoun est le bienvenu, comme toute autre personnalité libanaise, indépendamment de son appartenance politique », dit-il avant d’ajouter : « Les relations avec le général Aoun ont été rompues un certain temps. Sans doute parce que lorsque les frères au CPL sont fâchés de certaines parties libanaises, leur ‘bouderie’ se répercute sur nous. Mais maintenant, le contact a été rétabli ».
Le diplomate assure que le contact avec le Hezbollah se poursuit sous diverses formes, estimant que « les divergences de points de vue avec le parti sur certaines questions sont une chose normale et saine qui doit être investi dans l’intérêt du Liban. » « Les points de convergences entre nous sont plus nombreux que les divergences », dit-il avant d’ajouter : « Le dialogue sincère et sérieux avec le Hezbollah est à même de régler tous les différends, ou du moins de les placer dans leur vrai contexte. Nous avons des contacts amicaux. J’ai déjà rendu visite à cheikh Naïm Kassem et nous recevons de temps à autre le député Mohammad Raad. Nous maintenons un contact téléphonique et ils [les responsables du Hezbollah] partagent nos célébrations. Il n’y a pas de rupture avec le Hezbollah. Nous portes et nos cœurs sont ouverts au parti, il est le bienvenu ».
Interrogé sur la position de l’Arabie saoudite au sujet des armes de la Résistance, Assiri se contente de répondre : « Il s’agit d’une question interne libanaise ».

As-Safir (17 avril 2013)
Saada Allao
Les combats qui font rage en Syrie et menacent les habitants libanais des zones frontalières mènent à la question suivante : Où allons-nous ? Cette question devient légitime pour les habitants des localités frontalières suite à la menace directe proférée par les rebelles syriens de bombarder la ville de Hermel. Cette menace est survenue au lendemain des combats menés par les membres des comités populaires en vue de reprendre la colline de Nabi Mindo, dont les rebelles s’étaient emparés lors de leurs confrontations avec l’armée régulière. Cette colline a une importance stratégique car elle permet à ceux qui l’occupent de contrôler une grande partie des localités frontalières syrienne. L’exode des habitants partisans du régime de ces localités suite à la mainmise de l’opposition en dit long sur son importance. Le contrôle par le Front al-Nosra et les Brigades Al-Farouk de cette colline devait faciliter la chute des villages habités par des loyalistes l’un après l’autre aux mains des opposants, permettant ainsi d’établir une continuité territoriale entre la colline de Nabi Mindo et Wadi Khaled au Nord du Liban.

As-Safir (16 avril 2013)
Marlène Khalife
Plusieurs communiqués émanant de pays européens se sont félicités de la désignation de Tammam Salam au poste de Premier ministre, mais l’enthousiasme européen a commencé à se refroidir, cédant la place à une inquiétude grandissante. Des sources diplomatiques européennes à Beyrouth estiment en effet que la désignation sans problème de Tammam Salam n’est pas forcément synonyme d’entente au sujet de la formation de son gouvernement. D’autant que ces dernières semaines, les différentes prises de position ont manifestement indiqué que la solution sera un package deal sur choix du Premier ministre, formation du Cabinet, accord au sujet de la déclaration ministérielle, et entente autour de la loi électorale et des nominations sécuritaires. Un accord qui se fait toujours attendre, selon les mêmes sources, car l’entente irano-saoudienne à l’heure actuelle ne va pas au-delà de la personne de Tammam Salam. Les mêmes sources mettent les points sur les « i » concernant la forme du gouvernement : les pays européens et occidentaux d’une manière générale ne demandent pas que le Hezbollah en soit écarté, mais c’est le comportement de ce parti en Syrie qui inquiète. Il n’y a aucune volonté internationale de marginaliser le Hezbollah sur le plan gouvernemental, et les Européens prônent la relance de la politique de distanciation. Interrogées sur l’hypothèse d’une mise en place par Tammam Salam d’un gouvernement monochrome qui n’obtiendrait pas la confiance du Parlement et sera réduit à l’expédition des affaires courantes, les mêmes sources répondent : « Il ne peut pas le faire, son gouvernement étant à caractère transitoire uniquement ». Quant à la composition d’un gouvernement de fait accompli, elle n’est pas possible sans la signature du président de la République.

An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Sabine Oueiss (19 avril 2013)
Les forces du 8-Mars ont posé une série de conditions posées pour formation d’un nouveau gouvernement. D’abord, le prochain cabinet doit être élargi à 30 ministres. Ensuite, les noms des ministrables ne seraient remis au Premier ministre désigné avant la répartition des portefeuilles. Dans ce cadre, certaines sources nient les informations selon lesquelles le 8-Mars aurait présenté une liste de noms de ministrables à Tammam Salam. Enfin, il n’y aura pas de discussions concernant le nouveau cabinet avant de parvenir à une entente sur une nouvelle loi électorale consensuelle.

Al-Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 19 avril 2013)
Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), le député Walid Joumblatt, a transmis au Premier ministre désigné, Tammam Salam, via le ministre démissionnaire des Affaires sociales Waël Abou Faour un message exprimant de nouveau son refus d’approuver la formation d’un gouvernement dont le Hezbollah et le mouvement Amal ne feraient pas partie. Le président Michel Sleiman aurait fait parvenir un message à Tammam Salam et au chef du PSP leur recommandant d’arrondir les angles afin de surmonter l’impasse.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Gibran Bassil, aurait sollicité auprès du Palais présidentiel un rendez-vous afin de rencontrer le président Sleiman.

Al-Akhbar (18 avril 2013)
Nasser Charara
Les Iraniens sont avares de commentaires quand il s’agit de s’exprimer sur le nouveau rôle saoudien au Liban, qui s’est illustré dans la candidature de Tammam Salam au poste de Premier ministre. Mais ces derniers jours, des informations ont filtré : « L’Iran n’est pas opposé » aux efforts saoudiens, dit-on dans les coulisses iraniennes.
L’Arabie saoudite, de son côté, souhaite hériter du rôle de la Syrie au Liban, et le premier pas sur cette voie a été d’abandonner sa position de « partie prenante » dans les conflits internes du pays pour celle d’« arbitre ». C’est ce qui explique l’ouverture de l’ambassadeur saoudien, Ali Awad al-Assiri, en direction des composantes du 8-Mars, à travers un entretien téléphonique accordée à la chaine de télévision Al-Manar, et sa rencontre avec le ministre « très aouniste » Gebran Bassil.
La préparation de l’Arabie saoudite pour ce nouveau rôle a commencé depuis des mois, en rétablissant le contact avec le président de la Chambre, Nabih Berry, puis en envoyant des signaux sur la volonté du royaume d’ouvrir un dialogue avec le Hezbollah. La réponse du parti avait été : « Le moment d’entreprendre une telle démarche murira. »
L’Arabie saoudite pense qu’elle peut discuter avec le Hezbollah de la situation interne au Liban au lieu de dialoguer avec l’Iran, car cela lui évitera d’évoquer avec Téhéran des dossiers régionaux dont le moment n’est pas encore venu. Washington encourage une coopération saoudo-iranienne ponctuelle au Liban pour lui permettre de surmonter la période syrienne « chaude » sans trop de dégâts. Dans le même temps, les États-Unis souhaitent la mise en place d’un gouvernement au sein duquel le poids politique du Hezbollah serait moins « dense » que dans le gouvernement Mikati.
Selon certaines informations, les démarches saoudiennes au Liban évoluent sous un double plafond : celui de roi Abdallah, à travers son fils Abdel Aziz Ben Abdallah, et celui du chef des services de renseignement saoudiens, le prince Bandar Ben Sultan, dont est proche Saad Hariri. Des informations émanant de l’ambassadeur Assiri assurent cependant que tout le dossier libanais est entre les mains du souverain et de son fils.
L’analyse de l’action saoudienne au Liban permet de dégager les observations suivantes :
 Ces deux dernières semaines, la forte intervention de Bandar était visible dans l’attitude du Premier ministre désigné, Tammam Salam, qui voulait former un cabinet de technocrates restreint dont les ministres seraient nommés sans concertation avec les composantes politiques du gouvernement.
 Avec l’échec de cette tentative, c’est le volet Abdel Aziz-Assiri qui est entré en lice. Il s’est caractérisé par une volonté d’écouter les points de vue des principales forces du 8-Mars, notamment le Hezbollah et le général Michel Aoun.
 Ces dernières 72 heures, les contours d’un scénario ont commencé à apparaitre. Il consiste en un compromis entre les visions des deux camps : un gouvernement politique dont les ministres ne seraient pas candidats aux élections législatives.

Al-Akhbar (17 avril 2013)
Le nom du ministre sortant des Travaux publics et du Transport, Ghazi Aridi, ne figure pas sur la liste des candidats du Parti socialiste progressiste (PSP) aux élections législatives, présentée au ministère de l’Intérieur voici une dizaine de jours. Des sources dans son entourage évoqueraient à mi-mots « des ordres donnés par Walid Joumblatt ». Trois hypothèses pourrait expliquer la retraite anticipée de Ghazi Aridi : son enrichissement fulgurant qui est désormais sur toutes les lèvres ; la volonté du PSP (selon le 8-Mars) de proposer le nom d’Aridi pour un siège ministériel au sein du futur cabinet qui ne renfermera pas de candidats aux législatives ; l’incapacité de Joumblatt à dompter Aridi, qui a établi un solide réseau de relations aussi bien au Liban qu’en Syrie et en Arabie saoudite. Il existe aussi un autre facteur déterminant : Joumblatt est en train de préparer son fils Taymour à prendre les rênes du PSP, et Aridi représente une menace pour le leadership du jeune homme, avec lequel il entretient une relation houleuse.

Al-Hayat (Quotidien à capitaux saoudiens, 19 avril 2013)
La « Rencontre nationale et islamique » réunie jeudi à Tripoli a annoncé que la situation sécuritaire dans la ville est en passe d’échapper à tout contrôle en raison de l’incapacité des services de sécurité et des forces militaires à établir la stabilité. Cette situation pourrait mener à une conflagration et à un effondrement à tous les niveaux. La réunion, qui s’est tenue au domicile du député Mohammad Kabbara, a notamment rassemblé les députés Khaled Daher et Mouïne Meraabi (14-Mars), Moumtaz Bahri, représentant la Jamaa islamiya, et le cheikh salafiste Daï al-islam al-Chahhal.

Al-Hayat (18 avril 2013)
Le président de la Chambre Nabih Berry a évoqué un gouvernement composé de personnalités politiques et de technocrates. Dans ce cadre, la position du Premier ministre désigné, Tammam Salam, reste inchangée : un gouvernement dont les membres ne seront pas candidats aux élections législatives et seront des personnalités essentiellement neutres, non-impliquées dans l’action politique au quotidien. Ils ne devraient pas non plus être perçus comme provocateurs par une partie ou une autre.

Al-Joumhouria (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
(18 Avril 2013)
Un éminent prélat a exprimé la stupéfaction des évêques maronites au sujet du timing de la campagne lancée par le Courant du futur contre le patriarche Béchara Raï. En effet, la déclaration du député Farid Makari, selon laquelle le chef de l’Église maronite est devenu un ambassadeur itinérant défendant le régime syrien, est intervenue mercredi lors d’une interview sur la chaine du Moustaqbal, au moment même où Saad Hariri rendait visite au patriarche à son hôtel en France. Lors de cette rencontre, l’ancien Premier ministre n’a pas tari d’éloge à l’encontre du primat qu’il a couvert des mots les plus flatteurs.
Les milieux du patriarcat maronite sont convaincus que les propos de Makari ne sont pas le fruit d’une initiative personnelle mais d’une répartition des rôles au sein du Courant du futur, sinon, le parti de Hariri aurait publié un communiqué pour se désolidariser des positions de Makari.
Et les milieux de Bkerké de poursuivre : « Qui parmi les députés du Courant du futur était contre la Syrie pour se permettre de donner des leçons au Patriarche ? Si Mgr Raï met en garde contre les répercussions du printemps arabe sur les chrétiens de la région, c’est parce qu’il porte en lui les soucis et les préoccupations des chrétiens d’Antioche et de tout l’Orient. Aussi, est-il inadéquat de dire qu’il a été élu pour représenter seulement les chrétiens du Liban. En revanche, certains collègues de Makari, qui ont été élus en tant que représentants de Zahlé, Akkar et d’autres cazas, se trouvent en permanence à la frontière libano-syrienne, voire au-delà, et sont impliqués jusqu’au cou dans les événements en Syrie, alors que leur devoir est tout autre. »
L’évêque souligne que « dans la forme, l’attaque du Courant du futur contre le patriarche est justifiée par ses propos sur le printemps arabe, qui a éclaté à l’origine contre des régimes dictatoriaux, mais qui pourrait ouvrir la voie à l’extrémisme musulmans. Mais dans le fond, ajoute le prélat, Mgr Raï est ciblé pour des raisons électorales. Tout ce qui se passe et pourrait se produire est directement lié à la loi électorale et à la dernière réunion des pôles maronites à Bkerké, au cours de laquelle la loi de 1960 a été enterrée. Cette réunion a montré à l’opinion publique chrétienne que le patriarche a chamboulé les règles du jeu et a sapé les intérêts de ceux qui appuient la loi de 1960. »

L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad
Certains milieux du 14-Mars ont commencé à distiller des informations sur l’annonce de la formation d’un gouvernement de « technocrates » ou de personnalités relativement « neutres » dans le but d’organiser les élections au plus tôt que le Parlement adopte ou non une nouvelle loi. Ces milieux ont même ajouté que même si Walid Joumblatt n’accorde pas sa confiance à ce gouvernement et si celui-ci, par conséquent, n’a pas la confiance du Parlement, il remplace de facto l’actuel et sera chargé de gérer les affaires courantes à sa place. Des sources du 8-Mars ont aussitôt riposté en précisant que, selon la Constitution, la passation des pouvoirs entre les ministres sortants et les nouveaux s’effectue après le vote de confiance du Parlement. Si la coutume au Liban veut que cette passation ait lieu en général sitôt la formation du gouvernement annoncée et sitôt le décret signé par le président, cela reste une violation de la loi, qui passe parce qu’en général il n’y a pas de problème entre le gouvernement sortant et son successeur. Mais si le Premier ministre veut passer outre le consensus et maintenir l’annonce de son gouvernement alors que le chef de l’État est disposé à signer le décret, les ministres du bloc du Changement et de la Réforme, ainsi que ceux du Hezbollah et probablement ceux d’Amal refuseront de quitter leurs ministères. Ce qui devrait compliquer encore plus la situation. Face à cette réaction radicale et suite à l’opposition de Joumblatt, le Premier ministre désigné a dû renoncer à son projet et reprendre les concertations avec les parties qu’il avait jusque-là ignorées. C’est donc d’un retour à la case départ qu’il s’agit. D’ailleurs, aujourd’hui, les milieux proches de Tammam bey préfèrent parler de « ballon d’essai » et démentent le fait que le Premier ministre désigné aurait déjà présenté une formule complète au chef de l’État à la fin de la semaine dernière. Mais les sources du 8-Mars sont convaincues d’avoir mis en échec une première tentative de les exclure du pouvoir à travers la formation d’un gouvernement de technocrates ou ce qu’ils appellent « un gouvernement du fait accompli ». Elles considèrent toutefois que le projet de former un gouvernement du 14-Mars ou presque, chargé d’organiser des élections sur la base de la loi de 1960 qui assurerait la victoire de ce camp aux législatives, est toujours envisagé et c’est pourquoi le camp adverse fait preuve d’une grande vigilance. Les sources du 8-Mars rappellent aussi que dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah avait lancé un avertissement très clair en demandant à toutes les parties concernées de « ne pas faire de faux calculs » avec son camp. Le message a donc été reçu et la visite du ministre de l’Énergie hier à l’ambassadeur d’Arabie saoudite n’est que la concrétisation de la nouvelle volonté de faire participer toutes les parties aux concertations gouvernementales. Mais au fond l’équation reste la même : le 8-Mars veut une entente préalable sur le sort des élections et sur une nouvelle loi électorale, alors que le 14-Mars donne la priorité à la formation d’un gouvernement « neutre » chargé d’organiser les élections le plus tôt possible, quelle que soit la loi... Deux lignes parallèles peuvent-elles se croiser ?

Source
New Orient News