Lady Blackstone,
Cher Christian de Boissieu,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

C’est pour moi un grand honneur et un réel plaisir d’ouvrir cette nouvelle édition de la Conférence de défense annuelle du franco-british Council, qui est devenue l’un des rendez-vous traditionnels de notre relation bilatérale.

Ces remerciements s’adressent d’abord à Lady Blackstone, ainsi qu’au professeur de Boissieu, pour leurs mots d’introduction et pour leur invitation qui me permet de m’exprimer devant vous ce matin. Je forme le voeu que mon intervention apporte des éclairages, ouvre des pistes de réflexion qui pourront être utiles à vos travaux de la journée. Ma gratitude s’exprime également à l’adresse de notre ambassadeur, Bernard Emié, et à ses équipes qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour accueillir dans cette maison de la République, ce panel de représentants qualifiés - militaires, politiques, industriels et universitaires - dont la diversité illustre à elle seule le large spectre de notre coopération.

Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Le 29 avril dernier, j’ai présenté le nouveau Livre Blanc de la défense et de la sécurité nationale à nos forces armées. Je sais que ses orientations étaient attendues, à Paris bien sûr, mais aussi à Londres, avec une certaine impatience, pour ne pas dire une certaine inquiétude.

À cela plusieurs raisons.

D’abord, nos partenaires britanniques attendaient du Livre Blanc qu’il confirme les options sur lesquelles s’est bâtie notre coopération bilatérale à l’occasion du traité de Lancaster house, qu’il s’agisse d’orientations générales, comme le maintien de notre capacité expéditionnaire - y compris pour des conflits de haute intensité -, ou de projets plus spécifiques, comme le développement d’une filière commune des missiles.

Mais, à mon sens, l’attente des responsables britanniques allait au-delà de ces confirmations attendues. Le ministère de la défense britannique craignait qu’un décrochage français entraîne de nouvelles coupes dans le budget de défense britannique avec le risque d’un cercle vicieux menant nos deux pays à un déclin militaire inévitable.

Sur nos grandes orientations stratégiques, je pense que le Livre Blanc apporte des réponses claires, crédibles, responsables. Face aux risques et aux menaces qui nous entourent, la première condition du succès demeure plus que jamais la volonté déterminée d’y faire face en consentant l’effort nécessaire. Ainsi, malgré la pression budgétaire que nous subissons, il n’y aura pas de renonciation à des capacités critiques. Ainsi, quand viendra le tour du ministère de la défense britannique de défendre ses ambitions, lors de la SDSR 2015, on ne pourra pas lui opposer le décrochage français.

La France maintiendra en effet, à court comme à moyen terme, son effort de défense, avec la mobilisation de 364 milliards d’euros d’ici à 2025, dont 179,2 milliards d’ici à 2019. De la sorte, le budget de défense français restera le second budget militaire de l’Union européenne avec en moyenne près de 1,8 % du PIB, en normes OTAN, consacré à la défense d’ici 2020.

Le défi était réel, car il fallait concilier deux impératifs de souveraineté : notre souveraineté budgétaire, alors que la crise financière a fragilisé nos finances publiques et impose une maîtrise sévère des dépenses publiques à laquelle personne n’échappe, pas même les États-Unis ; et la souveraineté découlant de notre autonomie stratégique en matière de défense, alors que le niveau d’incertitude et de menaces n’a pas faibli depuis 2008. L’étau budgétaire était d’autant plus pressant qu’à rebours de l’impératif de la baisse des dépenses publiques, il fallait prendre en compte la hausse des coûts d’acquisition des équipements modernes ou de la maintenance des équipements anciens - ce double mouvement menaçant d’asphyxier nos armées. Nous devions préserver et pérenniser un outil de défense qui pouvait être ainsi en péril, pour continuer d’avoir des armées performantes, toujours adaptées aux enjeux de sécurité comme aux responsabilités internationales de la France. Ce défi, nous l’avons relevé.

Peut-être plus important encore pour notre coopération bilatérale, le Livre Blanc définit trois missions fondamentales pour la défense française : la protection de la France et des Français, la dissuasion nucléaire et l’intervention extérieure. Les deux dernières m’apparaissent particulièrement significatives pour notre relation bilatérale car elles témoignent d’ambitions partagées.

En effet, le président de la République avait réaffirmé dès le lancement des travaux du Livre Blanc, tout comme le Premier ministre Cameron l’a fait le mois dernier, la volonté de maintenir notre effort en faveur de la dissuasion nucléaire et de ses deux composantes, appuyées par un programme abouti de simulation. Les évolutions récentes nous démontrent, devant la croissance ou au maintien de certains arsenaux, devant la prégnance des crises de prolifération, combien il est nécessaire de maintenir un tel effort, qui reste la garantie ultime de notre protection contre les agressions ou menaces d’agression qui viseraient nos intérêts vitaux. Nous avons, avec les traités de Lancaster House, ouvert une page totalement inédite de coopération entre nous sur les sujets nucléaires. Nous la poursuivrons avec détermination. À ce sujet, j’observe avec satisfaction que le Livre Blanc définit avec une certaine précision, comme le président de la République l’avait souhaité, l’articulation entre la dissuasion nucléaire d’une part, et les missions de protection et d’intervention extérieure d’autre part.

Par ailleurs, la capacité d’intervention extérieure donne à notre défense la profondeur stratégique indispensable. C’est pourquoi la France maintiendra cette capacité, seule ou aux côtés de ses partenaires et alliés. À travers un nouveau modèle d’armée, elle s’emploiera à le faire de manière plus efficiente et sans doute aussi plus réaliste que par le passé. J’ai voulu que quelques principes simples mais novateurs soient au coeur de nos choix : autonomie stratégique préservée, car nous voulons pouvoir agir seuls, ou de façon déterminante dans une coalition ; cohérence du modèle avec la diversité des conflits possibles, y compris de haute intensité ; principe de différenciation, car nous ne financerons les capacités les plus onéreuses que là où elles seront indispensables, pour toujours nous assurer que nos soldats disposent du bon matériel au bon moment et soient adéquatement entraînés ; principe, enfin, de mutualisation pour les capacités rares et critiques. Ce dernier principe nous est particulièrement familier, à nous Français et Britanniques qui mettons déjà en commun plusieurs capacités importantes dans le cadre des traités de Lancaster House : cela touche plusieurs secteurs importants de notre défense. Je pense au domaine nucléaire, à la projection aéronavale ou encore à l’industrie des missiles, pour ne citer que quelques exemples.

Cet engagement est important pour les forces armées françaises, mais il l’est également pour les forces armées britanniques avec lesquelles nous collaborons très étroitement dans le cadre de la montée en puissance de la CJEF, comme j’ai pu le constater moi-même avec mon ami Phil Hammond lors de l’exercice Corsican Lion. Les soldats britanniques peuvent donc être assurés que leurs frères d’armes français resteront au niveau d’excellence récemment démontré en Libye et au Mali.

Enfin, la France a pris acte, comme le Royaume-Uni, de l’évolution des menaces et des capacités nécessaires pour y répondre. Le Livre Blanc marque donc un effort particulier pour le renforcement de nos capacités de renseignement, de cyberdéfense - y compris de façon offensive -, et de nos forces spéciales. C’est pour nos partenaires britanniques, là encore, la garantie d’un partenariat efficace et à la hauteur des ambitions communes mises en valeur par le traité de Lancaster House.

Mais au-delà des garanties apportées par le Livre Blanc, laissez-moi revenir un instant sur l’attente que nous avons ressentie de la part des Britanniques vis-à-vis de ce document stratégique français.

Elle exprime un fait essentiel de notre relation bilatérale : nous sommes entrés dans un état de solidarité de fait. Pendant des siècles, la France et le Royaume-Uni ont joué un jeu à somme nulle. Pendant des siècles, quand la France s’affaiblissait, le Royaume-Uni, par un effet de bascule, en sortait renforcé. Et inversement. Cette situation a commencé à changer au vingtième siècle devant la montée des dangers et l’émergence de puissances qui pouvaient être supérieures aux nôtres.

Aujourd’hui, il est clair pour tous qu’il n’existe pas de cause d’affaiblissement de l’une de nos deux nations qui n’affecte pas à très court terme, et immanquablement, la seconde. C’est d’ailleurs à peu près dans ces termes que nous l’avions exprimé dans la déclaration des Checkers en rappelant que « nous n’envisageons aucune situation où les intérêts vitaux de l’une de nos deux Nations pourraient être menacés sans que ceux de l’autre le soient aussi ».

Cette formulation est juste mais le constat est plus large : nous sommes, inextricablement liés face à l’ensemble des grandes évolutions actuelles qu’elles soient financières, politiques, stratégiques ou militaires.

Nous sommes liés par la combinaison d’ambitions et de contraintes qui nous caractérise. La France et le Royaume-Uni sont les deux principales puissances militaires européennes et disposent d’une volonté et d’une capacité d’intervenir en opérations extérieures que peu de pays possèdent au niveau mondial. Nous conservons notamment une capacité à entrer en premier facilitée par nos outils militaires respectifs, nos institutions, la compétence et la valeur de nos forces armées. Dans le même temps, nous faisons face aux mêmes pressions nées de la crise financière. Et nous y réagissons de manière similaire :

 en nous engageant avec sérieux dans des ajustements du format de nos forces, ajustements parfois très lourds mais toujours nécessaires. En 2009, il avait été décidé la suppression de 55 000 postes sur la période 2009-2015. Le Livre Blanc de 2013 envisage une nouvelle réduction d’environ 24 000 postes pour faire face aux impératifs de diminution de la dépense publique et de rationalisation de l’administration. Nous procéderons à ces restructurations avec le souci permanent qu’elles affectent le moins possible les unités opérationnelles et notre capacité d’action ;

 en travaillant à la rationalisation de nos choix capacitaires. Je le disais tout à l’heure, nous ne financerons pas les capacités les plus onéreuses quand elles ne seront pas nécessaires. Nous ne pouvons pas nous permettre de produire exclusivement des merveilles technologiques, échantillonnesques et coûteuses, que nous ne pourrions pas utiliser faute de crédits et d’entraînement. Le détail de nos choix capacitaires sera connu à l’issue de la prochaine loi de programmation militaire, mais je le dis d’ores et déjà, nous ne renoncerons pas aux capacités critiques. Nos deux pays sont entrés dans une période de dépenses efficientes, qui n’exclut pas le maintien d’une ambition capacitaire que nous portons notamment dans le cadre de notre coopération bilatérale ;

 en faisant le choix de renforcer l’effort sur quelques priorités absolues - le renseignement et le cyber - et de maintenir la dissuasion, garantie ultime de sécurité et facteur d’excellence technologique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous avons choisi de coopérer sur les technologies liées à certains aspects de la dissuasion.

Nous sommes enfin indissolublement liés face à l’environnement international qui est le nôtre. En moins de deux ans, nous avons dû faire face à deux crises majeures aux portes de l’Europe. En Libye, la France et le Royaume-Uni ont été à l’avant-garde d’une intervention par la suite menée sous l’égide de l’Alliance atlantique. Il y a quatre mois, la France a engagé une action militaire au Mali avec le soutien logistique immédiat du Royaume-Uni, que je veux ici encore remercier chaleureusement. Cette action doit maintenant être relayée, dans les plus brefs délais, par les forces des Nations unies et les formateurs de la mission EUTM Mali. Car nous savons tous qu’après une phase dure mais réussie d’engagement militaire des forces françaises, nous devons réussir l’après-guerre, la transition sécuritaire et politique. Comme nous savons que la menace terroriste au Sahel n’a pas disparue. Nous en avons fait l’amère expérience en Libye il y a quelques semaines. À dire vrai, c’est toute la zone sahélienne, de l’Ouest du continent africain jusqu’à la Somalie en passant par la Libye, qui reste une zone d’intérêt commun pour nos deux pays et pour l’Europe.

Ces deux interventions nous rappellent que nous faisons face à un environnement stratégique à la fois plus instable et plus incertain que par le passé. Et ce, dans un contexte de rééquilibrage de l’effort américain vers l’Asie, qui doit nous amener à prendre davantage de responsabilités, alors même que les menaces se font de plus en plus proches. La France et le Royaume-Uni se doivent d’être à la pointe du renforcement stratégique européen, j’y reviendrai.

Nous devons également tirer le meilleur profit de nos convergences de vues sur les grandes crises internationales. Ces convergences sont nombreuses et profondes. Je pense notamment à la situation syrienne, ou aux crises de prolifération. Or, quand nous nous entendons, nous avons une capacité d’influence et d’entraînement très importante aux niveaux européen et mondial. Nous devons développer ce potentiel stratégique.

En résumé, Londres et Paris se caractérisent par une conscience partagée des menaces et une volonté commune de prendre leurs responsabilités. Bien entendu, les interventions militaires doivent rester l’exception et ne doivent pas nous empêcher de chercher de nouvelles solutions, de mieux articuler l’ensemble de nos outils d’action extérieure. Il n’en reste pas moins que notre crédibilité et notre influence particulières proviennent de la volonté que nous savons exprimer avec force ainsi que de notre capacité à intervenir militairement, lorsque c’est nécessaire.

C’est ici qu’intervient notre coopération de défense. Une solidarité objective en effet ne signifie pas nécessairement prise de conscience de cette solidarité par les responsables politiques. Cette solidarité est aujourd’hui reflétée par les traités de Lancaster House. Elle s’incarne dans plusieurs actes concrets, qui marquent notre volonté d’approfondir ce partenariat unique.

Je pense d’abord à la présence de sir Peter Ricketts au sein de la Commission du Livre Blanc. Cette participation - dont je sais qu’elle a été très appréciée par l’ensemble des membres de la Commission - est de notre part un signe de confiance - jamais manifesté à ma connaissance - qui participe pleinement de la logique de Lancaster House. De mon point de vue, une participation mutuelle est nécessaire dans des exercices aussi importants que peuvent l’être nos revues stratégiques respectives.

Par ailleurs, s’il est sans doute nécessaire que les échéances bilatérales reprennent un rythme plus régulier, le travail et les progrès de notre coopération n’ont jamais cessé. J’en veux pour preuve l’excellente dynamique opérationnelle autour de la Combined joint expeditionary Force. La CJEF constitue un très puissant outil de rapprochement de nos forces armées qui irrigue l’ensemble des domaines de notre coopération militaire. À ce stade, nous sommes en ligne pour rendre cette force opérationnelle en 2016. Nous devons continuer les efforts dans ce sens. Cet automne aura lieu l’exercice à dominante aérienne Joint Warrior 13-2. Je ne doute pas qu’il démontrera, comme l’exercice Corsican Lion, auquel j’ai assisté à l’automne dernier, la progression de notre coopération.

Dans le domaine capacitaire, les progrès sont plus lents et il est vrai que le Livre Blanc avait suspendu, pour des raisons que chacun peut comprendre, certaines décisions, notamment dans le domaine des missiles. Je salue la patience et l’esprit constructif qui ont prévalu côté britannique dans ce contexte. Aujourd’hui, les décisions prises par le président de la République, communiquées aux autorités britanniques et confirmées dans le cadre du Livre Blanc permettent d’envisager très rapidement une nouvelle dynamique. Il y a là la mise en oeuvre volontariste du principe de mutualisation que je citais. Ce choix sur l’anti-navire léger était difficile. Je l’ai fait car le projet qu’il sous-tend pour nos industries et pour notre coopération bilatérale me semble essentiel. Je ne doute pas que, le moment venu, la même volonté politique animera le gouvernement britannique dans ses propres choix nationaux.

Par ailleurs, nos projets capacitaires communs n’étaient pas tous suspendus aux orientations du Livre Blanc et nombre d’entre eux ont connu des progrès satisfaisants. Philip Hammond et moi-même avons ainsi signé en juillet dernier un mémoire d’entente sur les drones de combat futurs et sur les drones tactiques. Par ailleurs les équipes du ministère de la défense et du ministère de la défense britannique travaillent conjointement et font avancer nombres d’autres projets capacitaires, sous l’autorité du High Level Working Group, présidé par Philip Dunn et Laurent Collet Billon ici présents : Satcom, guerre des mines navales, A400M, d’autres encore. C’est dans la nature des projets capacitaires d’être plus longs à se mettre en place, mais les progrès en la matière ne sont pas négligeables.

Nous devons maintenant dresser un bilan d’étape et donner une nouvelle impulsion dans plusieurs domaines :

 Au niveau opérationnel, il est impératif que nous passions une nouvelle étape de confiance avec un renforcement du partage du renseignement. Il en va de l’ensemble de notre coopération et notamment de la viabilité de notre programme d’échange d’officiers. Nous sommes conscients des difficultés que cela peut représenter, mais nous attendons que Londres mette tout son poids dans la balance pour trouver des solutions. J’ai pu en discuter hier soir avec Philip Hammond et je le sais convaincu de l’importance de cet enjeu.

 Au niveau capacitaire, comme je l’indiquais il y a quelques instants, les confirmations données par le président de la République dans le domaine des missiles, nous permettent de relancer le travail structurant que nous avons commencé dans ce domaine, avec par exemple, et je m’en félicite, le lancement prochain de travaux autour du FASGW-ANL, et de la rénovation des missiles SCALP/Stormshadow. D’autres projets devront suivre et c’est le mandat que je souhaite donner à nos équipes.

Voilà pour le programme de travail des prochains mois. J’aimerais maintenant, si vous me le permettez, développer une perspective de plus long terme. D’abord, il me semble utile de rappeler que le traité de défense que nous avons signé en 2010 l’a été pour 50 ans. Quand je vois l’étendue de ce que nous avons accompli en deux ans et demi, je ne peux m’empêcher d’être optimiste.

L’environnement stratégique tel que je l’ai décrit tout à l’heure est porteur de nombreuses incertitudes, mais aussi d’une certitude forte : la France et le Royaume-Uni, mais plus généralement l’Europe, vont être amenés à prendre des responsabilités croissantes dans la sécurité internationale. Dans ce cadre, la coopération franco-britannique a valeur d’exemple et l’effort franco-britannique contrebalance dans une certaine mesure la frilosité dont certains européens font preuve en matière de défense. Notre coopération bilatérale doit donc se poursuivre et se développer, non comme une fin en soi mais comme un moteur ouvert à d’autres pour faire avancer la capacité des Européens à prendre en main leur sécurité et leur destin.

J’estime pour ma part que cet effort doit viser notre renforcement opérationnel, capacitaire et industriel et se faire selon les axes suivants.

La réforme et le renforcement opérationnel de l’Alliance atlantique. La volonté française, exprimée dans le rapport Védrine et confirmée par le Livre Blanc, d’un engagement actif, pragmatique et décomplexé au sein de l’Alliance atlantique a permis un certain rapprochement bilatéral. Nous avons notamment constaté que nos situations et nos intérêts respectifs au sein de l’OTAN étaient assez proches. Nous avons la même quote-part et consentons tous deux un effort d’investissement conséquent dans des capacités nationales qui peuvent servir à l’Alliance, mais que nous voulons pouvoir utiliser de façon autonome pour nos besoins propres. Nous avons donc un intérêt objectif à travailler ensemble à la réforme de l’OTAN dans le sens de l’efficacité opérationnelle et de structures réduites et efficientes. C’est dans ce sens que nous avons travaillé ces derniers mois et que nous continuerons à travailler pour renforcer ce qui fait le coeur de notre Alliance, l’interopérabilité ;

Le renforcement de la PSDC. Je sais que nous ne partageons pas nécessairement les mêmes points de vue politiques sur cette question. La France maintiendra son ambition en faveur de la construction européenne et attend un soutien du Royaume-Uni dans ce cadre. Je suis convaincu que cette démarche est possible, car nous n’agissons pas par idéologie mais par réalisme. Cet effort français de relance de l’Europe de la défense, que je m’emploie depuis un an maintenant à mettre en oeuvre, je l’ai voulu pragmatique, concret : une Europe capable d’agir et de lancer des opérations, comme elle l’a fait contre la piraterie ou pour reconstruire l’armée malienne ; une Europe qui mutualise ses capacités en développant des projets utiles pour tous, comme par exemple dans le domaine du ravitaillement en vol ; une Europe qui consolide son industrie de défense tant il vrai qu’il ne saurait y avoir d’effort de défense significatif qui ne profite pas à nos industriels européens. Ces trois axes, nous les partageons avec les Britanniques et j’ai veillé personnellement à agir en toute transparence. Ce pragmatisme doit tous nous animer, à Londres comme à Paris.

L’accroissement des capacités militaires européennes et le renforcement de la BITDE. Nous devons faire preuve de volontarisme dans ce domaine et je pense que le Conseil européen de décembre 2013 nous permettra de dégager des pistes intéressantes que ce soit dans le domaine capacitaire ou industriel. Il me semble nécessaire de rendre la BITDE plus compétitive et mieux structurée, ce qui appelle d’abord un effort commun pour définir ses contours. Par ailleurs, nous devons trouver des solutions innovantes pour corriger les insuffisances capacitaires que nous avons identifiées. À ce titre, j’invite nos amis britanniques à se pencher sur l’exemple de l’EATC, structure de gestion de notre transport stratégique et tactique, susceptible demain de prendre une nouvelle dimension avec le ravitaillement en vol, structure ad hoc -ni UE, ni OTAN -, qui fait preuve d’une grande efficacité, de pragmatisme autant que de souplesse dans le respect de la souveraineté des États membres. Nous souhaitons travailler avec le Royaume-Uni au renforcement de ce projet.

Mesdames et Messieurs,

Je suis un pragmatique. Je veux faire preuve de réalisme. Mais aussi de détermination politique. Au Mali, comme en Libye ou en Afghanistan, la France a payé le prix du sang au nom de la sécurité collective. Je le redis avec force, face aux risques et aux menaces qui nous entourent, la première condition du succès demeure plus que jamais la volonté déterminée d’y faire face en consentant l’effort nécessaire.

Cette volonté, que nous a léguée l’histoire du vingtième siècle, nous la partageons avec le Royaume-Uni. Cette volonté, la France entend la maintenir, malgré la contrainte financière qui nous touche durement. Notre nouveau Livre Blanc porte cette ambition : exprimer sans fard, avec lucidité, cet engagement fort, et qui est consubstantiel de la vision que nous avons du rôle de la France dans le monde. Pour ce faire nous pouvons nous appuyer sur les progrès d’une coopération franco-britannique qui m’apparaît de plus en plus utile et nécessaire pour que les Européens assument leurs propres responsabilités.

Je vous souhaite une excellente journée et des discussions fructueuses.

Je vous remercie de votre attention.