Claire Chazal : Bonjour, Monsieur le Président. Merci de nous recevoir pour la deuxième fois de votre quinquennat à l’occasion des cérémonies du 14 Juillet.

François Hollande : Bonjour.

Claire Chazal : Avec Laurent DELAHOUSSE, nous allons vous interroger pendant environ trente-cinq minutes sur les questions naturellement qui préoccupent les Français, le chômage, la croissance, la crise. Nous parlerons aussi politique après une semaine assez riche en rebondissements, déclarations de Nicolas SARKOZY, de Bernard TAPIE. Avant toute chose et avant de dire un mot naturellement sur les opérations militaires de la France, revenons peut-être sur la catastrophe ferroviaire de Brétigny. Vous étiez sur place vendredi soir, des enquêtes sont en cours. Est-ce que l’on peut dire d’ores et déjà, Monsieur le Président, qu’il y a un problème de vétusté du réseau ?

François Hollande : Il est trop tôt pour le dire. J’ai demandé trois enquêtes, pas moins de trois enquêtes, une du ministère des Transports, une de la SNCF et de RFF et une autre qui est diligentée par la justice. Mais pour ce que je sais d’ores et déjà de ce qui s’est produit, c’est une défaillance matérielle. Est-ce qu’elle a été provoquée par un défaut d’entretien ou par une vétusté ? Ça nous obligera à tirer des conclusions. Moi, je les ai déjà tirées, avant même que cette catastrophe, hélas, se soit produite : c’est que nous devons faire beaucoup plus pour l’entretien des lignes classiques, des lignes existantes. Cette ligne, je la connais bien, ce Paris – Limoges, je l’ai empruntée pendant des années, avec des wagons qui n’étaient pas toujours les plus modernes et avec des travaux qui ont eu, heureusement, lieu il y a encore peu de mois. Mais quand même ! Donc, la première conclusion que nous tirerons, c’est de faire que dans les investissements, qui seront importants dans les prochaines années, nous mettions la priorité sur les lignes classiques, les Intercités.

Laurent Delahousse : L’hypothèse de la malveillance n’est pas écartée ?

François Hollande : On ne doit rien écarter. Mais ce n’est pas l’hypothèse qu’aujourd’hui je privilégie. Je pense que nous sommes devant une défaillance matérielle. Je veux quand même souligner que le conducteur du train a évité une catastrophe et il mérite d’être salué, comme d’ailleurs tous ceux qui se sont mobilisés lorsqu’il y a eu cette catastrophe. Je pense bien sûr aux pompiers, aux urgences, aux cheminots, mais aussi à une population qui est venue spontanément. J’ai évoqué le soir même la fraternité, nous sommes le 14 juillet, c’est le moment où nous avons à l’esprit les valeurs. Moi, j’ai été fier, dans cette catastrophe terrible, de voir la dignité des personnes, je pense aux victimes qui ont eu des familles qui ont attendu longtemps, trop longtemps, d’avoir, hélas, l’identification. Donc, il y a dans ces moments-là des valeurs qui l’emportent sur tout le reste.

Laurent Delahousse : Le service public a toujours les moyens de ses ambitions aujourd’hui, malgré la crise ?

François Hollande : Oui, notamment le service public du chemin de fer. Vous avez vu les décisions qui ont été annoncées par le Premier ministre, c’est-à-dire justement de rénover un certain nombre de lignes, de garder les lignes TGV lorsqu’elles sont nécessaires, mais pas partout. Quelle a été cette façon de faire, de promettre des lignes TGV à tous les élus ? J’en ai été de ceux qui veulent bien entendre ces promesses pour constater qu’il n’y avait pas les financements et qu’on n’avait pas entretenu les lignes existantes. Alors, oui, le service public, il y aura même une réforme de la SNCF, de RFF, pour faire que ce soit un grand service public pour demain.

Laurent Delahousse : Monsieur le Président, on vient de suivre le défilé du 14 Juillet. Est-ce que le budget de la Défense peut être une variable d’ajustement, comme certains l’affirment ? Environ 24 000 postes devraient être supprimés d’ici 2009. Cela veut dire que la fierté nationale a un coût

François Hollande : Les armées, dans les années qui viennent de s’écouler, ont payé un tribut, je ne parle pas simplement des soldats qui sont morts, en Afghanistan, encore récemment au Mali, mais un tribut budgétaire et financier. Vous avez rappelé les chiffres, 54 000 postes ont été supprimés, pour autant, nous devons faire en sorte que les missions soient effectuées. C’est ma responsabilité, je suis chef des armées.

Laurent Delahousse : Donc, vous les entendez, vous les rassurez ?

François Hollande : Donc, j’ai décidé de maintenir à l’identique le budget militaire, alors même que je demande des sacrifices à beaucoup, des efforts à tous les Français. J’ai considéré qu’il convenait de sanctuariser ce budget, pour qu’il y ait de bons matériels, de bons entraînements. En même temps, on adapte le format, il y aura encore des suppressions de postes militaires, parce que nous n’avons pas forcément aujourd’hui les moyens de tout faire partout. Mais vous avez assisté comme moi au défilé, il y avait des représentants des pays africains, treize, qui nous ont accompagnés au Mali...

Claire Chazal : Vous considérez que la situation est stabilisée au Mali ?

François Hollande : C’est une victoire qui a été remportée. C’est-à-dire que la France, avec les Africains qui se sont mobilisés, l’Europe qui nous a soutenus, les Nations unies qui nous ont donné le cadre et même permis une intervention avec nous, oui, c’est une victoire.

Claire Chazal : Vous avez des informations sur les otages ? Pardonnez-moi de vous couper…

François Hollande : Je vais y venir sur les otages. Mais prenons en compte ce qui s’est produit, une victoire, une victoire pour l’Afrique, une victoire contre le terrorisme et la fierté que nous devons avoir, là aussi. Parce que j’ai été salué en Afrique, non pas pour ce que j’avais fait, mais pour ce que j’avais décidé. Ceux qui ont agi, ce sont les soldats français.

Laurent Delahousse : Une victoire qui n’est pas définitive puisque certains djihadistes sont peut-être aujourd’hui en Libye. On irait jusqu’à aller les chercher là-bas ?

François Hollande : Nous avons vaincu le terrorisme au Mali, nous ne l’avons pas vaincu partout. Il y en a encore, vous avez raison, notamment dans le Sud de la Libye, il y en a qui se sont échappés autour des pays voisins. Donc, nous devons porter notre soutien à tous ces pays-là qui font appel à nous, mais nous ne ferons pas la guerre partout. Là, nous l’avons faite parce que nous étions appelés par un pays ami, nous étions soutenus par l’Europe et dans le cadre de la légalité internationale. Madame CHAZAL m’a interrogé sur les otages…

Claire Chazal : Didier FRANÇOIS, Edouard ELIAS, est-ce qu’on a des traces de vie ? Ce sont nos deux confrères…

François Hollande : Nous avons, hélas, plusieurs otages. Nous en avons six, sept, devrais-je dire, au Mali. Devrais-je dire parce que nous avons, hélas, des informations les plus mauvaises sur Philippe VERDON, dont nous n’avons pas encore confirmation de son décès, mais hélas, je l’ai dit, tout indique qu’il serait mort il y a déjà plusieurs semaines. Mais les otages du Mali, nous faisons tout pour les ramener. Nous avons commencé, après la guerre, de refaire contact avec un certain nombre d’intermédiaires, mais nous ne transigerons pas sur les principes. Pour ce qui concerne les journalistes qui sont retenus en Syrie, là aussi, nous faisons tout pour savoir, d’abord, où ils sont, pour connaitre exactement les intentions de leurs ravisseurs. Mais je n’en dirai pas plus. J’ai pris une position de principe sur les otages, c’est de faire tout pour les libérer, mais ne pas parler pour compliquer une situation qui l’est déjà suffisamment.

Claire Chazal : Abordons, si vous le voulez bien, les problèmes économiques, ce sont les préoccupations des Français. La note de la France a encore été dégradée, vendredi, par une troisième agence de notation. Le plan pour l’emploi, Monsieur le Président, avec notamment les contrats de génération, ne produit pas les effets escomptés. Qu’est-ce qu’on peut faire pour le rendre plus efficace en termes de créations d’emplois ?

François Hollande : Je ne vais pas reprendre ici toutes les mesures qui ont été prises. Moi, je me bats ! Je n’invente pas, parce que nous sommes devant vous, une mesure de plus. Ce ne serait pas crédible. La politique, ce n’est pas de la magie. Ce n’est pas un tour de passe-passe. C’est une volonté, c’est une stratégie, c’est une cohérence. Nous avons mis en place les emplois d’avenir, il y en aura 100 000, je dis bien 100 000 à la fin de l’année. Il y aura les contrats de génération, 70 000 au début de l’année prochaine. Il y a ce que j’essaye de faire maintenant, avec le ministre du Travail et les partenaires sociaux, rapprocher ces offres d’emploi qui ne trouvent pas jusqu’à présent des salariés ou en l’occurrence de demandeurs d’emploi pour les pourvoir et puis des chômeurs qui attendent. Donc, nous avons dit, nous allons, d’ici la fin de l’année, pour 35 000 de ces postes de travail qui sont proposés, former les chômeurs pour qu’ils puissent les remplir, ces emplois-là.

Laurent Delahousse : Monsieur le Président, ce sont des emplois aidés finalement…

François Hollande : Non. Là, il ne s’agit pas d’emplois aidés ! Il s’agit d’emplois privés

Laurent Delahousse : … Pour les emplois aidés, ce sont des emplois financés par l’impôt. Ça veut dire que vous ne croyez plus en l’entreprise en France ? Elle n’est plus capable aujourd’hui en 2013 de créer de l’emploi ? Quinze mille entreprises, lors du dernier trimestre, ont dû fermer la porte, ce sont des petits artisans, des commerçants qui aujourd’hui se retrouvent sans emploi.

François Hollande : La création d’emploi viendra des entreprises. Pourquoi ai-je décidé, avec le Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT, de faire le pacte de compétitivité, de faite en sorte que les entreprises puissent recevoir en deux ans 20 milliards d’euros pour justement alléger le coût du travail et embaucher ? Vous croyez que ça a été facile de dire aux Français, au moment où c’est déjà difficile pour réduire les déficits, on va faire un effort pour les entreprises, toutes les entreprises qui ont des salariés, pour qu’elles puissent embaucher, investir, exporter ? Mais vous parlez des emplois aidés, là, il ne s’agit pas d’emplois aidés, ce sont des emplois privés. Pareil pour le contrat de génération, c’est pour qu’un jeune puisse être embauché dans une entreprise avec un contrat à durée indéterminée. Mais pour les emplois aidés, emplois d’avenir puis les emplois dans l’Education nationale pour l’accueil des plus petits, pour les handicapés, les enfants qui doivent être accueillis partout dans notre service public, ces emplois, moi, je préfère qu’un jeune ou un moins jeune soit dans l’emploi, dans l’activité plutôt qu’au chômage. Le principe, c’est le travail.

Laurent Delahousse : Pour une durée de trois ans ou une durée plus longue ?

François Hollande : Un an, ça, c’est l’emploi aidé, trois ans pour l’emploi d’avenir. Je préfère qu’un jeune, plutôt qu’il traine dans un quartier ou dans une zone rurale sans espoir- les moins qualifiés, puisqu’il s’agit de ceux-là- puisse être maintenant plein d’enthousiasme en se disant qu’il va être utile. Oui, j’assume cette politique.

Laurent Delahousse : Pour relancer l’emploi, il faut de la croissance. Aujourd’hui, la croissance est estimée, selon votre ministre de l’Economie, à 0,2 %. C’est insuffisant pour qu’effectivement la France redémarre sur le plan de l’emploi, il faut à minima 1,5, voire 2,5, comme certains d’autres pays dans le monde. Est-ce que ce chiffre vous inquiète pour les mois et pour les années à venir ?

Claire Chazal : Et pourquoi augmenter la pression fiscale, au risque donc de casser un petit semblant de relance en tout cas… ?

François Hollande : La reprise, elle est là. Je ne vais pas ici enjoliver le tableau.

Claire Chazal : Qu’est-ce qui vous permet…

François Hollande : Elle est là. Il y a une production industrielle qui repart et nous sommes en Europe le pays où la production industrielle est le plus rapidement repartie depuis maintenant trois mois.

Claire Chazal : Les moteurs de la croissance sont en panne, Monsieur le Président, la consommation…

François Hollande : La production industrielle repart. La consommation, elle, connait une petite reprise. Les embauches commencent à progresser, c’est très léger, je ne vais pas ici…

Laurent Delahousse : C’est léger, ce n’est pas un retournement de tendance !

François Hollande : Mais il y a l’assurance que le second semestre sera déjà meilleur que le premier. Donc, je ne vais pas attendre, je vais favoriser l’investissement. L’investissement, c’est ce que le Premier ministre a annoncé avec des choix qui porteront sur la France de demain. Parce que pour qu’il y ait de la croissance, le premier principe, c’est la confiance. C’est que les Français se disent nous sommes dans un grand pays, nous ne devons pas céder au dénigrement de nous-mêmes, au pessimisme, à une forme de résignation. Non ! Nous sommes un grand pays. Pas simplement sur le plan militaire parce que nous avons eu cette intervention au Mali, pas parce que nous avons une armée, une défense nationale, ça compte. Nous sommes un grand pays industriel, technologique. Alors, qu’est-ce que nous devons faire ? Moi, j’ai proposé qu’on réfléchisse, qu’on agisse pour la France dans dix ans. Ce n’est pas mon quinquennat qui est en cause. Ce qu’on a à faire tout de suite…

Laurent Delahousse : Une vision nouvelle…

François Hollande : … C’est de dire, oui, quelle France…

Laurent Delahousse : … Quand vous dites dix ans, ça veut dire ce n’est pas cinq ans, ce n’est pas un quinquennat…

François Hollande : … Quelle France nous voulons dessiner pour les dix ans qui viennent, pour que nous soyons plus forts au terme de cette période. Qu’est-ce que nous avons comme enjeu ? La transition énergétique, c’est-à-dire la capacité qu’aura la France à être exemplaire, exemplaire pour utiliser les énergies renouvelables, exemplaire pour faire des économies d’énergie, exemplaire pour la voiture électrique, exemplaire pour les compteurs électriques pour mieux consommer, moins consommer. Nous avons aussi les nouvelles technologies à promouvoir, la France est un pays d’inventeurs, de chercheurs. Donc, nous allons tout mettre sur le numérique, sur le haut débit, pour que dans dix ans, mais même avant, nous soyons le pays où il soit le plus facile pour tous ceux qui veulent communiquer de le faire et notamment les entreprises. Troisième exemple, les infrastructures, les modes de transport, tout ce qui doit permettre à la France d’être, là aussi, elle est regardée comme un pays d’excellence. Et puis, le dernier exemple que je veux donner, c’est nos universités, nos recherches, c’est là que nous devons faire l’effort. Donc, tout ce que je peux dégager comme marges supplémentaires, tout ce que l’Etat pourra investir, avec le secteur privé, nous le ferons dans ces domaines-là. Alors, vous me parlez des impôts, bien sûr. Vous croyez que c’est agréable, quand on arrive au pouvoir – ça m’est arrivé l’année dernière – de dire j’hérite d’une situation, il y a eu 600 milliards de dette, il y a un déficit qui n’est pas comblé, il y a des créances qui sont posées sur nous et qui nous obligent ? Alors, oui, nous allons faire, nous avons fait des économies et je ne ferai d’augmentations d’impôts que si elles sont absolument indispensables. Dans l’idéal, le moins possible. Donc, tout ce que je fais, tout ce que j’ai demandé au gouvernement, c’est le plus d’économies possibles.

Claire Chazal : Mais ce que les Français ne comprennent pas toujours, Monsieur le Président, c’est la ligne de politique économique. Vous savez bien que des divergences sont apparues, y compris dans votre majorité, entre relance et rigueur. On ne comprend pas toujours très bien le cap que vous poursuivez. Parce que vous tracez…

François Hollande : Je vais le faire. Nous avons besoin d’abord d’un sérieux budgétaire, justement parce que je ne veux pas d’un pays qui serait soumis à des créanciers venant de l’extérieur. Je veux une France souveraine. Donc, nous réduisons les déficits. Mais nous les réduisons au rythme qui me parait le plus compatible avec la reprise économique. Parce que si c’est pour étouffer, si c’est pour empêcher, si c’est pour entraver, ça ne sert à rien de réduire le déficit, on n’y arrive même pas ! Deuxième axe de cette politique, la compétitivité des entreprises, pas pour faire des cadeaux aux entreprises, mais parce que nous avons besoin de créations d’emplois, nous avons besoin d’entreprises performantes. Donc, tout ce que je fais avec le Premier ministre, c’est d’alléger le coût du travail, de simplifier les normes, de favoriser l’investissement, de trouver une fiscalité qui soit la plus adaptée à l’économie de demain. Et, enfin, la ligne que vous me demandez, la France, qu’est-ce que sera la France dans dix ans, après moi, c’est-à-dire quand j’en aurais terminé, ce n’est pas simplement…

Claire Chazal : Sauf que les Français voient, à la fin du mois, leurs revenus à la fin du mois, leurs proches au chômage…

François Hollande : Mais leurs revenus à la fin du mois, le chômage, j’ai pris des mesures d’urgence, on en a parlé…

Claire Chazal : Vous maintenez votre objectif de renverser la courbe à la fin de l’année ou en tout cas… ?

François Hollande : Mais ce n’est pas un objectif. C’est un engagement. Je serai jugé là-dessus. Déjà, on entend un certain nombre qui disent « vous allez y arriver avec les emplois aidés » ! Si on y arrive, c’est déjà l’objectif, c’est déjà l’engagement. Mais il faudra aller au-delà. Donc, je ne veux pas simplement gérer les prochains mois, ça, c’est l’urgence. Je veux qu’il y ait une trace qui soit fixée, un dessein qui soit proposé.

Laurent Delahousse : Je n’ai pas bien compris, pour 2014, il y aura, oui ou non, de nouveaux impôts ? Juste un exemple. Récemment, l’hebdomadaire CHALLENGES a publié une enquête assez étonnante, les plus grosses fortunes françaises ont augmenté leur capital, leur patrimoine de 25 % depuis un an. Est-ce que finalement la fiscalité française ne cible pas en permanence les classes moyennes ?

François Hollande : Il ne vous a pas échappé quand même que depuis un an, nous avons rétabli à son niveau l’impôt sur la fortune, qu’il y a eu l’augmentation de l’imposition sur les revenus du capital. Ça touche qui ? Pas les classes moyennes, mais ces grandes fortunes, lesquelles grandes fortunes, dans les évaluations qui ont été faites, ont bénéficié d’une augmentation des cours de Bourse. Je ne vais pas m’en plaindre parce que les cours de Bourse, ça veut dire que l’économie est en train de repartir. Mais moi, ce que je veux, c’est ne pas punir, je ne suis pas là pour spolier, pour empêcher, pour interdire. Ce que je veux, c’est que les grandes fortunes soient solidaires. D’ailleurs, j’ai salué un certain nombre de celles-ci qui ont dit, finalement, nous restons en France, nous allons investir en France, nous allons créer des emplois en France. C’est bien le moins, c’est cet acte de solidarité…

Laurent Delahousse : Donc, au final…

François Hollande : … Mais sur les classes moyennes…

Laurent Delahousse : … Oui ou non aux augmentations d’impôts ? C’est important…

François Hollande : … Ce sont celles qui font vivre l’économie, les classes moyennes ! Ce sont des salariés, ce sont des cadres, ce sont des commerçants, des artisans, des agriculteurs, c’est la France ! D’ailleurs, tout le monde se considère plus ou moins comme classe moyenne ! Les plus riches veulent être classe moyenne pour ne pas payer d’impôts et les plus modestes disent, oui, si on pouvait être dans la moyenne, ce serait quand même mieux ! Donc, qu’est-ce que je dois faire ? Autant d’économies que possible. Chaque fois qu’il y a une économie, mais vous avez vu comment ça se passe, on parle de la défense, on dit n’y touchons pas, on parle de la famille, mais vous n’allez pas toucher à ce qui fait la force de la France, ce qui est vrai, on pense aux retraites, on dit, mais vous n’allez pas y toucher ! Donc, vous voyez le sujet… Donc, autant d’économies que possible pour qu’il y ait le moins de prélèvements qui soient demandés.

Laurent Delahousse : Moins de prélèvements, 6 milliards d’euros, si je vous dis effectivement ce chiffre qu’il faudra trouver quelque part, il y aura donc normalement des impôts en 2014.

François Hollande : Nous avons des financements à assurer.

Laurent Delahousse : Donc, oui !

François Hollande : Vous avez évoqué la retraite, l’assurance maladie, moi, je ne peux pas écarter ces sujets-là. C’est la solidarité, c’est le modèle social. Mais pour ce qui concerne le budget de l’Etat, je prends l’engagement qu’il y aura moins de dépenses en 2014 qu’il n’y en a eu ou qu’il y en aura en 2013. Il y aura donc un effort historique d’économies. Ceux qui nous font un certain nombre de propositions sont précisément ceux qui ont augmenté la dette et creusé le déficit.

Claire Chazal : Vous parliez des retraites, c’est évidemment un système qu’il faut financer maintenant, il faut trouver des solutions. Est-ce que vous êtes prêt à imposer, voire même contre des divergences, contre une opposition à l’intérieur même de votre majorité, à imposer des mesures ? Aucun gouvernement au fond n’a vraiment réussi à réformer le système.

François Hollande : Je note effectivement que c’est un constat que l’on peut faire. Aucun des gouvernements qui avaient prétendu que c’était la dernière réforme n’a finalement réglé le problème. Je ne prétends pas le faire pour toujours, mais je pense définir maintenant les modalités d’une réforme durable.

Claire Chazal : Mais il y a urgence à le faire !

Laurent Delahousse : Réforme à minima ?

François Hollande : Durable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, d’abord, il faut le faire dans le dialogue, une des grandes réformes que d’ailleurs tous les commentateurs saluent, à l’étranger notamment, c’est la réforme du marché du travail. Comment cette réforme, que personne n’imaginait possible a été obtenue ? Par le dialogue. Pour les retraites, je sais que les partenaires sociaux ne veulent pas s’engager jusque-là. Alors…

Laurent Delahousse : Ce sera compliqué, Monsieur le Président ! Aujourd’hui, le Front de gauche…

François Hollande : … Ce n’est pas les partenaires sociaux, restons sur les partenaires sociaux. Ils veulent être associés…

Laurent Delahousse : Ils ont déjà appelé à la grève !

François Hollande : Pas tous. Ils veulent être associés et c’est bien légitime, d’autres s’inquiètent. Donc, qu’est-ce que je dois dire devant vous ? Premièrement, cette réforme, elle est nécessaire, c’est notre responsabilité. Il y a une espérance de vie qui s’allonge, comment faire autrement que de tenir compte de ce qui est le bénéfice de la société d’aujourd’hui et de demain. Deuxièmement, il y a un déficit de 20 milliards, on ne peut pas l’effacer d’un seul coup, mais nous devons – 20 milliards en 2020 – nous devons donc prévoir des financements qui permettront des économies, qui permettront de l’effacer. Pour que, là aussi, dans la France dans dix ans, il n’y ait plus cette question des déficits des régimes de retraite.

Il y a la justice à introduire parce qu’aujourd’hui, il y a des métiers plus pénibles que d’autres, il y a des femmes qui ont des retraites qui ne sont pas dignes, parce qu’il y a des petites retraites. Donc, nous devrons faire aussi effort de justice.

Claire Chazal : Donc, allonger la durée de cotisation…

François Hollande : Allonger, je n’ai jamais caché cette position. Allongement de l’espérance de vie, allongement de la durée de cotisation.

Claire Chazal : Mais pas allongement de l’âge de départ à la retraite, en tout cas recul…

François Hollande : Si on reculait l’âge légal de départ à la retraite, ça voudrait dire que ceux qui ont commencé à 18 ans, à 20 ans devraient travailler 45 ans ? Ce serait inadmissible. Donc, nous allons allonger progressivement, on va en discuter avec les partenaires sociaux, la durée de cotisation.

Claire Chazal : Vous allez faire payer davantage les retraités, en tout cas, imposer davantage… ?

François Hollande : Tout le monde fera un effort, mais chacun peut le comprendre ! Si on veut régler ce problème durablement, avoir tout au long des prochaines années un pilotage, ce ne sera pas d’un seul coup, ce sera d’ailleurs absurde, ça casserait un certain nombre de mécanismes de croissance. Donc, chacun sera appelé à l’effort, selon les ressources dont il peut disposer.

Laurent Delahousse : Est-ce que vous avez été surpris par la publication du Parti socialiste cette semaine, qui finalement donne une échéance à 2020 ? Est-ce que ce n’est pas un coup de poignard dans le dos, Monsieur le Président ?

François Hollande : Non.

Laurent Delahousse : Non ?

François Hollande : Qu’il y ait sûrement des réformes durables au-delà de 2020, c’est bien l’objectif. Moi, je ne veux pas faire une réforme pour quelques années. Mais on ne peut pas échapper à des mesures immédiates. Quand il y a des déficits, il faut les couvrir. Moi, je ne veux pas faire comme un certain nombre de mes prédécesseurs, laisser des ardoises pour les autres. Les ardoises, il faut les effacer quand elles sont créées.

Claire Chazal : Vous parlez de votre prédécesseur, parlons peut-être politique maintenant, la semaine a été assez riche en rebondissements, avec notamment les premières déclarations de Nicolas SARKOZY. Est-ce que vous craignez un retour de l’ancien président de la République ?

François Hollande : Non. Chacun est libre dans une société démocratique, d’être candidat. Mais ce n’est pas le sujet. Franchement, j’ai suffisamment de préoccupations pour le service de l’Etat, sans regarder vers 2017, à ce stade.

Laurent Delahousse : Il y a quelques mois, vous aviez plaisanté avec un enfant qui vous avait posé la question de savoir « je n’ai pas vu Nicolas SARKOZY », vous lui avez répondu « tu ne le verras plus » !

François Hollande : Mais s’il veut revenir, c’est tout à fait son droit ! Je pense qu’un ancien président peut parfaitement être de nouveau candidat. Mais comprenez bien que ce n’est pas moi qui vais faire, dans la position dans laquelle je suis, des commentaires sur la situation à droite. En revanche, sur la décision du Conseil constitutionnel…

Laurent Delahousse : Décision sage ?

François Hollande : Je n’ai pas à dire si elle est sage ou pas sage. C’est la décision du Conseil constitutionnel.

Laurent Delahousse : Nouvelle jurisprudence ?

François Hollande : Non.

Claire Chazal : Il estime que c’est une menace pour la démocratie d’assécher un grand parti comme l’UMP.

François Hollande : Jamais nous ne pouvons considérer que lorsque la plus haute juridiction de notre pays, le Conseil constitutionnel, prend une décision – elle en a pris qui parfois m’ont contrarié – ça doit être mis en cause, suspecté ou contesté dans les institutions. Je n’accepterai jamais une mise en cause de l’autorité du Conseil constitutionnel.

Laurent Delahousse : Monsieur le Président, certains de vos proches ont évoqué un système SARKOZY depuis quelque temps, de fraudeurs. Est-ce que ce sont des mots, des termes que vous cautionnez, que vous soutenez ou est-ce que finalement vous dites que pour la fonction présidentielle, ce serait compliqué de les soutenir ?

François Hollande : Moi, j’ai des principes et c’est ainsi qu’il est mieux d’agir. Indépendance de la justice, il n’y a aucune intervention et quand des juges prennent des décisions, ils les prennent en toute responsabilité et indépendance. Deuxième principe, je ne me mêle pas de la vie politique au sens de celle de l’opposition. Que je sois attentif à la situation de la majorité, permettez que ça compte pour la suite de mon mandat. Mais pour le reste, je me garde bien de faire tout commentaire sur les jeux, les rôles et les candidatures. Enfin, lorsqu’il y a des affaires, et il y en a, ça abîme la République, ça touche donc à l’esprit même…

Laurent Delahousse : Des affaires à droite et à gauche…

François Hollande : Oui ! Chaque fois qu’il y en a !

Claire Chazal : Par exemple, l’affaire Bernard TAPIE, cette semaine…

François Hollande : Ça touche à l’esprit civique. Parce que certains peuvent se dire, finalement, on n’y voit jamais clair, tout cela est truqué, tout cela n’est pas correct par rapport à des règles qui pourtant sont imposées aux plus simples de nos concitoyens. Alors, pour l’affaire Bernard TAPIE, la justice fait son travail. En revanche, il faudrait cesser…

Claire Chazal : Il a parlé de complot du Parti socialiste ou de complot, d’action délibérée de Pierre MOSCOVICI contre lui…

François Hollande : Il faudrait cesser de penser que lorsqu’il y a une décision de justice, une instruction en cours, un jugement, il y ait un complot. Même quand ça peut concerner les partis.

Laurent Delahousse : L’Etat est partie civile !

François Hollande : Pour l’Etat, l’Etat a le devoir de faire contestation d’un arbitrage, si, d’abord, il a le sentiment, à travers un certain nombre de révélations de presse ou de travail de la justice, que cet arbitrage n’aurait pas dû être fait ou s’il a été fait – et il a été fait et décidé – il n’a pas été correctement établi. Donc, l’Etat préserve ses intérêts. C’est dans la mesure où il a ce principe, qu’il sert aussi nos concitoyens. Parce que quand il y a 400 millions qui ont été donnés, à nous de savoir si ça a été correctement fait. Le bien que l’on demande à l’Etat, c’est d’en assurer effectivement la vérification.

Laurent Delahousse : Dans le cadre d’une escroquerie en bande organisée, est-ce qu’il y a toujours un chef de bande, Monsieur le Président ?

François Hollande : Mais je n’ai pas à répondre à cette question. Moi, je ne veux pas me substituer à la justice. Je ne fais pas de commentaire. Je laisse les juges travailler. Le mieux que l’on puisse faire, c’est d’avoir ce principe d’indépendance et de liberté.

Claire Chazal : Parlons de votre majorité, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en tout cas, à l’intérieur du gouvernement, il y a parfois des remous. Delphine BATHO est le deuxième ministre de l’Environnement que vous remerciez, en tout cas que le Premier ministre remercie. Est-ce que cette instabilité gouvernementale relative n’entame pas la crédibilité du pouvoir, en tout cas la crédibilité de l’exécutif ?

François Hollande : J’avais fixé une règle, je l’avais même fait connaitre.

Claire Chazal : Vous ne l’appliquez pas toujours à tous les membres du gouvernement.

François Hollande : J’avais dit si un ministre conteste le budget, il ne pourra pas rester au gouvernement. Delphine BATHO est une femme de qualité, qui a des convictions et c’est respectable. Elle s’est exprimée sur le budget en disant qu’il n’était pas bon, pas simplement le sien, mais d’une manière générale. Alors, j’en ai tiré toutes les conclusions, avec le Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT. Cela ne m’a pas fait plaisir. Mais c’est la règle. Lorsque les Français sont appelés à faire un effort, ils veulent de la discipline, pas simplement pour eux-mêmes, mais pour ceux qui les gouvernent.

Laurent Delahousse : En matière de libre parole, Monsieur le Président, on va dire qu’Arnaud MONTEBOURG est un peu le champion du gouvernement, on l’a vu récemment encore sur le gaz de schiste. Est-ce que, comme il le dit lui-même, il a un statut particulier dans ce gouvernement, un accord politique, il l’a dit, avec vous ? Alors, est-ce qu’on pourrait en savoir un peu plus sur cet accord politique avec lui ?

François Hollande : J’ai dit aussi qu’il n’y a pas d’impunité dans le gouvernement. Il n’y a pas de statut particulier.

Laurent Delahousse : Donc, pas d’accord avec lui ?

François Hollande : La seule ligne qui ne doit pas être franchie, c’est celle que j’ai indiquée, sur le budget, parce que c’est celle que je demande à la majorité aussi de respecter. Sont dans la majorité ceux qui votent le budget. Restent au gouvernement ceux qui, non seulement approuvent le budget, mais l’appliquent. Sur le gaz de schiste, parce que je veux qu’on aille jusqu’au bout des questions qui sont posées, il y a un débat qui dure depuis trop longtemps. Il y a une loi, cette loi, ce n’est pas l’actuelle majorité qui l’a fait voter, c’est une loi de 2011 qui interdit l’exploration de gaz de schiste sur la méthode qui s’appelle la fracturation hydraulique. Pour nos téléspectateurs, c’est quoi le gaz de schiste ? C’est un eldorado, là, il suffirait de creuser, puis, il y aurait du gaz qui sortirait !

Laurent Delahousse : Certains le croient.

François Hollande : Certains le croient. Donc, le gaz de schiste, c’est un gaz qui est enfoui dans une roche et il faut fracturer cette roche pour que le gaz sorte. Avec des risques sur les nappes phréatiques, selon les techniques d’aujourd’hui, on en voit un certain nombre de conséquences aux Etats-Unis. Alors, moi, je réponds très simplement, tant que je suis président, il n’y aura pas d’exploration du gaz de schiste en France.

Laurent Delahousse : Une question, Monsieur le Président, un mot d’un autre ministre populaire, il y en a, qui fait aussi entendre sa voix, qui ne cache pas ses ambitions et qui tient banquet un 13 juillet, 24 heures avant votre intervention. Monsieur le Président, est-ce que ce ministre de l’Intérieur parfois ne vous fait pas penser à un autre ministre de l’Intérieur et est-ce que, parfois, on va dire dans un vocabulaire très 14 juillet, chiraquien, est-ce que quelquefois vous n’avez pas envie de dire à certains ministres « je décide, vous exécutez » ? Vous voyez de qui je parle !

François Hollande : Oui, j’ai compris la question. D’abord, qu’un ministre, en l’occurrence Manuel VALLS, fasse un discours pour soutenir la politique du gouvernement et définir la stratégie qui est la mienne, je ne peux que m’en féliciter. Je pense que c’est bien que les membres du gouvernement aillent auprès des Français pour promouvoir ce que nous faisons, expliquer, parce qu’effectivement, il y a des inquiétudes, il y a des défiances qui s’expriment, il y a des impatiences. Donc, le rôle de la politique, ce n’est pas simplement de rentrer dans la joute, c’est de dire voilà ce que nous voulons faire pour notre pays, éviter qu’il soit soumis à des créanciers, faire en sorte que nous soyons plus productifs, plus performants, que nous puissions créer davantage d’emplois et préparer l’avenir avec une France qui réussira. Parce qu’elle va réussir, la France. Alors ce que j’ai demandé à tout le gouvernement, c’est de se mobiliser sur ces enjeux-là, les seuls qui comptent à mes yeux. Après…

Laurent Delahousse : Avec un nouvel objectif à dix ans, on l’a entendu, compris…

François Hollande : …Oui, mais ça veut dire…

Laurent Delahousse : …ça veut dire deux quinquennats, Monsieur le président.

François Hollande : ...non, parce que ça veut dire, aller au-delà de nous, ne pas penser simplement à nous. Et ça c’est un point très important. Et ça vaut pour les membres du gouvernement comme pour toute la vie politique. Il faut… et pour le président de la République. A un moment, il ne faut plus penser à soi…

Claire Chazal : Alors il y a le gouvernement…

François Hollande : …Il faut penser au pays. Il faut penser à l’avenir. Il faut penser à la jeunesse…

Laurent Delahousse : Ça c’est pour tous les ministres, qui parlent un peu trop, peut-être ?

François Hollande : …Non, c’est pour bien faire comprendre ce qu’est ma démarche. On me dit : vous n’êtes pas populaire. Mais je ne cherche pas à être populaire ! Je ne cherche pas à être impopulaire. Mais j’ai un devoir qui va bien au-delà. Moi, ce que je veux faire, pendant les cinq ans qui me sont donnés – quatre, maintenant, pour ceux qui sont les plus impatients, quatre –, c’est de faire qu’on puisse dire que j’ai permis de faire avancer le pays, de le faire réussir, de lui donner de nouveau confiance, parce que c’est ça qui manque le plus. Vous savez, il y a quelque chose sur lequel je veux me battre, c’est ce pessimisme. Vous savez, nous sommes le pays, depuis des années, le plus pessimiste d’Europe, et voire même du monde ! Il y a des pays qui sont dans la guerre et qui sont encore plus optimistes que nous ! Alors comment comprendre ? Il y a une explication, parce que la France ce n’est pas n’importe quel pays : la France c’est un grand pays, qui a une place dans la vie internationale. Donc quand on a une crise, on en souffre, parce qu’on ne peut pas accepter le déclin et le déclassement. Donc mon rôle, ce n’est pas d’être réélu, ou de chercher à être réélu. Mon rôle, c’est de permettre de dire : eh bien au moins, pendant le mandat, ce mandat que j’exerce, on aura avancé, on aura réformé autant que nécessaire.

Claire Chazal : Il vous faudra évidemment une majorité, vous parlez des quatre ans à venir. Cette majorité est quand même mise à mal après les dernières législatives partielles, elle semble fragilisée. On sent aussi des velléités d’Europe Ecologie Les Verts de présenter des listes autonomes aux municipales. Qu’est-ce qu’on peut faire pour la ressouder, d’ici les prochaines échéances ?

Laurent Delahousse : Et vous aurez besoin des écologistes pour les municipales.

François Hollande : Il y a une majorité à l’Assemblée nationale, il y en a même une au Sénat, qui est plus fragile, mais la majorité à l’Assemblée nationale elle, garantit la durée, la stabilité. Moi je respecte la liberté de tous ces groupes, qui fondent la majorité : les socialistes, Europe Ecologie Les Verts, les Radicaux de Gauche, le Mouvement des Citoyens. Je respecte. Mais il y a un principe : si on veut gagner, si on veut réussir, il faut être à mes côtés. Il faut être soudé. Donc moi je respecterai tous les débats, mais il y a des grandes décisions qui nous attendent : le budget, la réforme des retraites, la réforme de la formation professionnelle…

Claire Chazal : Les échéances, les échéances électorales.

François Hollande : …les échéances électorales. Il faut être uni. Parce que quand…

Claire Chazal : Avec une poussée du Front National, est-ce qu’elle vous inquiète ? Elle était forte, aux dernières législatives partielles…

François Hollande : Bien sûr que ça m’inquiète ! Bien sûr que ça m’inquiète. Quand j’entendais sa responsable dire qu’elle veut faire de son parti le centre de gravité – eh bien, c’est d’une extrême gravité.

Laurent Delahousse : C’est une personnalité politique comme les autres, Monsieur le président ?

François Hollande : C’est d’une extrême gravité. Quand ce sont des propositions qui fermeraient la France, enfermeraient la France ? Qui feraient qu’on sortirait de l’euro, qu’on n’aurait plus aucune règle ensemble ? C’est d’une extrême gravité, quand on laisse penser qu’on pourrait faire du protectionnisme, ne plus commercer avec les autres, quand on exporte le tiers de notre production ? Mais oui, c’est d’une extrême gravité ! Quand on dit qu’on va chasser ceux qui ne sont pas comme nous, ceux qui ne sont pas français, ou même peut-être certains Français, mais bien sûr c’est d’une extrême gravité ! Et quand il y a une crise, partout en Europe je la vois, c’est pour ça que je veux changer l’orientation de l’Europe : parce que les populistes – il y en a de toutes espèces, de tous poils, mais enfin ils se ressemblent, c’est toujours les mêmes solutions : on s’en prend à l’étranger, on s’en prend à l’autre, et on s’en prend à l’Europe. Donc oui, c’est ça qui doit aussi nous mobiliser. C’est pour ça qu’il faut réussir. Parce que les Français qui votent pour l’extrême droite, ils veulent sans doute que leur pays réussisse, eh bien je dois leur donner ces garanties.

Laurent Delahousse : Lors de votre visite en Tunisie, vous avez prononcé une phrase très importante : La France sait que l’islam et la démocratie sont compatibles. C’est un discours qui s’adressait bien évidemment à la Tunisie, au parti Ennahda. Je voulais vous poser une question. En France il y a environ 5 à 6 millions de musulmans, un tiers se déclarent croyants. Si un jour un parti islamiste fondamentaliste se créait en France, quelle serait votre réaction ?

François Hollande : D’abord je reviens à la phrase que j’ai prononcée, c’est une phrase importante. Parce que si l’on considérait que l’islam, la religion musulmane, ne pouvait pas avoir sa place dans la démocratie, ça voudrait dire que ce serait des pays, qui ont ces régimes, qui devraient être écartés ? Moi je pense qu’aucune religion n’est contradictoire avec la démocratie, que la démocratie c’est le bien commun, qui n’empêche en aucune façon le fait religieux. En France, nous l’avons fondée autour de ce principe de laïcité, cette conciliation de la démocratie, de la République et de la liberté religieuse. Et c’est pourquoi d’ailleurs un parti ne peut pas se réclamer, en France, de la religion. Ça a existé, vous savez qu’il y a eu un parti qui s’appelait les Démocrates-chrétiens…

Laurent Delahousse : Les Démocrates-chrétiens, oui, effectivement.

François Hollande : Mais je pense que ça ne correspond pas à ce qu’est le principe de la laïcité.

Claire Chazal : Il nous reste une minute.

Laurent Delahousse : Merci Monsieur le président, en tout cas, de nous avoir accueillis. Finalement, le Palais de l’Elysée, pour une interview, c’est normal, naturel, pour un président normal, naturel ?

François Hollande : Je pense que le 14 juillet, le président doit parler. Et…

Laurent Delahousse : Donc vous avez changé d’avis ?

François Hollande : …Oui ! Je me suis ravisé. Je pense que le 14 juillet et le 31 décembre, c’est un moment important pour les Français, pour des raisons différentes. Le 14 juillet c’est la fête nationale, on veut savoir où va aller la patrie, ce qu’elle peut encore avoir comme rayonnement, comme influence, qu’est-ce qu’on fait ensemble. C’est le rôle du président de la République, et c’est bien de le faire ici. Je suis allé suffisamment sur les plateaux de télévision, tout au long de cette dernière année, pour que…

Laurent Delahousse : Trop ?

François Hollande : Oui, mais enfin, ce n’est pas le reproche. Je réponds aux invitations. Mais aujourd’hui c’est vous qui avez accepté mon invitation, et je vous en remercie.

Laurent Delahousse : Merci Monsieur le président.

Claire Chazal : Merci à vous.

Laurent Delahousse : Merci Claire.

Claire Chazal : Merci Laurent.

Laurent Delahousse : Merci à tous de nous avoir suivis aujourd’hui, passez une très très belle journée, et bon 14 juillet – notamment avec le Tour de France !

François Hollande : Au Mont Ventoux !

Laurent Delahousse : Au Mont Ventoux !