Monsieur le président,
M. le secrétaire général,
délégués,
mesdames et messieurs.

Tous les ans, nous nous rassemblons pour réaffirmer la vision fondatrice de cette institution. Pendant la plus grande partie de l’histoire écrite, les aspirations de l’individu étaient assujetties aux caprices de tyrans et d’empires. Les divisions raciales et religieuses se réglaient à coups d’épée et d’affrontements entre armées. L’idée que les nations et les peuples puissent se réunir en paix pour résoudre leurs différends et faire avancer une prospérité commune semblait inimaginable.

Il aura fallu le terrible carnage de deux guerres mondiales pour changer notre mode de penser. Les dirigeants qui bâtirent les Nations unies n’étaient pas naïfs ; ils ne s’imaginaient pas que cette instance fût capable d’éradiquer toutes les guerres. Mais dans le sillage des morts qui se comptaient par millions et de continents en ruines, face aussi au développement d’armes nucléaires qui pourraient annihiler une planète, ils comprenaient que l’humanité ne pourrait pas survivre si elle ne changeait pas de cap. Ils nous donnèrent donc cette institution, croyant qu’elle pourrait nous permettre de résoudre les conflits, de faire respecter des règles de comportement et de construire des habitudes de coopération qui se renforceraient au fil du temps.

Pendant des décennies, les Nations unies ont effectivement fait la différence – qu’il s’agisse de contribuer à l’éradication de maladies, d’éduquer les enfants, de négocier la paix. Mais comme toute génération de dirigeants, nous nous heurtons à des défis nouveaux et profonds, et cette institution continue d’être mise à l’épreuve. La question est de savoir si nous possédons la sagesse et le courage voulus, en tant qu’États-nations et membres d’une communauté internationale, pour relever ces défis sans détour ; si les Nations unies peuvent répondre aux exigences de notre époque.

Pendant la plus grande partie de mon mandat de président, certains de nos défis les plus pressants ont tourné autour du caractère de plus en plus intégré de l’économie mondiale, et des efforts que nous avons déployés pour nous remettre de la pire crise économique de notre vivant. Maintenant, cinq après l’effondrement de l’économie mondiale, et grâce aux efforts coordonnés des pays ici présents, des emplois sont créés, les systèmes financiers mondiaux se stabilisent, et on voit une fois de plus des gens sortir de la pauvreté. Mais ces progrès sont fragiles et inégaux, et nous avons encore du travail à abattre ensemble pour faire en sorte que nos citoyens aient accès aux possibilités dont ils ont besoin pour prospérer au XXIe siècle.

Ensemble, nous avons également œuvré à mettre fin à dix ans de guerre. Il y a cinq ans, près de 180.000 Américains sous les drapeaux étaient en danger, et la guerre en Irak dominait notre relation avec le reste du monde. Aujourd’hui, tous nos soldats ont quitté l’Irak. L’année prochaine, une coalition internationale mettra un terme à sa guerre en Afghanistan, ayant accompli sa mission : celle de démanteler le noyau dur d’al-Qaïda qui nous avait attaqués le 11 septembre.

Ces nouvelles circonstances ont amené les États-Unis à ne plus se placer sur un pied de guerre perpétuelle. Non seulement nous avons rapatrié nos soldats, mais nous avons aussi limité le recours aux drones pour qu’ils ne ciblent que ceux qui présentent une menace continue et imminente pour les États-Unis, là où il n’est pas possible de capturer ces individus et où le risque de victimes parmi les civils est quasi-nul. Nous transférons des détenus dans d’autres pays et poursuivons des terroristes en justice tout en cherchant diligemment à fermer la prison de Guantanamo. Et tout comme nous avons réexaminé le déploiement de nos capacités militaires extraordinaires à travers le prisme de nos idéaux, nous avons commencé à revoir la manière par laquelle nous procédons à la collecte du renseignement afin de concilier adéquatement les préoccupations légitimes de nos citoyens et de nos alliés en matière de sécurité et les préoccupations de tous en matière de protection de la vie privée.

À la suite de ces activités, et du fait de la coopération d’alliés et de partenaires, le monde est plus stable qu’il ne l’était il y a cinq ans. Mais il suffit de jeter un coup d’œil sur les gros titres aujourd’hui pour voir que des dangers demeurent. Au Kenya, nous avons vu des terroristes s’en prendre à des civils innocents dans un centre commercial bondé, et nos pensées se tournent vers les familles des personnes affectées. Au Pakistan, près d’une centaine de personnes ont été tuées récemment par deux kamikazes à la sortie d’une église. En Irak, les tueries et les attentats à la voiture piégée continuent de faire tragiquement partie du quotidien. Et pendant ce temps-là, al-Qaïda s’est scindé en réseaux et milices régionaux, ce qui fait qu’ils n’ont pas la capacité à l’heure actuelle de perpétrer des attaques de l’ordre de celle du 11 septembre, encore qu’ils constituent des menaces graves pour les gouvernements et les diplomates, les entreprises et les civils du monde entier.

Ce qui mérite tout autant d’être noté, c’est que les convulsions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont mis à nu les divisions profondes qui existent dans ces sociétés, maintenant que l’ordre établi est bouleversé et que les gens s’interrogent sur la suite des événements. Des mouvements pacifiques ont trop souvent eu des actes de violence pour toute réponse – de la part de ceux qui résistent au changement et des extrémistes qui tentent de se l’approprier. Les conflits confessionnels ont refait leur apparition. Et la diffusion potentielle des armes de destruction massive continue de jeter une ombre sur la poursuite de la paix.

Il n’y pas d’endroit où nous avons vu ces tendances converger avec plus de force qu’en Syrie. Là, des protestations pacifiques contre un régime autoritaire se sont heurtées à la répression et au massacre. Devant un tel carnage, beaucoup se sont retranchés derrière leur identité confessionnelle – alaouites et sunnites, chrétiens et kurdes – et la situation a tourné à la guerre civile.

La communauté internationale a pris conscience des enjeux dès les premiers temps, mais notre réponse n’a pas été à la hauteur de l’ampleur du défi. L’aide est dépassée par les souffrances des blessés et des personnes déplacées. Un processus de paix est mort-né. L’Amérique et d’autres ont cherché à renforcer l’opposition modérée, mais des groupes extrémistes ont quand même pris racine pour exploiter cette crise. Les alliés traditionnels d’Assad le maintiennent en place, invoquant des principes de souveraineté pour protéger son régime. Le 21 août, le régime syrien a mené une attaque à l’arme chimique qui a tué plus d’un millier de personnes, dont des centaines d’enfants.

Maintenant, la crise en Syrie, et la déstabilisation de la région, sont au cœur des enjeux plus vastes auxquels la communauté internationale doit faire face. Comment devrions-nous réagir aux conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord – aux conflits entre des pays, mais aussi aux conflits intérieurs ? Comment réagir face au choix qui est de rester insensible à la vue d’enfants soumis à un gaz neurotoxique, ou de se laisser entraîner dans une guerre civile qui n’est pas la nôtre ? Quel est le rôle de la force dans le règlement des litiges qui menacent la stabilité de la région et sapent toutes les normes élémentaires d’un comportement civilisé ? Quel est le rôle des Nations unies et du droit international dans la réponse à apporter aux voix qui réclament la justice ?

Aujourd’hui, je me propose de brosser les grandes lignes de la position des États-Unis sur ces questions. En ce qui concerne la Syrie, nous croyons que, pour commencer, la communauté internationale doit faire respecter l’interdiction des armes chimiques. Lorsque j’ai indiqué que j’étais disposé à ordonner une frappe limitée contre le régime Assad en réponse à son utilisation éhontée d’armes chimiques, je ne l’ai pas fait à la légère. Je l’ai fait parce que je crois qu’il est dans l’intérêt des États-Unis en matière de sécurité et dans l’intérêt du monde de faire sérieusement appliquer une interdiction dont l’origine précède celle des Nations unies elles-mêmes. L’interdiction du recours à l’arme chimique, même en temps de guerre, fait l’objet de l’assentiment de 98 % de l’humanité. Elle est renforcée par le souvenir déchirant de soldats suffoquant dans les tranchées, de Juifs massacrés dans les chambres à gaz, d’Iraniens empoisonnés par dizaines de milliers.

Les preuves de l’utilisation de telles armes par le régime Assad le 21 août sont accablantes. Les inspecteurs de l’ONU ont clairement démontré que des roquettes perfectionnées contenant de grandes quantités de sarin avaient été tirées sur des civils. Ces roquettes ont été tirées à partir d’un quartier sous le contrôle du régime et elles ont atterri dans des quartiers détenus par l’opposition. C’est une insulte à la raison humaine – et à la légitimité de cette institution — de suggérer que quiconque autre que le régime a mené cette attaque.

Je sais que, dans la foulée immédiate de l’attaque, d’aucuns ont mis en question la légitimité d’une frappe militaire, même limitée, sans un mandat clair du Conseil de sécurité. Mais en l’absence d’une menace militaire crédible, le Conseil de sécurité n’avait pas montré la moindre inclination à agir. Cependant, comme j’en discute depuis plus d’un an avec le président Poutine, et tout dernièrement à St Petersbourg, ma préférence a toujours été de régler cette question par la voie diplomatique. Ces dernières semaines, les États-Unis, la Russie et nos alliés sont parvenus à un accord qui prévoir de mettre les armes chimiques syriennes sous tutelle internationale pour les détruire par la suite.

Le gouvernement syrien a fait un premier pas en fournissant l’inventaire de ses stocks. Maintenant, il doit y avoir une résolution ferme du Conseil de sécurité pour vérifier que le régime Assad tient ses engagements, et il doit y avoir des conséquences s’il ne le fait pas. Si nous ne pouvons même pas nous mettre d’accord sur ce point, cela montrera que les Nations unies sont incapables de faire appliquer les éléments les plus fondamentaux du droit international. En revanche, si nous y parvenons, cela enverra le message puissant que l’utilisation des armes chimiques n’a pas sa place au XXIe siècle, et que cette institution tient parole.

Un accord sur les armes chimiques devrait stimuler un effort diplomatique plus large pour parvenir à un règlement politique en Syrie. Je ne crois pas qu’une action militaire – menée depuis l’intérieur du pays ou par des puissances étrangères – peut mener à une paix durable. Et je ne crois pas non plus qu’il appartient à l’Amérique ou à tout autre pays de déterminer qui dirigera la Syrie ; c’est une décision qui revient au peuple syrien. Toutefois, un dirigeant qui a massacré ses citoyens et gazé des enfants à mort ne peut pas regagner la légitimité voulue pour conduire un pays gravement divisé. La notion que la Syrie pourrait d’une manière ou d’une autre revenir au statu quo d’avant la guerre tient de la fantaisie.

Il est temps que la Russie et l’Iran se rendent compte qu’insister sur la présence d’Assad à la tête du pays conduira directement à l’issue qu’ils craignent, à savoir un espace de plus en plus violent où opéreront les extrémistes. Quant à nous qui continuons d’appuyer l’opposition modérée, nous devons persuader celle-ci que le peuple syrien ne peut pas se permettre l’effondrement de ses institutions étatiques, et qu’il n’est pas possible d’arriver à une solution politique sans répondre aux craintes et aux préoccupations légitimes des Alaouites et des autres minorités.

Nous sommes acquis à cette voie politique. Et tandis que nous recherchons un règlement, gardons à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une entreprise à somme nulle. Nous ne sommes plus à l’ère de la Guerre froide. Il n’y a plus de Grand Jeu à gagner, tout comme l’Amérique n’a aucun intérêt en Syrie autre que le bien-être de son peuple, la stabilité de ses voisins et l’élimination des armes chimiques, et veiller à ce que ce pays ne devienne pas un lieu sûr pour les terroristes.

J’accueille avec satisfaction l’influence de tous les pays qui peuvent aider à parvenir à une résolution pacifique de la guerre civile en Syrie. Et tandis que nous allons de l’avant dans le processus de Genève, j’exhorte toutes les nations ici présentes à intensifier leurs efforts pour répondre aux besoins humanitaires en Syrie et dans les pays avoisinants. Les États-Unis ont engagé plus d’un milliard de dollars dans cet effort, et aujourd’hui je peux annoncer que nous fournirons 340 millions de dollars supplémentaires. Aucune assistance ne peut remplacer une solution politique qui donne aux Syriens la chance de reconstruire leur pays, mais elle peut aider des gens désespérés à survivre.

Quelles conclusions plus générales peut-on tirer de la politique américaine à l’égard de la Syrie ? Je sais que d’aucuns sont frustrés par notre réticence à utiliser la force militaire pour déposer Assad, et voient en cela un affaiblissement de la détermination des États-Unis dans la région. D’autres ont suggéré que ma volonté d’ordonner des frappes militaires même limitées pour décourager l’utilisation ultérieure d’armes chimiques montre que nous n’avons tiré aucune leçon de l’Irak et que l’Amérique continue de chercher à contrôler le Moyen-Orient pour ses propres fins. En cela, la situation en Syrie reflète une contradiction qui persiste depuis des décennies dans la région : d’un côté, on reproche aux États-Unis de s’ingérer dans la région, on les accuse d’avoir une main dans toutes sortes de complots ; et de l’autre, on leur reproche de ne pas faire tout ce qu’il faut pour résoudre les problèmes de la région et de se montrer indifférents envers la souffrance des populations musulmanes.

Je comprends que c’est en partie inévitable, étant donné le rôle de l’Amérique dans le monde. Mais ces attitudes contradictoires ont des répercussions concrètes sur le soutien du peuple américain à notre engagement dans la région et permet aux dirigeants de la région - ainsi qu’à la communauté internationale parfois – de se soustraire à ces problèmes difficiles.

Alors permettez-moi de saisir cette occasion pour donner les grandes lignes de ce qui a été la politique des États-Unis à l’égard du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, et ce qui sera ma politique durant le restant de mon mandat présidentiel.

Les États-Unis d’Amérique sont prêts à utiliser tous les éléments en leur pouvoir, y compris la force militaire, pour sécuriser leurs intérêts fondamentaux dans la région.

Nous ferons face à une agression extérieure contre nos alliés et partenaires, comme nous l’avons fait durant la Guerre du golfe.

Nous assurerons la libre circulation de l’énergie à partir de cette région vers le reste du monde. Bien que l’Amérique réduise constamment sa dépendance vis-à-vis des importations de pétrole, le monde dépend encore de l’approvisionnement énergétique en provenance de cette région, et une perturbation grave pourrait déstabiliser l’économie mondiale tout entière.

Nous démantèlerons les réseaux terroristes qui menacent notre peuple. Autant que possible, nous renforcerons les capacités de nos partenaires, respecterons la souveraineté des nations et œuvrerons pour nous attaquer aux causes profondes du terrorisme. Mais quand il s’avèrera nécessaire de défendre les États-Unis contre un attentat terroriste, nous agirons directement.

Enfin, nous ne tolérerons pas le développement ou l’utilisation d’armes de destruction massive. Tout comme nous considérons l’utilisation d’armes chimiques en Syrie comme une menace à notre sécurité nationale, nous rejetons le développement d’armes nucléaires qui pourraient déclencher une course aux armements nucléaires dans la région et saper le régime mondial de non-prolifération.

Dire que ce sont là les intérêts fondamentaux de l’Amérique ne veut pas dire que ce sont là nos seuls intérêts. Nous sommes profondément convaincus qu’il est dans notre intérêt de voir un Moyen-Orient et une Afrique du Nord paisibles et prospères ; nous continuerons à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’ouverture des marchés car nous pensons que ces pratiques conduisent à la paix et à la prospérité. Mais je crois aussi que nous pourrons rarement atteindre ces objectifs par le biais d’une action unilatérale américaine, en particulier d’une action militaire. L’Irak nous montre qu’on ne peut tout simplement pas imposer la démocratie la force. Ces objectifs se concrétisent le mieux, en revanche, quand nous œuvrons en partenariat avec la communauté internationale et avec les pays et les peuples de la région.

Que signifie donc tout cela pour l’avenir ? À court terme, les efforts diplomatiques de l’Amérique porteront en premier lieu sur deux dossiers spécifiques : la poursuite d’armes nucléaires par l’Iran et le conflit arabo-israélien. Bien que ces questions ne soient pas la cause de tous les problèmes de la région, elles sont une source majeure d’instabilité depuis trop longtemps, et les résoudre contribuera à jeter les fondations d’une paix à plus vaste assise.

Les États-Unis et l’Iran ont été mutuellement isolés depuis la révolution islamique de 1979. Les racines de cette méfiance sont profondes. Les Iraniens se plaignent depuis longtemps de l’ingérence des États-Unis dans leurs affaires et du rôle de l’Amérique dans le renversement d’un gouvernement iranien durant la Guerre froide. De l’autre côté, les Américains voient un gouvernement iranien qui a déclaré que les États-Unis étaient un ennemi et qui, directement ou par procuration, a pris des otages américains, tué des soldats et des civils américains, et menacé de détruire notre allié Israël.

Je ne pense pas que l’on puisse surmonter ce passé difficile du jour au lendemain – la méfiance est trop profonde. Mais je crois que si nous pouvons régler la question du programme nucléaire iranien, cela pourra être une étape majeure sur la longue voie vers des relations différentes, des relations fondées sur les intérêts et le respect mutuels.

Depuis mon entrée en fonctions, j’ai clairement indiqué dans des lettres au chef suprême de l’Iran, et plus récemment au président Rohani, que l’Amérique préfère résoudre pacifiquement ses préoccupations sur le programme nucléaire iranien, mais que nous sommes déterminés à empêcher l’Iran de développer une arme nucléaire. Nous ne cherchons pas un changement de régime et nous respectons le droit du peuple iranien à accéder à l’énergie nucléaire à vocation pacifique. En revanche, nous insistons sur le fait que le gouvernement iranien doit s’acquitter de ses responsabilités en vertu du Traité de non-prolifération nucléaire et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans le même temps, le leader suprême a émis une fatwa contre le développement d’armes nucléaires, et le président Rohani vient de réitérer que la République islamique ne développera jamais d’arme nucléaire.

Ces déclarations faites par nos gouvernements respectifs devraient donc offrir la base d’un accord significatif. Nous devrions être en mesure de parvenir à une solution qui respecte les droits du peuple iranien tout en donnant au monde la confiance que le programme iranien est pacifique. Mais pour réussir, les propos conciliants doivent s’accompagner d’actions transparentes et vérifiables. Après tout, ce sont les choix faits par le gouvernement iranien qui ont mené aux sanctions globales qui sont actuellement en place. Il ne s’agit pas seulement d’un problème entre les États-Unis et l’Iran. Le monde a vu l’Iran se dérober à ses responsabilités dans le passé et a un intérêt constant à veiller à ce que l’Iran s’acquitte de ses obligations dans à l’avenir.

Mais il est clair que nous sommes encouragés de voir que le président Rohani a reçu un mandat du peuple iranien pour poursuivre une voie plus modérée. Compte tenu de l’engagement pris par le président Rohani de parvenir à un accord, je demande à John Kerry de poursuivre cet effort avec le gouvernement iranien, en étroite collaboration avec l’Union européenne - le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine.

Les embûches se révéleront peut-être trop importantes, mais je crois fermement que la voie diplomatique doit être testée. Car si le statu quo ne peut qu’approfondir l’isolement de l’Iran, un engagement véritable de sa part à emprunter une voie différente sera bénéfique à la région et au monde, et aidera le peuple iranien à réaliser son potentiel extraordinaire - dans le commerce et la culture, dans les sciences et l’éducation.

Nous sommes également déterminés à résoudre un conflit qui remonte à plus loin encore que nos différends avec l’Iran, et il s’agit du conflit entre les Palestiniens et les Israéliens. J’ai clairement indiqué que les États-Unis n’accepteraient jamais de compromis sur leur attachement à la sécurité d’Israël ou sur leur soutien à son existence en tant qu’État hébreu. Plus tôt cette année, à Jérusalem, j’ai été impressionné par les jeunes Israéliens qui ont défendu la conviction que la paix était nécessaire, juste et possible. Et je crois qu’en Israël on reconnaît de plus en plus que l’occupation de la Cisjordanie déchire le tissu démocratique de l’État juif. Mais les enfants d’Israël ont le droit de vivre dans un monde où les nations rassemblées dans cette enceinte reconnaissent pleinement leur pays et où nous rejetons sans équivoque ceux qui lancent des roquettes contre leurs maisons ou incitent d’autres à les haïr.

De même, les États-Unis demeurent convaincus que le peuple palestinien a le droit de vivre en sécurité et dans la dignité dans un État souverain. Au cours de la même tournée, j’ai eu l’occasion de rencontrer des jeunes Palestiniens à Ramallah dont l’ambition et le potentiel incroyable étaient à la mesure de la peine qu’ils ressentent à ne pas avoir de place ferme au sein de la communauté des nations. On peut comprendre leur cynisme, convaincus qu’ils sont qu’il n’y aura jamais de progrès et frustrés de voir leurs familles endurer quotidiennement l’indignation de l’occupation. Mais eux aussi reconnaissent que la solution à deux États est la seule voie réelle vers la paix - car tout comme le peuple palestinien ne doit pas être déplacé, la pérennité de l’État d’Israël est incontestable.

Il est temps donc que la communauté internationale tout entière se rallie à la poursuite de la paix. Déjà, les dirigeants israéliens et palestiniens se sont montrés disposés à prendre des risques politiques considérables. Le président Abbas a délaissé les efforts visant à court-circuiter la poursuite de la paix et il a rejoint la table de négociations. Le premier ministre Netanyahu a remis en liberté des prisonniers palestiniens et réaffirmé son attachement à un État palestinien. Les pourparlers actuels portent sur les questions du statut final des frontières et de la sécurité, des réfugiés et de Jérusalem.

Nous autres devons donc tous être prêts aussi à prendre des risques. Les amis d’Israël, y compris les États-Unis, doivent reconnaître que sa sécurité en tant qu’État juif et démocratique dépend de la concrétisation d’un État palestinien, et nous devons le dire clairement. Les États arabes et ceux qui ont appuyé les Palestiniens doivent reconnaître que la stabilité ne sera servie que par une solution à deux États et par un État d’Israël vivant en sécurité.

Nous devons tous reconnaître que la paix sera un outil puissant pour vaincre les extrémistes dans la région et enhardir tous ceux qui seront prêts à construire un avenir meilleur. En outre, les échanges commerciaux entre Israéliens et Arabes pourraient représenter un moteur de croissance et de possibilités à l’heure où les jeunes qui languissent sans emploi dans la région sont trop nombreux. Alors, démarquons-nous du blâme et des préjugés, si familiers. Soutenons les dirigeants israéliens et palestiniens qui s’apprêtent à emprunter le difficile chemin vers la paix.

De véritables avancées sur ces deux dossiers – le programme nucléaire iranien et la paix entre Israéliens et Palestiniens – auraient une influence profonde et positive sur l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Mais les convulsions actuelles issues du printemps arabe nous rappellent qu’une paix juste et durable ne saurait se mesurer uniquement à l’aune d’accords entre nations. Elle doit également se mesurer à l’aune de notre capacité à régler les conflits et à promouvoir la justice au sein des nations. Et à cette aune-là, il apparaît clairement que nous avons tous encore beaucoup de chemin à parcourir.

Lorsque des transitions pacifiques ont vu le jour en Tunisie et en Égypte, le monde entier était empli d’espoir. Et bien que les États-Unis – comme d’autres – aient été frappés par la rapidité de la transition, et bien que nous n’ayons pas dicté la suite des événements – nous ne le pouvions d’ailleurs pas — nous avons décidé de soutenir ceux qui appelaient au changement. Nous avons agi de la sorte forts de la conviction que, quand bien même ces transitions seraient épineuses et prendraient du temps, des sociétés bâties sur le socle de la démocratie, de l’ouverture et de la dignité de l’individu seront en fin de compte plus stables, plus prospères et plus pacifiques.

Au cours des dernières années, tout particulièrement en Égypte, nous avons vu à quel point cette transition serait difficile. Mohamed Morsi a été élu démocratiquement, mais s’est avéré réticent ou inapte à gouverner d’une manière pleinement inclusive. Le gouvernement par intérim qui l’a remplacé a répondu au souhait de millions d’Égyptiens qui croyaient que la révolution s’était égarée, mais lui aussi a pris des décisions incompatibles avec la démocratie inclusive – par l’entremise d’une loi d’urgence ainsi que des restriction sur la presse, la société civile et les partis de l’opposition.

Évidemment, l’Amérique a été attaquée par toutes les parties à ce conflit interne, accusée simultanément de soutenir les Frères musulmans et d’organiser leur chute. Les États-Unis ont évité de choisir leur camp à dessein. Notre principal intérêt au cours de ces dernières années a été d’encourager un gouvernement qui reflète légitimement la volonté du peuple égyptien et qui reconnaît que la véritable démocratie exige le respect des droits des minorités, de l’État de droit, de la liberté d’expression et d’assemblée, et d’une société civile robuste.

Aujourd’hui, cela représente toujours notre intérêt. Ainsi, à l’avenir, les États-Unis entretiendront une relation constructive avec le gouvernement par intérim qui promeut des intérêts fondamentaux tels que les Accords de Camp David et la lutte contre le terrorisme. Nous continuerons notre soutien dans des domaines, tels que l’enseignement, qui profitent directement au peuple égyptien. Cependant, nous n’avons pas procédé à la livraison de certains systèmes militaires et notre soutien dépendra des progrès enregistrés par l’Égypte dans ses efforts vers un avenir plus démocratique.

Notre position sur l’Égypte reflète une réalité plus large : parfois, les États-Unis travailleront avec des gouvernements qui, du moins à nos yeux, ne répondent pas aux plus hautes attentes internationales, mais qui travaillent avec nous sur nos intérêts fondamentaux. Néanmoins, nous ne cesserons d’affirmer les principes qui sont compatibles avec nos idéaux, qu’il faille s’opposer au recours à la violence comme moyen de réprimer la dissidence ou soutenir les principes consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous rejetterons l’idée selon laquelle ces principes ne sont que des exportations occidentales, incompatibles avec l’Islam ou le Monde arabe. Nous pensons que ce sont des droits acquis par toute personne à la naissance et, si nous reconnaissons que notre influence sera parfois limitée, méfiants vis-à-vis des efforts visant à imposer la démocratie par la force militaire et au risque parfois d’être accusés d’hypocrisie et d’incohérence, nous serons engagés dans la région pour le long terme. Car forger la liberté et la démocratie est la tâche ardue d’une génération.

Cette tâche consiste notamment à mener des efforts pour apaiser les tensions confessionnelles qui se manifestent toujours dans des pays tels que l’Irak, le Bahreïn et la Syrie. Nous comprenons que ces problèmes de longue date ne peuvent pas être réglés par des étrangers ; ils doivent être réglés par les communautés musulmanes elles-mêmes. Mais nous avons déjà vu des conflits qui s’éternisaient prendre fin – dernièrement, en Irlande du Nord, où les catholiques et les protestants ont enfin compris que le cycle interminable de violence faisait prendre du retard aux deux communautés dans un monde en rapide mutation. C’est pourquoi nous pensons que ces mêmes conflits confessionnels peuvent être réglés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

En résumé, les États-Unis feront preuve d’humilité âprement acquise s’agissant de notre capacité à déterminer le cours des événements dans d’autres pays. La notion de l’Empire américain est peut-être utile à la propagande, mais elle n’est pas corroborée par la politique actuelle des États-Unis ou par l’opinion publique. En effet, comme les récents débats aux États-Unis sur la Syrie l’ont clairement montré, le risque pour le monde, ce n’est pas une Amérique trop prompte à s’immiscer dans les affaires d’autres pays ou à considérer chaque problème dans la région comme le sien. Le risque pour le monde, c’est que les États-Unis, après une décennie de guerre – préoccupés à juste titre par des questions nationales, conscients de l’hostilité que notre engagement dans la région a suscitée au sein du monde musulman – se retirent, laissant derrière eux un vide de leadership qu’aucune autre nation n’est prête à combler.

Je pense qu’une telle retraite serait une erreur. Je crois que l’Amérique doit rester engagée en raison de sa propre sécurité. Mais je crois également que le monde s’en porte mieux. Certains pourraient me contredire, mais je crois que l’Amérique est exceptionnelle – en partie, parce que nous avons démontré une volonté à défendre non seulement nos propres intérêts, étroits, mais également l’intérêt de tous par le sacrifice de sang et de dépenses.

Cependant, je me dois d’être honnête. Il est bien plus probable que nous investirons notre énergie dans des pays qui souhaitent travailler avec nous, qui investissent dans leur population au lieu de privilégier une élite corrompue ; qui embrassent une perception de la société où quiconque peut contribuer, qu’il soit homme ou femme, chiite ou sunnite, musulman, chrétien ou juif. Car de l’Europe à l’Asie et de l’Afrique aux Amériques, les nations qui ont persévéré sur la voie de la démocratie sont devenues plus prospères, plus pacifiques, et se sont davantage attachées à préserver notre sécurité commune et notre humanité commune. Et je crois qu’il en ira de même pour le Monde arabe.

Voilà qui m’amène à un dernier point. Il arrivera que l’effondrement des sociétés soit si total, que la violence contre les civils soit si inouïe, que la communauté internationale sera appelée à agir. Nous devrons dès lors penser autrement et prendre certaines décisions difficiles. Alors que les Nations unies ont été conçues pour prévenir la guerre entre les États, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à la tâche difficile qui consiste à empêcher les massacres au sein d’États. Et ces défis seront de plus en plus prononcés face à des États fragiles ou en déliquescence – des endroits où des violences abominables peuvent mettre en danger des hommes, des femmes et des enfants innocents qui ne pourront pas espérer être protégés par leurs institutions nationales.

Je l’ai clairement fait savoir : même lorsque les intérêts fondamentaux de l’Amérique ne sont pas directement menacés, nous sommes prêts à jouer notre rôle afin d’éviter les atrocités de masse et de protéger les droits de l’homme fondamentaux. Mais nous ne pouvons, ni ne devrions, porter seuls ce fardeau. Au Mali, nous avons soutenu l’intervention française qui a repoussé al-Qaïda avec succès, et les forces africaines qui maintiennent la paix. En Afrique de l’Est, nous nous évertuons, avec nos partenaires, à vaincre l’Armée de résistance du Seigneur. Et en Libye, lorsque le Conseil de Sécurité nous a confié un mandat pour protéger les civils, l’Amérique a rejoint une coalition qui a agi. Grâce à nos efforts, d’innombrables vies ont été épargnées, et un tyran n’a pas pu reprendre le pouvoir en semant la mort.

Je sais qu’aujourd’hui certains critiquent l’intervention en Libye, qui leur sert d’exemple. Ils mettent en exergue les problèmes auxquels le pays est aujourd’hui confronté – un gouvernement démocratiquement élu qui peine à assurer la sécurité, des groupes armés, dans certaines régions des extrémistes, qui dirigent les parties d’un pays fracturé. Ces détracteurs avancent que toute intervention pour protéger les civils est vouée à l’échec. Voyez ce qui s’est passé en Libye. Nul n’est plus au fait de ces problèmes que moi, car ils ont engendré la mort de quatre citoyens exceptionnels des États-Unis qui étaient attachés au peuple libyen, y compris l’ambassadeur Chris Stevens – un homme dont les efforts courageux ont permis de sauver la ville de Benghazi. Mais est-il véritablement possible de croire que la situation en Libye aurait été meilleure si l’on avait permis à Kadhafi de tuer, d’emprisonner ou de brutaliser son peuple pour le soumettre ? Il est bien plus probable qu’en l’absence d’intervention internationale la Libye serait aujourd’hui plongée dans la guerre civile et un bain de sang.

Nous vivons dans un monde de choix imparfaits. Divers pays ne conviendront pas sur la nécessité d’agir à chaque fois. Et le principe de souveraineté est au cœur de notre ordre international. Mais la souveraineté ne peut pas être un bouclier derrière lequel les tyrans peuvent se réfugier pour commettre des meurtres sans aucune raison, ni un prétexte pour que la communauté internationale ferme les yeux. Certes, nous devons faire preuve de modestie quand nous croyons pouvoir résoudre tous les problèmes ; certes, nous devons savoir que le monde est rempli de conséquences involontaires. Mais devrions-nous pour autant accepter l’idée selon laquelle le monde est impuissant face à des événements tels que ceux survenus au Rwanda ou à Srebrenica ? Si tel est le monde que certains ont choisi, ils devraient le dire et compter avec la logique froide des charniers.

Mais je crois que nous pouvons embrasser un avenir différent. Et si nous ne voulons pas choisir entre l’inertie et la guerre, nous devons – nous tous – améliorer les politiques qui préviennent l’écroulement de l’ordre fondamental. Grâce au respect des responsabilités des nations et des droits des individus. Grâce à des sanctions significatives pour quiconque qui bafoue les règles. Grâce à une diplomatie opiniâtre qui s’attaque aux racines des conflits, pas seulement à leurs conséquences. Grâce à de l’aide au développement qui apporte de l’espoir aux marginalisés. Et parfois – même si ce ne sera pas suffisant – à certaines occasions, la communauté internationale devra reconnaître que le recours multilatéral à la force militaire peut être nécessaire pour éviter le pire.

C’est, en fin de compte, cette communauté internationale que l’Amérique recherche – une communauté internationale où les nations ne convoitent ni la terre ni les ressources des autres nations, mais une communauté où nous appliquons les principes fondateurs de cette institution et où nous assumons tous nos responsabilités. Un monde dans lequel les règles issues des horreurs de la guerre peuvent nous aider à résoudre les conflits de manière pacifique et à éviter le genre de guerres que nos ancêtres ont livrées. Un monde où les êtres humains peuvent vivre dans la dignité et où leurs besoins sont satisfaits, qu’ils vivent à New York ou à Nairobi, à Peshawar ou à Damas.

Cette époque est extraordinaire et présente des possibilités extraordinaires. Grâce aux progrès de l’homme, un enfant qui naît sur terre aujourd’hui peut faire des choses qui, il y a soixante ans, auraient été hors de portée pour l’humanité. Je l’ai vu en Afrique, où les nations qui sortent de conflits sont sur le point de décoller. Et l’Amérique est à leurs côtés, pour nourrir l’affamé et soigner les malades, et apporter l’électricité à des lieux non raccordés au réseau.

Je le vois dans la région du Pacifique, où des centaines de millions de personnes se sont extirpées de la pauvreté en une seule génération. Je le vois sur les visages des jeunes gens qui, partout, peuvent accéder au monde entier en un seul clic et qui souhaitent se rallier à la cause de l’éradication de l’extrême pauvreté et lutter contre le changement climatique, créer des entreprises, propager la liberté et tourner le dos aux vieilles batailles idéologiques du passé. C’est ce qui se passe en Asie et en Afrique. En Europe et dans les Amériques. C’est également l’avenir que méritent les peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Un avenir où ils pourront se concentrer sur les possibilités et non pas se demander s’ils seront tués ou réprimés en raison de leur identité ou de leurs croyances.

Les nations et les peuples ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient capables de changer – d’honorer les plus hauts idéaux de l’humanité, de choisir notre meilleure histoire. Le mois dernier, je me suis tenu où, il y a cinquante ans, Martin Luther King a annoncé à l’Amérique son rêve, à une époque où de nombreuses personnes de ma race ne pouvaient même pas voter aux élections présidentielles. Plus tôt cette année, je me suis rendu dans la petite cellule où Nelson Mandela a été coupé de son propre peuple et du monde pendant des décennies. Qui sommes-nous pour croire que les défis d’aujourd’hui ne peuvent pas être relevés, quand nous avons vu les changements que pouvait apporter l’esprit humain ? Qui, dans cette assemblée, peut avancer que l’avenir appartient à ceux qui s’emploient à réprimer cet esprit plutôt qu’à ceux qui cherchent à le libérer ?

Je sais de quel côté de l’histoire je veux que se trouvent les États-Unis d’Amérique. Nous sommes prêts à relever, à vos côtés, les défis de demain – forts de la conviction que tous les hommes et toutes les femmes sont créés égaux, que chaque individu jouit d’une dignité et de droits inaliénables dont il ne peut être privé. C’est pour cela que nous regardons l’avenir non pas avec peur, mais avec espoir. Et c’est également pourquoi nous demeurons convaincus que ce concert des nations peut laisser, à la prochaine génération, un monde plus pacifique, plus prospère, et plus juste.

Merci beaucoup.