L’Assemblée générale,

Ayant examiné le rapport du Comité spécial pour la question de la définition de l’agression, crée en application de sa résolution 2330 (XXII) du 18 décembre 1967, qui a trait aux travaux de la septième session du Comité spécial, tenue du 11 mars au 12 avril 1974, et qui comprend le projet de définition de l’agression adopté par consensus par le Comité spécial et recommandé pour adoption à l’Assemblée générale [1],

Profondément convaincue que l’adoption de la Définition de l’agression contribuerait à renforcer la paix et la sécurité internationales,

1. Approuve la Définition de l’agression dont le texte est joint en annexe à la présente résolution ;

2. Exprime sa satisfaction au Comité spécial pour la question de la définition de l’agression de ses travaux qui ont abouti à l’élaboration de la Définition de l’agression ;

3. Demande à tous les Etats de s’abstenir de tous actes d’agression et autres emplois de la force contraires à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies [2] ;

4. Appelle l’attention du Conseil de sécurité sur la Définition de l’agression qui figure ci-après et lui recommande de tenir compte de cette Définition, selon qu’il conviendra, en tant que guide pour déterminer, conformément à la Charte, l’existence d’un acte d’agression.

ANNEXE

Définition de l’agression

L’Assemblée générale,

Se fondant sur le fait que l’un des buts essentiels de l’Organisation des Nations Unies est de maintenir la paix et la sécurité internationales et de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix,

Rappelant que le Conseil de sécurité, conformément à l’Article 39 de la Charte des Nations Unies, constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales,

Rappelant également le devoir qu’ont les États, aux termes de la Charte, de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques afin de ne pas mettre en danger la paix, la sécurité et la justice internationales,

Ayant à l’esprit que rien, dans la présente Définition, ne sera interprété comme affectant d’une manière quelconque la portée des dispositions de la Charte en ce qui concerne les fonctions et pouvoirs des organes de l’Organisation des Nations Unies,

Estimant également que l’agression est la forme la plus grave et la plus dangereuse de l’emploi illicite de la force, qui renferme, étant donné l’existence de tous les types d’armes de destruction massive, la menace possible d’un conflit mondial avec toutes ses conséquences catastrophiques, et qu’il convient donc à ce stade de donner une définition de l’agression,

Réaffirmant le devoir des États de ne pas recourir à l’emploi de la force armée pour priver les peuples de leur droit à l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance, ou pour porter atteinte à l’intégrité territoriale,

Réaffirmant également que le territoire d’un État est inviolable et ne peut être l’objet, même temporairement, d’une occupation militaire ou d’autres mesures de force prises par un autre État en violation de la Charte, et qu’il ne fera pas l’objet, de la part d’un autre État, d’une acquisition résultant de telles mesures ou de la menace d’y recourir,

Réaffirmant également les dispositions de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies,

Convaincue que l’adoption d’une définition de l’agression devrait avoir pour effet de décourager un agresseur éventuel, faciliterait la constatation des actes d’agression et l’exécution des mesures propres à les réprimer et permettrait de sauvegarder les droits et intérêts légitimes de la victime et de venir à son aide,

Estimant que, bien que la question de savoir s’il y a eu acte d’agression doive être examinée compte tenu de toutes les circonstances propres à chaque cas, il est néanmoins souhaitable de formuler des principes fondamentaux qui serviront de guide pour le déterminer,

Adopte la Définition de l’agression ci-après [3] :

Article premier

L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu’il ressort de la présente Définition.

Note explicative. — Dans la présente Définition, le terme "État" :

a) Est employé sans préjuger la question de la reconnaissance ou le point de savoir si un État est Membre de l’Organisation des Nations Unies ;

b) Inclut, le cas échéant, le concept de "groupe d’États".

Article 2

L’emploi de la force armée en violation de la Charte par un État agissant le premier constitue la preuve suffisante à première vue d’un acte d’agression, bien que le Conseil de sécurité puisse conclure, conformément à la Charte, qu’établir qu’un acte d’agression a été commis ne serait pas justifié compte tenu des autres circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d’une gravité suffisante.

Article 3

L’un quelconque des actes ci-après, qu’il y ait eu ou non déclaration de guerre, réunit, sous réserve des dispositions de l’article 2 et en conformité avec elles, les conditions d’un acte d’agression :

a) L’invasion ou l’attaque du territoire d’un État par les forces armées d’un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou toute annexion par l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre État ;

b) Le bombardement, par les forces années d’un État, du territoire d’un autre État, ou l’emploi de toutes armes par un État contre le territoire d’un autre État ;

c) Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces années d’un autre État ;

d) L’attaque par les forces années d’un État contre les forces armées terrestres, navales ou aériennes, ou la marine et l’aviation civiles d’un autre État ;

e) L’utilisation des forces armées d’un État qui sont stationnées sur le territoire d’un autre État avec l’accord de l’État d’accueil, contrairement aux conditions prévues dans l’accord ou toute prolongation de leur présence sur le territoire en question au-delà de la terminaison de l’accord ;

f) Le fait pour un État d’admettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d’agression contre un État tiers ;

g) L’envoi par un État ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre État d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle action.

Article 4

L’énumération des actes ci-dessus n’est pas limitative et le Conseil de sécurité peut qualifier d’autres actes d’actes d’agression conformément aux dispositions de la Charte.

Article 5

1. Aucune considération de quelque nature que ce soit, politique, économique, militaire ou autre, ne saurait justifier une agression.

2. Une guerre d’agression est un crime contre la paix internationale. L’agression donne lieu à responsabilité internationale.

3. Aucune acquisition territoriale ni aucun avantage spécial résultant d’une agression ne sont licites ni ne seront reconnus comme tels.

Article 6

Rien dans la présente Définition ne sera interprété comme élargissant ou diminuant d’une manière quelconque la portée de la Charte, y compris ses dispositions concernant les cas dans lesquels l’emploi de la force est légitime.

Article 7

Rien dans la présente Définition, et en particulier l’article 3, ne pourra en aucune manière porter préjudice au droit à l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance, tel qu’il découle de la Charte, des peuples privés par la force de ce droit et auxquels fait référence la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, notamment les peuples qui sont soumis à des régimes coloniaux ou racistes ou à d’autres formes de domination étrangère ; ainsi qu’au droit de ces mêmes peuples de lutter à cette fin et de chercher et de recevoir un appui, conformément aux principes de la Charte et en conformité avec la Déclaration susmentionnée.

Article 8

Dans leur interprétation et leur application, les dispositions qui précèdent sont liées entre elles et chaque disposition doit être interprétée dans le contexte des autres dispositions.

[1Documents officiels de l’Assemblée générale, vingt-neuvième session, Supplément n° 19 (A/9619 et Corr.l).

[2Résolution 2625 (XXV), annexe.

[3On trouvera des notes explicatives concernant les articles 3 et 5 dans le paragraphe 20 du rapport du Comité spécial pour la question de la définition de l’agression [Documents officiels de l’Assemblée générale, vingt-neuvième session, Supplément nº 19 (A/9619 et Corr.l)]. Le rapport de la Sixième Commission (A/9890) contient, aux paragraphes 9 et 10, des déclarations relatives à la Définition.